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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 1 juillet 2025, n° 24/06415

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 24/06415

1 juillet 2025

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 01 JUILLET 2025

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 24/06415 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QPWX

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 12 DECEMBRE 2024

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2024005244

APPELANTE :

Madame [V] [N], [J] [U]

née le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 16] (38)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Jacques henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A.R.L. [14] société à responsabilité limitée immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Montpellier, sous le numéro [N° SIREN/SIRET 11], dont le siège social est situé [Adresse 8]) prise en la personne de Maître [I] [L] venant aux droits de la SELARL [15], immatriculée au RCS de NIMES sous le n° [N° SIREN/SIRET 9], dont le siège social est [Adresse 5], es qualites de liquidateur judiciaire de la société [12], société par actions simplifiée au capital de 29.000 euros, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Montpellier sous le numéro [N° SIREN/SIRET 10], ayant son siège social sis [Adresse 2], désignée es qualites à cette fonction suivant jugement rendu par le Tribunal de commerce de MONTPELLIER du 17 octobre 2022 et ordonnance de transfert de mandat du 6 novembre 2023,

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Emmanuelle MASSOL de la SELARL AMMA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me VIGOUROUX Kim, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 20 mai 2025

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 914-5 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 mai 2025, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par le même article, devant la cour composée de :

Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre

M. Thibault GRAFFIN, conseiller

M. Fabrice VETU, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Gaëlle DELAGE

Ministère public :

L'affaire a été communiquée au ministère public.

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Gaëlle DELAGE, greffière.

*

* *

FAITS ET PROCEDURE

Mme [V] [U] est dirigeante de la SAS [12], exerçant l'activité de transports routier de marchandises.

Le 6 octobre 2022, Mme [U] a déclaré l'état de cessation des paiements de la société [12] auprès du greffe du tribunal de commerce de Montpellier.

Par jugement du 17 octobre 2022, le tribunal de commerce de Montpellier a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société [12] et désigné la société [15], prise en la personne de M. [I] [L], en qualité de liquidateur judiciaire.

Par ordonnance de transfert de mandat du 6 novembre 2023, la société [14], prise en la personne de M. [I] [L], a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la société [12].

Par exploit du 27 mai 2024, la société [14], ès qualités, a assigné Mme [V] [U] en comblement du passif à hauteur du montant de l'insuffisance d'actif de la société [12] et pour voir prononcer une mesure de faillite personnelle.

Par jugement réputé contradictoire du 12 décembre 2024, le tribunal de commerce de Montpellier a :

déclaré que Mme [U] en sa qualité de dirigeant de droit de la société [12], n'a pas publié les comptes annuels de la société [12] en violation des dispositions légales prévues par les dispositions de l'article L. 232-21 et R.247-3 du code de commerce ;

déclaré que Mme [U], en sa qualité de dirigeant de droit de la société [12], n'a pas tenu de comptabilité fiable et sincère conformément aux prescriptions légales en vigueur ;

déclaré que Mme [U], en sa qualité de dirigeant de droit de la société [12], a à l'occasion de la gestion de cette société, violé la législation fiscale et sociale ;

déclaré que Mme [U], en sa qualité de dirigeant de droit de la société [12], a commis dans le cadre de sa gestion des fautes graves ayant contribués de manière considérable à l'insuffisance d'actifs de ladite société ;

condamné Mme [U], en sa qualité de dirigeant de droit de la société [12], à contribuer au comblement du passif de la société à hauteur de 1 438 039,40 euros correspondant au montant d'insuffisance d'actifs de la société [12] au titre des créances définitivement admises ;

condamné Mme [U], en sa qualité de dirigeant de droit de la société [12], , à une mesure de faillite personnelle pour une durée de 15 ans ;

ordonné l'exécution provisoire de cette décision ;

condamné Mme [U], en sa qualité de dirigeant de droit de la société [12], au paiement de la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

rappelé à Mme [U] que la faillite personnelle emporte notamment comme conséquence, pour la durée ci-dessus, conformément à l'article L. 653-2 du code de commerce, l'interdiction de diriger, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante ou toute personne morale ;

rappelé à Mme [U] que si elle ne respecte pas l'interdiction ci-dessus, elle sera passible des sanctions pénales suivantes : emprisonnement de deux ans et amende de 375 000 euros (article L. 654-15 du code de commerce) ;

passé les dépens en frais privilégiés de procédure collective.

