CA Orléans, ch. civ., 1 juillet 2025, n° 23/01694
ORLÉANS
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'ORLÉANS
C H A M B R E C I V I L E
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 01/07/2025
Me Benjamin MARTINOT-LAGARDE
ARRÊT du : 1er JUILLET 2025
N° : - 25
N° RG 23/01694 - N° Portalis DBVN-V-B7H-G2KE
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'[Localité 11] en date du 05 Avril 2023
PARTIES EN CAUSE
APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé N°: exonération
Madame [P] [D]
née le 25 Décembre 1977 à [Localité 8]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Benjamin MARTINOT-LAGARDE, avocat au barreau d'ORLEANS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro C-45234-2023-02469 du 09/06/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 11])
Monsieur [B] [V]
né le 18 Août 1971 à [Localité 8] (CONGO)
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Benjamin MARTINOT-LAGARDE, avocat au barreau d'ORLEANS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro C-45234-2023-02468 du 21/06/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 11])
D'UNE PART
INTIMÉE :
E.U.R.L. BATI TACH entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée au capital social de [Localité 6],00 euros, inscrite au RCS d'[Localité 11] sous le numéro 814594354, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social.
[Adresse 5]
[Localité 3]
Non représentée, n'ayant pas constitué avocat
PARTIE INTERVENANTE :
S.A.S. SAULNIER - [R] ET ASSOCIES, assignée en intervention forcée, représentée par Me [L] [R], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société BATI-TACH, suite au jugement d'ouverture de liquidation judiciaire du 3 avril 2024
[Adresse 4]
[Localité 2]
Non représentée, n'ayant pas constitué avocat
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 04 Juillet 2023.
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 24 mars 2025
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l'audience publique du 24 Avril 2025 à 14h00, l'affaire a été plaidée devant M. Laurent SOUSA, Conseiller, en l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants.
Lors du délibéré, au cours duquel M. Laurent SOUSA, Conseiller a rendu compte des débats à la collégialité, la Cour était composée de:
Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,
Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
GREFFIER :
Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé publiquement le 1er juillet 2025 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Le 4 décembre 2018, M. [V] et Mme [D] ont conclu un contrat de construction de maison individuelle avec la société Maisons Pierre.
Selon acte authentique en date du 13 mars 2019, la société [Adresse 10] a promis de vendre à M. [V] et Mme [D] la vente d'un terrain à bâtir viabilisé.
Par courrier en date du 19 février 2020, M. [V] et Mme [D] ont notifié au constructeur l'annulation du contrat de construction, et les sommes versées leur ont été restituées.
Le 3 mars 2020, M. [V] et Mme [D] ont conclu un nouveau contrat de construction de maison individuelle avec la société Bati-Tach en versant un acompte de 5 977 euros. En l'absence de vente du terrain par la société [Adresse 10], M. [V] et Mme [D] ont sollicité la restitution de l'acompte versé au titre du second contrat de construction.
Par acte d'huissier de justice en date du 18 novembre 2021, la société Bati-Tach a fait assigner M. [V] et Mme [D] devant le tribunal judiciaire d'Orléans aux fins de paiement de l'indemnité forfaitaire de résiliation et de l'acompte versé à la signature du contrat.
Par jugement en date du 5 avril 2023, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire d'Orléans a :
- condamné solidairement M. [V] et Mme [D] à payer à la société Bati-Tach la somme de 2 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, au titre de l'indemnité de résiliation ;
- débouté la société Bati-Tach de sa demande en paiement de la somme de 5 977 euros correspondant au montant de l'acompte déjà versé par M. [V] et Mme [D] et qui lui restera acquis ;
- débouté M. [V] et Mme [D] de l'ensemble de leurs prétentions ;
- débouté les parties du surplus de leurs prétentions ;
- rejeté toute demande plus ample ou contraire ;
- dit n'y avoir lieu à allocation d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- laissé les dépens à la charge de M. [V] et Mme [D] qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle, dont distraction au profit de la Selarl Duplantier Mallet-[Localité 7] Rouichi.
Par déclaration en date du 4 juillet 2023, M. [V] et Mme [D] ont interjeté appel de tous les chefs du jugement sauf en ce qu'il a rejeté toute demande plus ample ou contraire et dit n'y avoir lieu à allocation d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les appelants ont fait signifier la déclaration d'appel à la société Bati-Tach par acte de commissaire de justice du 22 septembre 2023 délivré par procès-verbal de recherches infructueuses.
Par jugement du 3 avril 2024, le tribunal de commerce d'Orléans a ouvert une procédure de liquidation judiciaire au bénéfice de la société Bati-Tach et désigné la société Saulnier-[R] et associés en la personne de Maître [L] [R] en qualité de liquidateur.
