CA Angers, ch. a - com., 1 juillet 2025, n° 24/00103
ANGERS
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
D'[Localité 9]
CHAMBRE A - COMMERCIALE
JC/ILAF
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 24/00103 - N° Portalis DBVP-V-B7I-FIJF
jugement du 05 Décembre 2023
Tribunal de Commerce d'ANGERS
n° d'inscription au RG de première instance 2022000631
ARRET DU 01 JUILLET 2025
APPELANT :
Monsieur [V] [G]
né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 24]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Thierry BOISNARD de la SELARL LEXCAP, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 22A00981 et par Me Antoine BRILLATZ, avocat plaidant au barreau de TOURS
INTIMEE :
S.E.L.A.R.L. [F] [S], représentée par Maître [F] [S], mandataire judiciaire, en sa qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la SA [8],
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Antoine BARRET de la SCP BARRET & MENANTEAU - AVOCATS & CONSEILS, avocat au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 29 Avril 2025 à 14'H'00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre et devant M. CHAPPERT, conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CORBEL, présidente de chambre
M. CHAPPERT, conseiller
Mme GANDAIS, conseillère
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
Ministère Public : L'affaire a été communiquée au ministère public qui a fait connaître son avis.
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 01 juillet 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE :
La SA [8] a été créée en 1992 par M. [O] [L], avec pour objet 'la'création, la conception, la réalisation de tous aménagements de tous immeubles commerciaux, industriels, d'habitation ou autres ; la décoration intérieure, la maîtrise et la réalisation de tous travaux, tous corps d'état, relatifs à l'objet ci-dessus défini. Elle peut réaliser toutes opérations qui sont compatibles avec cet objet et qui s'y rapportent et contribuent à sa réalisation' (article 3).
En 2009, la SA [12], détenue à 100 % par M. [V] [G] qui en est le président, a acquis 66,48 % des actions de la SA [8].
M. [G] est devenu président de la SA [8] également.
M. [G] explique que la SA [8] a rencontré des difficultés à la fin de l'année 2015 en raison de la fin de sa collaboration avec la société [17], pour'laquelle elle réalisait des travaux d'aménagement de ses établissements [19] et qui représentait 12 % de son chiffre d'affaires.
C'est ainsi que, le 25 janvier 2019, M. [G] a procédé au dépôt d'une déclaration de cessation des paiements de la SA [8] et que, par un jugement du 31 janvier 2019, le tribunal de commerce d'Angers a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SA [8], en fixant la date de cessation des paiements au 30 janvier 2019.
Parallèlement, le tribunal de commerce d'Angers a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéficie de la SA [14] par un jugement du 20 février 2019, qui a par la suite été convertie en une liquidation judiciaire par un jugement du 19 avril 2019.
Par deux jugements du 19 avril 2019, le tribunal de commerce d'Angers a, d'une part, homologué un plan de cession de la SA [8] au profit de la SARL [6] et, d'autre part, a prononcé la liquidation judiciaire de la SA [8], en'désignant la SELARL [F] [S], prise en la personne de M. [F] [S], en qualité de liquidateur judiciaire.
Saisie par une requête du liquidateur judiciaire, le juge-commissaire a, par une ordonnance du 9 octobre 2019, désigné M. [U] [T] en application des articles L. 621-9 et L. 641-11 du code de commerce, afin de mener des investigations sur les comptes de la SA [8] et de rechercher d'éventuelles fautes de gestion ou faits à caractère pénal.
M. [T] a établi un rapport le 14 mai 2021.
Par un acte du 25 janvier 2022, M. [S], ès qualités, a fait assigner M.'[G] devant le tribunal de commerce d'Angers en responsabilité pour insuffisance d'actif et aux fins de sanctions.
Par un jugement du 5 décembre 2023, le tribunal de commerce d'Angers a :
- condamné M. [G] au paiement à la SELARL [F] [S], prise en la personne de M. [S], d'une somme de 3 300 257 euros au titre de l'insuffisance d'actif de la SA [8], société en liquidation judiciaire dont il était le gérant, avec intérêt à taux légal à compter du 24 janvier 2022,
- condamné M. [G] à une sanction de faillite personnelle pour une durée de dix années,
- débouté M. [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamné M. [G] au paiement à la SELARL [F] [S], prise en la personne de M. [S], d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné les communications et publicités légales,
- employé les dépens en frais privilégiés de procédure collective,
- ordonné que l'inscription de la condamnation au fichier national des interdictions de gérer
Le tribunal de commerce a retenu cinq fautes à l'encontre de M. [G], dont'il a considéré qu'elles étaient en lien avec l'insuffisance d'actif arrêtée par le liquidateur judiciaire à la somme de 3 229 046,42 euros. C'est à ce montant que le tribunal de commerce a condamné M. [G], en y ajoutant celui de son compte courant débiteur (71 211 euros).
Par une déclaration du 9 janvier 2024, M. [G] a formé appel de ce jugement, l'attaquant en chacun de ses chefs et intimant la SELARL [F] [S], ès qualités.
Les parties ont conclu et une ordonnance du 31 mars 2025 a clôturé l'instruction de l'affaire.
Selon un avis du 11 avril 2025, communiqué aux parties par la voie électronique par un message du 14 avril 2025, le ministère public s'en est rapporté aux écritures déposées pour le compte de la SELARL [F] [S] et a formulé l'avis que le jugement du tribunal du 5 décembre 2023 soit confirmé dans son principe mais que la condamnation au titre de la contribution à l'insuffisance d'actif soit ramenée à la somme de 1 869 510 euros.
La communication de cet avis aux parties étant intervenue postérieurement à l'ordonnance de clôture, il leur a été demandé, par un message électronique du 20 juin 2025, si elles souhaitaient pouvoir reconclure en réponse à cet avis. M.'[G] et la SELARL [F] [S], ès qualités ont tous les deux indiqué, par'des messages électroniques en réponse du 20 juin 2025, qu'ils n'entendaient pas reconclure à la suite de l'avis du ministère public.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par des conclusions (n° 1) remises au greffe par la voie électronique le 12'février 2025, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [G] demande à la cour :
- de dire recevable et fondé son appel à l'encontre du jugement du 5 décembre 2023,
en conséquence,
- d'infirmer ce jugement en toutes ses dispositions,
- de débouter la SELARL [F] [S], ès qualités, de l'intégralité de ses demandes,
subsidiairement, en cas de condamnation par application de l'article L. 651-2 du code de commerce,
- de le condamner à une sanction proportionnée à ses facultés contributives,
- de condamner la SELARL [F] [S], ès qualités, à lui payer la somme de 5 000 euros par l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par des dernières conclusions remises au greffe par la voie électronique le 13'février 2025, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SELARL [F] [S], prise en la personne de M. [S], ès qualités, demande à la cour :
- de débouter M. [G] de son appel, de l'ensemble de ses écritures, fins et demandes,
- de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions non contraires aux présentes,
- de condamner M. [G] à régler à la liquidation judiciaire de la SA [8] la somme de 1 869 510 euros au titre de l'aggravation de l'insuffisance d'actif depuis l'exercice clos au 30 juin 2017,
- de condamner M. [G] à régler à la liquidation judiciaire de la SA [8] la somme de 71 211 euros au titre du solde débiteur du compte courant, outre les intérêts de retard à compter de la délivrance de l'assignation valant sommation de payer en date du 24 janvier 2022,
- de prononcer à l'égard de M. [G] une mesure de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer,
- de condamner M. [G] à lui régler, ès qualités, la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'à supporter les entiers frais et dépens d'instance, lesquels seront recouvrés par l'avocat soussigné conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- de débouter M. [G] de l'ensemble de ses conclusions, fins et demandes reconventionnelles.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- sur le rapport du technicien :
M. [T] a été désigné par le juge-commissaire en tant que technicien sur le fondement de l'article L. 621-9 du code de commerce, auquel renvoie l'article L. 641-11 du même code, afin de mener des investigations sur les comptes de la SA [8] en vue de rechercher d'éventuelles fautes de gestion ou faits à caractère pénal.
M. [G] reproche au technicien d'avoir mené ses investigations seul, sans'jamais se rapprocher de lui ni de son expert-comptable, alors que celui-ci a tenté de le joindre à plusieurs reprises, en vain.
Cette position est clairement assumée par le technicien qui rappelle dans son rapport (article 1.2.5.1) que la mission qui lui est confiée n'est pas une expertise judiciaire et qu'elle n'est donc pas soumise au principe du contradictoire. Il est exact que le technicien désigné en application de l'article L. 621-9 précité n'est pas tenu d'observer une contradiction permanente dans l'exécution de ses investigations et dans l'élaboration de son rapport, qui ne vaut qu'à titre de simple renseignement et qui devra être ensuite communiqué, comme toute pièce, dans'le cadre des débats pour pouvoir être débattu cette fois-ci contradictoirement. Mais il reste néanmoins nécessaire que le débiteur ou le dirigeant soit associé aux opérations du technicien, ce qui n'a manifestement pas été le cas en l'espèce.
Pour autant, M. [G] ne demande pas à la cour, comme il l'avait fait en première instance, de prononcer la nullité du rapport de M. [T], dont il se limite à contester la force probante. C'est donc en tenant compte du fait que l'appelant n'a pas été associé aux opérations du technicien que la cour appréciera les termes et les conclusions du rapport du 14 mai 2021, M. [G] étant légitime à faire valoir toute observation ou tout élément pour les contredire.
- sur la responsabilité pour insuffisance d'actif :
Le liquidateur judiciaire fonde son action sur les dispositions de l'article L. 652-1 du code commerce qui prévoient que, lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.
Il appartient à la SELARL [F] [S], ès qualités, de rapporter la preuve, d'une part, d'une ou plusieurs fautes de gestion, dépassant la simple négligence, qui auraient été commises par M. [G], dirigeant de droit de la SA [8], avant le 31 janvier 2019, date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire converti en liquidation judiciaire au cours de la période d'observation, et, d'autre part, que ces fautes de gestion ont contribué à l'insuffisance d'actif.
