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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 6, 2 juillet 2025, n° 23/11067

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/11067

2 juillet 2025

RÉPUBLIQUE FRAN'AISE

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 02 JUILLET 2025

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/11067 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH234

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mai 2023 - tribunal de commerce d'Evry 3ème chambre - RG n° 2022F00470

APPELANT

Monsieur [W] [M]

né le [Date naissance 1] à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Joris CAUNES, avocat au barreau de Paris, toque : E2370

Ayant pour avocat plaidant Me Xavier LAMBERT de la SELARL XAVIER LAMBERT AVOCAT, avocat au barreau de Lyon

INTIMÉE

SCOP BANQUE POPULAIRE RIVES DE [Localité 7]

[Adresse 4]

[Localité 3]

N° SIREN : 552 002 313

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de Paris, toque : P0480

Ayant pour avocat plaidant Me Frank MAISANT de la SCP MAISANT ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : J055

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 Mai 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Marc BAILLY, président de chambre

M. Vincent BRAUD, président de chambre

Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par M. Marc BAILLY dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marc BAILLY, président de chambre, et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Bforbiz, constituée le 28 novembre 2012 et spécialisée dans la conception et la commercialisation de 'solutions publicitaires sur internet', avait pour présidente la société AJP Solutions, qui a pour objet social 'la prise de participation, droits et intérêts, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, dans toutes les entreprises ou sociétés, leur administrative ou leur aliénation' qui a pour gérant M. [W] [M].

La société Banque Populaire Rives-de-[Localité 7] a consenti à la société Bforbiz l'ouverture d'un compte courant au mois de juillet 2021, assorti d'une autorisation de découvert d'un montant de 100 000 euros.

Le 24 octobre 2021, la société Bforbiz a émis un billet à ordre d'un montant de 300 000 euros à échéance du 21 janvier 2022, avalisé par M. [M], lequel est resté impayé.

Par ordonnance en date du 4 octobre 2021, une procédure de conciliation a été ouverte au profit de la société Bforbiz pour quatre mois, prorogée d'un mois par ordonnance du 9 février 2022.

Par jugement du 6 avril 2022, le tribunal de commerce d'Evry a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société Bforbiz, un plan de cession des actifs étant ensuite adopté le 17 juin 2022.

La société Banque Populaire a déclaré sa créance pour un montant de 300 000 euros au titre du billet à ordre du 24 octobre 2021 et de 88 271,66 euros au titre du solde débiteur du compte courant.

Après avoir vainement mis en demeure M. [M] d'exécuter son engagement d'avaliste, la société Banque Populaire l'a assigné en paiement devant le tribunal de commerce d'Evry le 31 mai 2022 en ayant préalablement obtenu l'inscription d'une hypothèque judiciaire provisoire sur un bien du débiteur sis à [Adresse 8] par ordonnance du juge de l'exécution d'Evry du 17 mai 2022.

Par jugement en date du 10 mai 2023, le tribunal de commerce d'Evry a fait droit aux demandes de condamnation de M. [W] [M] à payer à la société Banque Populaire Rives-de-[Localité 7] la somme de 300 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2022 outre capitalisation des intérêts à compter du 31 mai 2023 et la somme de 5 000 euros de frais irrépétibles.

M. [W] [M] a interjeté appel par déclaration au greffe en date du 21 juin 2023.

Par ordonnance en date du 14 novembre 2023, le conseiller de la mise en état, saisi par la banque, a rejeté sa demande tendant à la radiation de l'affaire du rôle sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile pour inexécution du jugement.

Par ses seules conclusions au fond en date du 19 septembre 2023, M. [W] [M] fait valoir :

- à titre principal, que la demande est irrecevable en vertu des articles L 624-3-1 et R 623-8 du code de commerce car la décision d'admission au passif et l'état des créances ne lui ont pas été notifiées et qu'à partir du moment où la créance a été déclarée, ils devaient être notifiés avant toute poursuite judiciaire du garant,

- à titre subsidiaire, que l'aval est nul puisque sous la mention 'souscripteur' du billet à ordre figure sa signature ès qualités de gérant de la s.à.r.l AJP Solutions, qu'elle figure également sous la mention 'bon pour aval' mais ès qualités de dirigeant de la société AJP Solutions c'est à dire de la société Bforbiz, la banque échouant à démontrer son engagement personnel, la nullité étant encourue compte tenu de l'incertitude de celui qui s'engage comme avaliste,