Par acte de commissaire de justice en date du 13 novembre 2024, les appelants ont fait assigner la société Saulnier - [R] et associés, représentée par Maître [L] [R], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Bati-Tach, délivré à personne morale. Le liquidateur judiciaire n'a pas constitué avocat.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 13 novembre 2024, et signifiées au liquidateur judiciaire de la société Bati-Tach, M. [V] et Mme [D] demandent à la cour de :
- les déclarer recevables et bien fondés tant en leur appel qu'en leurs demandes, 'ns et prétentions, et notamment leur demande en intervention forcée formée à l'égard de la société Saulnier - [R] et associés, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Bati-Tach ;
- infirmer le jugement en ses chefs visés à la déclaration d'appel ;
Et statuant de nouveau,
- déclarer caduque de plein droit, au 16 juillet 2019, et subsidiairement au 10 décembre 2019, la promesse unilatérale de vente consentie à M. [V] et Mme [D] par la société [Adresse 10] ;
- déclarer que la condition suspensive d'acquisition du terrain prévue au contrat de construction d'une maison individuelle conclu le 3 mars 2020 entre M. [V] et Mme [D], d'une part, et la société Bati-Tach d'autre part, est défaillante, nonobstant la mention dans ledit contrat de construction de la promesse unilatérale de vente susmentionnée ;
- déclarer caduc, et subsidiairement nul, le contrat de construction en date du 3 mars 2020 ;
- débouter la société Bati-Tach et le liquidateur judiciaire de l'ensemble de leurs demandes, 'ns et conclusions, comme non fondées ;
En conséquence,
- déclarer commun et opposable l'arrêt à intervenir à la société Saulnier-[R] et associés, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Bati-Tach ;
- fixer au passif de la société Bati-Tach la somme de 5 977 €, correspondant à l'acompte réglé par M. [V] et Mme [D], outre les intérêts légaux échus visés à la déclaration de créance, soit 1 918,11 € ;
- fixer au passif de la société Bati-Tach la somme 4 000 € à titre de dommages et intérêts pour l'indemnisation des préjudices subis par M. [V] et Mme [D] ;
- fixer au passif de la société Bati-Tach la somme de 2 500 € au titre des frais irrépétibles de première instance par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- fixer au passif de la société Bati-Tach la somme 3 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel par application du même article, outre les entiers dépens pouvant être liquidés en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.
MOTIFS
I- Sur la caducité du contrat de construction
Moyens des parties
Les appelants soutiennent que la société Bati-Tach a avancé devant le premier juge qu'ils auraient fait eux-mêmes obstacle à la vente du terrain sur lequel la construction devait être érigée, et qu'ils ne pouvaient pas invoquer la caducité du contrat de construction à raison de l'impossibilité de conclure la vente ; que toutefois la promesse unilatérale de vente avait été consentie pour un délai expirant le 10 décembre 2019, soit à une date bien antérieure à celle de la lettre par laquelle M. [V] aurait prétendument pris l'initiative de solliciter le retrait du permis de construire qui lui avait été accordé ; qu'aucun établissement financier n'a accepté de leur prêter la somme dont ils avaient besoin pour financer l'opération immobilière ; que la promesse unilatérale de vente mentionnée au contrat de construction était caduque bien avant que le permis de construire ne soit retiré ; qu'en rappelant que la promesse unilatérale de vente était consentie pour un délai expirant le 10 décembre 2019 et qu'il prévoyait que la défaillance des conditions emporterait sa caducité de plein droit tout en retenant que cette promesse n'était pas caduque au moment de la signature du contrat de construction, le jugement entrepris apparaît manifestement entaché de contradiction dans ses motifs et ne pourra par suite qu'être infirmé ; qu'en outre, en ne recherchant pas si le bénéficiaire de ladite promesse était parvenu à obtenir une offre de prêt aux conditions stipulées au plus tard le 15 juillet 2019, le tribunal a entaché sa décision d'insuffisance de motivation ; qu'enfin, en leur reprochant de ne pas justifier d'une nouvelle recherche de financement après le 19 février 2020 (date de l'annulation du premier contrat de construction de maison individuelle, conclu alors avec la société Maisons Pierre) ou encore après le 3 mars 2020 (date de la signature du second contrat de construction de maison individuelle, conclu cette fois avec la société Bati-Tach), le tribunal a entaché sa décision d'erreur de droit ; que c'est de manière parfaitement mensongère que la société Bati-Tach a prétendu que ledit permis de construire aurait été retiré à leur demande ; qu'en effet, cette décision administrative est intervenue le 15 octobre 2020 et ne faisait donc pas suite à une demande de M. [V] en date du 4 novembre 2020 mais bien à une demande de la société [Adresse 10] en date du 7 octobre 2020, le promettant ayant alors trouvé un autre acquéreur ; que par ailleurs, M. [V] n'a jamais autorisé le promettant à solliciter le retrait du permis de construire initialement accordé ; que dans tous les cas, la société Bati-Tach ne contestant pas que l'acquisition du terrain objet de la promesse de vente constituait l'une des conditions suspensives du contrat de construction d'une maison individuelle ; qu'ils sont parfaitement fondés à demander au tribunal de constater la caducité dudit contrat de construction et de condamner la société Bati-Tach, sur le fondement des dispositions de l'article L.313-41 du code de la consommation, à restituer à M. [V] la somme de 5 977 euros réglée à titre d'acompte, avec intérêts au taux légal majoré de moitié à compter du 10 février 2021.