(a) sur le retard dans la déclaration de l'état de cessation des paiements':
Il ressort en effet des articles L. 631-4 et L. 640-4 du code de commerce que le débiteur doit demander l'ouverture d'un redressement judiciaire ou d'une liquidation judiciaire dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements, s'il n'a pas dans ce délai demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.
M. [G] a déposé la déclaration d'état de cessation des paiements de la SA [8] le 25 janvier 2019. Le jugement d'ouverture du 31 janvier 2019 a fixé la date de l'état de cessation des paiements au 30 janvier 2019.
Les premiers juges ont néanmoins considéré qu'il ressort des comptes annuels et du rapport du technicien que l'état de cessation des paiements est en réalité bien plus ancien et qu'il existait déjà, à tout le moins, au 30 juin 2016. Le'liquidateur judiciaire considère également que l'état de cessation existait bien avant le 30 janvier 2019, la différence entre l'actif disponible et le passif exigible ayant été significativement négative dès l'exercice clos le 30 juin 2017 (- 1 442 337 euros) et encore lors de l'exercice clos le 30 juin 2018 (- 1 717 85 euros).
Mais néanmoins, c'est exactement que M. [G] oppose que l'omission de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai légal, qui est invoquée à titre de faute de gestion, ne peut s'apprécier qu'au regard de la seule date fixée en l'espèce dans le jugement d'ouverture, qui a autorité de la chose jugée. Les premiers juges ne pouvaient donc pas caractériser le retard en retenant une date de cessation des paiements antérieure à celle du 30 janvier 2019, telle qu'elle avait été fixée par le jugement du 31 janvier 2019, en l'absence de toute décision de report. De ce simple fait, la faute reprochée à M. [G] n'est pas caractérisée.
(b) sur la poursuite abusive d'une exploitation déficitaire :
La SELARL [F] [S], ès qualités, reproche à M. [G] d'avoir poursuivi l'exploitation de la SA [8] en dépit de trois exercices lourdement déficitaires à compter de celui clos le 30 juin 2016, sans rechercher de mesures de redressement mais, au contraire, en faisant supporter le poids de cette situation à ses fournisseurs et à l'Etat.
Les comptes annuels confirment des pertes survenues lors des exercices clos le 30 juin 2016 (- 540 160 euros), le 30 juin 2017 (- 31 915 euros) et le 30 juin 2018 (- 389 213).
Contrairement à ce que soutient M. [G], les capitaux propres sont devenus inférieurs à la moitié du capital social dès l'exercice clos le 30 juin 2016, cette situation ayant perduré lors des exercices clos le 30 juin 2017 puis le 30 juin 2018. Mais le liquidateur judiciaire n'invoque pour autant pas une faute de gestion directement liée au non-respect par M. [G] des dispositions de l'article L. 223-42 du code de commerce, de telle sorte que l'argumentation de l'appelant sur ce point est sans objet.
M. [G] ne conteste pas que l'exercice clos le 30 juin 2016, dont il doit être relevé qu'il a été établi sur 18 mois, a été déficitaire, ce qu'il explique par la perte de l'un de ses principaux clients. C'est par ailleurs exactement qu'il fait remarquer que l'exercice clos le 30 juin 2017 n'a abouti à une perte (- 31 915 euros) qu'en'raison d'un résultat exceptionnel négatif (- 127 019 euros), essentiellement dû à la régularisation de créances devenues irrecouvrables, le résultat d'exploitation ayant quant à lui été positif (85 230 euros). Toutefois, le technicien démontre que l'exploitation était en réalité bien déficitaire, y compris sur cet exercice clos le 30 juin 2017. C'est ce qui ressort, en premier lieu, de'l'insuffisance de l'actif disponible - calculé hors créances douteuses et sans tenir compte de la créance inscrite sur la société-mère, dont le technicien retient qu'elle était déjà elle-même en état de cessation des paiements - par rapport au passif exigible, l'un comme l'autre à l'échéance de moins d'un an, que ce soit sur l'exercice clos le 30 juin 2017 (-1 591 040 euros) ou le 30 juin 2018 (- 1 901 928 euros). Ces premiers éléments établissent que l'exploitation était déficitaire sans remettre en cause le fait que la date de la cessation des paiements est fixée au 30 janvier 2019 par l'effet de l'autorité attachée au jugement d'ouverture puisque, comme le rappelle l'intimée, la notion d'exploitation déficitaire est indépendante de celle de cessation des paiements. Ils sont confortés, en deuxième lieu, par le calcul d'un taux moyen de marge brute situé entre 10 % et 25 %, dont le technicien conclut qu'il était insuffisant pour couvrir les frais fixes de la SA [8] et pour satisfaire son modèle d'affaires non récurrentes. M. [G] conteste certes ces chiffres en affirmant que le taux de marge était de 26 % (au 30 juin 2016), de 24,31 % (au 30 juin 2017) et de 19 % (au 30 juin 2019). Cependant, il'ne propose pas de calcul en ce sens, à la différence du technicien qui explique avoir rapproché les travaux achetés et les travaux vendus pour chaque chantier, dont il a reproduit la liste en annexe de son rapport. Dans son attestation du 7'juillet 2022, l'expert-comptable se contente d'indiquer que, de son point de vue, le taux de marge devrait être apprécié en valeur absolue mais sans non plus proposer de calcul pour contredire ceux du technicien. Le caractère déficitaire de l'exploitation est établi, en troisième lieu, à partir de la détermination du seuil de rentabilité, qui amène le technicien à la conclusion que le chiffre d'affaires réalisé aurait dû être multiplié par 1,48 (exercice clos le 30 juin 2016), par 1,54 (exercice'clos le 30 juin 2017) et par 1,17 (exercice clos le 30 juin 2018) pour que la société parvienne à l'équilibre. Ces ratios sont également critiqués par M.'[G] ainsi que par l'expert-comptable dans son attestation précitée mais, ici encore, sans proposer de calcul convaincant à partir des éléments comptables, comme l'a fait le technicien. Il est donc ainsi fait la preuve de la poursuite par l'appelante d'une activité déficitaire à tout le moins sur les trois derniers exercices comptables.
Le caractère abusif de cette poursuite d'activité déficitaire recoupe la critique dirigée par le liquidateur judiciaire à l'encontre du modèle économique mis en oeuvre par M. [G] et dont le financement reposait sur deux écueils.
Le premier a consisté à recourir de façon abusive au crédit fournisseur. De'fait, le technicien démontre à partir du bilan fonctionnel que le fonds de roulement de la SA [8] était négatif dès l'exercice clos le 30 juin 2016 (- 607 385 euros) et qu'il s'est dégradé sur les exercices subséquents, de telle sorte que la société s'est financée par un besoin en fonds de roulement d'exploitation négatif en recourant principalement au crédit fournisseur. C'est ainsi que les dettes auprès des fournisseurs se sont élevées à un montant total de 2'180'786'euros au 30 juin 2016, de 2 838 595 euros au 30 juin 2017 et de 3'838'886 euros au 30 juin 2018, représentant respectivement plus de 65 %, de'63 % et de 68 % du passif exigible à moins d'un an et que les premiers juges ont calculé, sans être contredits sur ce point, un allongement du délai de règlement des fournisseurs à 109 jours (30 juin 2016), à 181 jours (30 juin 2017) et à 187 jours (30 juin 2018), dépassant ainsi largement le délai maximum de 60'jours imposé par l'article L. 441-10 du code de commerce.
Le second est le non-respect des obligations fiscales. Le liquidateur judiciaire verse en effet aux débats une proposition de rectification du 23 janvier 2019, qui'a fait suite à une vérification de comptabilité sur la période du 1er janvier 2015 au 30 juin 2017. Il en ressort que l'administration fiscale a caractérisé à l'encontre de la SA [8] des faits d'insuffisance déclarative de la taxe sur la valeur ajoutée collectée et de déduction par anticipation de la taxe sur la valeur ajoutée sur les prestations de service (conduisant à un rappel d'un montant total de 80 536 euros au titre de l'exercice clos le 30 juin 2017), outre une comptabilisation en partie non justifiée de provisions pour des créances clients ou sur un litige (conduisant à une rectification en base de 152 657 euros au titre de l'exercice clos le 30 juin 2016). Comme le souligne le liquidateur judiciaire, l'administration fiscale a mis exergue le caractère réitéré de cette pratique de la société en matière de taxe sur la valeur ajoutée, pour avoir déjà donné lieu à des rehaussements de droits identiques à l'issue de trois précédents contrôles, en ces termes :
'en thésaurisant la TVA sous forme de rétention de la TVA collectée ou d'anticipation de la TVA déductible, la société, qui ne pouvait donc ignorer cette règle de droit du fait de la récidive en la matière, a donc volontairement minoré les droits nets de TVA dus au Trésor.'
ce qui l'a amenée à appliquer une majoration de 40 % pour manquements délibérés.
Ces procédés, qui ont permis à la SA [8] de conserver une apparence de solvabilité au détriment de ses créanciers et en méconnaissance de ses obligations fiscales, sont constitutifs d'une faute de gestion qui dépasse la simple négligence et qui a contribué à l'insuffisance d'actif. C'est ainsi en effet que, d'une part, l'administration fiscale a déclaré une créance de 494 397 euros au titre de rappels de taxe sur la valeur ajoutée, que ce soit sur la période contrôlée ou sur des périodes postérieures, pour être admise à hauteur d'une somme de 498'187'euros à titre définitif et privilégié. D'autre part, les créances des fournisseurs, chirographaires, représentent au final plus de 77 % du passif échu admis et, par là même, la part majeure de l'insuffisance d'actif.
