CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 2 juillet 2025, n° 24/05752
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
La Grande Pharmacie Des Minimes (SELARL)
Défendeur :
Laf Santé (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Brun-Lallemand
Conseillers :
M. Richaud, Mme Guillemain
Avocats :
Me Guerre, Me Boccon Gibod, Me Djavadi
FAITS ET PROCEDURE
La Selarl La Grande Pharmacie des Minimes, qui exploite une officine de pharmacie au [Localité 5], et la SAS LAF Santé (anciennement dénommée Lafayette Conseil), qui gère le réseau dénommé Lafayette de pharmacies qu'elle conseille et assiste, ont conclu le 26 septembre 2008, pour une durée de trois ans renouvelable par tacite reconduction, un contrat intitulé « convention d'assistance » emportant l'affiliation de la première et stipulant notamment une clause de non-réaffiliation et une clause résolutoire.
Par courriel du 23 février 2016 adressé à l'ensemble des membres du réseau, la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes a dénoncé, outre les difficultés financières résultant des « très mauvaises préconisations » de la SAS LAF Santé qui ont affecté son commencement d'activité, le manque de transparence de cette dernière « sur les reversements de coopérations commerciales et RFA du réseau aux adhérents » et a invité les membres à exprimer leur position sur ce sujet.
Face aux dénégations exprimées par la SAS LAF Santé le 10 mars 2016, la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes maintenait l'ensemble de ses griefs par courrier du 14 mars 2016 puis, par lettre du 2 décembre 2016, elle imputait à la SAS LAF Santé une violation des stipulations du contrat caractérisée par l'absence d'assistance en matière de gestion financière et de trésorerie prévue par son article 1, une surfacturation de ses prestations et un défaut de paiement des remises prévues par son article 3 ainsi qu'un manquement à l'obligation d'exécution loyale et de bonne foi de l'article 12. Estimant que les résultats de la SAS LAF Santé traduisaient cette surfacturation, elle la mettait en demeure de lui fournir diverses pièces justificatives et de « rectifier la totalité des points » évoqués sous un mois. Elle ajoutait que, à défaut d'accord dans ce délai, elle mettrait en 'uvre la clause de résiliation anticipée stipulée à l'article 13.
La SAS LAF Santé ayant, par courrier du 23 décembre 2016, contesté l'intégralité des fautes qui lui étaient reprochées et invité la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes à poursuivre l'exécution du contrat jusqu'à son terme, cette lui a notifié, par lettre du 10 janvier 2017, la résiliation anticipée de plein droit du contrat à ses torts exclusifs.
Par arrêt du 23 mars 2018, la cour d'appel de Paris a annulé l'ordonnance rendue le 6 juillet 2017 à la demande de la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes par le juge des référés du tribunal de commerce de Rennes à raison de son incompétence, mais a ordonné à la SAS LAF Santé de communiquer à cette dernière les conditions, modalités et justificatifs de la rémunération intitulée « trade » pour les années 2012 à 2016 ainsi que les accords de référencements avec les laboratoires pharmaceutiques fournisseurs pour ces mêmes années. L'astreinte alors ordonnée était liquidée par décisions du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Toulouse des 6 février 2019 et 4 décembre 2019.
Ayant parallèlement constaté que le départ de la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes était concomitant à celui de six autres adhérents et appris à la lecture de l'hebdomadaire La Lettre de l'Expansion parue le 6 février 2017 que cette dernière avait intégré le réseau concurrent Pharmabest, la SAS LAF Santé a, par acte d'huissier de justice du 17 février 2017, assigné la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes en indemnisation des préjudices résultant de la résiliation fautive du contrat et de la violation de la clause de non-réaffiliation qu'il stipulait devant le tribunal de grande instance du Mans qui, par décision du 26 octobre 2017, s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Rennes.
Par jugement du 11 juin 2019, ce dernier a condamné la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes à payer à la SAS LAF Santé la somme de 150 000 euros au titre de la violation de la clause de non-réaffiliation ainsi qu'aux entiers dépens et débouté les parties de leurs autres demandes.
Saisie par déclaration d'appel de la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes du 20 juin 2019, la cour d'appel de Paris, dont le conseiller de la mise en état avait rejeté par ordonnance du 16 mars 2021 l'incident de production forcée de pièces formé par la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes, a, par arrêt du 13 avril 2022 statué en ces termes :
REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la société LA GRANDE PHARMACIEDES MINIMES à l'encontre de la société LAFAYETTE CONSEIL nouvellement dénommée LAF SANTE ;
INFIRME le jugement en ce qu'il a condamné la société LA GRANDE PHARMACIE DES MINIMES à payer à la société LAFAYETTE CONSEIL nouvellement dénommée LAF SANTE la somme de 150 000 euros au titre du non-respect de la clause de non-affiliation et aux entiers dépens de l'instance ;
Le CONFIRME pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés ;
DIT réputée non écrite la clause de non-réaffiliation de la convention d'assistance et déboute la société LAFAYETTE CONSEIL nouvellement dénommée LAF SANTE de sa demande en condamnation de la société LA GRANDE PHARMACIE DES MINIMES à ce titre ;
CONDAMNE la société LAFAYETTE CONSEIL nouvellement dénommée LAF SANTE aux entiers dépens de première instance et d'appel et à verser à la société LA GRANDE PHARMACIE DES MINIMES la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toute autre demande.
Cependant, par arrêt du 17 janvier 2024 (n° 22-20.164), la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt, « mais seulement en ce qu'il infirme le jugement en ce qu'il a condamné la société La Grande Pharmacie des Minimes à payer la somme de 150 000 euros à la société Lafayette conseil, en ce qu'il a dit réputée non écrite la clause de non-réaffiliation de la convention d'assistance et rejeté les demandes qu'elle formait par ce titre et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile », pour les motifs suivants :
Vu l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 :
13. Il résulte de ce texte qu'une clause résolutoire ne peut être mise en 'uvre qu'en cas de manquement à une obligation expresse connue du débiteur.
