CA Rennes, 3e ch. com., 1 juillet 2025, n° 23/06815
RENNES
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Contamine
Conseillers :
Mme Ramin, M. Metivier
Avocats :
Me Lhermitte, Me Mak, Me Tchavtchavadze
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 28 août 2012, la société [P] Cigarettenfabriken GMBH -(ci-après la société [P]) a déposé la marque verbale de l'Union européenne n°011146651 'WEST'. Cette marque désigne les produits et services suivants en classes 9, 11, 30 et 34 :
Classe 9 : Batteries et accumulateurs électriques pour cigarettes électriques et/ou électroniques; Chargeurs pour cigarettes électriques.
Classe 11 : Appareils pour chauffer le tabac et les produits du tabac; Appareils pour chauffer des liquides; Appareils pour produire de la vapeur.
Classe 30 : Aromates autres que les huiles essentielles.
Classe 34 : Tabac à l'état brut ou traité; Cigarettes; Cigares; Produits du tabac; Substituts du tabac, à usage non médical ou curatif; Allumettes et articles pour fumeurs; Cigarettes électriques et/ou électroniques; Liquides pour cigarettes électriques et/ou électroniques; Vaporisateurs de tabac, produits du tabac et succédanés du tabac; Cigarettes contenant des succédanés du tabac; Articles pour fumeurs pour cigarettes électriques et/ou électroniques; Pochettes pour le transport de cigarettes électriques et/ou électroniques; Embouchures pour cigarettes électriques et/ou électroniques.
Elle a été renouvelée le 25 mai 2022.
Le 2 septembre 2022, M. [N] a déposé la marque verbale française n°4 894 798 'VAPING WEST' pour désigner les services suivants en classes 34 et 35 :
Classe 34 : cigarettes électroniques; solutions liquides pour cigarettes électroniques ;
Classe 35 : Publicité; Services de vente au détail y compris en ligne de cigarettes électroniques à usage médical, substituts de tabac à usage médical, cigarettes sans tabac à usage médical, batteries pour cigarettes électroniques, piles pour cigarettes électroniques, boîtiers portables de charge pour cigarettes et vaporisateurs électroniques; Services de vente au détail y compris en ligne des chargeurs de batteries pour cigarettes électroniques, chargeurs pour cigarettes électroniques, chargeurs USB pour cigarettes électroniques, micrologiciels et logiciels pour cigarettes électroniques; Services de vente au détail y compris en ligne de câbles USB, articles pour fumeurs, cigarettes électroniques et vaporisateurs personnels et leurs parties constitutives, cigarettes électroniques et vaporisateurs personnels modifiables et leurs parties constitutives, atomiseurs-pulvérisateurs pour cigarettes électroniques; Services de vente au détail y compris en ligne des cigarettes contenant des succédanés du tabac non à usage médical, arômes, autres qu'huiles essentielles, à utiliser dans des cigarettes électroniques, arômes chimiques sous forme liquide utilisés pour la recharge de cartouches de cigarettes électroniques; Services de vente au détail y compris en ligne des solutions liquides pour cigarettes électroniques, liquides contenant de la nicotine pour cigarettes électroniques, accessoires pour le nettoyage de cigarettes électroniques, cartouches pour cigarettes électroniques, boîtes, étuis et pochettes à cigarettes électroniques, supports à cigarettes électroniques, porte-cigarette électronique; services de publicité, diffusion d'annonces publicitaires, diffusion (distribution) d'échantillons; conseils commerciaux aux consommateurs; opérations promotionnelles en vue de fidéliser la clientèle; recueil de données dans un fichier central; organisation de foires à buts commerciaux ou de publicité; services rendus par un franchiseur, à savoir mise à disposition de savoir-faire commercial et marketing dans le domaine de la vente de cigarettes électroniques et vaporisateurs personnels ainsi que leurs solutions liquides et arômes et accessoires; services rendus par un franchiseur, à savoir assistance commerciale dans l'exploitation et la gestion d'entreprises commerciales organisées en réseau; services de conseils et d'aide pour la direction et l'organisation des affaires dans le cadre d'un réseau de franchise.