- à titre plus subsidiaire, que l'aval est nul sur le fondement de l'article 1137 du code civil dès lors que la société Banque Populaire s'est rendue responsable d'une réticence dolosive puisque les correspondances envoyées par ses préposés ont utilisé indifféremment les termes d'aval ou de caution, qu'il a été entretenu dans la confusion et l'ignorance du régime moins protecteur de l'aval et plus protecteur du cautionnement, privé de la possibilité de contracter à des conditions différentes alors qu'il ne peut être considéré comme une personne avertie, contrairement à ce que prétend la banque, ce que sa qualité de dirigeant de la société débitrice principale ne suffit pas à établir, qu'il n'était âgé que de 25 ans au moment de son engagement d'avaliste et n'avait jamais eu recours à des billets de trésorerie, que la société débitrice a sollicité ces concours pour éviter le redressement judiciaire, ce que la banque ne pouvait ignorer, de sorte qu'il demande à la cour de :

'INFIRMER, en toutes ses dispositions, le jugement du Tribunal de Commerce d'Evry du 10 mai 2023,

ET, STATUANT A NOUVEAU,

A TITRE PRINCIPAL :

DECLARER IRRECEVABLE la demande de la Banque Populaire Rives de [Localité 7], faute de signification préalable de la décision portant admission de sa créance au passif de la procédure collective ouverte à l'égard de la société BFORBIZ.

A TITRE SUBSIDAIRE :

PRONONCER la nullité de l'aval, compte-tenu de l'incertitude pesant sur la qualité du signataire et, plus subsidiairement, DEBOUTER la Banque Populaires Rives de [Localité 7] de l'intégralité de ses demandes, faute pour elle de démontrer l'existence d'un engagement personnel de Monsieur [W] [M].

A TITRE PLUS SUBSIDIAIRE ENCORE :

PRONONCER l'annulation de l'aval, compte-tenu du comportement dolosif adopté par la Banque Populaire Rives de [Localité 7] au préjudice du signataire de l'aval.

En conséquence,

DEBOUTER la Banque Populaire Rives de [Localité 7] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

CONDAMNER la Banque Populaire Rives de [Localité 7] au paiement de la somme de 10.000 €, par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.'

Par ses seules conclusions au fond en date du 11 décembre 2023, la société Banque Populaire Rives-de-[Localité 7] poursuit la confirmation du jugement et la condamnation de M. [M] à lui payer une somme 5 000 euros au titre des frais irrépétibles en exposant :

- que ce dernier est poursuivi en qualité d'avaliste au titre d'un engagement cambiaire gouverné par les règles propres au droit du change, que l'aval commercial est solidaire, qu'elle peut le poursuivre sans incidence de la procédure collective, qu'en tout état de cause, sa créance a été admise et qu'elle la dûment notifiée à M. [M] par exploit du 23 septembre 2023,

- qu'il s'est bien, personnellement engagé comme avaliste puisqu'il ne figure aucune référence à la société AJP Solutions aux côtés de sa signature en cette qualité,

- qu'elle n'est débitrice d'aucune information en qualité de bénéficiaire du billet à ordre, que la circonstance qu'elle lui ait postérieurement - au mois de janvier 2022 - demandé des renseignements sur sa situation patrimoniale en citant un cautionnement est indifférente, que M. [M] est un dirigeant d'entreprise averti, que d'ailleurs ce dernier fait valoir qu'un nouveau billet à ordre non escompté a ensuite été émis ce qui montre sa connaissance des effets de commerce, sa propre réticence dolosive n'étant pas établie.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 avril 2015.

MOTIFS

L'article L 624-3-1, alinéa 2, du code de commerce, issu de l'ordonnance du 15 septembre 2021 dispose que 'Les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie, lorsqu'elles sont poursuivies, ne peuvent se voir opposer l'état des créances lorsque la décision d'admission prévue à l'article L. 624-2 ne leur a pas été notifiée'.