(c) sur les investissements financiers :
Les premiers juges ont considéré que M. [G] avait commis une faute de gestion, d'une part, en faisant consentir par la SA [8] une avance de 216'000'euros à la SARL [10], qu'elle ne lui a jamais remboursée et, d'autre part, en lui faisant prendre une participation dans la SAS [17] [Localité 7] hors de son objet social et en lui consentant une avance de 191 000 euros qui ne lui a pas non plus été remboursée puisque la société a été mise en liquidation judiciaire.
La SELARL [F] [S], ès qualités, qui poursuit la confirmation du jugement sur ce point, reproche en appel à M. [G] ces décisions d'investissements dans des structures tierces sans que soit démontré leur intérêt pour la SA [8], sans qu'il se soit assuré de la viabilité économique des projets et sans qu'il ait au final obtenu le moindre remboursement. Selon lui, ces projets, loin de s'inscrire dans une logique de redressement de la SA [8], n'ont eu pour finalité que d'essayer de redonner à la société un peu du crédit qu'elle avait perdu auprès de ses clients et de ses fournisseurs.
Il ressort du protocole d'accord du 6 février 2014 que la SA [8] a accepté d'entrer dans le capital de la SARL [10] (30 %) et de lui faire un apport en compte-courant de 250 000 euros afin de contribuer ainsi au financement de l'acquisition d'un fonds de commerce devant être exploité par une SAS [18], société à constituer. Par un second protocole d'accord, la SA [8] a accepté de prendre une participation directe dans le capital d'une SAS [17] [Localité 7] (30 %) , alors en cours de formation, pour lui faire un apport en compte-courant de 200 000 euros devant contribuer au financement des travaux du restaurant [20][Localité 7].
M. [G] reconnaît la réalité de ces investissements et le versement des sommes de 250 000 euros et de 200 000 euros, qu'il dit néanmoins être résultés de deux emprunts souscrits auprès du [15]. Les deux contrats de prêt qu'il verse aux débats concernent, d'une part, un prêt de 200 000 euros du 23'juillet 2014 correspondant effectivement au montant de l'avance consentie à la SAS [17] [Localité 7] mais, d'autre part, un prêt, non daté, d'un montant de 116'000'euros seulement qui ne représente donc qu'une partie de l'avance consentie à la SARL [10]. L'attestation de l'expert-comptable datée du 7 juillet 2022 confirme néanmoins que l'opération n'a impliqué que des financements à long terme, 'bancaires et Pierre Devred'.
Il n'est pas exact d'affirmer, comme l'ont fait les premiers juges, que la participation directe de la SA [8] dans la SAS [17] [Localité 7] était en dehors de son objet social puisqu'elle devait lui permettre de lui consentir une avance en compte-courant destinée à financer les travaux du restaurant. En ce sens, l'opération a bien contribué à la réalisation de l'objet social tel qu'il était défini à l'article 3 des statuts, notamment au regard de la réalisation d'aménagements d'immeubles commerciaux et de décoration intérieure.
M. [G] affirme que ces investissements ont été bénéfiques pour la SA'[8], que ce soit par le fait qu'elle a réalisé des travaux d'aménagement dans les deux établissements pour un montant d'au moins 2 000 000 euros ayant généré une marge brute d'au moins 400 000 euros mais également en ce qu'ils lui ont permis de fidéliser une nouvelle clientèle, de capter de nouveaux franchisés, d'entrer dans le réseau [17] et d'en capter l'image de marque. Comme le souligne toutefois l'intimée, il n'est fourni aucun business plan pour étudier la viabilité économique du projet ni aucune feuille route pour comprendre la stratégie d'investissement. La réalité et l'importance des avantages allégués par l'appelant en lien direct avec les investissements litigieux sont toutefois difficiles à apprécier et M. [G] n'apporte pas d'élément concret pour en faire la preuve. Il renvoie certes à cette fin à l'attestation de M. [X] [M], directeur du développement du groupe [16]. Mais il ressort du témoignage de ce dernier que la SA [8] avait acquis une reconnaissance auprès de lui bien avant les investissements litigieux, à la suite de travaux réalisés dans le restaurant [21] centre-ville de [Localité 23] en 2008 et qui l'ont conduit dès cette date à référencer la société et à la recommander fréquemment à de nouveaux franchisés ou à ses relations professionnelles (comme [11]). De même, l'expert-comptable atteste certes que les investissements dans les restaurants [19] ont apporté à la société, entre 2014 et 2019, un chiffre d'affaires de 4 030 037 euros de travaux dans les magasins [19] et de 1'508'228'euros dans les magasins [22]. Mais ces chiffres assis sur le seul chiffre d'affaires, qui ne recoupent pas ceux avancés par M. [G] dans ses conclusions, ne permettent pas de se convaincre du bénéfice net directement retiré par la SA [8] de ses prises de participation.
A l'inverse, il ressort du rapport du technicien que les prêts qui ont été consentis par la SA [8] à ses filiales étaient trop élevés par rapport à ses moyens financiers et qu'ils ont privé la société des fonds nécessaires à son activité. Les conditions de remboursement de 1 000 euros par mois avec un terme à 72 mois étaient également défavorables et, s'il est exact que les avances ont l'une comme l'autre donné lieu à des remboursements, ces derniers n'ont au final permis de récupérer qu'une mineure partie des fonds prêts qui subsistent pour 189 000 euros (SAS [17] [Localité 7]) et 202 166,67 euros (SARL [10]).
Ces éléments amènent à considérer que M. [G] a commis une faute de gestion, qui dépasse la simple négligence, en impliquant la SA [8] dans des investissements dont il n'est pas démontré qu'ils ont été étudiés préalablement et qui n'étaient en tout état de cause pas adaptés à sa capacité financière.
Les premiers juges ont considéré que cette faute de gestion a contribué à l'insuffisance d'actif en ce que les investissements ont dévoyé les ressources financières de la SA [8] et que les avances consenties ont obéré le gage des créanciers pour finalement constitué des créances irrecouvrables ou non remboursées dans l'actif disponible du fait de la liquidation des deux sociétés. Il'est en effet établi que la SAS [17] [Localité 7] a été placée en liquidation judiciaire le 15 novembre 2019 et que la créance de la SA [8] à son encontre n'est pas recouvrable, ce qu'a confirmé le mandataire judiciaire de la SAS [17] [Localité 7] dans une lettre du 5 juin 2020. Il n'est pas non plus discuté que, comme l'ont indiqué les premiers juges, la seconde société a également fait l'objet d'une liquidation judiciaire et que le recouvrement de la créance à son encontre ne peut pas non plus être espéré. La cour approuve dès lors la motivation des premiers juges quant au fait que la faute de gestion caractérisée à l'encontre de M. [G] a contribué à l'insuffisance d'actif.
(d) sur la poursuite par M. [G] de ses propres intérêts, directs et indirects :
Il n'est pas discuté que la SARL [13] a disposé d'un compte-courant auprès de la SA [8], débiteur de 223 020 euros (au 30 juin 2016), de 148 703 euros (au 30 juin 2017) et de 184 043 euros (au 30 juin 2018), en y incluant les intérêts.
M. [G] fait exactement remarquer que, selon le technicien lui-même, l'usage d'un tel compte n'est, par principe, pas anormal. En revanche, les soldes débiteurs de ce compte-courant révèlent que, comme le reproche le liquidateur judiciaire, la SA [8] a continué à reverser des fonds à sa société-mère alors même que son exploitation, qui était déficitaire sur la même période comme précédemment démontré, ne lui permettait pas de distribuer des dividendes.
L'appelant ne prétend pas que, comme l'évoque le liquidateur judiciaire, ces'sommes aient correspondu au paiement de prestations telles qu'elles étaient organisées dans les conventions réglementées. Il les explique par une avance de 400 000 euros qui avait été consentie par la holding le 30 décembre 2009 pour lui permettre de lancer son activité et qui avait fait l'objet d'un abandon de créance avec clause de retour à meilleure fortune. Cet abandon de créance est en effet mentionné dans les annexes des comptes annuels ainsi que l'existence d'une clause de retour à meilleure fortune mais définie pour un montant de capitaux propres d'au moins 400 000 euros. Or, cette condition n'était pas satisfaite au cours des trois exercices précités.
Le technicien établit par ailleurs, sans être démenti par l'appelant, que ces avances sont intervenues alors que la SARL [13] était en état de cessation des paiements depuis le 31 mars 2017, ce qui compromettait toute possibilité de remboursement d'autant plus sûrement que la quasi-totalité du chiffre d'affaires de cette société holding reposait sur les prestations facturées à sa filiale et que tous ses encaissements servaient à rémunérer M. [G]. Ce'dernier reconnaît au demeurant expressément que les avances faites par la SA [8] à la SARL [13] étaient destinées à permettre sa rémunération par la holding, dont l'intimée relève exactement qu'elle a augmenté sur le dernier exercice pour passer de 144 839 euros (au 31 mars 2017) à'174'625 euros (au 31 mars 2018), et par là-même qu'elles ont servi ses intérêts personnels tant directs, en ce qu'il était associé unique de la SARL [13], qu'indirects par la voie de ses rémunérations.
Ces avances faites par la SA [8], dont M. [G] était le président, à la SARL [13], dont il était également le dirigeant, constituent une faute de gestion qui excède une simple négligence et qui ont contribué à l'insuffisance d'actif, en ce qu'elles ont privé la SA [8] de disponibilités propres à en diminuer son montant et sans aucune possibilité raisonnable d'un remboursement puisque la SARL [13] a également été placée en liquidation judiciaire.
(e) sur le compte-courant débiteur de M. [G] :
La SELARL [F] [S], ès qualités, reproche enfin à M. [G] l'existence d'un compte-courant à son profit dans les livres de la SA [8], d'un montant débiteur de 71 211 euros à l'ouverture de la procédure collective.
M. [G] ne le conteste pas mais il explique toutefois que le montant de son compte-courant débiteur correspond en réalité au remboursement des frais de voyages et de déplacements qu'il a exposés et qui ont été improprement comptabilisés par l'expert-comptable en fin d'exercice.