Réponse de la cour
L'article 1304-3 du code civil dispose que la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement.
Le contrat conclu entre les parties le 3 mars 2020 prévoyait la construction d'une maison individuelle sur un terrain situé lotissement « [Adresse 9] » à [Localité 12] (45), lot n° 24, à acquérir suivant promesse de vente du 13 mars 2019. L'acquisition de ce terrain était une condition suspensive du contrat de construction de maison individuelle.
La promesse de vente du terrain au profit de M. [V] et Mme [D], en date du 13 mars 2019 était consentie pour un délai expirant le 10 décembre 2019 avec les conditions suspensives d'obtention d'un permis de construire et d'obtention d'un prêt de 215 000 euros.
La promesse de vente stipule au titre de la réalisation de la condition suspensive relative au prêt :
« Le ou les prêts seront considérés comme obtenus par la remise ou la réception des offres de prêts établis conformément aux dispositions des articles L.312-1 et suivants du code de la consommation et répondant aux conditions ci-dessus et l'agrément par les assureurs du ou des emprunteurs aux contrats obligatoires d'assurances collectives, liés à ces prêts.
La réception de l'offre par le BENEFICIAIRE devra intervenir au plus tard le 15 juillet 2019 ».
Il n'est ni argué ni justifié que M. [V] et Mme [D] auraient empêché l'accomplissement de la condition suspensive de la promesse de vente du terrain relative au financement de cette acquisition. Au demeurant, ils justifient aux débats avoir sollicité un prêt dans le délai prévu par la promesse de vente mais que la banque avait refusé de faire droit à leur demande. La condition suspensive liée à l'obtention d'un prêt ne s'est donc pas réalisée de sorte que la promesse de vente était caduque, et il n'est d'ailleurs pas démontré que le promettant aurait considéré que le bénéficiaire aurait été fautif dans l'exécution des obligations mises à sa charge pour la réalisation des conditions suspensives.
La promesse de vente stipule au titre de la condition suspensive relative au permis de construire :
« Réalisation de la condition suspensive
La condition d'obtention du permis de construire s'entend d'un permis de construire exprès, purgé de tout retrait par l'administration de son propre arrêté et de tout recours gracieux et/ou contentieux devant les juridictions administratives par les tiers et/ou le Préfet.
En conséquence, la condition suspensive sera réputée réalisée sur justi'cation par le BENEFICIAIRE :
- de l'arrêté de permis de construire ;
- de l'absence de notification d'un recours administratif, gracieux ou contentieux, à l'autorité ayant procédé à la délivrance du permis de construire ainsi qu'à son bénéficiaire, dans le délai de deux (2) mois et quinze (jours) de l'affichage de cette autorisation de construire ;
- et de l'absence de tout retrait de l'arrêté par l'autorité administrative ayant procédé à sa délivrance.
[...]
Abandon du permis de construire
En cas d'abandon par le BENEFICIAIRE du projet d'acquisition pour une cause quelconque, il est convenu que le dossier du permis de construire, en l'état au jour de l'abandon, sera remis, sans aucun frais pour lui, au PROMETTANT, à titre de dédommagement partiel de l'immobilisation, indépendamment de toute autre convention et sans qu'il ait à payer quoi que ce soit.
Le BENEFICIAIRE donne dès à présent tout mandat irrévocable au PROMETTANT, qui accepte, à l'effet de procéder soit au transfert pur et simple à son profit de l'autorisation de construire obtenue, soit à son retrait pur et simple, soit à la remise pure et simple à son profit du dossier de demande en l'état au jour de l'abandon ».
Un permis de construire a été accordé par la commune de [Localité 12] au profit de M. [V] le 4 septembre 2019, mais a fait ensuite l'objet d'un retrait par une décision du maire de la commune le 15 octobre 2020 suite à une demande du promettant, la société [Adresse 10].
Les appelants produisent à ce titre un courrier de la société Lotir Centre adressé au maire de la commune le 7 octobre 2020, ainsi rédigé :
« Je soussigné, [G] [T], représentant la sté [Adresse 10], vous fait part de ma volonté d'annuler le permis de construire n° PC-045-302-l 9-MP031 accordé le 04 septembre 2019 à Mr [B] [V] par Mme [H] [U] maire de [Localité 12], sur la parcelle formant le lot n° 24 du lotissement « [Adresse 9] » à [Localité 12], pour lequel Mr [B] [V] m'a donné autorisation de retrait par l'intermédiaire de la promesse de vente signée chez Me [C] à [Localité 11], dont vous trouverez copie ci-jointe.
Suite à cette annulation, je vous signale le désengagement de M. [V] pour l'achat de ce terrain. Il sera donc remis en libre vente et un permis de construire pourra de nouveau être déposé ».