Par déclaration du 19 décembre 2024, Mme [V] [U] a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions du 28 février 2025, elle demande à la cour, au visa des articles L. 651-2 et R.662-12 du code de commerce, de :

infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Au principal,

juger que n'est pas caractérisée une quelconque faute de gestion qui lui serait imputable et qui aurait contribué à une aggravation du passif ;

rejeter sa condamnation en contribution au passif ;

rejeter sa condamnation pour insuffisance d'actif ;

rejeter comme étant infondées toutes les demandes du liquidateur judiciaire de la société [12] ;

juger n'y avoir lieu à l'application d'une mesure de faillite personnelle à son encontre ;

Au subsidiaire,

cantonner et limiter le montant du comblement du passif mis à sa charge à la somme maximale de 1 000 euros ;

rejeter toutes demandes plus amples ou contraires de la part du mandataire liquidateur ;

et en tout état de cause, le condamner à la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions du 18 mars 2025, formant appel incident, la société [14], prise en la personne de M. [I] [L], venant aux droits de la société [15], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [12] demande à la cour, au visa des articles L. 651-2, L. 123-12 et suivants, L. 232-23, R. 247-3, L. 653-1, L. 653- du code de commerce, de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, des articles 1741 et 1743 du code général des impôts et de l'article 700 du code de procédure civile, de :

la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident ;

confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné Mme [U] au paiement de la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

y faisant et statuant à nouveau,

condamner Mme [U] à lui payer la somme de 5 000 euros HT au titre des frais irrépétibles de première instance, outre les dépens ;

en tout état de cause, la débouter de toutes ses demandes au titre de son appel ;

et la condamner à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure d'appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Le ministère public, qui a reçu communication de la procédure, a sollicité le 2 janvier 2025, par avis communiqués aux autres parties par RPVA, la confirmation du jugement entrepris sauf élément nouveau produit par Mme [U].

Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est datée du 20 mai 2025.

MOTIFS :

Sur la responsabilité pour insuffisance d'actif

1. Aux termes de l'article L. 651-2 du code de commerce, en sa version en vigueur du 11 décembre 2016 au 3 juillet 2021, lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.

2. A la différence des sanctions civiles et pénales pour lesquelles la loi énumère dans le détail les faits susceptibles d'être retenus, toutes les fautes de gestion peuvent être prises en considération, sous la réserve, s'agissant d'une action en responsabilité civile délictuelle ayant pour objet la réparation du préjudice subi par la collectivité des créanciers, que soient prouvés, outre l'existence au moins d'une telle faute, celle d'un préjudice consistant en une insuffisance d'actif en lien avec la faute du dirigeant.

3. L'action en responsabilité pour insuffisance d'actif déroge cependant au droit commun de la responsabilité en ce que, même si les conditions de fond de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif sont réunies, les juges du fond apprécient souverainement le montant et la nécessité de la sanction, et peuvent même, en cas de faute établie, décider de ne prononcer aucune condamnation à ce titre.

4. En outre, le dirigeant peut être condamné à supporter la totalité de l'insuffisance d'actif, même si sa ou ses fautes ne sont à l'origine que d'une partie de celle-ci.

5. Les fautes ou les abstentions, exclusives de fautes de simple négligence, doivent avoir été commises antérieurement à l'ouverture de la procédure et en application de ce texte, il appartient au liquidateur de démontrer que le dirigeant de droit ou de fait a personnellement commis celles-ci.

Sur le préjudice

6. Mme [V] [U] ne conteste pas l'évaluation de l'insuffisance d'actif retenue par le mandataire à la liquidation judiciaire, au moment où elle a cessé ses fonctions de dirigeante, d'un montant de 1 438 039,40 euros, après réalisation de l'actif à hauteur de 49 528,62 euros.

7. Au vu des productions, cette somme sera retenue comme étant l'insuffisance d'actif de la SAS [12].

Sur les fautes de gestion

8. D'une manière générale, Mme [V] [U] soutient que le liquidateur ès qualités, puis le tribunal, auraient dû caractériser les actes matériels dont elle serait l'auteur, objectiver son intention dans chacune des fautes soulevées, établir sa contribution et établir le lien de causalité avec le passif.