C'est à juste titre que le tribunal a rejeté la fin de non recevoir soulevée par M. [M] tirée de la violation de l'article L 624-3-1 du code de commerce en ce que la banque ne lui aurait pas signifier l'admission de la créance dès lors que la Banque Populaire justifie, précisément, de cette signification à M. [M] de l'ordonnance d'admission du 14 juin 2023 par acte en date du 29 septembre suivant, par application de l'article R 624-8 du code de commerce, encore le défaut de cette signification, à le supposer avéré, ne rendrait-il pas pour autant la présente action en paiement irrecevable à l'égard de l'avaliste auquel, seulement, l'autorité de la chose jugée de la décision d'admission ne pourrait être opposée.

En l'espèce, la société Bforbiz a souscrit, le 24 octobre 2021, un billet à ordre d'un montant de 300 000 euros au bénéfice de la Banque Populaire à échéance du 21 janvier 2022 et il n'est pas contesté que l'effet comporte toute les mentions exigées par les articles L512-4 et L511-21 du code de commerce.

Le billet est signé, d'une part, à droite de la formule usuelle, au dessous de la mention 'signature du souscripteur' par M. [M] et son seul autre associé dans la société Bforbiz et, d'autre part, à gauche, par le même M. [M] et son seul même, associé au dessous de la mention 'bon pour aval', à l'exception, pour cette dernière signature, de toute mention de la AJP Solutions, holding, ou encore de la société Bforbiz, souscriptrice.

Il en résulte, dès lors que ne figure que la seule signature de M. [M] - en dehors de celle de son associé dans la société Bforbiz également en qualité d'avaliste -sous la mention 'bon pour aval' à l'exclusion de toute autre mention, qu'il s'est engagé comme avaliste à titre personnel et n'a pas apposé sa signature en qualité de dirigeant de la société souscriptrice (Com., 15 février 2023, pourvoi n° 21-22.990) ou de sa holding.

Il en est d'autant plus ainsi que son associé dans la société Bforbiz s'est également engagé en qualité d'avaliste en apposant sa signature au droit de la mention 'bon pour aval', sans avoir le pouvoir d'engager la société holding AJP Solutions qui n'est pas mentionnée.

Il résulte de articles L. 511-21 et L. 512-4 du code de commerce que l' aval, en ce qu'il garantit le paiement d'un titre dont la régularité n'est pas discutée, constitue un engagement cambiaire gouverné par les règles propres du droit du change, de sorte que l'avaliste n'est pas fondé à demander l'annulation de l'aval ou à rechercher la responsabilité de la banque, bénéficiaire du billet à ordre, pour manquement à un devoir d'information ou pour réticence dolosive.

Il doit être ajouté que c'est à juste titre que la banque fait valoir, en dépit de son jeune âge au moment de son engagement, la qualité de personne avertie du monde des affaires de M. [M] puisqu'il était gérant d'une société holding, AJP Solutions, qui elle-même présidait la société Bforbiz laquelle, selon la requête en vue de désignation d'un conciliateur, a réalisé un chiffre d'affaire oscillant entre 6,673 et 7,816 millions d'euros entre 2018 et 2020, employé jusqu'à 110 salariés et eu recours à de nombreux emprunts bancaires.

De même l'erreur dans les termes employés par des préposés de la banque dans des courriels - très postérieurs à la souscription de l'aval pour être datés des mois de février et novembre 2022 - lesquels évoquent 'un document à remplir par les deux associés étant aval sur le billet de trésorerie dans le cadre de leurs cautions sur ledit billet' et au demeurant relatifs à un second billet à ordre souscrit le 11 janvier 2022, sont-ils indifférents à la solution du litige et ne manifestent-ils pas une réticence dolosive préexistante émanant de la banque dont il n'est pas établi qu'elle a jamais entretenu M. [Z] dans la croyance qu'il souscrivait un cautionnement lors de l'aval qu'il a donné au billet litigieux.

Aux termes de l'article L. 512-6 du code de commerce, le souscripteur d'un billet à ordre est obligé de la même manière que l'accepteur d'une lettre de change et, selon l'article L. 511-21, alinéa 7, de ce code, rendu applicable au billet à ordre en vertu de l'article L. 512-4, le donneur d'aval est lui-même tenu de la même manière que celui dont il s'est porté garant et en conséquence il y a lieu de confirmer le jugement entrepris, non autrement critiqué, en toutes ses dispositions.

Il y a lieu de condamner M. [M] aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la société Banque Populaire Rives-de-[Localité 7] la somme de 3 000 en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE M. [W] [M] à payer à la société Banque Populaire Rives-de-[Localité 7] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [W] [M] aux dépens d'appel.

* * * * *

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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