Il résulte de ces éléments que le retrait du permis de construire est la conséquence de l'abandon du projet par les appelants qui n'ont pu obtenir de financement, et ne résulte pas de leur volonté de renoncer au projet de construction. Le retrait du permis de construire, pour lequel ils avaient donné mandat au promettant dans la promesse de vente, ne caractérise donc nullement un empêchement à la réalisation des conditions suspensives de la promesse de vente.
En l'absence de financement de l'acquisition, et du fait de la caducité de la promesse de vente, M. [V] et Mme [D] ne pouvaient être tenus de déposer une nouvelle demande de permis de construire comme l'a retenu à tort le tribunal.
En considération de l'ensemble de ces éléments, la condition suspensive du contrat de construction de maison individuelle liée à l'acquisition du terrain ne s'est pas réalisée, et il n'est pas établi que M. [V] et Mme [D] pourraient en être tenus pour responsables. Il s'ensuit que le contrat de construction de maison individuelle conclu le 3 mars 2020 est caduc, de sorte que le constructeur ne peut conserver à son profit l'acompte versé par ses clients.
Aux termes de l'article L. 622-21, I, du code de commerce applicable à la sauvegarde et par renvoi de l'article L. 631-14 du même code au redressement judiciaire, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au 1 de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.
En l'espèce, l'instance a bien été reprise, les appelants justifiant de leur déclaration de créance et de la mise en cause du liquidateur judiciaire de la société Bati-Tach.
En conséquence, il convient de fixer la créance de M. [V] et Mme [D] au passif de la procédure collective de la société Bati-Tach à la somme de 5 977 euros au titre de la restitution de l'acompte versé, avec intérêts au taux légal à compter du 10 février 2021. Il n'y a toutefois pas lieu à majorer le taux d'intérêt légal sur le fondement de l'article L.341-35 du code de la consommation qui n'est applicable qu'aux opérations de crédit. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de restitution de l'acompte.
Au regard de la caducité du contrat de construction, aucune indemnité de résiliation n'est due par M. [V] et Mme [D] à la société Bati-Tach. Le jugement sera donc infirmé sur ce point et la demande sera rejetée.
II- Sur les dommages et intérêts
Moyens des parties
Les appelants font valoir qu'initialement, ils avaient tenté de régler ce différend en recourant aux services d'un conciliateur de justice ; que la société Bati-Tach a résisté abusivement à la demande de restitution de l'acompte puis abusé de son droit d'agir à leur encontre de ces derniers en n'hésitant pas à réclamer des indemnités fantaisistes sur la base de pièces tronquées dont elle a détourné le sens ; qu'elle sera donc condamnée à leur verser une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 1240 du code civil et ce alors surtout qu'elle n'a pas hésité à faire procéder à l'exécution forcée du jugement, sans même daigner constituer avocat devant la cour.
Réponse de la cour
L'article 1231-6 du code civil dispose que les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.
Les appelants ne démontrent pas l'existence de la mauvaise foi de la société Bati-Tach qui ne peut résulter du seul fait que ses demandes sont rejetées, ni même l'existence d'un préjudice indépendant du retard qui ne serait pas réparé par les intérêts moratoires. En conséquence, la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive sera rejetée.
De même, il n'est pas démontré que la société Bati-Tach aurait commis une faute dans l'exercice de son droit fondamental d'agir en justice, de sorte que la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive sera également rejetée.
Le jugement qui a omis de statuer sur ces demandes, sera complété en ce sens.
III- Sur les frais de procédure
Le jugement sera infirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles.
Il convient de dire que les dépens de première instance et d'appel seront inscrits au passif de la procédure collective de la société Bati-Tach, sans application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Il convient également de fixer au passif de la procédure collective de la société Bati-Tach une somme de 1 500 euros pour la procédure de première instance et de 1 500 euros pour la procédure d'appel, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile due aux appelants.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement en ce qu'il a :
- débouté M. [V] et Mme [D] de leur demande de restitution de l'acompte d'un montant de 5 977 euros ;
- condamné solidairement M. [V] et Mme [D] à payer à la société Bati-Tach la somme de 2 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, au titre de l'indemnité de résiliation ;
CONFIRME le jugement en ses autres dispositions critiquées ;
STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT :
FIXE la créance de M. [V] et de Mme [D] au passif de la procédure collective de la société Bati-Tach à la somme de 5 977 euros au titre de la restitution de l'acompte versé, avec intérêts au taux légal à compter du 10 février 2021 ;
DÉBOUTE la société Bati-Tach de sa demande en paiement d'une indemnité de résiliation ;
DÉBOUTE M. [V] et de Mme [D] de leurs demandes de dommages et intérêts ;
FIXE au passif de la procédure collective la société Bati-Tach les entiers dépens de première instance et d'appel ;
FIXE la créance de M. [V] et de Mme [D] au passif de la procédure collective la société Bati-Tach, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à la somme de 1 500 euros pour la procédure de première instance et de 1 500 euros pour la procédure d'appel ;
DIT que les dépens seront recouvrés conformément aux règles régissant l'aide juridictionnelle.
Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
C H A M B R E C I V I L E
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 01/07/2025
Me Benjamin MARTINOT-LAGARDE
ARRÊT du : 1er JUILLET 2025
N° : - 25
N° RG 23/01694 - N° Portalis DBVN-V-B7H-G2KE
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'[Localité 11] en date du 05 Avril 2023
PARTIES EN CAUSE
APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé N°: exonération
Madame [P] [D]
née le 25 Décembre 1977 à [Localité 8]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Benjamin MARTINOT-LAGARDE, avocat au barreau d'ORLEANS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro C-45234-2023-02469 du 09/06/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 11])
Monsieur [B] [V]
né le 18 Août 1971 à [Localité 8] (CONGO)
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Benjamin MARTINOT-LAGARDE, avocat au barreau d'ORLEANS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro C-45234-2023-02468 du 21/06/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 11])
D'UNE PART
INTIMÉE :
E.U.R.L. BATI TACH entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée au capital social de [Localité 6],00 euros, inscrite au RCS d'[Localité 11] sous le numéro 814594354, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social.
[Adresse 5]
[Localité 3]
Non représentée, n'ayant pas constitué avocat
PARTIE INTERVENANTE :
S.A.S. SAULNIER - [R] ET ASSOCIES, assignée en intervention forcée, représentée par Me [L] [R], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société BATI-TACH, suite au jugement d'ouverture de liquidation judiciaire du 3 avril 2024
[Adresse 4]
[Localité 2]
Non représentée, n'ayant pas constitué avocat
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 04 Juillet 2023.
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 24 mars 2025
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l'audience publique du 24 Avril 2025 à 14h00, l'affaire a été plaidée devant M. Laurent SOUSA, Conseiller, en l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants.
Lors du délibéré, au cours duquel M. Laurent SOUSA, Conseiller a rendu compte des débats à la collégialité, la Cour était composée de:
Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,
Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
GREFFIER :
Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé publiquement le 1er juillet 2025 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Le 4 décembre 2018, M. [V] et Mme [D] ont conclu un contrat de construction de maison individuelle avec la société Maisons Pierre.
Selon acte authentique en date du 13 mars 2019, la société [Adresse 10] a promis de vendre à M. [V] et Mme [D] la vente d'un terrain à bâtir viabilisé.
Par courrier en date du 19 février 2020, M. [V] et Mme [D] ont notifié au constructeur l'annulation du contrat de construction, et les sommes versées leur ont été restituées.
Le 3 mars 2020, M. [V] et Mme [D] ont conclu un nouveau contrat de construction de maison individuelle avec la société Bati-Tach en versant un acompte de 5 977 euros. En l'absence de vente du terrain par la société [Adresse 10], M. [V] et Mme [D] ont sollicité la restitution de l'acompte versé au titre du second contrat de construction.
Par acte d'huissier de justice en date du 18 novembre 2021, la société Bati-Tach a fait assigner M. [V] et Mme [D] devant le tribunal judiciaire d'Orléans aux fins de paiement de l'indemnité forfaitaire de résiliation et de l'acompte versé à la signature du contrat.
Par jugement en date du 5 avril 2023, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire d'Orléans a :
- condamné solidairement M. [V] et Mme [D] à payer à la société Bati-Tach la somme de 2 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, au titre de l'indemnité de résiliation ;
- débouté la société Bati-Tach de sa demande en paiement de la somme de 5 977 euros correspondant au montant de l'acompte déjà versé par M. [V] et Mme [D] et qui lui restera acquis ;
- débouté M. [V] et Mme [D] de l'ensemble de leurs prétentions ;
- débouté les parties du surplus de leurs prétentions ;
- rejeté toute demande plus ample ou contraire ;
- dit n'y avoir lieu à allocation d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- laissé les dépens à la charge de M. [V] et Mme [D] qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle, dont distraction au profit de la Selarl Duplantier Mallet-[Localité 7] Rouichi.
Par déclaration en date du 4 juillet 2023, M. [V] et Mme [D] ont interjeté appel de tous les chefs du jugement sauf en ce qu'il a rejeté toute demande plus ample ou contraire et dit n'y avoir lieu à allocation d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les appelants ont fait signifier la déclaration d'appel à la société Bati-Tach par acte de commissaire de justice du 22 septembre 2023 délivré par procès-verbal de recherches infructueuses.
Par jugement du 3 avril 2024, le tribunal de commerce d'Orléans a ouvert une procédure de liquidation judiciaire au bénéfice de la société Bati-Tach et désigné la société Saulnier-[R] et associés en la personne de Maître [L] [R] en qualité de liquidateur.