9. Selon l'appelante, la démonstration d'une aggravation du passif ne saurait résulter du simple constat qu'elle n'aurait pas :

- tenu une comptabilité ;

- publié les comptes annuels (sans précisément viser d'année) ;

- respecté la législation sociale et fiscale (toujours sans les viser).

Sur l'absence de tenue de toute comptabilité

10. Au visa de l'article L. 123-12 du code de commerce, la SARL [14], prise en la personne de Me [I] [L], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS [12], réplique qu'aucune comptabilité relative à cette société n'a été tenue par Mme [V] [U] en sa qualité de dirigeante.

11. Selon l'intimée, à l'occasion d'une procédure de vérification fiscale, l'administration fiscale aurait, compte tenu de cette absence de tenue de comptabilité, opté pour une taxation d'office et imputé des pénalités et amendes colossales à un taux de 40% à la SAS [12], ce qui aurait nécessairement contribué à alourdir le passif de cette dernière.

13. La SARL [14], ès qualités, soutient que l'absence de tenue de comptabilité constitue une faute de gestion imputable à Mme [V] [U] en sa qualité de dirigeante de la société et justifie, dès lors, sa condamnation au titre du comblement de passif de ladite société.

Sur ce, la cour,

14. Aux termes d'une lecture combinée des articles L. 123-12, L. 123-14 et L. 651-2 du code de commerce, peut constituer une faute de gestion du dirigeant, susceptible d'engager sa responsabilité pour insuffisance d'actif, le défaut de comptabilité régulière de la société, établi par le demandeur à l'action.

15. Les productions et, notamment une lettre datée du 30 mars 2023 de la direction générale des finances publiques (pièce n°5 du mandataire liquidateur) apportent la preuve d'une absence de comptabilité qui excède la simple négligence, Mme [V] [U] ne contestant pas n'avoir jamais établi de comptabilité durant sa présidence.

16. L'aggravation de l'insuffisance d'actif en lien avec le défaut de tenue de comptabilité (procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité dressé selon les dispositions de l'article L.13 du livre des procédures fiscales) est rapportée pour une période allant du 1er juin 2021 au 30 juin 2022 puis, du 1er avril 2022 au 30 septembre 2022, dès lors que cette absence de comptabilité a donné lieu à un redressement fiscal en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôts sur les sociétés pour une somme de plus de 368 000 euros (pièce n°7 du mandataire, proposition de rectification suite à une vérification de comptabilité).

17. Il est ainsi établi que cette absence de comptabilité, qui a privé Mme [V] [U] d'un moyen de suivre l'évolution réelle de la situation financière de la société et de contrôler la rentabilité ou de déceler les difficultés que celle-ci ne pourrait plus surmonter, a aggravé l'insuffisance d'actif retenue.

18. La décision sera confirmée sur ce point.

Sur le non-respect de la législation fiscale et sociale

19. Se fondant sur le contrôle opéré par l'administration fiscale, le mandataire liquidateur fait valoir qu'à l'issue de ce contrôle, il est apparu que :

' le montant déclaré par la [13] au titre des impôts directs s'élevait à la somme de 116 907 euros ;

' le montant déclaré par la [13] au titre de la TVA s'élevait à la somme de 381 253 euros.

20. Il indique en outre que la proposition de rectification comprenait des majorations et pénalités de 40% au regard des manquements à la législation fiscale.

21. Enfin, les manquements aux obligations sociales auraient à l'identique contribué à l'aggravation du passif.

Sur ce, la cour

22. Sans revenir sur les montants dus à la [13] au regard des manquements constatés au titre des obligations fiscales (Cf. point 14 à 17), les productions apportent la preuve de plusieurs entorses aux obligations déclaratives envers les organismes sociaux, lesquelles se sont poursuivies sur plusieurs exercices.

23. La déclaration au passif par les caisses de sécurité sociales d'une somme vérifiée de 537 676,56 euros, générée durant la gestion de Mme [V] [U] représente une part importante de l'insuffisance d'actif, pour rappel, d'un montant de 1 438 039,40 euros.