Le 22 novembre 2022, la société [P] a, sur le fondement de sa marque de l'Union européenne antérieure, formé opposition à l'enregistrement de la demande de marque précitée pour tous les produits et services visés.
Par décision OP 22-4547 du 13 novembre 2023, le directeur général de l'Institut national de la propriété intellectuelle (ci-après la directeur général de l'INPI) a décidé :
Article 1er : L'opposition est reconnue justifiée en ce qu'elle porte sur les produits et services suivants : 'cigarettes électroniques; solutions liquides pour cigarettes électroniques ; Services de vente au détail y compris en ligne de cigarettes électroniques à usage médical, substituts de tabac à usage médical, cigarettes sans tabac à usage médical, batteries pour cigarettes électroniques, piles pour cigarettes électroniques, boîtiers portables de charge pour cigarettes et vaporisateurs électroniques; Services de vente au détail y compris en ligne des chargeurs de batteries pour cigarettes électroniques, chargeurs pour cigarettes électroniques, chargeurs USB pour cigarettes électroniques, micrologiciels et logiciels pour cigarettes électroniques; Services de vente au détail y compris en ligne de câbles USB, articles pour fumeurs, cigarettes électroniques et vaporisateurs personnels et leurs parties constitutives, cigarettes électroniques et vaporisateurs personnels modifiables et leurs parties constitutives, atomiseurs-pulvérisateurs pour cigarettes électroniques; Services de vente au détail y compris en ligne des cigarettes contenant des succédanés du tabac non à usage médical, arômes, autres qu'huiles essentielles, à utiliser dans des cigarettes électroniques, arômes chimiques sous forme liquide utilisés pour la recharge de cartouches de cigarettes électroniques; Services de vente au détail y compris en ligne des solutions liquides pour cigarettes électroniques, liquides contenant de la nicotine pour cigarettes électroniques, accessoires pour le nettoyage de cigarettes électroniques, cartouches pour cigarettes électroniques, boîtes, étuis et pochettes à cigarettes électroniques, supports à cigarettes électroniques, porte-cigarette électronique; services rendus par un franchiseur, à savoir mise à disposition de savoir-faire commercial et marketing dans le domaine de la vente de cigarettes électroniques et vaporisateurs personnels ainsi que leurs solutions liquides et arômes et accessoires',
Article 2 : La demande d'enregistrement n° 4894798 est partiellement rejetée pour les produits et services précités.
M. [N] a formé un recours contre cette décision le 1er décembre 2023.
Les dernières conclusions de M. [N] ont été déposées le 30 avril 2025.
Le directeur général de l'INPI a communiqué ses dernières observations en date du 19 juin 2024, reçues à la cour le 24 juin 2024.
La société [P] n'a pas constitué avocat devant la cour.
PRÉTENTIONS ET MOYENS :
M. [N] demande à la cour de :
- Juger recevable le recours en annulation formé par M. [N] à l'encontre de la décision rendue,
- Infirmer la décision rendue en ce qu'elle a reconnu justifiée partiellement l'opposition pour les produits et services :
services suivants : 'cigarettes électroniques; solutions liquides pour cigarettes électroniques; Services de vente au détail y compris en ligne de cigarettes électroniques à usage médical, substituts de tabac à usage médical, cigarettes sans tabac à usage médical, batteries pour cigarettes électroniques, piles pour cigarettes électroniques, boîtiers portables de charge pour cigarettes et vaporisateurs électroniques; Services de vente au détail y compris en ligne des chargeurs de batteries pour cigarettes électroniques, chargeurs pour cigarettes électroniques, chargeurs USB pour cigarettes électroniques, micrologiciels et logiciels pour cigarettes électroniques; Services de vente au détail y compris en ligne de câbles USB, articles pour fumeurs, cigarettes électroniques et vaporisateurs personnels et leurs parties constiutives, cigarettes électroniques et vaporisateurs personnels modifiables et leurs parties constitutives, atomiseurs-pulvérisateurs pour cigarettes électroniques; Services de vente au détail y compris en ligne des cigarettes contenant des succédanés du tabac non à usage médical, arômes, autres qu'huiles essentielles, à utiliser dans des cigarettes électroniques, arôles chimiques osus forme liquide utilisés pour la recharge de cartouches de cigarettes électroniques; Services de vente au détail y compris en ligne des solutions liquides pour cigarettes électroniques, liquides contenant de la nicotine pour cigarettes électroniques, accessoires pour le nettoyage de cigarettes électroniques, cartouches pour cigarettes électroniques, boîtes, étuis et pochettes à cigarettes électroniques, supports à cigarettes électroniques, porte-cigarette électronique; services rendus par un franchiseur, à savoir mise à disposition de savoir-faire commercial et marketing dans le domaine de la vente de cigarettes électroniques et vaporisateurs personnels ainsi que leurs solutions liquides et arômes et accessoires',