Par acte de commissaire de justice en date du 13 novembre 2024, les appelants ont fait assigner la société Saulnier - [R] et associés, représentée par Maître [L] [R], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Bati-Tach, délivré à personne morale. Le liquidateur judiciaire n'a pas constitué avocat.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 13 novembre 2024, et signifiées au liquidateur judiciaire de la société Bati-Tach, M. [V] et Mme [D] demandent à la cour de :
- les déclarer recevables et bien fondés tant en leur appel qu'en leurs demandes, 'ns et prétentions, et notamment leur demande en intervention forcée formée à l'égard de la société Saulnier - [R] et associés, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Bati-Tach ;
- infirmer le jugement en ses chefs visés à la déclaration d'appel ;
Et statuant de nouveau,
- déclarer caduque de plein droit, au 16 juillet 2019, et subsidiairement au 10 décembre 2019, la promesse unilatérale de vente consentie à M. [V] et Mme [D] par la société [Adresse 10] ;
- déclarer que la condition suspensive d'acquisition du terrain prévue au contrat de construction d'une maison individuelle conclu le 3 mars 2020 entre M. [V] et Mme [D], d'une part, et la société Bati-Tach d'autre part, est défaillante, nonobstant la mention dans ledit contrat de construction de la promesse unilatérale de vente susmentionnée ;
- déclarer caduc, et subsidiairement nul, le contrat de construction en date du 3 mars 2020 ;
- débouter la société Bati-Tach et le liquidateur judiciaire de l'ensemble de leurs demandes, 'ns et conclusions, comme non fondées ;
En conséquence,
- déclarer commun et opposable l'arrêt à intervenir à la société Saulnier-[R] et associés, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Bati-Tach ;
- fixer au passif de la société Bati-Tach la somme de 5 977 €, correspondant à l'acompte réglé par M. [V] et Mme [D], outre les intérêts légaux échus visés à la déclaration de créance, soit 1 918,11 € ;
- fixer au passif de la société Bati-Tach la somme 4 000 € à titre de dommages et intérêts pour l'indemnisation des préjudices subis par M. [V] et Mme [D] ;
- fixer au passif de la société Bati-Tach la somme de 2 500 € au titre des frais irrépétibles de première instance par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- fixer au passif de la société Bati-Tach la somme 3 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel par application du même article, outre les entiers dépens pouvant être liquidés en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.
MOTIFS
I- Sur la caducité du contrat de construction
Moyens des parties
Les appelants soutiennent que la société Bati-Tach a avancé devant le premier juge qu'ils auraient fait eux-mêmes obstacle à la vente du terrain sur lequel la construction devait être érigée, et qu'ils ne pouvaient pas invoquer la caducité du contrat de construction à raison de l'impossibilité de conclure la vente ; que toutefois la promesse unilatérale de vente avait été consentie pour un délai expirant le 10 décembre 2019, soit à une date bien antérieure à celle de la lettre par laquelle M. [V] aurait prétendument pris l'initiative de solliciter le retrait du permis de construire qui lui avait été accordé ; qu'aucun établissement financier n'a accepté de leur prêter la somme dont ils avaient besoin pour financer l'opération immobilière ; que la promesse unilatérale de vente mentionnée au contrat de construction était caduque bien avant que le permis de construire ne soit retiré ; qu'en rappelant que la promesse unilatérale de vente était consentie pour un délai expirant le 10 décembre 2019 et qu'il prévoyait que la défaillance des conditions emporterait sa caducité de plein droit tout en retenant que cette promesse n'était pas caduque au moment de la signature du contrat de construction, le jugement entrepris apparaît manifestement entaché de contradiction dans ses motifs et ne pourra par suite qu'être infirmé ; qu'en outre, en ne recherchant pas si le bénéficiaire de ladite promesse était parvenu à obtenir une offre de prêt aux conditions stipulées au plus tard le 15 juillet 2019, le tribunal a entaché sa décision d'insuffisance de motivation ; qu'enfin, en leur reprochant de ne pas justifier d'une nouvelle recherche de financement après le 19 février 2020 (date de l'annulation du premier contrat de construction de maison individuelle, conclu alors avec la société Maisons Pierre) ou encore après le 3 mars 2020 (date de la signature du second contrat de construction de maison individuelle, conclu cette fois avec la société Bati-Tach), le tribunal a entaché sa décision d'erreur de droit ; que c'est de manière parfaitement mensongère que la société Bati-Tach a prétendu que ledit permis de construire aurait été retiré à leur demande ; qu'en effet, cette décision administrative est intervenue le 15 octobre 2020 et ne faisait donc pas suite à une demande de M. [V] en date du 4 novembre 2020 mais bien à une demande de la société [Adresse 10] en date du 7 octobre 2020, le promettant ayant alors trouvé un autre acquéreur ; que par ailleurs, M. [V] n'a jamais autorisé le promettant à solliciter le retrait du permis de construire initialement accordé ; que dans tous les cas, la société Bati-Tach ne contestant pas que l'acquisition du terrain objet de la promesse de vente constituait l'une des conditions suspensives du contrat de construction d'une maison individuelle ; qu'ils sont parfaitement fondés à demander au tribunal de constater la caducité dudit contrat de construction et de condamner la société Bati-Tach, sur le fondement des dispositions de l'article L.313-41 du code de la consommation, à restituer à M. [V] la somme de 5 977 euros réglée à titre d'acompte, avec intérêts au taux légal majoré de moitié à compter du 10 février 2021.
