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Décisions

CA Chambéry, 1re ch., 1 juillet 2025, n° 25/00167

CHAMBÉRY

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CA Chambéry n° 25/00167

1 juillet 2025

GS/SL

N° Minute

[Immatriculation 1]/405

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 01 Juillet 2025

N° RG 25/00167 - N° Portalis DBVY-V-B7J-HVBI

Décision attaquée : Ordonnance du Juge de la mise en état d'[Localité 2] en date du 29 Novembre 2024

Appelante

Société SIMPSON AND LAWRENCE CORPORATION, dont le siège social est situé [Adresse 7] - . USA

Représentée par la SELARL BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SELARL KAMS, avocats plaidants au barreau de PARIS

Intimée

Société PRIMA KLIMA - NO LIMITS ! TRAVEL AND EVENT GMBH, dont le siège social est situé [Adresse 4]/ALLEMAGNE

Représentée par la SELARL PADZUNASS SALVISBERG & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'ALBERTVILLE

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Date de l'ordonnance de clôture :

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 13 mai 2025

Date de mise à disposition : 01 juillet 2025

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Composition de la cour :

- Mme Nathalie HACQUARD, Présidente,

- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,

- M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,

avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

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Faits et procédure

Suivant contrat signé à Berlin et Prague le 31 mai ou le 1er juin 2019, et rédigé en allemand, la société de droit américain Simpson And Lawrence Corporation a donné à bail à la société de droit allemand Prima Klima-No Limits ! Travel And Even Gmbh, ayant pour objet social l'organisation de voyages, notamment des séjours au ski pour une clientèle allemande, un chalet dénommé « Amandine » situé à [Adresse 5], pour une période allant du 1er juin 2019 au 31 mai 2030.

Les parties ont conclu le 19 avril 2023 un avenant prévoyant le paiement en avance, au profit du gérant de la bailleresse, M. [O] [V], sur son compte personnel, des loyers afférents à la période allant de juin à décembre 2023, à hauteur d'une somme totale de 21 000 euros.

Par un courrier en date du 14 juin 2023, le conseil de la société bailleresse a informé sa contractante de ce que M. [O] [V] avait vendu la totalité de ses parts sociales aux consorts [Z], et de ce qu'en raison de travaux de rénovation qui devaient être entrepris, le chalet ne serait plus disponible à la location pour la saison d'hiver 2023/2024.

Malgré les protestations formulées par sa locataire dans un courrier du 23 juin 2023, la société de droit américain Simpson And Lawrence Corporation a repris possession du chalet.

Par exploit en date du 24 octobre 2023, la société de droit allemand Prima Klima-No Limits ! Travel And Even Gmbh a fait assigner la société de droit américain Simpson And Lawrence Corporation devant le tribunal judiciaire d'Albertville aux fins notamment de voir prononcer la résiliation du contrat de bail commercial liant les parties, pour défaut de délivrance du bien par le bailleur, aux torts exclusifs de ce dernier.

Par conclusions d'incident en date du 11 avril 2024, la société de droit américain Simpson And Lawrence Corporation a saisi le juge de la mise en état d'une exception d'incompétence au profit des tribunaux de l'Etat du Delaware, lieu de son siège social, et à titre subsidiaire au profit du tribunal de commerce de Chambéry.

Par conclusions en date du 17 septembre 2024, la société de droit allemand Prima Klima-No Limits ! Travel And Even Gmbh a saisi le juge de la mise en état d'une demande d'expertise tendant à évaluer le préjudice subi suite à la reprise irrégulière du bien par le bailleur, ainsi que de demandes de provisions.

Par ordonnance du 29 novembre 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Albertville a :

- Rejeté les exceptions d'incompétence soulevées par la société de droit américain Simpson And Lawrence Corporation ;

- Rejeté la demande d'expertise en l'état des pièces et explications de la cause ainsi que par suite la demande de provision ad litem ;

- Condamné la société de droit américain Simpson And Lawrence Corporation à payer à la société de droit allemand Prima Klima-No Limits ! Travel And Even Gmbh les sommes de :

- 40.000 euros à titre de provision à valoir sur les préjudices causés par la rupture fautive du contrat liant les parties,

- 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Renvoyé les parties à l'audience de mise en état du 20 février 2025 pour conclusions au fond de la société de droit allemand Prima Klima-No Limits ! Travel And Even GMBH notamment sur la liquidation de son préjudice ;

- Réservé les dépens jusqu'au jugement sur le fond.