14. Pour rejeter la demande de la société LAF santé tendant à voir condamner la société La Grande Pharmacie des Minimes à lui payer la somme de 398 329 euros en réparation de la résolution fautive de la convention d'assistance, l'arrêt retient que la rémunération supplémentaire instaurée par la société Lafayette dès 2013 se distingue des remises obtenues auprès des laboratoires qui sont distribuées par ces derniers directement au pharmacien partenaire et que, n'agissant ni comme un mandataire ni comme un courtier de ses officines auprès des laboratoires fournisseurs, la société Lafayette n'est pas tenue envers les officines adhérentes par l'obligation de leur rendre compte. Il retient encore que cette rémunération complémentaire, dite « trade », est entrée dans le champ contractuel entre les parties en ce que cette rémunération est versée par la société Lafayette et a été acceptée par les officines de son réseau depuis 2013. Il ajoute que les critères pour déterminer le montant du « trade » perçu par chacune des officines du réseau Lafayette ne sont pas clairs, la société LAF santé ne livrant aucune méthode fixe de calcul sur les sommes versées à ce titre à ses officines jusqu'en 2016, exposant ces dernières à un contrôle approfondi sur ce poste par la DGCCRF qui s'est interrogée sur les modalités de sa facturation. Il en déduit que la société La Grande Pharmacie des Minimes était donc légitime à invoquer une inexécution de la société Lafayette de ses obligations contractuelles, ce qui justifiait une résiliation anticipée conformément aux prévisions de la clause de résiliation de plein droit figurant à l'article 13 de la convention.
15. En se déterminant ainsi, sans préciser quelle obligation contractuelle expressément stipulée par la convention d'assistance avait été méconnue par la société LAF santé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Par arrêt du 23 mai 2024, la Cour de cassation a rectifié l'erreur matérielle affectant cette décision en ces termes :
RECTIFIE l'arrêt n 21 F-D du 17 janvier 2024, pourvoi 22-20.164 ;
REMPLACE « CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement en ce qu'il a condamné la société La Grande Pharmacie des Minimes à payer la somme de 150 000 euros à la société Lafayette conseil, en ce qu'il a dit réputée non écrite la clause de non-réaffiliation de la convention d'assistance et rejeté les demandes qu'elle formait à ce titre et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 13 avril 2022, RG n 19/12536 entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; »
par « CASSE et ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il rejette les demandes de la société LAF santé pour rupture anticipée de la convention d'assistance par acquisition de la clause résolutoire de plein droit et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 13 avril 2022, RG n 19/12536 entre les parties, par la cour d'appel de Paris ».
Par déclaration reçue au greffe le 15 mars 2024, la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes a saisi la cour d'appel de renvoi. La SAS LAF Santé saisissait à son tour cette dernière par déclaration reçue au greffe le 24 mai 2024. Les instances étaient jointes par ordonnance du 24 septembre 2024.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 22 janvier 2025, la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes demande à la Cour, au visa de l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (ci-après, « la CESDH ») et des principes de l'égalité des armes et de l'estoppel ainsi que des dispositions des articles 564 à 566 et 625 du code de procédure civile, 1121, 1134, 1152, 1184, 1315, 1984 et 1993 anciens du code civil, 1355 du code civil et L 341-2, L 420-1 et L 442-6 I 2° du code de commerce :
- de déclarer recevables les prétentions de la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes en application des articles 564 à 565, et 625 du code de procédure civile ;
- de déclarer irrecevable la SAS LAF Santé à se prévaloir de sa propre carence pour prétendre dénoncer la mauvaise foi de la concluante dans la mise en 'uvre de la clause de résiliation de plein droit ;
- de débouter la SAS LAF Santé de toutes ses prétentions ;
- de constater que les parties étaient liées par une clause de résiliation de plein droit ;
- de constater que cette clause a été mise en 'uvre régulièrement par la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes, laquelle a visé dans sa mise en demeure la violation de deux obligations contractuelles tenant à la perception par la SAS LAF Santé d'une somme de 600 euros au titre de la cotisation mensuelle alors qu'elle était fixée contractuellement à 500 euros par mois et au refus d'accomplir son obligation d'assistance contractuellement prévue ;
- de constater que la SAS LAF Santé n'a pas répondu de façon satisfactoire dans le délai qui lui était imparti en reconnaissant que la cotisation due était bien de 500 euros mais ne remboursant pas la somme indûment prélevée, malgré mise en demeure de ce faire, et en refusant de communiquer toutes explications et tous justificatifs sur le nouveau mode de rémunération intitulé « trade » qu'elle a imposé en cours de contrat ;
- en conséquence, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas constaté la résiliation de plein droit du contrat par la mise en jeu d'une clause de résiliation de plein droit, de débouter la SAS LAF Santé de toutes ses prétentions et de constater la résiliation de plein droit du contrat ;
- à titre subsidiaire, de débouter la SAS LAF Santé de toutes ses prétentions et de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté des fautes graves imputables à cette dernière, justifiant la résiliation anticipée du contrat à ses torts exclusifs, et l'a déboutée de ses demandes indemnitaires ;
- en toute hypothèse, sur la réparation du préjudice subi par la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes de :
° désigner un expert avec pour mission de se faire communiquer tous les accords de coopération commerciale conclus par la SAS LAF Santé avec les laboratoires pharmaceutiques dont la liste figure dans son « book », dans les cinq dernières années ayant précédé la fin du contrat, de déterminer le montant des rémunérations versées par ces laboratoires en lien avec les prestations réalisées par l'officine affiliée, de déterminer le montant des rémunérations versées par lesdits laboratoires pour établir la liste des affiliés susceptibles de participer aux opérations commerciales visées dans l'accord, d'entendre les parties, de se faire communiquer toutes pièces utiles à la réalisation de sa mission, d'entendre tout sachant qu'il jugera nécessaire à l'exercice de sa mission et, du tout, de dresser un rapport ;
° condamner la SAS LAF Santé à faire l'avance des frais d'expertise rendus nécessaires par sa résistance abusive dans l'exécution de l'arrêt du 23 mars 2018 ;
° de sursoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise ;
- en toute hypothèse, de :
° condamner la SAS LAF Santé au paiement de la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice moral subi par la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes en application de l'article 1382 ancien du code civil ;
° condamner la SAS LAF Santé au paiement de la somme de 6 500 euros HT, soit 7 800 euros TTC au titre des cotisations qu'elle a indûment perçues ;
° de condamner la SAS LAF Santé au paiement de la somme de 30 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance.