Réponse de la cour
L'article 1304-3 du code civil dispose que la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement.
Le contrat conclu entre les parties le 3 mars 2020 prévoyait la construction d'une maison individuelle sur un terrain situé lotissement « [Adresse 9] » à [Localité 12] (45), lot n° 24, à acquérir suivant promesse de vente du 13 mars 2019. L'acquisition de ce terrain était une condition suspensive du contrat de construction de maison individuelle.
La promesse de vente du terrain au profit de M. [V] et Mme [D], en date du 13 mars 2019 était consentie pour un délai expirant le 10 décembre 2019 avec les conditions suspensives d'obtention d'un permis de construire et d'obtention d'un prêt de 215 000 euros.
La promesse de vente stipule au titre de la réalisation de la condition suspensive relative au prêt :
« Le ou les prêts seront considérés comme obtenus par la remise ou la réception des offres de prêts établis conformément aux dispositions des articles L.312-1 et suivants du code de la consommation et répondant aux conditions ci-dessus et l'agrément par les assureurs du ou des emprunteurs aux contrats obligatoires d'assurances collectives, liés à ces prêts.
La réception de l'offre par le BENEFICIAIRE devra intervenir au plus tard le 15 juillet 2019 ».
Il n'est ni argué ni justifié que M. [V] et Mme [D] auraient empêché l'accomplissement de la condition suspensive de la promesse de vente du terrain relative au financement de cette acquisition. Au demeurant, ils justifient aux débats avoir sollicité un prêt dans le délai prévu par la promesse de vente mais que la banque avait refusé de faire droit à leur demande. La condition suspensive liée à l'obtention d'un prêt ne s'est donc pas réalisée de sorte que la promesse de vente était caduque, et il n'est d'ailleurs pas démontré que le promettant aurait considéré que le bénéficiaire aurait été fautif dans l'exécution des obligations mises à sa charge pour la réalisation des conditions suspensives.
La promesse de vente stipule au titre de la condition suspensive relative au permis de construire :
« Réalisation de la condition suspensive
La condition d'obtention du permis de construire s'entend d'un permis de construire exprès, purgé de tout retrait par l'administration de son propre arrêté et de tout recours gracieux et/ou contentieux devant les juridictions administratives par les tiers et/ou le Préfet.
En conséquence, la condition suspensive sera réputée réalisée sur justi'cation par le BENEFICIAIRE :
- de l'arrêté de permis de construire ;
- de l'absence de notification d'un recours administratif, gracieux ou contentieux, à l'autorité ayant procédé à la délivrance du permis de construire ainsi qu'à son bénéficiaire, dans le délai de deux (2) mois et quinze (jours) de l'affichage de cette autorisation de construire ;
- et de l'absence de tout retrait de l'arrêté par l'autorité administrative ayant procédé à sa délivrance.
[...]
Abandon du permis de construire
En cas d'abandon par le BENEFICIAIRE du projet d'acquisition pour une cause quelconque, il est convenu que le dossier du permis de construire, en l'état au jour de l'abandon, sera remis, sans aucun frais pour lui, au PROMETTANT, à titre de dédommagement partiel de l'immobilisation, indépendamment de toute autre convention et sans qu'il ait à payer quoi que ce soit.
Le BENEFICIAIRE donne dès à présent tout mandat irrévocable au PROMETTANT, qui accepte, à l'effet de procéder soit au transfert pur et simple à son profit de l'autorisation de construire obtenue, soit à son retrait pur et simple, soit à la remise pure et simple à son profit du dossier de demande en l'état au jour de l'abandon ».
Un permis de construire a été accordé par la commune de [Localité 12] au profit de M. [V] le 4 septembre 2019, mais a fait ensuite l'objet d'un retrait par une décision du maire de la commune le 15 octobre 2020 suite à une demande du promettant, la société [Adresse 10].
Les appelants produisent à ce titre un courrier de la société Lotir Centre adressé au maire de la commune le 7 octobre 2020, ainsi rédigé :
« Je soussigné, [G] [T], représentant la sté [Adresse 10], vous fait part de ma volonté d'annuler le permis de construire n° PC-045-302-l 9-MP031 accordé le 04 septembre 2019 à Mr [B] [V] par Mme [H] [U] maire de [Localité 12], sur la parcelle formant le lot n° 24 du lotissement « [Adresse 9] » à [Localité 12], pour lequel Mr [B] [V] m'a donné autorisation de retrait par l'intermédiaire de la promesse de vente signée chez Me [C] à [Localité 11], dont vous trouverez copie ci-jointe.
Suite à cette annulation, je vous signale le désengagement de M. [V] pour l'achat de ce terrain. Il sera donc remis en libre vente et un permis de construire pourra de nouveau être déposé ».