Des frais de voyages et de déplacements apparaissent en effet dans les comptes de la SA [8] au 31 décembre 2011 (64 446 euros), au 31 décembre 2012 (81 364 euros), au 30 juin 2016 (111 501 euros) et au 30 juin 2017 (740653'euros) et au 30 juin 2018 (105 560 euros). Le technicien a retracé les différentes dépenses, en débit et en crédit du compte-courant, pour en conclure qu'il a été régulièrement débiteur sur la période antérieure au 1er juillet 2016, qu'il'a été constamment débiteur sur la période du 1er juillet 2016 au 30 juin 2017, qu'il a été régulièrement débiteur, à hauteur de - 10 500 euros en moyenne, sur'la période du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018 et enfin qu'il a été constamment débiteur après le 1er juillet 2018 en l'absence de toute comptabilisation des frais de M. [G]. Il a également constaté que le solde débiteur du compte-courant a été régularisé, en fin d'exercice, par des remboursements de frais de 97'712'euros (30 juin 2017) puis par des transferts de 6 121,50 euros (3 mai 2018) et de 6 752 euros (5 juin 2018) sur le compte-courant d'actionnaire de la SARL [13]. Ces derniers mouvements ne vont pas dans le sens de l'explication donnée par l'appelant d'une simple erreur comptable de forme, au demeurant non confirmée par l'expert-comptable lui-même comme l'affirme pourtant M. [G]. Surtout, M. [G] ne propose pas de répondre au moyen qui lui est opposé par le liquidateur judiciaire et qui a déterminé les premiers juges consistant à savoir à quel titre de tels frais de déplacement devaient être supportés par la SA [8], dont il n'a jamais été associé ni salarié et alors que l'intimée fait valoir, sans être démentie, qu'il était rémunéré et indemnisé de ses frais par la SARL [13] dans les termes d'une convention conclue avec la SA [8].
Dans ce contexte, la faute de gestion ayant consisté pour M. [G] à recevoir des sommes non justifiées de la part de la SA [8] et de détenir dans les livres de la société un compte-courant débiteur se trouve caractérisée. Le'jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [G] au remboursement du solde débiteur de son compte-courant mais, au-delà de cette compensation financière, la cour approuve les premiers juges d'avoir considéré que cette faute de gestion a contribué à l'insuffisance d'actif, en ce qu'elle a distrait indûment les fonds de la société pendant plusieurs années et qu'elle l'a privée ainsi des disponibilités nécessaires au paiement de ses créanciers légitimes.
- sur le montant de la condamnation :
Il convient au préalable de déterminer le montant de l'insuffisance d'actif, puisqu'elle délimite le montant de la condamnation qui peut être prononcée à l'encontre du dirigeant.
L'insuffisance d'actif s'entend de la différence entre, d'une part, le montant du passif admis correspondant aux créances antérieures au jugement d'ouverture et, d'autre part, le montant de l'actif réalisé ou à réaliser par le liquidateur judiciaire.
Le 5 février 2020, le juge-commissaire a admis les créances échues et à échoir pour une somme totale de 3 396 304,37 euros, qui n'inclut donc pas les créances rejetées, les créances contestées et les créances déclarées à titre provisionnel. Il convient toutefois de déduire la somme que le liquidateur judiciaire reconnaît correspondre au produit des réalisations du plan de cession (167'257'euros) mais également le solde détenu par le mandataire en comptabilité au 17 janvier 2022 (78 066,41 euros) et le montant de la condamnation prononcée contre M. [G] au titre du remboursement de son compte-courant (71 211 euros), soit un montant total de l'insuffisance d'actif de (3 396 304,37 - 16 257 - 78 066,41 - 71 211) 3 230 769,96 euros.
Le liquidateur judiciaire indique que le tribunal de commerce a statué ultra petita en condamnant M. [G] au paiement d'une somme de 3 300 257 euros alors qu'il n'avait demandé sa condamnation qu'au paiement d'une somme de 3 229 046 euros. Ce reproche est toutefois injustifié, dans la mesure où les premiers juges ont inclus dans leur condamnation le remboursement du solde débiteur du compte-courant, qui faisait l'objet d'une demande distincte de la part du liquidateur. Si bien qu'en définitive, les premiers juges ont très précisément fait droit à l'ensemble des demandes au titre de l'intégralité de l'insuffisance d'actif (3 229 046 euros) et du solde débiteur du compte-courant (71 211 euros), sans'en dépasser leur montant.
En cause d'appel, la SELARL [F] [S], ès qualités, ne demande plus la condamnation de M. [G] qu'au paiement d'une somme de 1 869 510 euros correspondant, selon elle, à la seule aggravation de l'insuffisance d'actif depuis l'exercice clos le 30 juin 2017, outre le solde débiteur du compte-courant. Le'liquidateur judiciaire entend ainsi tirer la conséquence du retard de M. [G] dans la déclaration de la cessation des paiements, en cantonnant sa demande à la différence entre l'insuffisance d'actif qu'il dit avoir existé au 30 juin 2017 (1'442 337 euros) et celle qu'il dit être constatée à l'issue des opérations de liquidation (3 396 304 euros). La faute de gestion tirée du retard prétendu dans la déclaration de l'état de cessation des paiements a été écartée mais il n'en reste pas moins que la cour apprécie souverainement le montant de la condamnation.
Plusieurs fautes de gestion ont été caractérisées à l'encontre de M. [G], desquelles ressort qu'il a poursuivi une exploitation déficitaire essentiellement au détriment des fournisseurs et qui lui a permis de satisfaire, directement et indirectement, à des intérêts personnels. M. [G] entend toutefois fait valoir, d'une part, son comportement. Il ne peut toutefois pas utilement invoquer sa bonne gestion au regard de la nature des fautes qui justifient sa condamnation, ni même prétendre s'être toujours conformé à ses obligations sociales et fiscales, la vérification de comptabilité ayant au contraire mis à jour, pour la quatrième fois, des manquements au titre de la taxe sur la valeur ajoutée ainsi que le caractère non justifié d'une partie des provisions enregistrées. Le fait de s'être entouré de conseils, d'un expert-comptable et d'un commissaire aux comptes, dont il ne produit au demeurant qu'un seul rapport relatif aux comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2012, n'est pas de nature à amoindrir la gravité des fautes qu'il a commises dans la gestion de la société. Il en est de même des négociations qu'il justifie avoir entreprises auprès d'éventuels repreneurs, à une date (5 février 2018) à laquelle la situation de la SA [8] était déjà obérée et dont il se garde d'ailleurs de préciser la raison de leur échec. D'autre part, M. [G] soutient que sa situation financière ne lui permet pas de faire face au montant de la condamnation sollicitée. Mais il se contente sur ce point d'affirmer qu'il ne perçoit qu'un salaire d'environ 2 000 euros et qu'il est propriétaire d'un immeuble faisant l'objet d'une saisie pénale, sans toutefois verser aucun justificatif de ces éléments ni, plus généralement, sur la consistance de son patrimoine.
Pour autant, il doit être tenu compte de l'âge de M. [G] (61 ans) et de ce qu'il reste débiteur au titre des garanties personnelles prises lors de la souscription par la SA [8] des prêts de 116 000 euros (à hauteur de 50'000'euros) et de 200 000 euros (100 000 euros), qu'il affirme d'ailleurs avoir exécutées mais sans en rapporter la preuve.
C'est au regard de ces éléments que la cour considère que la somme réclamée par le liquidateur judiciaire, représentant près de 58 % du montant de l'insuffisance d'actif, apparaît proportionnée. Le jugement sera donc infirmé quant au quantum de la condamnation prononcée, qui sera limité à la somme de 1'869'510 euros, avec les intérêts au taux légal à compter de l'assignation.
- sur la faillite personnelle :
L'article L. 653-4 du code de commerce prévoit la possibilité de prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, qui aurait, notamment disposé des biens de la personne morale comme des siens propres, fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ou encore poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale.
En l'espèce, M. [G] a, en premier lieu, disposé des biens de la SA [8] comme des siens par l'usage d'un compte-courant débiteur dans les livres de la SA [8]. En deuxième lieu, les avances consenties par la SA [8] à la SARL [13] par le biais d'un compte-courant d'actionnaire débiteur alors que les pertes enregistrées depuis l'exercice clos le 30 juin 2016 empêchaient le versement de dividendes à la société-mère sont constitutives d'un usage des biens et du crédit de la SA [8] contraire à son intérêt et qui ont favorisé la holding, dont M. [G] était l'unique associé et qui lui versait des rémunérations à partir des seules ressources constituées par les remontées financières de sa filiale. En dernier lieu, il a été démontré que l'exploitation de la SA [8] a été poursuivie en dépit de son caractère déficitaire sur les trois derniers exercices, grâce au recours abusif au crédit-fournisseur et à la méconnaissance des règles fiscales, jusqu'à conduire à la cessation des paiements en raison essentiellement de l'importance des dettes envers les fournisseurs, permettant ainsi à M. [G] de faire perdurer le système de prélèvements directs et de reversements indirects précédemment décrits et même d'envisager la vente de la société.
Au regard de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé une mesure de faillite personnelle d'une durée de dix années à l'encontre de M. [G].
- sur les demandes accessoires :
Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens.