En réponse, dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 24 janvier 2025, la SAS LAF Santé demande à la cour, au visa des articles 1121, 1134, 1135, 1147, 1149, 1156, 1184, 1382 anciens du code civil, 1103, 1104, 1194, 1205, 1212, 1225, 1227, 1228, 1231-1, 1231-2, et 1240 du code civil et 700 du code de procédure civile :
- d'infirmer le jugement du 11 juin 2019 du tribunal de commerce de Rennes en ce qu'il « déboute les parties du surplus de leurs demandes », mais seulement en ce qu'il a débouté la SAS LAF Santé de ses autres demandes visant à :
° dire et juger que la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes avait engagé sa responsabilité pour une rupture contractuelle fautive ;
° condamner cette dernière à payer à la SAS LAF Santé la somme totale de 398 329 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de tous les préjudices découlant de la résiliation fautive de la convention d'assistance ;
° condamner la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes à payer la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- statuant à nouveau et y ajoutant, de :
° constater que la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes est irrecevable à invoquer le grief de l'augmentation de la redevance, qui a déjà été définitivement tranché ;
° déclarer la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes irrecevable en ses demandes ;
° constater que la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes a rompu de mauvaise foi la convention d'assistance ;
° constater que la rupture du contrat par la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes est fautive et injustifiée ;
° condamner la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes à payer à la SAS LAF Santé la somme de 398 329 euros résultant de la rupture anticipée fautive de la convention d'assistance conclue entre les parties ;
° constater que la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes est irrecevable en ses demandes de réparation, qui ont déjà été définitivement tranchées ;
° déclarer la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes irrecevable en ses demandes ;
° débouter la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes de toutes ses demandes ;
° condamner la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes à la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl LX Paris-Versailles.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions visées pour un exposé détaillé du litige et des moyens des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 avril 2025. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, l'arrêt sera contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile.
MOTIVATION
1°) Sur la recevabilité des demandes de la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes
Moyens des parties
Au soutien de sa fin de non-recevoir, la SAS LAF Santé expose que, par l'effet de la cassation partielle, la Cour n'est saisie que de ses demandes au titre de la rupture anticipée de la convention d'assistance ainsi que des dépens et des frais irrépétibles. Elle ajoute que la cour d'appel a, dans son arrêt du 13 avril 2022, rejeté la demande de la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes au titre du remboursement des cotisations (majoration de son montant de 500 à 600 euros entrée dans le périmètre contractuel) et que sa décision n'a pas été infirmée de ce chef. Elle en déduit que cette demande, comme le moyen tiré de la régularité de la mise en 'uvre de la clause résolutoire à raison de la modification unilatérale du montant de la cotisation, est irrecevable sur le fondement de l'autorité de la chose jugée. Elle estime que doivent subir le même sort, la demande de la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes au titre de son préjudice moral, son rejet par le tribunal confirmé par la cour d'appel et non cassé par la Cour de cassation étant définitif et revêtu de l'autorité de la chose jugée, ainsi que sa demande de sursis à statuer et de désignation d'un expert judiciaire qui ont également été définitivement rejetées.
En réponse, la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes expose au visa des articles 564 à 566 et 625 du code de procédure civile que ses demandes relatives à la mise en 'uvre d'une clause de résiliation de plein droit à raison de la modification par la SAS LAF Santé de l'économie du contrat (montant des cotisations) ainsi qu'à l'indemnisation de son préjudice, sont recevables, la cour d'appel ayant simplement confirmé le jugement entrepris qui n'avait pas statué sur ces points, et que le débat demeure entier sur les demandes de la SAS LAF Santé pour rupture anticipée de la convention d'assistance. Elle précise ainsi que l'arrêt du 13 avril 2022, cassé pour une insuffisance de motivation, n'a pas statué sur le fait que la modification unilatérale irrégulière du montant des cotisations par la SAS LAF Santé fondait la mise en 'uvre de la clause résolutoire, point que la cassation partielle permet d'examiner.
Réponse de la cour
Conformément à l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Et, en application des articles 623 à 625, 631 et 638 du code de procédure civile, la cassation, qui peut être totale ou partielle, est partielle lorsqu'elle n'atteint que certains chefs dissociables des autres, la portée de la cassation étant déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce et s'étendant à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire. Sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé et entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. Devant la juridiction de renvoi, l'instruction est reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation, l'affaire étant à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation.
Par ailleurs, au sens des articles 480 du code de procédure civile et 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée suppose une triple identité : celle des parties agissant en vertu du même titre juridique, celle de l'objet et celle de la cause. La cause, qui ne fait l'objet d'aucune définition légale mais qui est implicitement évoquée aux articles 6 et 7 du code de procédure civile, s'entend non du fondement juridique de la demande mais de l'ensemble des faits qui la soutiennent, spécialement ou non.
Et, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, seul le dispositif de la décision est revêtu de l'autorité de chose jugée à l'exclusion de ses motifs, peu important qu'ils soient décisifs ou décisoires, les motifs de la décision ne pouvant que servir à éclairer le sens ou la portée du dispositif.
Par arrêt du 13 avril 2022, la cour d'appel de Paris a en particulier :
- infirmé le jugement en ce qu'il avait condamné la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes à payer à la SAS LAF Santé la somme de 150 000 euros au titre du non-respect de la clause de non-affiliation et aux entiers dépens de l'instance et confirmé le jugement pour le surplus ;
- statuant à nouveau des chefs infirmés, dit réputée non écrite la clause de non-réaffiliation de la convention d'assistance et débouté la SAS LAF Santé de sa demande en condamnation de la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes à ce titre ;
- rejeté toute autre demande.
Par arrêt du 17 janvier 2024 (n° 22-20.164) rectifié par arrêt du 23 mai 2024, la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé et annulé cette décision, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, elle rejette les demandes de la SAS LAF Santé pour rupture anticipée de la convention d'assistance par acquisition de la clause résolutoire de plein droit et en ce qu'elle statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ainsi, le seul point atteint par la cassation au sens des articles 623 à 625 du code de procédure civile est, hors dépens et frais irrépétibles, le rejet de la demande de la SAS LAF Santé au titre de la rupture anticipée du contrat d'assistance par acquisition de la clause résolutoire. Sont en revanche définitifs le rejet de la demande de la SAS LAF Santé au titre de la clause de non-réaffiliation qui est réputée non écrite, ce qui ne fait plus débat, ainsi que le rejet de l'intégralité des demandes de la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes objet du chef de dispositif du jugement confirmé « déboute les parties du surplus de leurs demandes », soit leurs prétentions au titre du sursis à statuer et de leur préjudice moral.
Ces deux derniers chefs de dispositif étant revêtus de l'autorité de la chose jugée, les demandes de la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes s'y rattachant sont irrecevables au sens de l'article 122 du code de procédure civile, peu important les dispositions des articles 564 et suivants du même code qui n'opèrent que dans le périmètre de l'effet dévolutif. Cependant, le sursis à statuer pouvant, en vertu des dispositions combinées des articles 378 et 379 du code de procédure civile et hors des cas expressément prévus par la loi dans lesquels il est obligatoire, être prononcé d'office dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice (en ce sens, 2ème Civ., 12 avril 2018, n° 17-16.945), la Cour demeure libre, si elle l'estime nécessaire à l'issue d'une analyse concrète des faits de l'espèce, de prononcer une telle mesure de suspension de l'instance, comme elle peut, si les éléments produits sont insuffisants pour trancher le litige, ordonner d'initiative une mesure d'expertise.
A ces deux prétentions, la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes a ajouté devant la cour d'appel, sans qu'ait été opposée ou relevée d'office son irrecevabilité au sens de l'article 564 du code de procédure civile, une demande de condamnation de la SAS LAF Santé à leur payer la somme de 6 500 euros HT, soit 7 800 euros TTC, au titre des cotisations qu'elle a indûment perçues (page 5 de l'arrêt), outre une demande d'expertise. Ces deux demandes ont été rejetées et les chefs de dispositif correspondants de l'arrêt du 13 avril 2022 n'ont pas été atteints par la cassation, la Cour de cassation ayant d'ailleurs expressément rejeté les moyens du pourvoi les critiquant (pièce 53 de l'intimée) au motif qu'ils n'étaient manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Ces deux chefs de dispositif étant définitifs et revêtus de l'autorité de la chose jugée, les demandes de la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes s'y rattachant sont également irrecevables.
Et, sa demande au titre du trop-perçu de cotisation, fondée sur l'augmentation non acceptée du montant de la cotisation et la reconnaissance de son erreur par la SAS LAF Santé (page 102 des écritures de l'appelante), a été rejetée par l'arrêt du 13 avril 2022 selon les motifs suivants, intégrés dans l'examen des griefs invoqués au soutien de la résiliation par application de la clause résolutoire :
Concernant le deuxième grief de l'augmentation de la redevance à 600 euros, s'il est vrai que la redevance due en contrepartie du droit d'utiliser le signe distinctif « Pharmacie Lafayette » a été mentionnée à un montant 500 euros dans la convention écrite initiale signée en 2008, néanmoins, son augmentation à 600 euros a fait l'objet d'un avenant du 1er août 2011 qui n'a pas été signé par l'officine mais qui est entrée dans le champ contractuel en ce que la redevance annuelle de 600 euros a été versée par l'officine sans discussion jusqu'en 2016. Ce grief n'est donc pas fondé en l'espèce. Sa demande en remboursement de cotisations sera déboutée, comme l'ont décidé les premiers juges.
Ainsi, ce rejet implique inéluctablement l'acceptation de l'augmentation de la cotisation par la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes : toute analyse contraire, peu important qu'elle soit réalisée dans le cadre de l'examen des conditions de mise en 'uvre de la clause résolutoire puisque le raisonnement déployé est en tout point identique, heurterait de front l'autorité de la chose jugée attachée à ce chef de dispositif en le privant de tout fondement juridique et logique. Aussi, la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes n'est pas recevable à invoquer à titre de manquement justifiant la résiliation tant la majoration non consentie du montant de leur cotisation que le défaut de remboursement du trop-perçu.
En conséquence, la Cour n'est désormais saisie, hors frais irrépétibles et dépens, que des demandes de la SAS LAF Santé au titre de la résiliation fautive et l'unique faute susceptible de lui être imputée par la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes pour causer la rupture, tant par application de la clause résolutoire que sur le fondement de la faute grave, réside dans le défaut d'assistance et de reddition de compte touchant à la rémunération « trade ».
2°) Sur la résiliation anticipée du contrat
Moyens des parties
La Selarl La Grande Pharmacie des Minimes expose que la stipulation d'une clause résolutoire fonde la rupture du contrat pour toute faute qu'elle vise peu important sa gravité, l'office du juge se limitant au constat de son existence puis de la résiliation à la différence des hypothèses de prononcé judiciaire de la résolution. Elle soutient avoir respecté les conditions de forme prescrites par l'article 13 du contrat et caractériser des manquements à des obligations expressément prévues par le contrat (obligation d'assistance et droit d'utilisation des signes distinctifs moyennant le paiement d'une redevance), sa demande d'explications et de communication portant sur des éléments touchant à la facturation de sa cotisation et relevant ainsi du périmètre contractuel.
Elle explique en outre que le « trade » relève des prestations de l'équipe officinale qui, facturées, sont intégrées dans le champ contractuel et que, étant, non une incentive (incitation économique) à la discrétion de son partenaire, mais la contrepartie d'une prestation qu'elle accomplit pour valoriser les produits des fournisseurs avec qui la SAS LAF Santé, qui perçoit les remises destinées aux officines accordées par certains laboratoires, a négocié des prix au bénéfice de ses adhérents, ses modalités de calcul et son assiette doivent lui être communiquées. Elle en déduit que, en ne lui fournissant pas ces informations objet de la mise en demeure malgré les décisions lui enjoignant de le faire sous astreinte, la SAS LAF Santé a violé son obligation d'assistance financière et de rémunération. Elle ajoute que la SAS LAF Santé a commis une faute en ne lui restituant pas le trop-perçu au titre de la mise à disposition de l'enseigne, la cotisation perçue ayant été portée de 500 à 600 euros en violation des termes du contrat et sans son consentement, le silence n'équivalant pas à une acceptation. Elle souligne par ailleurs que la SAS LAF Santé, qui supporte la charge de cette preuve, ne démontre pas sa mauvaise foi, hypothèse contredite par l'ancienneté et la pertinence des griefs fondant la rupture ainsi que par le nombre d'adhérents qui ont quitté le réseau à raison des manquements de la SAS LAF Santé.
Subsidiairement, elle sollicite le prononcé de la résiliation aux torts exclusifs de la SAS LAF Santé à raison de la gravité de ses fautes résidant en la violation de son obligation essentielle d'assistance en matière d'achats, qui lui impose de rendre compte de la négociation des accords conclus avec les fournisseurs pour son compte et de lui payer les remises convenues. Elle soutient ainsi à nouveau que la SAS LAF Santé doit lui verser directement les remises en exécution du contrat de référencement conclu avec le laboratoire et que, pour s'assurer que les conditions particulières de vente qui régissent ses rapports directs avec ce dernier sont conformes au contrat de référence qui les définit, elle doit avoir accès à ce dernier et non simplement au « book » incomplet et obscur mis à disposition par la SAS LAF Santé. Elle ajoute que l'obligation de rendre compte de cette dernière, inhérente à son obligation d'assistance et insusceptible d'être mise en échec par le secret des affaires :
- est rendue nécessaire par l'incohérence de ses explications évolutives sur le « trade » qui a été présenté comme le fruit d'une négociation complémentaire hors contrat destinée à augmenter le niveau globale de rémunération des officines du réseau, puis comme une incitation économique à sa discrétion et enfin comme la contrepartie des prestations accomplies par les officines au nom de chaque laboratoire, le « trade » provenant alors de ses revenus propres quoiqu'elle n'exécute pas les prestations rémunérées et la négociation étant menée pour son compte, au risque d'un conflit d'intérêt majeur, les conditions d'achats étant négociées dans l'intérêt du laboratoire, et en violation de son obligation de loyauté contractuelle. Elle ajoute à cet égard que la SAS LAF Santé ne justifie pas des prestations qu'elle accomplirait personnellement pour son compte, telles le « testing » de produits, et qui justifieraient une rémunération à son profit ;
- découle de l'exécution du mandat visé à l'article 1 du contrat de négocier les accords avec les laboratoires pour la pharmacie bénéficiaire, peu important que la SAS LAF Santé puisse être qualifiée de courtier, qualité qui n'est pas conforme à la négociation des conditions d'achats et de remises impliquant une stipulation au bénéfice de l'officine et qui n'exclut quoi qu'il en soit pas l'obligation de rendre compte ;
- s'impose à la SAS LAF Santé en exécution de l'arrêt du 23 mars 2018, en dépit de sa résistance persistante qui achève de décrédibiliser ses explications opaques.
Elle estime que cette opacité, qui interdit à l'affilié de s'assurer du paiement effectif des sommes qui lui sont dues, et que le bouleversement de l'économie du contrat par la SAS LAF Santé induit par la création d'un nouveau modèle économique tourné vers la satisfaction de ses intérêts au détriment de ceux des officines qu'elle représente caractérisent un manquement à son obligation de loyauté rappelée à l'article 12 du contrat.
Elle soutient en conséquence subir un préjudice matériel consistant dans le montant des cotisations indument perçues (7 800 euros HT) et un préjudice moral (50 000 euros). Sans préciser clairement la position hiérarchique de cette demande, elle sollicite par ailleurs un sursis à statuer dans l'attente de la production des pièces visées dans l'arrêt du 23 mars 2018 au motif que la résistance de la SAS LAF Santé porte atteinte à son droit au procès équitable et à son droit à réparation intégrale, le préjudice subi durant l'exécution du contrat n'étant pas, en l'absence des pièces dont la production forcée a été ordonnée, déterminable, raison pour laquelle elle sollicite, à titre subsidiaire dans sa motivation mais « en toute hypothèse » dans son dispositif, l'organisation d'une mesure d'expertise.
Plus subsidiairement, elle conteste la réalité et la mesure des préjudices allégués par la SAS LAF Santé au motif que :
- les redevances contractuelles doivent être calculées à partir d'un montant de base de 500 euros et non de 600 euros ;
- les frais de représentation ne sont étayés par aucun justificatif alors que le contrat n'impose pas à l'officine d'arborer une enseigne Lafayette et de la maintenir jusqu'à son terme ;
- les investissements rendus nécessaires par son départ ne sont pas établis, le préjudice n'étant quoi qu'il en soit pas indemnisable, tout adhérent étant destiné à être remplacé faute d'engagement perpétuel ;
- le préjudice moral n'est pas caractérisé.
En réponse, la SAS LAF Santé, qui rappelle que le terme du contrat d'assistance à durée déterminée expirait après son ultime prorogation le 1er octobre 2017, expose que ce dernier ne pouvait être rompu de manière anticipée en application de son article 13 qu'en vertu d'une inexécution qui lui serait imputable. Or, elle soutient que la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes a, sans fondement valable, mis en 'uvre cette clause résolutoire de mauvaise foi pour justifier, dans le cadre d'une stratégie élaborée avec d'autres adhérents, son adhésion à un réseau concurrent.