Au visa principalement des motifs suivants :

' le litige porte sur la location d'un bien immobilier situé en France et relève donc de la compétence de la juridiction matériellement compétente du lieu de situation du bien, conformément à l'article 24 du Règlement UE n°1215/2012 du 12 décembre 2012 ;

' la détermination de la loi applicable relève du juge du fond ;

' le demandeur est fondé à saisir le tribunal judiciaire dans le cadre d'une action personnelle mobilière, s'agissant d'un litige mixte dans lequel le défendeur ne prouve pas sa qualité de commerçant ;

' au stade de la mise en état, une expertise n'est pas actuellement justifiée dès lors qu'il n'est pas expliqué en quoi la production des comptes sociaux en France serait impropre à servir de base à l'appréciation des pertes d'exploitation subies ;

' au regard de la durée de la perte d'exploitation subie entre 2023 et 2030, soit sept ans, par la locataire, et de la difficulté à retrouver un local similaire, l'octroi d'une provision de 40.000 euros ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

Par déclaration au greffe de la cour d'appel du 6 février 2025, la société de droit américain Simpson And Lawrence Corporation a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions hormis en ce qu'elle a rejeté la demande d'expertise en l'état des pièces et explications de la cause ainsi que par suite la demande de provision ad litem.

Prétentions et moyens des parties

Aux termes de ses dernières écritures du 13 février 2025, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société de droit américain Simpson And Lawrence Corporation sollicite l'infirmation des chefs critiqués de la décision et demande à la cour, statuant à nouveau, de

- Déclarer les tribunaux français incompétents au profit des tribunaux de l'état du Delaware ;

À titre subsidiaire,

- Déclarer le tribunal judiciaire d'Albertville incompétent au profit du tribunal de commerce de Chambéry ;

En toute hypothèse,

- Dire que les parties sont liées par un contrat de droit allemand ;

- Débouter la société Prima Klima ' No Limits ! Travel And Event Gmbh de ses demandes de provision et de dommages intérêts pour défaut de preuve ;

- Débouter la société Prima Klima ' No Limits ! Travel And Event Gmbh de sa demande des dommages intérêts au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Prima Klima ' No Limits ! Travel And Event Gmbh au paiement de la somme de 5.000 euros à un titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, avec pour ceux d'appel application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Bollonjeon, avocat.

Au soutien de ses prétentions, la société de droit américain Simpson And Lawrence Corporation fait notamment valoir que :

' en application de règles de compétence territoriale prévues aux articles 42 et 43 du code de procédure civile, le tribunal compétent est celui du lieu du siège du défendeur, à savoir les tribunaux de l'Etat du Delaware, lieu de son siège social ;

' les parties ont conclu un contrat de location saisonnière, le 31 mai 2019, soumis au droit allemand qui s'applique aux relations contractuelles, et non le contrat du 1er juin 2019 produit par la requérante;

' dès lors que le litige oppose deux sociétés commerciales et ne concerne pas le statut spécial des baux commerciaux, seul le tribunal de commerce est compétent pour en connaître ;

' elle n'a jamais reçu la moindre avance de loyer au titre de la saison d'hiver 2023/2024, de sorte qu'il n'est justifié d'aucun préjudice de la part de sa locataire qui justifierait l'octroi d'une provision.

Par dernières écritures du 29 avril 2025, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société de droit allemand Prima Klima-No Limits ! Travel And Even Gmbh demande de son côté à la cour de :

- Confirmer en totalité l'ordonnance de mise en état rendue le 29 novembre 2024 par Monsieur le Juge de la mise en état près le tribunal judiciaire d'Albertville, ayant rejeté les exceptions d'incompétence soulevées par la société de droit américain Simpson And Lawrence Corporation ;

- Débouter la société de droit américain Simpson And Lawrence Corporation de la totalité de ses demandes ;

Reconventionnellement,

- Condamner la société de droit américain Simpson And Lawrence Corporation à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Salvisberg, avocat, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la société de droit allemand Prima Klima-No Limits ! Travel And Even Gmbh fait notamment valoir que :