M. [G], partie perdante, sera condamné aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement à la SELARL [F] [S], ès qualités, d'une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel, lui-même étant débouté de sa demande formée à ce titre.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a prononcé la condamnation de M. [G] au paiement de la somme de 3 300 257 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2022 ;
statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
Condamne M. [G] à verser à la SELARL [F] [S], ès qualités, les'sommes :
* de 1 869 510 euros au titre de l'insuffisance d'actif de la SA [8],
* de 71 211 euros en remboursement du solde débiteur du compte-courant,
avec les intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 2022,
Déboute M. [G] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [G] à verser à la SELARL [F] [S], ès qualités, une'somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;
Condamne M. [G] aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,
D'[Localité 9]
CHAMBRE A - COMMERCIALE
JC/ILAF
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 24/00103 - N° Portalis DBVP-V-B7I-FIJF
jugement du 05 Décembre 2023
Tribunal de Commerce d'ANGERS
n° d'inscription au RG de première instance 2022000631
ARRET DU 01 JUILLET 2025
APPELANT :
Monsieur [V] [G]
né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 24]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Thierry BOISNARD de la SELARL LEXCAP, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 22A00981 et par Me Antoine BRILLATZ, avocat plaidant au barreau de TOURS
INTIMEE :
S.E.L.A.R.L. [F] [S], représentée par Maître [F] [S], mandataire judiciaire, en sa qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la SA [8],
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Antoine BARRET de la SCP BARRET & MENANTEAU - AVOCATS & CONSEILS, avocat au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 29 Avril 2025 à 14'H'00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre et devant M. CHAPPERT, conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CORBEL, présidente de chambre
M. CHAPPERT, conseiller
Mme GANDAIS, conseillère
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
Ministère Public : L'affaire a été communiquée au ministère public qui a fait connaître son avis.
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 01 juillet 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE :
La SA [8] a été créée en 1992 par M. [O] [L], avec pour objet 'la'création, la conception, la réalisation de tous aménagements de tous immeubles commerciaux, industriels, d'habitation ou autres ; la décoration intérieure, la maîtrise et la réalisation de tous travaux, tous corps d'état, relatifs à l'objet ci-dessus défini. Elle peut réaliser toutes opérations qui sont compatibles avec cet objet et qui s'y rapportent et contribuent à sa réalisation' (article 3).
En 2009, la SA [12], détenue à 100 % par M. [V] [G] qui en est le président, a acquis 66,48 % des actions de la SA [8].
M. [G] est devenu président de la SA [8] également.
M. [G] explique que la SA [8] a rencontré des difficultés à la fin de l'année 2015 en raison de la fin de sa collaboration avec la société [17], pour'laquelle elle réalisait des travaux d'aménagement de ses établissements [19] et qui représentait 12 % de son chiffre d'affaires.
C'est ainsi que, le 25 janvier 2019, M. [G] a procédé au dépôt d'une déclaration de cessation des paiements de la SA [8] et que, par un jugement du 31 janvier 2019, le tribunal de commerce d'Angers a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SA [8], en fixant la date de cessation des paiements au 30 janvier 2019.
Parallèlement, le tribunal de commerce d'Angers a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéficie de la SA [14] par un jugement du 20 février 2019, qui a par la suite été convertie en une liquidation judiciaire par un jugement du 19 avril 2019.
Par deux jugements du 19 avril 2019, le tribunal de commerce d'Angers a, d'une part, homologué un plan de cession de la SA [8] au profit de la SARL [6] et, d'autre part, a prononcé la liquidation judiciaire de la SA [8], en'désignant la SELARL [F] [S], prise en la personne de M. [F] [S], en qualité de liquidateur judiciaire.
Saisie par une requête du liquidateur judiciaire, le juge-commissaire a, par une ordonnance du 9 octobre 2019, désigné M. [U] [T] en application des articles L. 621-9 et L. 641-11 du code de commerce, afin de mener des investigations sur les comptes de la SA [8] et de rechercher d'éventuelles fautes de gestion ou faits à caractère pénal.
M. [T] a établi un rapport le 14 mai 2021.
Par un acte du 25 janvier 2022, M. [S], ès qualités, a fait assigner M.'[G] devant le tribunal de commerce d'Angers en responsabilité pour insuffisance d'actif et aux fins de sanctions.
Par un jugement du 5 décembre 2023, le tribunal de commerce d'Angers a :
- condamné M. [G] au paiement à la SELARL [F] [S], prise en la personne de M. [S], d'une somme de 3 300 257 euros au titre de l'insuffisance d'actif de la SA [8], société en liquidation judiciaire dont il était le gérant, avec intérêt à taux légal à compter du 24 janvier 2022,
- condamné M. [G] à une sanction de faillite personnelle pour une durée de dix années,
- débouté M. [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamné M. [G] au paiement à la SELARL [F] [S], prise en la personne de M. [S], d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné les communications et publicités légales,
- employé les dépens en frais privilégiés de procédure collective,
- ordonné que l'inscription de la condamnation au fichier national des interdictions de gérer
Le tribunal de commerce a retenu cinq fautes à l'encontre de M. [G], dont'il a considéré qu'elles étaient en lien avec l'insuffisance d'actif arrêtée par le liquidateur judiciaire à la somme de 3 229 046,42 euros. C'est à ce montant que le tribunal de commerce a condamné M. [G], en y ajoutant celui de son compte courant débiteur (71 211 euros).
Par une déclaration du 9 janvier 2024, M. [G] a formé appel de ce jugement, l'attaquant en chacun de ses chefs et intimant la SELARL [F] [S], ès qualités.
Les parties ont conclu et une ordonnance du 31 mars 2025 a clôturé l'instruction de l'affaire.
Selon un avis du 11 avril 2025, communiqué aux parties par la voie électronique par un message du 14 avril 2025, le ministère public s'en est rapporté aux écritures déposées pour le compte de la SELARL [F] [S] et a formulé l'avis que le jugement du tribunal du 5 décembre 2023 soit confirmé dans son principe mais que la condamnation au titre de la contribution à l'insuffisance d'actif soit ramenée à la somme de 1 869 510 euros.
La communication de cet avis aux parties étant intervenue postérieurement à l'ordonnance de clôture, il leur a été demandé, par un message électronique du 20 juin 2025, si elles souhaitaient pouvoir reconclure en réponse à cet avis. M.'[G] et la SELARL [F] [S], ès qualités ont tous les deux indiqué, par'des messages électroniques en réponse du 20 juin 2025, qu'ils n'entendaient pas reconclure à la suite de l'avis du ministère public.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par des conclusions (n° 1) remises au greffe par la voie électronique le 12'février 2025, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [G] demande à la cour :
- de dire recevable et fondé son appel à l'encontre du jugement du 5 décembre 2023,
en conséquence,
- d'infirmer ce jugement en toutes ses dispositions,
- de débouter la SELARL [F] [S], ès qualités, de l'intégralité de ses demandes,
subsidiairement, en cas de condamnation par application de l'article L. 651-2 du code de commerce,
- de le condamner à une sanction proportionnée à ses facultés contributives,
- de condamner la SELARL [F] [S], ès qualités, à lui payer la somme de 5 000 euros par l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par des dernières conclusions remises au greffe par la voie électronique le 13'février 2025, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SELARL [F] [S], prise en la personne de M. [S], ès qualités, demande à la cour :
- de débouter M. [G] de son appel, de l'ensemble de ses écritures, fins et demandes,
- de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions non contraires aux présentes,
- de condamner M. [G] à régler à la liquidation judiciaire de la SA [8] la somme de 1 869 510 euros au titre de l'aggravation de l'insuffisance d'actif depuis l'exercice clos au 30 juin 2017,
- de condamner M. [G] à régler à la liquidation judiciaire de la SA [8] la somme de 71 211 euros au titre du solde débiteur du compte courant, outre les intérêts de retard à compter de la délivrance de l'assignation valant sommation de payer en date du 24 janvier 2022,
- de prononcer à l'égard de M. [G] une mesure de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer,
- de condamner M. [G] à lui régler, ès qualités, la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'à supporter les entiers frais et dépens d'instance, lesquels seront recouvrés par l'avocat soussigné conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- de débouter M. [G] de l'ensemble de ses conclusions, fins et demandes reconventionnelles.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- sur le rapport du technicien :
M. [T] a été désigné par le juge-commissaire en tant que technicien sur le fondement de l'article L. 621-9 du code de commerce, auquel renvoie l'article L. 641-11 du même code, afin de mener des investigations sur les comptes de la SA [8] en vue de rechercher d'éventuelles fautes de gestion ou faits à caractère pénal.
M. [G] reproche au technicien d'avoir mené ses investigations seul, sans'jamais se rapprocher de lui ni de son expert-comptable, alors que celui-ci a tenté de le joindre à plusieurs reprises, en vain.
Cette position est clairement assumée par le technicien qui rappelle dans son rapport (article 1.2.5.1) que la mission qui lui est confiée n'est pas une expertise judiciaire et qu'elle n'est donc pas soumise au principe du contradictoire. Il est exact que le technicien désigné en application de l'article L. 621-9 précité n'est pas tenu d'observer une contradiction permanente dans l'exécution de ses investigations et dans l'élaboration de son rapport, qui ne vaut qu'à titre de simple renseignement et qui devra être ensuite communiqué, comme toute pièce, dans'le cadre des débats pour pouvoir être débattu cette fois-ci contradictoirement. Mais il reste néanmoins nécessaire que le débiteur ou le dirigeant soit associé aux opérations du technicien, ce qui n'a manifestement pas été le cas en l'espèce.
Pour autant, M. [G] ne demande pas à la cour, comme il l'avait fait en première instance, de prononcer la nullité du rapport de M. [T], dont il se limite à contester la force probante. C'est donc en tenant compte du fait que l'appelant n'a pas été associé aux opérations du technicien que la cour appréciera les termes et les conclusions du rapport du 14 mai 2021, M. [G] étant légitime à faire valoir toute observation ou tout élément pour les contredire.
- sur la responsabilité pour insuffisance d'actif :
Le liquidateur judiciaire fonde son action sur les dispositions de l'article L. 652-1 du code commerce qui prévoient que, lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.
Il appartient à la SELARL [F] [S], ès qualités, de rapporter la preuve, d'une part, d'une ou plusieurs fautes de gestion, dépassant la simple négligence, qui auraient été commises par M. [G], dirigeant de droit de la SA [8], avant le 31 janvier 2019, date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire converti en liquidation judiciaire au cours de la période d'observation, et, d'autre part, que ces fautes de gestion ont contribué à l'insuffisance d'actif.