Elle précise que le contrat d'assistance impliquait la transmission d'un savoir-faire ne se limitant pas aux conditions d'achats auprès des laboratoires et lui conférait le rôle d'une centrale de référencement, les adhérents étant libres de contracter avec les fournisseurs référencés. Elle soutient que ces caractéristiques concrètes sont exclusives de la qualification de mandat, la formule « négociation des prix pour la pharmacie bénéficiaire » signifiant, non l'exercice d'une représentation, mais l'existence d'un bénéfice commun à tous les membres du réseau. Elle qualifie la négociation des conditions d'achats, dans le cadre de laquelle elle obtient des fournisseurs des remises et conditions préférentielles au bénéfice de ses adhérents qui ne sont soumis à aucune obligation d'achat, de courtage et en déduit que, en l'absence par ailleurs de prévision explicite d'une telle obligation, elle n'était pas tenue de rendre compte. Elle illustre son raisonnement par les contrats conclus avec les fournisseurs produits par la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes qui révèlent, d'une part, qu'elle n'a pas le pouvoir d'engager les officines qui déterminent librement leurs rapports contractuels avec ces derniers, et, d'autre part, qu'elle n'est contrainte que de relater l'issue des négociations et de communiquer les conditions particulières de vente négociées via le « book commercial », toute autre information, telle la teneur des négociations, étant couverte par le secret des affaires. Elle explique avoir exécuté ces obligations en transmettant ce document, dont la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes ne démontre pas qu'il ait pu comporter des données ne concordant pas avec les conditions octroyées par les laboratoires, en informant ses adhérents lors de réunions ou lors des commissions achats et en mettant à disposition une équipe répondant en permanence à leurs questions. Elle reconnaît avoir exceptionnellement encaissé des remises, qu'elle a ensuite intégralement reversées aux adhérents, en précisant avoir agi à la demande de certains laboratoires désireux de centraliser leurs paiements, cette pratique n'ayant pas modifié le contrat à raison de son caractère ponctuel.
Elle conteste tout conflit d'intérêt en soutenant qu'elle perçoit en exécution du contrat une redevance de ses adhérents en contrepartie du service de ses prestations d'assistance et de l'utilisation de l'enseigne, et qu'elle obtient par ailleurs des laboratoires, à qui elle rend des services distincts contractuellement prévus et négociés, une rémunération au titre de son activité commerciale indépendante, ce que le contrat d'assistance n'interdit pas. Elle précise ainsi que les informations listées dans la mise en demeure et réclamées par la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes relèvent du secret des affaires et que les accords commerciaux négociés à son profit résultent de son savoir-faire personnel de tête de réseau non transmissible à ses adhérents qui n'interviennent ni au même stade de distribution, ni sur les mêmes prestations. Elle ajoute que la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes, qui a bénéficié de divers avantages grâce à ses négociations, ne prouve pas qu'elle n'aurait pas agi dans l'intérêt des officines. Elle indique que les sommes qu'elle reçoit des laboratoires, notamment en contrepartie des tests de leurs produits ou d'opérations de promotion spécifiques auprès des adhérents, ne sont pas à restituer à ces derniers qui ne justifient avoir exécuté aucune prestation à ce titre, les contrats conclus avec les fournisseurs distinguant nettement les prestations de référencement réalisées à leur bénéfice des conditions de commercialisation des produits par les pharmacies adhérentes.
Elle expose par ailleurs que la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes dénomme, pour semer la confusion, « trade » une incentive de collaboration mise en place en 2013 pour encourager l'appartenance au réseau. Elle précise que, intitulée « mobilisation de l'équipe officinale » et distincte des « coopérations commerciales » des laboratoires, elle se rapporte à une pratique commerciale qu'elle a instaurée pour rémunérer l'effort de participation de ses adhérents au concept Pharmacie Lafayette en retenant pour critères, notamment, le suivi global des opérations commerciales, la fréquentation et le suivi du concept. Soulignant la licéité judiciairement reconnue de cette pratique financée par un budget dédié et réparti selon une clé qu'elle définit, elle explique que cette rémunération résultant de son engagement unilatéral de tête de réseau n'est pas de nature contractuelle, la mobilisation officinale étant distincte de la coopération commerciale en ce que la première récompense l'implication de l'adhérent et n'est de ce fait pas le résultat des négociations menées quand la seconde le rémunère pour le service qu'il rend au laboratoire (mise en avant des produits) conformément aux conditions contractuelles qu'elle obtient des fournisseurs. Elle ajoute que la seule acceptation de cette rémunération par l'officine ne suffit pas à transformer son engagement unilatéral en contrat. Elle estime ainsi que n'est pas fautif son refus de communiquer les critères de calcul de la prime « mobilisation officinale », prélevée sur son propre chiffre d'affaires nourri de l'ensemble de ses activités (relations avec des officines non adhérentes, prestations pour les laboratoires, aménagement de points de vente, développement de produits sous marque de distributeur, « testing » de produits, commercialisation d'espaces publicitaires) et non reversée après un transit dans son patrimoine. Elle précise en outre que les contrats conclus avec les laboratoires fournisseurs proscrivent le reversement de tout ou partie de la rémunération qu'ils lui versent en contrepartie de ses prestations clairement identifiées.
Estimant pour ces raisons la résiliation anticipée injustifiée, elle prétend subir un préjudice moral (150 000 euros) et un préjudice économique (398 329 euros) consistant dans :
- le montant des échéances dues jusqu'au terme (9 055 euros) calculée sur la base d'une redevance fixe de 600 euros et d'une redevance variable de 280 euros fonction du résultat de l'officine au troisième trimestre 2016 ;
- le défaut de représentation de la marque Lafayette du 10 janvier au 1er octobre 2017 dont le coût est déterminé en considération du prix d'un affichage public aux dimensions similaires à celle de l'enseigne, dans la ville du Mans, jusqu'au terme contractuel (190 000 euros) ;
- les investissements rendus nécessaires pour faire face au départ précité de la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes et pour « réinvestir la ville », outre le temps passé pour la gestion de la désorganisation (49 274 euros).