' les tribunaux français sont compétents, quelle que soit la nationalité des parties, au regard du lieu de situation de l'immeuble, ainsi qu'en application de la théorie des gares principales ;

' toutes les conditions d'assujettissement au statut des baux commerciaux sont réunies dès lors que le contrat liant les parties est un bail portant sur un immeuble situé en France dans lequel est exploité le fonds de commerce de la société Prima Klima, qui est valablement immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Chambéry;

' un bail avec exploitation saisonnière est soumis au statut des baux commerciaux ;

' seul le contrat du 1er juin 2019 s'applique aux relations contractuelles ;

' le litige relève ainsi de la compétence du tribunal judiciaire d'Albertville, en application des dispositions de l'article R. 211-3-26, ou de l'article R 211-3 du code de l'organisation judiciaire, puisque la société de droit américain Simpson And Lawrence Corporation n'a pas une nature commerciale ;

' elle est fondée à obtenir une provision à valoir sur son indemnité de remplacement, consécutive à la perte de son fonds de commerce.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 13 mai 2025.

Motifs de la décision

I - Sur l'exception d'incompétence au profit de l'Etat du Delaware (Etats-Unis)

La société de droit américain Simpson And Lawrence Corporation soutient que dès lors que son siège social est situé dans l'Etat du Delaware, aux Etats-Unis, et qu'elle est attraite à l'instance en qualité de défendeur, les juridictions françaises ne sont pas compétentes pour connaître du litige, conformément aux articles 42 et 43 du code de procédure civile.

Ces deux textes prévoient, respectivement, que « la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur », et que ce lieu s'entend, dans le cas d'une personne morale, du lieu où elle est établie.

Il est constant, par ailleurs, que le litige qui oppose les parties ne porte nullement sur un droit réel immobilier, permettant de retenir la compétence du lieu de situation de l'immeuble sur le fondement de l'article 44 du code de procédure civile.

Cependant, comme l'a relevé le premier juge, en présence d'une demande émanant d'une société domiciliée sur le territoire de l'Union Européenne (en l'espèce l'Allemagne) formée contre une société domiciliée aux Etats-Unis, portant sur la location d'un bien situé en France, ce sont les dispositions du Règlement UE n°1215/2012 du 12 décembre 2012, concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale qui doivent recevoir application, et non les dispositions de droit interne.

L'article 6 1. de ce Règlement prévoit que « si le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un Etat membre, la compétence est, dans chaque Etat membre, régie par la loi de cet Etat membre, sous réserve de l'application de l'article 18, paragraphe 1, de l'article 21, paragraphe 2 et des articles 24 et 25 ». Or, aux termes de l'article 24, « sont seules compétentes les juridictions ci-après d'un Etat membre, sans considération de domicile des parties, 1) en matière de droits réels immobiliers et de baux d'immeubles, les juridictions de l'Etat membre où l'immeuble est situé ».

Force est de constater qu'en l'espèce, l'action qui est engagée par la société de droit allemand Prima Klima-No Limits ! Travel And Even Gmbh dans le cadre de la présente instance porte de toute évidence sur un contrat de bail afférent à un immeuble situé en France. Du reste, la société de droit américain Simpson And Lawrence Corporation ne développe dans ses écritures aucune argumentation qui serait susceptible de remettre en cause l'application au litige des dispositions de l'article 24 précité.

Les juridictions françaises ne peuvent ainsi que retenir leur compétence et l'appelante sera donc déboutée de cette exception.

II - Sur l'exception d'incompétence au profit du tribunal de commerce de Chambéry

L'article R. 211-3-26 du code de l'organisation judiciaire attribue une compétence exclusive au tribunal judiciaire en matière de baux commerciaux, à l'exception des contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé et renouvelé, baux professionnels et conventions d'occupation précaire en matière commerciale.

L'article R 145-23 du code de commerce, inséré dans un chapitre V relatif au « bail commercial », dispose quant à lui que « les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. Il est statué sur mémoire. Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l'alinéa précédent. La juridiction territorialement compétente est celle du lieu de la situation de l'immeuble ».

Le statut des baux commerciaux défini aux articles L. 145-1 et 145-2 du code de commerce s'applique à tout contrat par lequel un propriétaire loue un immeuble qui lui appartient à un preneur qui est commerçant, industriel ou artisan afin que celui-ci puisse y exercer une activité commerciale, industrielle ou artisanale.