(a) sur le retard dans la déclaration de l'état de cessation des paiements':
Il ressort en effet des articles L. 631-4 et L. 640-4 du code de commerce que le débiteur doit demander l'ouverture d'un redressement judiciaire ou d'une liquidation judiciaire dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements, s'il n'a pas dans ce délai demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.
M. [G] a déposé la déclaration d'état de cessation des paiements de la SA [8] le 25 janvier 2019. Le jugement d'ouverture du 31 janvier 2019 a fixé la date de l'état de cessation des paiements au 30 janvier 2019.
Les premiers juges ont néanmoins considéré qu'il ressort des comptes annuels et du rapport du technicien que l'état de cessation des paiements est en réalité bien plus ancien et qu'il existait déjà, à tout le moins, au 30 juin 2016. Le'liquidateur judiciaire considère également que l'état de cessation existait bien avant le 30 janvier 2019, la différence entre l'actif disponible et le passif exigible ayant été significativement négative dès l'exercice clos le 30 juin 2017 (- 1 442 337 euros) et encore lors de l'exercice clos le 30 juin 2018 (- 1 717 85 euros).
Mais néanmoins, c'est exactement que M. [G] oppose que l'omission de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai légal, qui est invoquée à titre de faute de gestion, ne peut s'apprécier qu'au regard de la seule date fixée en l'espèce dans le jugement d'ouverture, qui a autorité de la chose jugée. Les premiers juges ne pouvaient donc pas caractériser le retard en retenant une date de cessation des paiements antérieure à celle du 30 janvier 2019, telle qu'elle avait été fixée par le jugement du 31 janvier 2019, en l'absence de toute décision de report. De ce simple fait, la faute reprochée à M. [G] n'est pas caractérisée.
(b) sur la poursuite abusive d'une exploitation déficitaire :
La SELARL [F] [S], ès qualités, reproche à M. [G] d'avoir poursuivi l'exploitation de la SA [8] en dépit de trois exercices lourdement déficitaires à compter de celui clos le 30 juin 2016, sans rechercher de mesures de redressement mais, au contraire, en faisant supporter le poids de cette situation à ses fournisseurs et à l'Etat.
Les comptes annuels confirment des pertes survenues lors des exercices clos le 30 juin 2016 (- 540 160 euros), le 30 juin 2017 (- 31 915 euros) et le 30 juin 2018 (- 389 213).
Contrairement à ce que soutient M. [G], les capitaux propres sont devenus inférieurs à la moitié du capital social dès l'exercice clos le 30 juin 2016, cette situation ayant perduré lors des exercices clos le 30 juin 2017 puis le 30 juin 2018. Mais le liquidateur judiciaire n'invoque pour autant pas une faute de gestion directement liée au non-respect par M. [G] des dispositions de l'article L. 223-42 du code de commerce, de telle sorte que l'argumentation de l'appelant sur ce point est sans objet.
M. [G] ne conteste pas que l'exercice clos le 30 juin 2016, dont il doit être relevé qu'il a été établi sur 18 mois, a été déficitaire, ce qu'il explique par la perte de l'un de ses principaux clients. C'est par ailleurs exactement qu'il fait remarquer que l'exercice clos le 30 juin 2017 n'a abouti à une perte (- 31 915 euros) qu'en'raison d'un résultat exceptionnel négatif (- 127 019 euros), essentiellement dû à la régularisation de créances devenues irrecouvrables, le résultat d'exploitation ayant quant à lui été positif (85 230 euros). Toutefois, le technicien démontre que l'exploitation était en réalité bien déficitaire, y compris sur cet exercice clos le 30 juin 2017. C'est ce qui ressort, en premier lieu, de'l'insuffisance de l'actif disponible - calculé hors créances douteuses et sans tenir compte de la créance inscrite sur la société-mère, dont le technicien retient qu'elle était déjà elle-même en état de cessation des paiements - par rapport au passif exigible, l'un comme l'autre à l'échéance de moins d'un an, que ce soit sur l'exercice clos le 30 juin 2017 (-1 591 040 euros) ou le 30 juin 2018 (- 1 901 928 euros). Ces premiers éléments établissent que l'exploitation était déficitaire sans remettre en cause le fait que la date de la cessation des paiements est fixée au 30 janvier 2019 par l'effet de l'autorité attachée au jugement d'ouverture puisque, comme le rappelle l'intimée, la notion d'exploitation déficitaire est indépendante de celle de cessation des paiements. Ils sont confortés, en deuxième lieu, par le calcul d'un taux moyen de marge brute situé entre 10 % et 25 %, dont le technicien conclut qu'il était insuffisant pour couvrir les frais fixes de la SA [8] et pour satisfaire son modèle d'affaires non récurrentes. M. [G] conteste certes ces chiffres en affirmant que le taux de marge était de 26 % (au 30 juin 2016), de 24,31 % (au 30 juin 2017) et de 19 % (au 30 juin 2019). Cependant, il'ne propose pas de calcul en ce sens, à la différence du technicien qui explique avoir rapproché les travaux achetés et les travaux vendus pour chaque chantier, dont il a reproduit la liste en annexe de son rapport. Dans son attestation du 7'juillet 2022, l'expert-comptable se contente d'indiquer que, de son point de vue, le taux de marge devrait être apprécié en valeur absolue mais sans non plus proposer de calcul pour contredire ceux du technicien. Le caractère déficitaire de l'exploitation est établi, en troisième lieu, à partir de la détermination du seuil de rentabilité, qui amène le technicien à la conclusion que le chiffre d'affaires réalisé aurait dû être multiplié par 1,48 (exercice clos le 30 juin 2016), par 1,54 (exercice'clos le 30 juin 2017) et par 1,17 (exercice clos le 30 juin 2018) pour que la société parvienne à l'équilibre. Ces ratios sont également critiqués par M.'[G] ainsi que par l'expert-comptable dans son attestation précitée mais, ici encore, sans proposer de calcul convaincant à partir des éléments comptables, comme l'a fait le technicien. Il est donc ainsi fait la preuve de la poursuite par l'appelante d'une activité déficitaire à tout le moins sur les trois derniers exercices comptables.
Le caractère abusif de cette poursuite d'activité déficitaire recoupe la critique dirigée par le liquidateur judiciaire à l'encontre du modèle économique mis en oeuvre par M. [G] et dont le financement reposait sur deux écueils.
Le premier a consisté à recourir de façon abusive au crédit fournisseur. De'fait, le technicien démontre à partir du bilan fonctionnel que le fonds de roulement de la SA [8] était négatif dès l'exercice clos le 30 juin 2016 (- 607 385 euros) et qu'il s'est dégradé sur les exercices subséquents, de telle sorte que la société s'est financée par un besoin en fonds de roulement d'exploitation négatif en recourant principalement au crédit fournisseur. C'est ainsi que les dettes auprès des fournisseurs se sont élevées à un montant total de 2'180'786'euros au 30 juin 2016, de 2 838 595 euros au 30 juin 2017 et de 3'838'886 euros au 30 juin 2018, représentant respectivement plus de 65 %, de'63 % et de 68 % du passif exigible à moins d'un an et que les premiers juges ont calculé, sans être contredits sur ce point, un allongement du délai de règlement des fournisseurs à 109 jours (30 juin 2016), à 181 jours (30 juin 2017) et à 187 jours (30 juin 2018), dépassant ainsi largement le délai maximum de 60'jours imposé par l'article L. 441-10 du code de commerce.
Le second est le non-respect des obligations fiscales. Le liquidateur judiciaire verse en effet aux débats une proposition de rectification du 23 janvier 2019, qui'a fait suite à une vérification de comptabilité sur la période du 1er janvier 2015 au 30 juin 2017. Il en ressort que l'administration fiscale a caractérisé à l'encontre de la SA [8] des faits d'insuffisance déclarative de la taxe sur la valeur ajoutée collectée et de déduction par anticipation de la taxe sur la valeur ajoutée sur les prestations de service (conduisant à un rappel d'un montant total de 80 536 euros au titre de l'exercice clos le 30 juin 2017), outre une comptabilisation en partie non justifiée de provisions pour des créances clients ou sur un litige (conduisant à une rectification en base de 152 657 euros au titre de l'exercice clos le 30 juin 2016). Comme le souligne le liquidateur judiciaire, l'administration fiscale a mis exergue le caractère réitéré de cette pratique de la société en matière de taxe sur la valeur ajoutée, pour avoir déjà donné lieu à des rehaussements de droits identiques à l'issue de trois précédents contrôles, en ces termes :
'en thésaurisant la TVA sous forme de rétention de la TVA collectée ou d'anticipation de la TVA déductible, la société, qui ne pouvait donc ignorer cette règle de droit du fait de la récidive en la matière, a donc volontairement minoré les droits nets de TVA dus au Trésor.'
ce qui l'a amenée à appliquer une majoration de 40 % pour manquements délibérés.
Ces procédés, qui ont permis à la SA [8] de conserver une apparence de solvabilité au détriment de ses créanciers et en méconnaissance de ses obligations fiscales, sont constitutifs d'une faute de gestion qui dépasse la simple négligence et qui a contribué à l'insuffisance d'actif. C'est ainsi en effet que, d'une part, l'administration fiscale a déclaré une créance de 494 397 euros au titre de rappels de taxe sur la valeur ajoutée, que ce soit sur la période contrôlée ou sur des périodes postérieures, pour être admise à hauteur d'une somme de 498'187'euros à titre définitif et privilégié. D'autre part, les créances des fournisseurs, chirographaires, représentent au final plus de 77 % du passif échu admis et, par là même, la part majeure de l'insuffisance d'actif.
(c) sur les investissements financiers :
Les premiers juges ont considéré que M. [G] avait commis une faute de gestion, d'une part, en faisant consentir par la SA [8] une avance de 216'000'euros à la SARL [10], qu'elle ne lui a jamais remboursée et, d'autre part, en lui faisant prendre une participation dans la SAS [17] [Localité 7] hors de son objet social et en lui consentant une avance de 191 000 euros qui ne lui a pas non plus été remboursée puisque la société a été mise en liquidation judiciaire.
La SELARL [F] [S], ès qualités, qui poursuit la confirmation du jugement sur ce point, reproche en appel à M. [G] ces décisions d'investissements dans des structures tierces sans que soit démontré leur intérêt pour la SA [8], sans qu'il se soit assuré de la viabilité économique des projets et sans qu'il ait au final obtenu le moindre remboursement. Selon lui, ces projets, loin de s'inscrire dans une logique de redressement de la SA [8], n'ont eu pour finalité que d'essayer de redonner à la société un peu du crédit qu'elle avait perdu auprès de ses clients et de ses fournisseurs.
Il ressort du protocole d'accord du 6 février 2014 que la SA [8] a accepté d'entrer dans le capital de la SARL [10] (30 %) et de lui faire un apport en compte-courant de 250 000 euros afin de contribuer ainsi au financement de l'acquisition d'un fonds de commerce devant être exploité par une SAS [18], société à constituer. Par un second protocole d'accord, la SA [8] a accepté de prendre une participation directe dans le capital d'une SAS [17] [Localité 7] (30 %) , alors en cours de formation, pour lui faire un apport en compte-courant de 200 000 euros devant contribuer au financement des travaux du restaurant [20][Localité 7].
M. [G] reconnaît la réalité de ces investissements et le versement des sommes de 250 000 euros et de 200 000 euros, qu'il dit néanmoins être résultés de deux emprunts souscrits auprès du [15]. Les deux contrats de prêt qu'il verse aux débats concernent, d'une part, un prêt de 200 000 euros du 23'juillet 2014 correspondant effectivement au montant de l'avance consentie à la SAS [17] [Localité 7] mais, d'autre part, un prêt, non daté, d'un montant de 116'000'euros seulement qui ne représente donc qu'une partie de l'avance consentie à la SARL [10]. L'attestation de l'expert-comptable datée du 7 juillet 2022 confirme néanmoins que l'opération n'a impliqué que des financements à long terme, 'bancaires et Pierre Devred'.
Il n'est pas exact d'affirmer, comme l'ont fait les premiers juges, que la participation directe de la SA [8] dans la SAS [17] [Localité 7] était en dehors de son objet social puisqu'elle devait lui permettre de lui consentir une avance en compte-courant destinée à financer les travaux du restaurant. En ce sens, l'opération a bien contribué à la réalisation de l'objet social tel qu'il était défini à l'article 3 des statuts, notamment au regard de la réalisation d'aménagements d'immeubles commerciaux et de décoration intérieure.
M. [G] affirme que ces investissements ont été bénéfiques pour la SA'[8], que ce soit par le fait qu'elle a réalisé des travaux d'aménagement dans les deux établissements pour un montant d'au moins 2 000 000 euros ayant généré une marge brute d'au moins 400 000 euros mais également en ce qu'ils lui ont permis de fidéliser une nouvelle clientèle, de capter de nouveaux franchisés, d'entrer dans le réseau [17] et d'en capter l'image de marque. Comme le souligne toutefois l'intimée, il n'est fourni aucun business plan pour étudier la viabilité économique du projet ni aucune feuille route pour comprendre la stratégie d'investissement. La réalité et l'importance des avantages allégués par l'appelant en lien direct avec les investissements litigieux sont toutefois difficiles à apprécier et M. [G] n'apporte pas d'élément concret pour en faire la preuve. Il renvoie certes à cette fin à l'attestation de M. [X] [M], directeur du développement du groupe [16]. Mais il ressort du témoignage de ce dernier que la SA [8] avait acquis une reconnaissance auprès de lui bien avant les investissements litigieux, à la suite de travaux réalisés dans le restaurant [21] centre-ville de [Localité 23] en 2008 et qui l'ont conduit dès cette date à référencer la société et à la recommander fréquemment à de nouveaux franchisés ou à ses relations professionnelles (comme [11]). De même, l'expert-comptable atteste certes que les investissements dans les restaurants [19] ont apporté à la société, entre 2014 et 2019, un chiffre d'affaires de 4 030 037 euros de travaux dans les magasins [19] et de 1'508'228'euros dans les magasins [22]. Mais ces chiffres assis sur le seul chiffre d'affaires, qui ne recoupent pas ceux avancés par M. [G] dans ses conclusions, ne permettent pas de se convaincre du bénéfice net directement retiré par la SA [8] de ses prises de participation.
A l'inverse, il ressort du rapport du technicien que les prêts qui ont été consentis par la SA [8] à ses filiales étaient trop élevés par rapport à ses moyens financiers et qu'ils ont privé la société des fonds nécessaires à son activité. Les conditions de remboursement de 1 000 euros par mois avec un terme à 72 mois étaient également défavorables et, s'il est exact que les avances ont l'une comme l'autre donné lieu à des remboursements, ces derniers n'ont au final permis de récupérer qu'une mineure partie des fonds prêts qui subsistent pour 189 000 euros (SAS [17] [Localité 7]) et 202 166,67 euros (SARL [10]).
Ces éléments amènent à considérer que M. [G] a commis une faute de gestion, qui dépasse la simple négligence, en impliquant la SA [8] dans des investissements dont il n'est pas démontré qu'ils ont été étudiés préalablement et qui n'étaient en tout état de cause pas adaptés à sa capacité financière.
Les premiers juges ont considéré que cette faute de gestion a contribué à l'insuffisance d'actif en ce que les investissements ont dévoyé les ressources financières de la SA [8] et que les avances consenties ont obéré le gage des créanciers pour finalement constitué des créances irrecouvrables ou non remboursées dans l'actif disponible du fait de la liquidation des deux sociétés. Il'est en effet établi que la SAS [17] [Localité 7] a été placée en liquidation judiciaire le 15 novembre 2019 et que la créance de la SA [8] à son encontre n'est pas recouvrable, ce qu'a confirmé le mandataire judiciaire de la SAS [17] [Localité 7] dans une lettre du 5 juin 2020. Il n'est pas non plus discuté que, comme l'ont indiqué les premiers juges, la seconde société a également fait l'objet d'une liquidation judiciaire et que le recouvrement de la créance à son encontre ne peut pas non plus être espéré. La cour approuve dès lors la motivation des premiers juges quant au fait que la faute de gestion caractérisée à l'encontre de M. [G] a contribué à l'insuffisance d'actif.
(d) sur la poursuite par M. [G] de ses propres intérêts, directs et indirects :
Il n'est pas discuté que la SARL [13] a disposé d'un compte-courant auprès de la SA [8], débiteur de 223 020 euros (au 30 juin 2016), de 148 703 euros (au 30 juin 2017) et de 184 043 euros (au 30 juin 2018), en y incluant les intérêts.
M. [G] fait exactement remarquer que, selon le technicien lui-même, l'usage d'un tel compte n'est, par principe, pas anormal. En revanche, les soldes débiteurs de ce compte-courant révèlent que, comme le reproche le liquidateur judiciaire, la SA [8] a continué à reverser des fonds à sa société-mère alors même que son exploitation, qui était déficitaire sur la même période comme précédemment démontré, ne lui permettait pas de distribuer des dividendes.
L'appelant ne prétend pas que, comme l'évoque le liquidateur judiciaire, ces'sommes aient correspondu au paiement de prestations telles qu'elles étaient organisées dans les conventions réglementées. Il les explique par une avance de 400 000 euros qui avait été consentie par la holding le 30 décembre 2009 pour lui permettre de lancer son activité et qui avait fait l'objet d'un abandon de créance avec clause de retour à meilleure fortune. Cet abandon de créance est en effet mentionné dans les annexes des comptes annuels ainsi que l'existence d'une clause de retour à meilleure fortune mais définie pour un montant de capitaux propres d'au moins 400 000 euros. Or, cette condition n'était pas satisfaite au cours des trois exercices précités.
Le technicien établit par ailleurs, sans être démenti par l'appelant, que ces avances sont intervenues alors que la SARL [13] était en état de cessation des paiements depuis le 31 mars 2017, ce qui compromettait toute possibilité de remboursement d'autant plus sûrement que la quasi-totalité du chiffre d'affaires de cette société holding reposait sur les prestations facturées à sa filiale et que tous ses encaissements servaient à rémunérer M. [G]. Ce'dernier reconnaît au demeurant expressément que les avances faites par la SA [8] à la SARL [13] étaient destinées à permettre sa rémunération par la holding, dont l'intimée relève exactement qu'elle a augmenté sur le dernier exercice pour passer de 144 839 euros (au 31 mars 2017) à'174'625 euros (au 31 mars 2018), et par là-même qu'elles ont servi ses intérêts personnels tant directs, en ce qu'il était associé unique de la SARL [13], qu'indirects par la voie de ses rémunérations.
Ces avances faites par la SA [8], dont M. [G] était le président, à la SARL [13], dont il était également le dirigeant, constituent une faute de gestion qui excède une simple négligence et qui ont contribué à l'insuffisance d'actif, en ce qu'elles ont privé la SA [8] de disponibilités propres à en diminuer son montant et sans aucune possibilité raisonnable d'un remboursement puisque la SARL [13] a également été placée en liquidation judiciaire.
(e) sur le compte-courant débiteur de M. [G] :
La SELARL [F] [S], ès qualités, reproche enfin à M. [G] l'existence d'un compte-courant à son profit dans les livres de la SA [8], d'un montant débiteur de 71 211 euros à l'ouverture de la procédure collective.
M. [G] ne le conteste pas mais il explique toutefois que le montant de son compte-courant débiteur correspond en réalité au remboursement des frais de voyages et de déplacements qu'il a exposés et qui ont été improprement comptabilisés par l'expert-comptable en fin d'exercice.