Réponse de la Cour
En vertu de l'article 9 de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les dispositions de cette norme sont entrées en vigueur le 1er octobre 2016, les contrats conclus avant cette date demeurant soumis à la loi ancienne, y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d'ordre public.
En vertu de l'article 10 de la convention d'assistance conclue entre les parties le 26 septembre 2008, le terme du contrat était fixé au 1er octobre 2011 mais son renouvellement par tacite reconduction pour de nouvelles périodes triennales était prévu à défaut de dénonciation par l'une ou l'autre des parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception six mois avant l'arrivée du terme. Ainsi, au regard des effets stipulés et de leur limitation expresse dans le temps, le contrat a été, jusqu'à la rupture, non renouvelé en donnant naissance à un nouveau contrat de même contenu mais à durée indéterminée au sens désormais des articles 1214 et 1215 du code civil, mais, en dépit des termes employés, prorogé par application de cette clause en l'absence de volonté contraire des parties. Aussi, le terme n'ayant pas produit son effet extinctif et le contrat ayant été maintenu pendant toute la durée de la relation, les dispositions anciennes applicables au jour de sa conclusion régissent le litige.
Conformément à l'article 1134 du code civil (devenu 1103 et 1194), les conventions légalement formées, qui tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise, doivent être exécutées de bonne foi.
En outre, en application de l'article 1184 (devenu 1224) du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Par l'effet du principe de force obligatoire (et désormais en application de l'article 1212 du code civil), lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, tel celui en litige, chaque partie doit l'exécuter jusqu'à son terme. Aussi, l'article 1184 du code civil n'étant pas d'ordre public, la convention ne peut alors être résiliée avant la survenance de ce dernier que, à défaut de mutuus dissensus et de saisine préalable du juge, dans les deux hypothèses qui sont en débat et qui sont soumises au libre choix de l'auteur de la rupture :
- en vertu d'une clause résolutoire expressément stipulée visant l'inexécution d'une obligation explicitement prévue par le contrat et selon les conditions de forme qu'elle prescrit. Le contrôle judiciaire exercé a posteriori sur la caractérisation du manquement fondant sa mise 'uvre porte sur sa réalité et non, sauf si la clause elle-même se réfère à ce critère, sur sa gravité (en ce sens, Com., 14 décembre 2004, n° 03-14.380) ;
- en vertu du principe désormais encadré par l'article 1226 du code civil mais antérieurement acquis en droit positif (en ce sens, Com., 1er octobre 2013, n° 12-20.830, et 6 décembre 2016, n° 15-12981), selon lequel la gravité du comportement d'une partie à un contrat à durée indéterminée ou déterminée peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls, peu important les modalités formelles de résiliation contractuelle (en ce sens, sur ce dernier point, 3ème Civ., 8 février 2018, n° 16-24.641). En ce cas, le juge, qui peut retenir un partage de responsabilité, dispose d'un pouvoir d'appréciation de la gravité de la faute invoquée et de ses conséquences sur le sort du contrat.
- Sur la clause résolutoire
Ainsi que l'a précisé la Cour de cassation dans son arrêt du 17 janvier 2024, une clause résolutoire ne peut, conformément à l'article 1134 (devenu 1103 et 1104) du code civil, être mise en 'uvre qu'en cas de manquement à une obligation expresse stipulée par le contrat conclu entre les parties (déjà, en ce sens, 3ème Civ., 17 septembre 2013, n° 12-21.724, solution reprise par l'article 1225 du code civil qui dispose désormais que la clause résolutoire précise les engagements dont l'inexécution entraînera la résolution du contrat).
Par ailleurs, au sens des dispositions des articles 1156 et suivants (devenus 1188 et suivants) du code civil, qui constituent non des normes juridiques s'imposant à elle, mais un guide d'interprétation des conventions à l'usage des parties et du juge, la cour interprète les stipulations manquant de clarté en recherchant la commune intention des parties contractantes sans s'arrêter au sens littéral des termes et en donnant à celles-ci le sens qui leur permet de produire un effet plutôt que celui qui les annihile en considération de la matière et de l'économie générale du contrat dont les clauses sont interdépendantes. L'intention des parties au jour de la conclusion peut être éclairée par leur comportement contemporain de la formation du contrat et adopté durant son exécution.
Hors majoration unilatérale du montant de la redevance fixe qui a été définitivement écartée, la faute que la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes impute à la SAS LAF Santé consiste dans l'opacité qui entoure la détermination (assiette et mode de calcul) et le versement annuel de la rémunération « trade » ou « mobilisation de l'équipe officinale » qui leur est due en contrepartie des prestations qu'elle réalise dans son officine pour valoriser les produits des fournisseurs partenaires. Ce comportement commanderait la production des pièces sollicitées objet des injonctions prononcées en référé et caractériserait une violation de son obligation d'assistance par la SAS LAF Santé.
Insusceptible d'être rattaché à une demande indemnitaire spécifique, la prétention désormais irrecevable à raison de l'autorité de la chose définitivement jugée par l'arrêt du 13 avril 2022 non cassé de ce chef relative au préjudice moral étant elle-même fondée sur l'article 1382 du code civil, ce manquement est invoqué au soutien du constat ou, subsidiairement, du prononcé de la résiliation. Aussi, l'examen du bienfondé de cette prétention commande, ainsi que la Cour de cassation le précise dans son arrêt du 17 janvier 2024, d'identifier le lien de rattachement entre la violation alléguée et une obligation expresse du contrat. Cette analyse suppose l'appréciation de la portée de la clause et de la régularité formelle de sa mise en 'uvre puis de l'objet et de la qualification du contrat ainsi que de la nature et de la source juridique de la rémunération en cause pour déterminer si, à défaut de stipulation explicite d'une telle obligation dans l'acte, elle découle, au sens de l'article 1135 (devenu 1194) du code civil, de la nature du contrat et des engagements qu'il stipule.