24. Ces manquements répétés aux obligations déclaratives envers les organismes sociaux, qui excèdent une simple négligence, sont en lien de causalité avec l'aggravation du passif, de sorte que la décision sera confirmée sur ce point.

Sur la non-publication des comptes annuels

25. Si l'article L. 232-23 du code de commerce fait obligation à toute société par actions simplifiées de déposer annuellement ses comptes, il n'en demeure pas moins que la SELARL [14] n'apporte pas la preuve que ce manquement serait à l'origine de l'aggravation du passif.

26. Dès lors, cette faute ne peut engager la responsabilité de Mme [V] [U] dans le cadre de la présente action, et la décision sera réformée sur ce point.

Sur le montant de la contribution mise à la charge de Mme [V] [U]

27. Ces fautes de gestion sont d'une gravité particulière, eu égard à leur nombre, aux carences qu'elles font ressortir, et à leur durée.

28. Cependant, si les condamnations pécuniaires doivent tenir compte de l'importance des fautes reprochées, elles doivent aussi être proportionnées à la situation des dirigeants dont la responsabilité est retenue.

29. L'appelante, si elle invoque le principe de proportionnalité en ce qui concerne le montant de la contribution susceptible d'être mise à sa charge, ne fournit cependant aucune précision sur sa situation tant personnelle que professionnelle et n'allègue d'ailleurs pas être dans une situation financière susceptible de justifier une modération du montant des condamnations pécuniaires qui sont en rapport avec sa responsabilité, telles que justement retenues par les premiers juges.

30. Le jugement qui a mis à sa charge l' insuffisance d'actif à hauteur de 1 438 039,40 euros sera confirmé.

Sur la mesure de faillite personnelle et l'interdiction de gérer

31. Il résulte des dispositions de l'article L. 653-4 du code de commerce que:

'Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé l'un des faits ci-après :

1° Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ;

2° Sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel ;

3° Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;

4° Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ;

5° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.'

32. En vertu du 6°, de l'article L. 653-5 du même code, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 contre laquelle a été relevé le fait d'avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables

33. Selon l'article L. 653-2 du Code de commerce, la faillite personnelle emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale.

34. Selon le premier alinéa de l'article L. 653-11 du code de commerce, lorsque le tribunal prononce la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L. 653-8, il fixe la durée de la mesure, qui ne peut être supérieure à quinze ans.

35. Les juges du fond apprécient souverainement la sanction liée à l'interdiction de gérer, dont les principe et quantum sont appréciés en fonction de la gravité des fautes commises et de la situation personnelle de l'intéressé dès lors, pour ce dernier critère, qu'il en est fait état par elle.

36. La sanction de faillite personnelle ayant un caractère de punition, celle-ci ne peut être prononcée que dans les cas limitativement énumérés par la loi, qui sont d'interprétation stricte.

37. En l'espèce, l'appelante se bornant à fonder sa demande de réformation sur ce point sur sa prétendue absence de fautes de gestion, alors que les développements qui précèdent les confirment, hormis celle relative au dépôt annuel des comptes, il y a lieu de confirmer le prononcé contre Mme [V] [U] d'une mesure de faillite personnelle, que la cour estime toutefois devoir ramener à dix années.

Le jugement déféré sera partiellement infirmé en ce sens.

Mme [U] succombant encore pour plus large part devra supporter la charge des dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a retenu au titre des fautes à l'origine de l'insuffisance d'actif, le non-dépôt des comptes annuels, et en ce qu'il a prononcé une mesure de faillite personnelle d'une durée de quinze années,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Dit que la non-publication des comptes annuels au sens de l'article L. 232-23 du code de commerce n'a pas contribué à l'insuffisance d'actif retenue,

Condamne Mme [V] [U] à une mesure de faillite personnelle pour une durée de dix années,

Déboute la SARL [14], prise en la personne de M. [I] [L], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [12], de ses autres demandes,

Condamne Mme [V] [U] à payer à la SARL [14], prise en la personne de M. [I] [L], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [12], la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et déboute l'appelante de sa demande sur le même fondement,

Condamne Mme [V] [U] aux dépens d'appel.

La greffière La présidente

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