- Infirmer la décision rendue en ce qu'elle a partiellement rejetée la demande d'enregistrement n°4 894 798 de M. [N] pour les produits et services précités,
- En tant que de besoin, annuler totalement ou partiellement la décision rendue,
Statuant à nouveau,
A titre principal :
- Prononcer la déchéance de la marque antérieure 'WEST' au titre de l'absence d'un usage sérieux,
A titre subsidiaire :
- Prononcer la déchéance partielle de la marque antérieure pour les produits et services dont il n'est pas rapporté de preuve d'usage à savoir: 'Batteries et accumulateurs électriques pour cigarettes électriques et/ou électroniques ; Chargeurs pour cigarettes électroniques' (classe 9) et 'Cigarettes ; Cigares ; Cigarettes électriques et/ou électroniques' ; 'Vaporisateurs de tabac' ; 'Cigarettes contenant des succédanés de tabac' 'Articles pour fumeurs pour cigarettes électriques et/ou électroniques' ; 'Pochettes pour le transport de cigarettes électriques et/ou électroniques' ; 'Embouchures pour cigarettes électriques et/ou électroniques' (classe 34),
En tout état de cause :
- Condamner la société [P] à verser à M. [N] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société [P] aux entiers dépens de l'instance, dont distraction, dans les formes de l'article 699 du code de procédure civile,
- Dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans la décision à intervenir, dans l'hypothèse où l'exécution devrait être forcée par l'intermédiaire d'un huissier, les sommes retenues en application des articles A 444-10 à A 444-33 nouveaux du code de commerce, devront être entièrement suppoprtées par les débiteurs, en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.
Le directeur général de l'INPI fait valoir que le recours serait irrecevable en ce qu'il demande la déchéance de la marque antérieure à l'égard de certains produits et services et en ce qu'il demande l'infirmation de sa décision.
Il s'oppose à la demande d'annulation de sa décision en faisant valoir que la comparaison opérée s'est appuyée sur les seuls produits dont l'usage sérieux est démontré et que sa décision est bien fondée en ce qu'elle a conclu à l'existence d'un risque de confusion entre les marques.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.
DISCUSSION :
La société [P] n'a pas constitué avocat devant la cour. Elle est réputée adopter les motifs de la décision.
Sur la recevabilité du recours :
Le recours en annulation d'une décision rendue par le directeur général de l'INPI n'a pour objet que le contrôle de la légalité de la décision rendue. La décision rendue par le directeur général de l'INPI n'a statué que sur l'opposition et non sur la déchéance de la marque antérieure, dont il n'était pas saisi.
La demande de déchéance totale à titre principal et partielle à titre subsidiaire devra donc être déclarée irrecevable.
En matière de recours suite à une décision d'opposition du directeur général de l'INPI, il n'est possible que de demander l'annulation de la décision rendue.
La demande d'infirmation de la décision devra donc être déclarée irrecevable.
Seule la demande d'annulation de la décision devra donc être examinée.
Sur l'usage sérieux :
Dans le cadre d'une opposition, lorsque cette dernière est fondée sur une marque enregistrée depuis plus de cinq ans, le déposant peut requérir de l'opposant que celui-ci prouve l'usage sérieux de sa marque au cours des cinq années précédant le dépôt :
Article 712-5-1 du code de la propriété intellectuelle dans sa version applicable depuis le 15 décembre 2019 :
L'opposition fondée sur une marque antérieure enregistrée depuis plus de cinq ans est rejetée lorsque l'opposant, sur requête du titulaire de la demande d'enregistrement, ne peut établir :
1° Que la marque antérieure a fait l'objet, pour les produits ou services sur lesquels est fondée l'opposition, d'un usage sérieux au cours des cinq années précédant la date de dépôt ou la date de priorité de la demande d'enregistrement contestée, dans les conditions prévues à l'article L. 714-5 ou, s'il s'agit d'une marque de l'Union européenne, à l'article 18 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 ;
2° Ou qu'il existait de justes motifs pour son non-usage.