Il résulte de ces éléments que le retrait du permis de construire est la conséquence de l'abandon du projet par les appelants qui n'ont pu obtenir de financement, et ne résulte pas de leur volonté de renoncer au projet de construction. Le retrait du permis de construire, pour lequel ils avaient donné mandat au promettant dans la promesse de vente, ne caractérise donc nullement un empêchement à la réalisation des conditions suspensives de la promesse de vente.
En l'absence de financement de l'acquisition, et du fait de la caducité de la promesse de vente, M. [V] et Mme [D] ne pouvaient être tenus de déposer une nouvelle demande de permis de construire comme l'a retenu à tort le tribunal.
En considération de l'ensemble de ces éléments, la condition suspensive du contrat de construction de maison individuelle liée à l'acquisition du terrain ne s'est pas réalisée, et il n'est pas établi que M. [V] et Mme [D] pourraient en être tenus pour responsables. Il s'ensuit que le contrat de construction de maison individuelle conclu le 3 mars 2020 est caduc, de sorte que le constructeur ne peut conserver à son profit l'acompte versé par ses clients.
Aux termes de l'article L. 622-21, I, du code de commerce applicable à la sauvegarde et par renvoi de l'article L. 631-14 du même code au redressement judiciaire, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au 1 de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.
En l'espèce, l'instance a bien été reprise, les appelants justifiant de leur déclaration de créance et de la mise en cause du liquidateur judiciaire de la société Bati-Tach.
En conséquence, il convient de fixer la créance de M. [V] et Mme [D] au passif de la procédure collective de la société Bati-Tach à la somme de 5 977 euros au titre de la restitution de l'acompte versé, avec intérêts au taux légal à compter du 10 février 2021. Il n'y a toutefois pas lieu à majorer le taux d'intérêt légal sur le fondement de l'article L.341-35 du code de la consommation qui n'est applicable qu'aux opérations de crédit. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de restitution de l'acompte.
Au regard de la caducité du contrat de construction, aucune indemnité de résiliation n'est due par M. [V] et Mme [D] à la société Bati-Tach. Le jugement sera donc infirmé sur ce point et la demande sera rejetée.
II- Sur les dommages et intérêts
Moyens des parties
Les appelants font valoir qu'initialement, ils avaient tenté de régler ce différend en recourant aux services d'un conciliateur de justice ; que la société Bati-Tach a résisté abusivement à la demande de restitution de l'acompte puis abusé de son droit d'agir à leur encontre de ces derniers en n'hésitant pas à réclamer des indemnités fantaisistes sur la base de pièces tronquées dont elle a détourné le sens ; qu'elle sera donc condamnée à leur verser une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 1240 du code civil et ce alors surtout qu'elle n'a pas hésité à faire procéder à l'exécution forcée du jugement, sans même daigner constituer avocat devant la cour.
Réponse de la cour
L'article 1231-6 du code civil dispose que les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.
Les appelants ne démontrent pas l'existence de la mauvaise foi de la société Bati-Tach qui ne peut résulter du seul fait que ses demandes sont rejetées, ni même l'existence d'un préjudice indépendant du retard qui ne serait pas réparé par les intérêts moratoires. En conséquence, la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive sera rejetée.
De même, il n'est pas démontré que la société Bati-Tach aurait commis une faute dans l'exercice de son droit fondamental d'agir en justice, de sorte que la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive sera également rejetée.
Le jugement qui a omis de statuer sur ces demandes, sera complété en ce sens.
III- Sur les frais de procédure
Le jugement sera infirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles.
Il convient de dire que les dépens de première instance et d'appel seront inscrits au passif de la procédure collective de la société Bati-Tach, sans application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Il convient également de fixer au passif de la procédure collective de la société Bati-Tach une somme de 1 500 euros pour la procédure de première instance et de 1 500 euros pour la procédure d'appel, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile due aux appelants.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement en ce qu'il a :
- débouté M. [V] et Mme [D] de leur demande de restitution de l'acompte d'un montant de 5 977 euros ;
- condamné solidairement M. [V] et Mme [D] à payer à la société Bati-Tach la somme de 2 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, au titre de l'indemnité de résiliation ;
CONFIRME le jugement en ses autres dispositions critiquées ;
STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT :
FIXE la créance de M. [V] et de Mme [D] au passif de la procédure collective de la société Bati-Tach à la somme de 5 977 euros au titre de la restitution de l'acompte versé, avec intérêts au taux légal à compter du 10 février 2021 ;
DÉBOUTE la société Bati-Tach de sa demande en paiement d'une indemnité de résiliation ;
DÉBOUTE M. [V] et de Mme [D] de leurs demandes de dommages et intérêts ;
FIXE au passif de la procédure collective la société Bati-Tach les entiers dépens de première instance et d'appel ;
FIXE la créance de M. [V] et de Mme [D] au passif de la procédure collective la société Bati-Tach, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à la somme de 1 500 euros pour la procédure de première instance et de 1 500 euros pour la procédure d'appel ;
DIT que les dépens seront recouvrés conformément aux règles régissant l'aide juridictionnelle.
Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT