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Décisions

CA Besançon, 1re ch., 1 juillet 2025, n° 24/00260

BESANÇON

Arrêt

Autre

CA Besançon n° 24/00260

1 juillet 2025

MW/[Localité 5]

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° de rôle : N° RG 24/00260 - N° Portalis DBVG-V-B7I-EXTN

COUR D'APPEL DE BESANÇON

1ère chambre civile et commerciale

ARRÊT DU 01 JUILLET 2025

Décision déférée à la Cour : jugement du 02 janvier 2024 - RG N°21-3778 - TRIBUNAL DE COMMERCE DE BELFORT

Code affaire : 50B - Demande en paiement du prix ou tendant à faire sanctionner le non-paiement du prix

COMPOSITION DE LA COUR :

M. Michel WACHTER, président de chambre

M. Cédric SAUNIER et Mme Bénédicte MANTEAUX, conseillers

Greffier : Mme Fabienne ARNOUX, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DEBATS :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés devant M. Michel WACHTER, président, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour à M. Cédric SAUNIER et Mme Bénédicte MANTEAUX, conseillers.

L'affaire oppose :

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.C.I. DES BOUQUIERES

Sise [Adresse 1]

Immatriculée au RCS de [Localité 3] sous le numéro 483 731 998

Représentée par Me Pierre-Etienne MAILLARD, avocat au barreau de MONTBELIARD

ET :

INTIMÉE

SARL TESSEO agissant porsuites et diligences de son gérant en exercice

Sise [Adresse 2]

Immatriculée au RCS de [Localité 6] sous le numéro 793 512 914

Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant

Représentée par Me Sophie GALLET, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Mme Fabienne ARNOUX, greffier lors du prononcé.

*************

Le 8 septembre 2005, la SCI des [Adresse 4] a donné à bail commercial à la société [P] des locaux industriels à usage de magasin, atelier et bureaux, ce bail ayant été renouvelé le 14 janvier 2015.

La société [P] a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, et, par jugement du 10 septembre 2019, le tribunal de commerce de Belfort a arrêté un plan de cession au profit de la SARL Tesseo, avec faculté de substitution en faveur d'une société filiale à constituer.

La société Tesseo a alors constitué la SAS [P] Serrurerie Menuiseries, qui a été immatriculée le 15 octobre 2019, et qu'elle s'est substituée par acte de cession du 12 décembre 2019.

La société [P] Serrurerie Menuiseries a donné congé à la SCI des [Adresse 4] pour l'échéance du 31 août 2020, date a laquelle elle a libéré les lieux.

Par jugement du 25 juin 2021, le tribunal de commerce de Belfort a ouvert la liquidation judiciaire de la société [P] Serrurerie Menuiseries. Dans ce cadre, la SCI des [Adresse 4] a déclaré une créance de 292 455,55 euros au titre d'un arriéré locatif.

Par exploit du 6 décembre 2021, la SCI des [Adresse 4] a fait assigner la société Tesseo devant le tribunal de commerce de Belfort en paiement d'une somme de 289 787,32 euros. Elle a fait valoir qu'en présentant une offre à son nom à l'administrateur judiciaire de la société [P], la société Tesseo s'était engagée personnellement au paiement des loyers dus par le bailleur, subsidiairement qu'en s'abstenant de réaliser un apport de trésorerie au profit de l'activité reprise, la société Tesseo avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle à l'égard de la bailleresse, encore plus subsidiairement que la société [P] Serrurerie Menuiseries n'ayant pas d'existence à la date du plan de cession, elle ne pouvait pas être titulaire du bail, cette titularité appartenant à la société Tesseo, qui était tenue à l'exécution du bail envers la SCI.

La société Tesseo s'est opposée aux demandes formées à son encontre, et a sollicité reconventionnellement la condamnation de la SCI des [Adresse 4] à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour action abusive, en exposant qu'elle avait été régulièrement substituée par la société [P] Serrurerie Menuiseries conformément à la faculté qui lui était offerte par le tribunal de commerce dans le jugement arrêtant le plan de cession.

Par jugement du 2 janvier 2024, le tribunal de commerce a :

- débouté la SCI des [Adresse 4] de sa demande tendant à voir condamner la société Tesseo à lui payer la somme de 289 787,32 euros sur le fondement de l'article L. 642-9 alinéa 3 du code de commerce ;

- débouté la SCI des [Adresse 4] de sa demande à titre subsidiaire tendant à voir condamner la société Tesseo à lui payer la somme de 289 787,32 euros à titre de dommages et intérêts ;

- débouté la SCI des Bouquières de sa demande à titre subsidiaire tendant à voir condamner la société Tesseo a lui payer la somme 289 787,32 euros au titre d'arriérés de loyers et de frais de remise en état ;

- condamné la SCI des Bouquières à payer à la société Tesseo la somme de 1 000 euros pour action abusive et l'a déboutée du surplus de sa demande ;

- condamné la SCI des Bouquières à payer à la société Tesseo la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute du surplus de sa demande ;