Aux fins de l'examen de l'opposition, la marque antérieure n'est réputée enregistrée que pour ceux des produits ou services pour lesquels un usage sérieux a été prouvé ou de justes motifs de non-usage établis.
Afin d'apprécier le caractère sérieux de l'usage, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des faits et circonstances propres à établir la réalité de l'exploitation commerciale, notamment les caractéristiques du marché en cause, la nature des produits et services, l'étendue territoriale et quantitative de l'usage ou encore la fréquence de l'usage.
Sur la période de référence :
M. [N] fait valoir que la marque antérieure ayant été enregistrée le 7 mars 2013, il appartenait à la société [P] de rapporter la preuve de son usage sérieux pour une période allant du 7 mars 2013 au 7 mars 2018. De plus, il soutient que la marque devrait encourir la déchéance à compter du 7 mars 2013.
L'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle prévoit que le point de départ de calcul du délai est bien situé à la date d'enregistrement de la demande de marque contre laquelle il est fait opposition et non à la date d'enregistrement de la marque antérieure. Il convient donc d'apporter la preuve de l'usage de la marque antérieure invoquée au soutien de l'opposition au cours des cinq années précédant la date de dépôt de la demande de marque contestée.
La demande d'enregistrement a été déposée le 2 septembre 2022, il revenait à la société [P] de prouver l'usage de sa marque antérieure 'WEST' pour la période allant du 2 septembre 2017 au 2 septembre 2022 inclus.
Sur la pertinence des pièces versées :
M. [N] fait valoir que parmi les pièces produites par la société Reemstma certaines ne sont pas datées tandis que d'autres portent sur une période postérieure à la période de référence.
L'appréciation de l'usage sérieux étant globale, des pièces produites non datées ou hors de la période de référence peuvent être prise en compte dans la mesure où elles peuvent être pertinentes combinées à d'autres pièces produites (TUE, 21 novembre 2013, Recaro, T-524/12).
Les pièces portant sur des années postérieures à 2018 font bien partie de la période de référence, seule la pièce 11 portant sur l'année 2023 est située hors de la période. De plus, seule la pièce 8 n'est pas datée. Ces pièces sont corroborées par d'autres pièces datées à la période de référence de 2017 à 2022 donc elles pourront être prises en compte pour apprécier gloablement l'usage de la marque.
M. [N] fait valoir que les pièces communiquées par la société [P] sont en allemand et ont été traduites librement et non par un traducteur assermenté rattaché à une cour d'appel, ce qui rendrait irrecevables les pièces produites.
Lorsqu'une traduction libre des pièces est fournie, il revient à la partie qui conteste cette traduction de démontrer en quoi les informations produites seraient fausses ou erronées.
Aucun moyen n'est apporté afin de démontrer en quoi la traduction des pièces produites devant la cour rédigées en langue étrangère ne serait pas fidèle et complète.
Il convient de prendre en compte dans les débats l'intégralité des pièces produites par la société [P] afin d'apprécier l'usage sérieux de la marque antérieure 'WEST'.
Sur le lieu de l'usage :
M. [N] fait valoir que la société [P] ne justifie d'aucun usage sérieux de sa marque antérieure sur un autre Etat membre de l'Union européenne que le territoire allemand.
L'usage de la marque antérieure est apprécié par rapport au territoire pour lequel la marque est déposée. Lorsque c'est une marque de l'Union européenne, il faut tenir compte de l'usage sur le territoire de l'Union. De plus, il n'est pas nécessaire que l'usage soit étendu géographiquement, il suffit qu'il soit sérieux (TUE, 30 janvier 2015, Now Wireless, T-278/13).