Des frais de voyages et de déplacements apparaissent en effet dans les comptes de la SA [8] au 31 décembre 2011 (64 446 euros), au 31 décembre 2012 (81 364 euros), au 30 juin 2016 (111 501 euros) et au 30 juin 2017 (740653'euros) et au 30 juin 2018 (105 560 euros). Le technicien a retracé les différentes dépenses, en débit et en crédit du compte-courant, pour en conclure qu'il a été régulièrement débiteur sur la période antérieure au 1er juillet 2016, qu'il'a été constamment débiteur sur la période du 1er juillet 2016 au 30 juin 2017, qu'il a été régulièrement débiteur, à hauteur de - 10 500 euros en moyenne, sur'la période du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018 et enfin qu'il a été constamment débiteur après le 1er juillet 2018 en l'absence de toute comptabilisation des frais de M. [G]. Il a également constaté que le solde débiteur du compte-courant a été régularisé, en fin d'exercice, par des remboursements de frais de 97'712'euros (30 juin 2017) puis par des transferts de 6 121,50 euros (3 mai 2018) et de 6 752 euros (5 juin 2018) sur le compte-courant d'actionnaire de la SARL [13]. Ces derniers mouvements ne vont pas dans le sens de l'explication donnée par l'appelant d'une simple erreur comptable de forme, au demeurant non confirmée par l'expert-comptable lui-même comme l'affirme pourtant M. [G]. Surtout, M. [G] ne propose pas de répondre au moyen qui lui est opposé par le liquidateur judiciaire et qui a déterminé les premiers juges consistant à savoir à quel titre de tels frais de déplacement devaient être supportés par la SA [8], dont il n'a jamais été associé ni salarié et alors que l'intimée fait valoir, sans être démentie, qu'il était rémunéré et indemnisé de ses frais par la SARL [13] dans les termes d'une convention conclue avec la SA [8].
Dans ce contexte, la faute de gestion ayant consisté pour M. [G] à recevoir des sommes non justifiées de la part de la SA [8] et de détenir dans les livres de la société un compte-courant débiteur se trouve caractérisée. Le'jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [G] au remboursement du solde débiteur de son compte-courant mais, au-delà de cette compensation financière, la cour approuve les premiers juges d'avoir considéré que cette faute de gestion a contribué à l'insuffisance d'actif, en ce qu'elle a distrait indûment les fonds de la société pendant plusieurs années et qu'elle l'a privée ainsi des disponibilités nécessaires au paiement de ses créanciers légitimes.
- sur le montant de la condamnation :
Il convient au préalable de déterminer le montant de l'insuffisance d'actif, puisqu'elle délimite le montant de la condamnation qui peut être prononcée à l'encontre du dirigeant.
L'insuffisance d'actif s'entend de la différence entre, d'une part, le montant du passif admis correspondant aux créances antérieures au jugement d'ouverture et, d'autre part, le montant de l'actif réalisé ou à réaliser par le liquidateur judiciaire.
Le 5 février 2020, le juge-commissaire a admis les créances échues et à échoir pour une somme totale de 3 396 304,37 euros, qui n'inclut donc pas les créances rejetées, les créances contestées et les créances déclarées à titre provisionnel. Il convient toutefois de déduire la somme que le liquidateur judiciaire reconnaît correspondre au produit des réalisations du plan de cession (167'257'euros) mais également le solde détenu par le mandataire en comptabilité au 17 janvier 2022 (78 066,41 euros) et le montant de la condamnation prononcée contre M. [G] au titre du remboursement de son compte-courant (71 211 euros), soit un montant total de l'insuffisance d'actif de (3 396 304,37 - 16 257 - 78 066,41 - 71 211) 3 230 769,96 euros.
Le liquidateur judiciaire indique que le tribunal de commerce a statué ultra petita en condamnant M. [G] au paiement d'une somme de 3 300 257 euros alors qu'il n'avait demandé sa condamnation qu'au paiement d'une somme de 3 229 046 euros. Ce reproche est toutefois injustifié, dans la mesure où les premiers juges ont inclus dans leur condamnation le remboursement du solde débiteur du compte-courant, qui faisait l'objet d'une demande distincte de la part du liquidateur. Si bien qu'en définitive, les premiers juges ont très précisément fait droit à l'ensemble des demandes au titre de l'intégralité de l'insuffisance d'actif (3 229 046 euros) et du solde débiteur du compte-courant (71 211 euros), sans'en dépasser leur montant.
En cause d'appel, la SELARL [F] [S], ès qualités, ne demande plus la condamnation de M. [G] qu'au paiement d'une somme de 1 869 510 euros correspondant, selon elle, à la seule aggravation de l'insuffisance d'actif depuis l'exercice clos le 30 juin 2017, outre le solde débiteur du compte-courant. Le'liquidateur judiciaire entend ainsi tirer la conséquence du retard de M. [G] dans la déclaration de la cessation des paiements, en cantonnant sa demande à la différence entre l'insuffisance d'actif qu'il dit avoir existé au 30 juin 2017 (1'442 337 euros) et celle qu'il dit être constatée à l'issue des opérations de liquidation (3 396 304 euros). La faute de gestion tirée du retard prétendu dans la déclaration de l'état de cessation des paiements a été écartée mais il n'en reste pas moins que la cour apprécie souverainement le montant de la condamnation.
Plusieurs fautes de gestion ont été caractérisées à l'encontre de M. [G], desquelles ressort qu'il a poursuivi une exploitation déficitaire essentiellement au détriment des fournisseurs et qui lui a permis de satisfaire, directement et indirectement, à des intérêts personnels. M. [G] entend toutefois fait valoir, d'une part, son comportement. Il ne peut toutefois pas utilement invoquer sa bonne gestion au regard de la nature des fautes qui justifient sa condamnation, ni même prétendre s'être toujours conformé à ses obligations sociales et fiscales, la vérification de comptabilité ayant au contraire mis à jour, pour la quatrième fois, des manquements au titre de la taxe sur la valeur ajoutée ainsi que le caractère non justifié d'une partie des provisions enregistrées. Le fait de s'être entouré de conseils, d'un expert-comptable et d'un commissaire aux comptes, dont il ne produit au demeurant qu'un seul rapport relatif aux comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2012, n'est pas de nature à amoindrir la gravité des fautes qu'il a commises dans la gestion de la société. Il en est de même des négociations qu'il justifie avoir entreprises auprès d'éventuels repreneurs, à une date (5 février 2018) à laquelle la situation de la SA [8] était déjà obérée et dont il se garde d'ailleurs de préciser la raison de leur échec. D'autre part, M. [G] soutient que sa situation financière ne lui permet pas de faire face au montant de la condamnation sollicitée. Mais il se contente sur ce point d'affirmer qu'il ne perçoit qu'un salaire d'environ 2 000 euros et qu'il est propriétaire d'un immeuble faisant l'objet d'une saisie pénale, sans toutefois verser aucun justificatif de ces éléments ni, plus généralement, sur la consistance de son patrimoine.
Pour autant, il doit être tenu compte de l'âge de M. [G] (61 ans) et de ce qu'il reste débiteur au titre des garanties personnelles prises lors de la souscription par la SA [8] des prêts de 116 000 euros (à hauteur de 50'000'euros) et de 200 000 euros (100 000 euros), qu'il affirme d'ailleurs avoir exécutées mais sans en rapporter la preuve.
C'est au regard de ces éléments que la cour considère que la somme réclamée par le liquidateur judiciaire, représentant près de 58 % du montant de l'insuffisance d'actif, apparaît proportionnée. Le jugement sera donc infirmé quant au quantum de la condamnation prononcée, qui sera limité à la somme de 1'869'510 euros, avec les intérêts au taux légal à compter de l'assignation.
- sur la faillite personnelle :
L'article L. 653-4 du code de commerce prévoit la possibilité de prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, qui aurait, notamment disposé des biens de la personne morale comme des siens propres, fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ou encore poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale.
En l'espèce, M. [G] a, en premier lieu, disposé des biens de la SA [8] comme des siens par l'usage d'un compte-courant débiteur dans les livres de la SA [8]. En deuxième lieu, les avances consenties par la SA [8] à la SARL [13] par le biais d'un compte-courant d'actionnaire débiteur alors que les pertes enregistrées depuis l'exercice clos le 30 juin 2016 empêchaient le versement de dividendes à la société-mère sont constitutives d'un usage des biens et du crédit de la SA [8] contraire à son intérêt et qui ont favorisé la holding, dont M. [G] était l'unique associé et qui lui versait des rémunérations à partir des seules ressources constituées par les remontées financières de sa filiale. En dernier lieu, il a été démontré que l'exploitation de la SA [8] a été poursuivie en dépit de son caractère déficitaire sur les trois derniers exercices, grâce au recours abusif au crédit-fournisseur et à la méconnaissance des règles fiscales, jusqu'à conduire à la cessation des paiements en raison essentiellement de l'importance des dettes envers les fournisseurs, permettant ainsi à M. [G] de faire perdurer le système de prélèvements directs et de reversements indirects précédemment décrits et même d'envisager la vente de la société.
Au regard de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé une mesure de faillite personnelle d'une durée de dix années à l'encontre de M. [G].
- sur les demandes accessoires :
Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens.
M. [G], partie perdante, sera condamné aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement à la SELARL [F] [S], ès qualités, d'une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel, lui-même étant débouté de sa demande formée à ce titre.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a prononcé la condamnation de M. [G] au paiement de la somme de 3 300 257 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2022 ;
statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
Condamne M. [G] à verser à la SELARL [F] [S], ès qualités, les'sommes :
* de 1 869 510 euros au titre de l'insuffisance d'actif de la SA [8],
* de 71 211 euros en remboursement du solde débiteur du compte-courant,
avec les intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 2022,
Déboute M. [G] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [G] à verser à la SELARL [F] [S], ès qualités, une'somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;
Condamne M. [G] aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,