L'intimée estime que les relations contractuelles entre les parties se trouvent régies par le statut des baux commerciaux, alors que de son côté, la société de droit américain Simpson And Lawrence Corporation soutient avoir conclu un contrat de location saisonnière soumis au droit allemand.

Deux conventions différentes, toutes deux rédigées en allemand, et contenant les signatures et tampons des parties, sont versées aux débats :

- un contrat daté du 31 mai 2019, dont se prévaut l'appelante, portant, selon la traduction libre qui en est faite, sur la location du chalet Amandine, du 1er décembre 2019 au 30 avril 2020 et pour neuf saisons de location (chaque hiver, de décembre à avril), des années 2020-2029, jusqu'à la fin du mois d'avril 2030, en vue de l'organisation de nuitées et de l'accueil des participants à des voyages de groupe d'environ 46 personnes par semaine, jusqu'à un total de 675 personnes payantes, pour un loyer annuel de 81 055 euros TTC, payable en trois fois, les 15 octobre, 30 janvier et 30 mars de chaque saison de location ;

- un contrat daté du 1er juin 2019, dont se prévaut l'intimée, qui s'intitule « contrat de bail du 1er juin 2019 au 31 mai 2030 », aux termes duquel la société de droit allemand Prima Klima-No Limits ! Travel And Even Gmbh prend à bail le chalet litigieux, du 1er juin 2019 au 31 mai 2030, aux fins d'hébergement des participants aux voyages de groupes provenant d'Allemagne pour une contenance de 46 personnes par semaine, moyennant un loyer fixe de 3 000 euros par mois, payable avant le 15 de chaque mois et un loyer variable de 13 euros par nuit et par personne hébergée, et mettant à la charge du locataire les coûts de fonctionnement du bâtiment (électricité, eau, gaz et nettoyage).

La cour constate, tout d'abord, qu'aucun de ces deux documents ne prévoit expressément que les relations contractuelles seront régies par le droit allemand. Et les seules circonstances que les contrats soient rédigés en allemand, et que la convention du 31 mai 2019 stipule une clause d'indexation se référant à l'indice du coût de la vie constaté par l'Office fédéral (allemand) de la statistique, ne peuvent suffire à caractériser la volonté expresse des parties de soumettre leurs rapports contractuels au droit allemand, étant observé que le contrat a été signé non seulement à [Localité 3], mais également à [Localité 6].

Or, dans des situations de conflit de lois, c'est le règlement Rome I (règlement CE n°593/2008) du 17 juin 2008 qui détermine la loi applicable dans les litiges civils et commerciaux au sein de l'Union européenne, et son article 4 paragraphe 1er c° prévoit expressément que le droit applicable au droit réel immobilier et au bail est, à défaut de volonté contraire exprimée par les parties, le droit de la localisation de l'immeuble, soit en l'espèce le droit français.

Il convient d'observer, ensuite, que la convention signée le 1er juin 2019 doit nécessairement prévaloir sur celle du 31 mai 2019, en ce qu'elle a été conclue postérieurement, et en ce que sa traduction a été faite par un traducteur assermenté, et non de manière libre, comme la première. Du reste, la société de droit américain Simpson And Lawrence Corporation ne produit aucun élément susceptible de remettre en cause la validité de la convention du 1er juin 2019, et en particulier sa signature ainsi que son tampon qui s'y trouvent apposés.

Il y a lieu de relever, surtout, que la lecture de l'avenant qui a été régularisé entre les parties le 19 avril 2023 tend à confirmer que les rapports contractuels entre les parties étaient bien basés sur le contrat signé le 1er juin 2019, et non sur celui du 31 mai 2019. En effet, cet avenant se rapporte clairement au paiement d'un loyer mensuel de 3 000 euros (soit 21 000 euros sur sept mois), et se réfère explicitement au contrat de bail du 1er juin 2019.