La société [P] a rapporté la preuve de l'usage de sa marque sur le territoire allemand et et de manière moindre sur le territoire espagnol. En effet, la marque est utilisée sur le territoire allemand, les catalogues de prix, les courriers à destination des revendeurs, les extraits des annuaires et les affiches publicitaires le démontrant. L'usage de la marque sur le territoire allemand n'est pas contesté par M. [N]. La marque étant une marque de l'Union européenne, la seule démonstration de son usage sur un territoire de l'Union européenne permet de considérer qu'elle est bien utilisée sur ce territoire.
Sur la nature et l'importance de l'usage :
M. [N] fait valoir que les pièces rapportées ne seraient pas suffisantes pour démontrer l'usage sérieux de la marque antérieure. Il en déduit que l'opposition à l'enregistrement de sa marque ne serait pas fondée.
L'usage sérieux de la marque est démontré lorsqu'elle est utilisée conformément à sa fonction essentielle, c'est-à-dire garantir l'identité d'origine des produits et services pour lesquels elle est enregistrée. Il n'est pas nécessaire que l'usage soit important pour considérer que celui-ci est sérieux, il suffit de démontrer qu'il n'est ni sporadique, ni symbolique (CJUE, 11 mars 2003, Ansul, C-40/01).
Les pièces montrent que la marque est sérieusement utilisée en Allemagne. En effet, elle apparaît sur le catalogue de prix des cigarettes qu'elle présente à ses revendeurs ainsi que dans les courriers qu'elle leur adresse. Elle est aussi présente sur les extraits de l'annuaire du tabac qui montrent un volume de vente et une présence effective de la marque sur le marché pertinent pour la période de référence. De plus, les pièces fournies sont toutes liées à la vente de tabac, de cigarettes, notamment les publicités destinées à promouvoir le tabac et ses produits associés. La nature et l'importance de l'usage de la marque antérieure pour certains des produits sont donc acquises.
Sur l'usage des produits enregistrés :
Le directeur général de l'INPI a justement considéré que l'usage sérieux de la marque antérieure 'WEST' était démontré pour les produits suivants : 'Tabac à l'état brut ou traité ; Cigarettes ; Cigares ; Produits du tabac ; articles pour fumeur ; Produits du tabac'. La marque antérieure est donc réputée enregistrée pour ces produits. Ces seuls produits seront pris en compte afin d'apprécier le risque de confusion entre la marque antérieure et le signe contesté.
Sur le risque de confusion :
Le risque de confusion s'entend du risque que le public puisse croire que les produits ou services proviennent de la même entreprise ou d'entreprises liées économiquement. Le risque de confusion comprend le risque d'association, c'est-à-dire que le consommateur perçoive les marques comme étant distinctes mais provenant d'une même entreprise ou d'entreprises liées.
L'existence d'un risque de confusion doit être appréciée globalement en prenant en compte la similitudes des signes, des produits et services, le caractère distinctif des marques, leurs éléments distinctifs et dominants ainsi que le public pertinent.
Sur la similarité des produits et services :
M. [N] fait valoir que les cigarettes électroniques et les cigarettes classiques ne peuvent être confondues. Il estime que les produits sont bien distincts, ils n'ont ni la même définition, ni la même fonction et ne sont pas proposés dans les mêmes circuits de distribution.
La similitude entre les produits et les services s'apprécie en tenant compte de tous les facteurs pertinents. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (CJCE, 29 septembre 1998, Canon, C-39/97). D'autres facteurs peuvent être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés.
Les cigarettes et les cigarettes électroniques ont la même nature puisqu'elles permettent d'inhaler de la fumée. La cigarette électronique est un substitut à la cigarette classique permettant d'aider les fumeurs à arrêter de fumer, et en tout cas de proposer une alternative à la cigarette classique.
Ces produits ont la même destination puisqu'ils sont tous les deux destinés à être fumés. Ils permettent d'aspirer de la fumée ou de la vapeur par la bouche et d'en expirer. Ce sont des produits destinés à procurer un certain plaisir et un positionnement social et qui peuvent provoquer une forme d'accoutumance. Les sensations provoquées par la cigarette électronique se rapprochent de celles procurées par la cigarette classique.