- rappelé l'exécution provisoire de droit du présent jugement en application de l'article 514 du code de procédure civile ;

- condamné la SCI des Bouquières à supporter les entiers dépens de la présente instance, dont les frais de greffe du présent jugement s'élevant à la somme de 69,59 euros ;

- débouté les parties du surplus de leurs conclusions, fins et prétentions.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu :

- qu'il était de jurisprudence constante que l'engagement de poursuite des contrats résultant du plan arrêté par le tribunal ne s'étendait pas à la garantie de la bonne exécution des obligations en résultant par le cessionnaire substitué, sauf mention contraire, laquelle était en l'espèce inexistante ; que la société Tesseo n'était donc pas garante de l'exécution des engagements souscrits pour le compte de la société [P] Serrurerie Menuiseries ;

- s'agissant de la faute invoquée par la SCI des Bouquières et consistant en l'absence de réalisation par la société Tesseo de l'apport de trésorerie de 400 000 euros tel que prévu par le jugement arrêtant le plan de cession, que le cabinet comptable attestait que les apports de la société Tesseo s'élevaient à la somme de 523 805,27 euros, savoir 127 500 euros au titre du capital social et 342 736,24 euros d'apport en compte courant d'associé ; que c'était à tort que la SCI indiquait qu'un apport en capital n'était pas un apport en trésorerie, alors que le capital social, lorsqu'il était constitué d'un apport en numéraire et qu'il était totalement libéré, constituait la trésorerie de départ de la société ; que, s'agissant de l'apport en compte courant, la SCI n'apportait aucun élément probant quant à son allégation selon laquelle il avait pu être partiellement récupéré par des facturations abusives de prestations administratives, alors qu'au jour de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société [P] Serrurerie Menuiseries, le solde du compte courant d'associé s'élevait à 342 736,24 euros, de sorte qu'il pouvait être constaté un apport en trésorerie total de 470 236.24 euros, ce dont il était déduit que la société Tesseo avait respecté son engagement ; qu'ainsi, la responsabilité tant délictuelle que contractuelle de la société Tesseo ne pouvait être engagée, alors par ailleurs, s'agissant de la responsabilité contractuelle, qu'aucun contrat ne liait les parties ;

- que le jugement de cession avait confié la gestion de l'entreprise à la société constituée par la société Tesseo dans l'attente de la régularisation des actes de cession, sous sa seule responsabilité et ce à compter de la date d'entrée en jouissance ; qu'en application de l'article 1843 du code civil, la société Tesseo ne saurait être considérée comme étant le preneur du bail, et n'entrait pas dans la chaîne des preneurs successifs ;

- qu'au regard de la constance de la jurisprudence selon laquelle l'engagement de poursuite des contrats résultant du plan arrêté par le tribunal ne s'étendait pas à la garantie avec les cocontractants cédés, de la bonne exécution des obligations en résultant par le cessionnaire substitué, il y avait lieu de retenir le caractère abusif de l'action engagée par la demanderesse.

La SCI des [Adresse 4] a relevé appel de cette décision le 19 février 2024.

Par conclusions récapitulatives transmises le 14 octobre 2024, l'appelante demande à la cour :

- de réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

- de juger qu'en présentant une offre à son nom à l'administrateur judiciaire de la SAS [P], la SARL Tesseo s'est engagée personnellement au paiement des loyers dus au bailleur ;

- de juger qu'en s'abstenant de régler les loyers dus, la SAS [P] Serrurerie Mensuiseries n'a pas exécuté l'engagement de la SARL Tesseo de reprendre le bail commercial ;

- de juger que la garantie solidaire de la SARL Tesseo est engagée à ce titre ;

- de juger qu'en s'abstenant de réaliser un apport de trésorerie de 400 000 euros au profit de l'activité reprise, la SARL Tesseo a commis une faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle à l'égard de la SCI des [Adresse 4] ;

- à défaut, de juger que ce faisant, la SARL Tesseo a engagé sa responsabilité contractuelle ;

- de juger que la SAS [P] Serrurerie Menuiseries n'existait pas à la date du 11 septembre 2019, et qu'elle ne pouvait être titulaire d'un bail ni être tenue des droits et obligations en découlant à cette date ;

- de juger que les engagements contractés et les actes accomplis par la SARL Tesseo au nom de la SAS [P] Serrurerie Mensuiseries en formation, n'ont pas été repris par celle-ci ;

- de juger qu'elle est indéfiniment responsable des actes ainsi accomplis ;

- de juger que la SARL Tesseo était locataire de la SCI des [Adresse 4] du 11 septembre au 12 décembre 2019, et qu'elle occupait les locaux sous sa seule responsabilité ;

- de juger que la SARL Tesseo est dès lors tenue au paiement du loyer et des charges et de l'exécution des conditions du bail envers le bailleur, pour une durée de trois ans ;

- de condamner en conséquence la SARL Tesseo à payer à la SCI des [Adresse 4] la somme de 289 778,18 euros ;