Il n'est pas contesté, en outre, que la société de droit allemand Prima Klima-No Limits ! Travel And Even Gmbh a occupé le bien de manière continue depuis la prise d'effet du bail, et non uniquement lors des périodes hivernales, qu'elle n'a jamais restitué les clés à sa bailleresse ni établi le moindre état des lieux à l'expiration des saisons d'hiver successives, qu'elle a assuré le bâtiment pendant toute l'année et en a assumé l'intégralité des charges fixes annuelles (gaz, eau, électricité...), et qu'enfin, il se déduit tant des attestations que du constat dressé le 22 août 2023 qu'elle verse aux débats que le chalet était équipé par des biens lui appartenant, qui restaient sur place entre chaque saison hivernale.

Il ne peut qu'être déduit de ces constatations que ce n'est nullement une location saisonnière qui a été conclue entre les parties, mais bien un contrat de bail prévoyant une jouissance continue du bien par la locataire pendant toute l'année. Il est en outre de jurisprudence constante qu'un bail avec une exploitation saisonnière reste soumis au statut des baux commerciaux, dès lors que la jouissance des lieux est continue (voir sur ce point notamment: Cour de cassation, Civ 3ème, 3 janvier 1978, n°75-13.982).

L'intimée justifie par ailleurs clairement de ce qu'elle exploitait une activité commerciale dans les lieux qui lui étaient donnés à bail, en délivrant des prestations de tour operator, hôtelières et para-hôtelières au profit de groupes de touristes, notamment allemands.

L'ensemble de ces éléments caractérise l'existence d'un bail commercial conclu entre les parties, justifiant de retenir la compétence exclusive du tribunal judiciaire d'Albertville pour connaître du présent litige.

L'exception d'incompétence soulevée par l'appelante au profit de la juridiction consulaire sera donc également rejetée.

II - Sur la provision

En application des dispositions de l'article 789 3°, le juge de la mise en état peut accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

Aux termes de l'article L. 145-14 du code de commerce, « le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.

Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre ».

Force est de constater qu'en l'espèce, la société de droit américain Simpson And Lawrence Corporation ne fait état d'aucun motif qui serait susceptible de justifier la reprise de possession de son chalet à laquelle elle admet avoir procédé, au mépris du bail commercial conclu, en s'exonérant du paiement d'une indemnité d'éviction.

La société de droit allemand Prima Klima-No Limits ! Travel And Even Gmbh verse notamment aux débats une attestation établie par son expert comptable qui mentionne qu'elle a réalisé, au cours des années 2018, 2019 et 2023, un chiffre d'affaires cumulé de 1 462 4905, 67 euros, et un résultat respectif, au cours de ces trois années, de 88 464, 20 euros, 144 727, 68 euros et 60 661, 10 euros.

Elle apparaît par ailleurs fondée, compte tenu du caractère brutal de la reprise des lieux, telle qu'elle se déduit notamment des attestations qu'elle verse aux débats, à se prévaloir d'un préjudice moral.

Il y a lieu de tenir compte également de la durée du bail, qui devait normalement se poursuivre pendant encore sept années lors de la reprise.

Ces éléments justifient amplement l'octroi d'une provision de 40 000 euros à l'intimée, à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.

III - Sur les demandes accessoires

En tant que partie perdante, la société de droit américain Simpson And Lawrence Corporation sera condamnée aux dépens d'appel, avec distraction au profit de Maître Paul Salvisberg, avocat, ainsi qu'à payer à l'intimée la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais qu'elle a exposés en cause d'appel.

La demande qui est formée de ce chef par l'appelante sera enfin rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi, dans les limites de sa saisine,

Confirme en toutes ses dispositions entreprises l'ordonnance rendue le 29 novembre 2024 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Albertville,

Y ajoutant,

Condamne la société de droit américain Simpson And Lawrence Corporation aux entiers dépens d'appel, avec distraction au profit de Maître Paul Salvisberg, avocat,

Condamne la société de droit américain Simpson And Lawrence Corporation à payer à la société de droit allemand Prima Klima-No Limits ! Travel And Even Gmbh la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés en cause d'appel,

Rejette la demande formée de ce chef par la société de droit américain Simpson And Lawrence Corporation.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

et signé par Nathalie HACQUARD, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie délivrée le 01 juillet 2025

à

la SELARL BOLLONJEON

la SELARL PADZUNASS SALVISBERG & ASSOCIÉS

Copie exécutoire délivrée le 01 juillet 2025

à

la SELARL BOLLONJEON

la SELARL PADZUNASS SALVISBERG & ASSOCIÉS

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