L'utilisation est aussi similaire en ce que les produits nécessitent d'être inhalés. La composition des produits n'est pas la même, les cigarettes étant composées de feuilles de tabac séchées et les cigarettes électroniques d'un dispositif électronique générant un aérosol. De plus, les cigarettes s'allument grâce à un briquet par rapport aux cigarettes électroniques qui nécessitent seulement d'appuyer sur un bouton. Ces différences minimes ne permettent pas d'écarter le fait que l'utilisation de ces produits est bien similaire.
Les cigarettes et les cigarettes électroniques s'adressent au même public, à savoir un public de fumeurs. En effet, les consommateurs de cigarettes électroniques sont souvent des fumeurs ou d'anciens fumeurs qui cherchent à arrêter de fumer ou encore des personnes ne souhaitant pas fumer de cigarettes classiques tout en reproduisant des gestes et sensations identiques à ceux de la consommation de cigarettes classiques. La cigarette électronique apparaît comme un substitut ou une alternative à la cigarette classique.
Les circuits de distribution sont similaires puisque les cigarettes peuvent être achetées au sein des bureaux de tabac et de certains bars disposant d'un débit de tabac, tout comme les cigarettes électroniques et les produits associés.
Contrairement à ce que soutient M. [N], une législation similaire s'applique aux cigarettes et aux cigarettes électroniques puisque les deux sont interdites dans certains lieux, leur publicité est interdite, de même que leur vente aux mineurs.
Il y a lieu de considérer que les produits et services suivants de la demande de marque 'cigarettes électroniques; solutions liquides pour cigarettes électroniques; Services de vente au détail y compris en ligne de cigarettes électroniques à usage médical, substituts de tabac à usage médical, cigarettes sans tabac à usage médical, batteries pour cigarettes électroniques, piles pour cigarettes électroniques, boîtiers portables de charge pour cigarettes et vaporisateurs électroniques; Services de vente au détail y compris en ligne des chargeurs de batteries pour cigarettes électroniques, chargeurs pour cigarettes électroniques, chargeurs USB pour cigarettes électroniques, micrologiciels et logiciels pour cigarettes électroniques; Services de vente au détail y compris en ligne de câbles USB, articles pour fumeurs, cigarettes électroniques et vaporisateurs personnels et leurs parties constiutives, cigarettes électroniques et vaporisateurs personnels modifiables et leurs parties constitutives, atomiseurs-pulvérisateurs pour cigarettes électroniques; Services de vente au détail y compris en ligne des cigarettes contenant des succédanés du tabac non à usage médical, arômes, autres qu'huiles essentielles, à utiliser dans des cigarettes électroniques, arôles chimiques osus forme liquide utilisés pour la recharge de cartouches de cigarettes électroniques; Services de vente au détail y compris en ligne des solutions liquides pour cigarettes électroniques, liquides contenant de la nicotine pour cigarettes électroniques, accessoires pour le nettoyage de cigarettes électroniques, cartouches pour cigarettes électroniques, boîtes, étuis et pochettes à cigarettes électroniques, supports à cigarettes électroniques, porte-cigarette électronique; services rendus par un franchiseur, à savoir mise à disposition de savoir-faire commercial et marketing dans le domaine de la vente de cigarettes électroniques et vaporisateurs personnels ainsi que leurs solutions liquides et arômes et accessoires'
sont similaires aux produits suivants de la marque antérieure
'Tabac à l'état brut ou traité; Cigarettes; Cigares; Produits du tabac; articles pour fumeur; Produits du tabac'.
Sur la similarité des signes :
M. [N] fait valoir que les signes présentent un degré faible de similarité malgré la présence commune du terme 'WEST' dans les deux signes.
L'appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des signes en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques, en tenant compte, notamment, des éléments distinctifs et dominants de celles-ci (CJCE, 11 novembre 1997, Sabel, C-251/95). L'élément d'un signe peut posséder un caractère distinctif faible s'il fait référence aux caractéristiques des produits et services (mais n'en est pas exclusivement descriptif).