- de débouter la SARL Tesseo de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, et de rejeter son appel incident ;

- de la condamner encore à payer à la SCI des [Adresse 4] la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de la condamner enfin aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 15 mai 2025, la société Tesseo demande à la cour :

Vu l'article L. 642-9 ou 12 du code de commerce,

Vu les articles 1240 et suivants du code civil,

Vu le régime juridique du bail commercial,

Vu l'article 378 du code de procédure civile,

- de déclarer l'appel de la SCI des Bouquières mal fondé ;

- de le rejeter ;

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SCI des [Adresse 4] de sa demande principale de garantie à hauteur de 289 787,32 euros fondée sur l'article L.642-9 alinéa 3 du code de commerce ;

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SCI des [Adresse 4] de sa demande subsidiaire de dommages-intérêts à hauteur de 289 787,32 euros fondée sur la défaillance délictuelle de la société Tesseo SARL dans son engagement financier ;

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SCI des [Adresse 4] de sa demande subsidiaire de dommages-intérêts à hauteur de 289 787,32 euros fondée subsidiairement sur la défaillance contractuelle de la société Tesseo SARL dans son engagement financier ;

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SCI des [Adresse 4] de sa demande subsidiaire d'arriérés de loyers et de frais de remise en état à hauteur de 289 787,32 euros fondée sur les manquements contractuels de la société Tesseo SARL aux dispositions du bail commercial ;

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SCI des Bouquières à la somme de 1 000 euros au titre de l'action abusive ;

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SCI des Bouquières à la somme de 2 000 euros au titre de l'indemnité d'article 700 du code de procédure civile ;

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SCI des Bouquières aux entiers dépens de la première instance ;

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné l'exécution provisoire de droit pour le jugement rendu ;

Ce faisant,

- de débouter la SCI des Bouquières de toutes ses prétentions, fins, moyens et conclusions en ce qu'elles sont dirigées contre la société Tesseo SARL ;

- de juger qu'il y a absence de garantie de la société Tesseo vis-à-vis du bailleur SCI des [Adresse 4] au titre de l'article L.642-9 alinéa 3 du code de commerce ;

- de juger qu'il y a absence de qualité de locataire de la société Tesseo vis-à-vis du bailleur SCI des [Adresse 4] au titre du bail du 8 septembre 2005 ;

- de juger qu'il y a absence de faute tant de nature délictuelle que de nature contractuelle de la société Tesseo vis-à-vis du bailleur SCI des Bouquières dans la réalisation de l'apport de trésorerie ;

- de juger qu'il y a absence de préjudices causés par la société Tesseo vis-à-vis du bailleur SCI des Bouquières ;

En tout état de cause,

- de condamner la SCI des Bouquières à la somme de 3 000 euros au titre de l'action abusive à hauteur d'appel ;

- de condamner la SCI des Bouquières aux entiers dépens à hauteur d'appel ;

- de condamner la SCI des Bouquières à la somme de 6 000 euros au titre de l'indemnité d'article 700 du code de procédure civile correspondant à la somme des frais engagés pour la postulation à hauteur de cour et la défense à hauteur de cour ;

- de déclarer l'arrêt à intervenir exécutoire par provision sans caution nonobstant pourvoi en cassation (sic).

La clôture de la procédure a été prononcée le 27 mai 2025.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

Sur ce, la cour,

A l'audience du 17 juin 2025 à laquelle le dossier a été appelé, seul le conseil de l'intimée était présent, et a formulé ses observations.

La cour n'étant pas en possession du dossier de pièces de l'appelante, le greffe a pris l'attache du conseil de celle-ci pour lui demander la transmission de son dossier en vue du délibéré.

Ce conseil a alors indiqué au greffe qu'il n'avait pas été informé de la date d'audience, ni été destinataire d'une ordonnance de clôture, et a fait valoir qu'en l'ignorance de ces éléments, il pensait légitimement disposer du temps nécessaire pour répliquer aux conclusions transmises le 15 mai 2025 par son contradicteur.

Après vérification sur l'applicatif WinciCA, il est constaté qu'en raison d'un dysfonctionnement manifeste du système informatique, qui reste inexpliqué à ce jour, seule l'intimée a été rendue destinataire tant de l'avis de date d'audience du 27 février 2025 que de l'ordonnance de clôture du 27 mai 2025, mais que ces éléments n'ont en effet pas été portés à la connaissance de l'appelante et de son conseil.

Cette situation porte directement atteinte au principe du contradictoire, ce qui impose que soit rabattue l'ordonnance de clôture du 27 mai 2025, que soient rouverts les débats, et que l'affaire soit renvoyée à la mise en état pour la poursuite des échanges de conclusions.

Par ces motifs

Statuant contradictoirement, après débats en audience publique,

Ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture du 27 mai 2025 et la réouverture des débats ;

Renvoie l'affaire à la mise en état ;

Réserve les dépens.

Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.

Le greffier, Le président,

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