Les deux marques en cause sont des marques verbales, il n'y a pas lieu d'apprécier quel est l'élément dominant au sein de ces marques. Elles se rapprochent en ce qu'elles possèdent un mot identique en leur sein 'WEST'. La marque antérieure est composée du seul mot 'WEST' tandis que la demande de marque est composée des mots 'VAPING WEST'. Le terme 'VAPING' est un terme anglais qui se traduit par 'VAPOTER' en français. Celui-ci évoque le vapotage et la vapeur produite par les cigarettes électroniques lorsqu'elle est expirée par les consommateurs et n'apparaît dans ce contexte que faiblement distinctif puisqu'évocateur des produits et services visés. Il faut donc considérer que l'élément distinctif de la demande de marque est le terme 'WEST' qui est identique au seul mot composant la marque antérieure. Cet élément renvoie au terme 'OUEST' en français, un des points cardinaux, et est donc bien distinctif pour les produits et services visés.
Visuellement, la marque antérieure est composée d'un élément verbal 'WEST' et la demande de marque de deux éléments verbaux 'VAPING WEST'. Pour autant, l'élément 'VAPING' apparaît comme étant faiblement distinctif au sein du signe, ce qui accentue la similitude visuelle entre les signes, l'élément 'WEST' retenant l'attention du consommateur et étant identique. L'élément 'WEST' retient particulièrement l'attention du public, la lettre W étant rarement utilisée en langue française.
Phonétiquement, la marque antérieure est composée d'une syllabe 'WEST' et la demande de marque de trois syllabes 'VA/PING/WEST'. Le terme 'VAPING' de la demande de marque placé en attaque ne retiendra pas particulièrement l'attention du consommateur, celui-ci étant faiblement distinctif des produits et services visés.
Conceptuellement, les deux marques sont composées du terme anglais 'WEST' se traduisant par 'OUEST' en français. Ce terme anglais est facilement compréhensible par le public français puisqu'il apparaît très proche du terme français. Le terme 'VAPING' utilisé dans la demande de marque se traduit par 'VAPOTER' en français, ce qui se rapporte directement aux produits et services visés en lien avec la cigarette électronique.
Le signe verbal contesté 'VAPING WEST' est donc similaire au signe verbal antérieur 'WEST'.
Sur le public pertinent :
En l'espèce, le public pertinent à prendre en compte est le public français puisque la marque antérieure est une marque de l'Union européenne et le signe contesté est une marque française. Le consommateur moyen est réputé être raisonnablement informé et attentif. En matière de cigarettes, il est possible de considérer que le consommateur français aura une certaine connaissance du produit acheté.
Sur le risque de confusion :
L'appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et notamment la similitude des signes et celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits et services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les signes, et inversement.
Il résulte de ces éléments que les produits et services de la marque antérieure et de la demande de marque sont similaires de même que les signes, ce qui entraîne un risque de confusion dans l'esprit du public sur l'origine des produits et services. De plus, la demande de marque 'VAPING WEST' apparaît comme une déclinaison de la marque 'WEST', le terme 'VAPING' évoquant les produits visés dans la demande de marque. La demande de marque risque d'apparaître comme une nouvelle gamme de cigarettes déclinée pour des cigarettes électroniques.
Les deux signes, appréciés dans la globalité de leurs éléments visuels, phonétiques et intellectuels, dégagent une même impression d'ensemble. Dans la mesure où ils désignent des produits et services similaires, ils présentent un risque de confusion pour le consommateur.
11
Il y a lieu de rejeter le recours formé contre la décision de l'INPI.
Sur les frais et dépens :
Il y a lieu de condamner M. [N], partie succombante, aux dépens d'appel et de rejeter la demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
- Déclare irrecevable la demande d'infirmation de la décision formulée par M. [N],
- Déclare irrecevable la demande de déchéance de la marque formulée par M. [N],
- Rejette la demande de M. [N] d'annulation de la décision OP 22-4547 du 13 novembre 2023 du directeur général de l'Institut national de la propriété intellectuelle,
- Rejette les demandes contraires ou plus amples des parties,
- Condamne M. [N] aux dépens d'appel,
- Dit que la présente décision sera notifiée par le greffe par lettre recommandée avec accusé de réception aux parties ainsi qu'à l'Institut national de la propriété intellectuelle,