Sur la portée de la clause résolutoire et la régularité formelle de sa mise en 'uvre
La clause résolutoire stipulée à l'article 13 « Résiliation anticipée » du contrat, dont la validité, notamment au regard de sa généralité, n'est pas en débat, est ainsi rédigée :
Le présent contrat pourra être résilié par anticipation par l'une ou l'autre des parties, en cas d'inexécution de l'une quelconque des obligations incombant à l'autre partie aux termes de celui-ci, notamment :
- en cas d'adhésion à un groupement de pharmaciens concurrents,
- en cas de communication à LAFAYETTE CONSEIL d'information incomplète erronée, fausse ou mensongère pendant la période précontractuelle et/ou contractuelle,
- en cas de communication tendancieuse et/ou trompeuse ou fausse à d'autres bénéficiaires du présent accord,
- en cas d'interdiction prononcée à l'encontre du bénéficiaire d'exercer la profession de pharmacien pour une durée supérieure ou égale à un an,
- en cas de défaut de paiement ou retard de paiement de toute somme due à LAFAYETTE CONSEIL,
- en cas de renonciation de l'application de la technique commerciale préconisée par LAFAYETTE CONSEIL,
- en cas de rétrocession de marchandises à quelque entité que ce soit sauf à des pharmacies appartenant au réseau.
Tous ces cas étant entendus comme étant du fait du (des) pharmacien (s) titulaire (s) ou de son (ses) associé (s).
La résiliation interviendra automatiquement de plein droit, un mois après une mise en demeure signifiée à la partie défaillante par lettre recommandée avec demande d'avis de réception indiquant l'intention de faire jouer la présente clause et restée sans effet ['].
Ainsi, les cas non limitativement énumérés ne concernant que les pharmacies membres, la clause résolutoire couvre tout manquement de la SAS LAF Santé à une obligation prévue par le contrat, peu important sa gravité, ainsi que, conformément à l'article 1135 (devenu 1194) du code civil, toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à une obligation du contrat d'après sa nature.
Dans sa mise en demeure du 2 décembre 2016 annonçant, à défaut de régularisation, la résiliation par acquisition de la clause résolutoire expressément visée (sa pièce 3), la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes imputait à la SAS LAF Santé la perception d'un trop-perçu de cotisation ainsi que le versement insuffisant, insusceptible de vérification et objet d'une facturation irrégulière, de la rémunération « trade », manquement explicitement rattaché à son devoir d'assistance.
Puis, par courrier du 10 janvier 2017, soit à l'expiration du délai stipulé à l'article 13 et imparti dans la mise en demeure, la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes a notifié la résiliation en vertu de la clause résolutoire en invoquant les mêmes griefs (sa pièce 5).
Aussi, formellement, en ce qu'elle est opérée au visa de la clause résolutoire et de deux obligations stipulées au contrat et qu'elle a été notifiée après une mise en demeure infructueuse à l'expiration du délai prescrit, la résiliation est régulière.
Sur l'objet et la qualification du contrat
Aux termes du préambule du contrat, la SAS LAF Santé apporte à l'officine adhérente à son réseau « son expérience originale caractérisée notamment par ses modalités d'achats et de ventes de marchandises » dans le but d'accroître le chiffre d'affaires de la pharmacie bénéficiaire, ses activités consistant à délivrer conseil en marketing, en gestion, en approvisionnement, en management et en organisation des entreprises. L'article 1 du contrat précise que la SAS LAF Santé s'engage ainsi à mettre à la disposition de la pharmacie bénéficiaire une assistance dans le domaine administratif et la gestion, en matière de trésorerie, commerciale et de management ainsi qu'en matière d'achats. Cette dernière obligation, seule spécialement invoquée par la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes dans leurs écritures, est ainsi stipulée :
Assistance en matière d'achats :
- Négociation des commandes de marchandises ;
- Négociation des prix pour la pharmacie bénéficiaire directement avec les fournisseurs et les laboratoires dans le respect des préconisations de prix ;
- Négociations des remises et conditions commerciales sur l'ensemble des commandes effectuées ;
- Les remises seront distribuées directement au pharmacien partenaire par le laboratoire conformément au contrat de référencement liant le prestataire [soit la SAS LAF Santé] au laboratoire
Par ailleurs, la SAS LAF Santé accorde à la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes le droit d'utiliser la dénomination « Pharmacie Lafayette » ainsi que son logo moyennant le paiement d'une redevance forfaitaire mensuelle de 500 euros, dont il est définitivement jugé qu'elle a été portée à 600 euros en cours d'exécution de la convention. La rémunération du prestataire est complétée selon l'article 3 par le paiement d'une cotisation annuelle assise sur le chiffre d'affaires de l'officine, toute prestation complémentaire à celles définies à l'article 1 sollicitée par une pharmacie adhérente donnant à lieu à une facturation séparée.
Ainsi, ce contrat synallagmatique a pour objet la fourniture par la SAS LAF à la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes, en sa qualité d'exploitant d'une officine de pharmacie, d'un savoir-faire qui prend la forme d'une assistance administrative, financière et commerciale et de la négociation, à la manière d'une centrale de référencement, de conditions d'achat avantageuses avec les laboratoires pharmaceutiques fournisseurs, moyennant le paiement d'une cotisation annuelle variable et d'une redevance forfaitaire. Les achats ne sont pas effectués par la SAS LAF, dont l'obligation de négocier les meilleurs prix est par nature de moyens, mais exclusivement par les officines adhérentes, libres de contracter avec les fournisseurs référencés qui seront tenus, dans leurs relations directes avec ces dernières, de respecter les tarifs préférentiels négociés avec la tête de réseau.
Cette convention, qui ne prévoit aucun paiement par la SAS LAF Santé au profit des officines membres dont les remises et ristournes sont exclusivement et directement versées par les laboratoires avec qui elles contractent, ne stipule aucune obligation de reddition de comptes à la charge de la SAS LAF.
La qualification de mandat au sens de l'article 1984 du code civil, opposée par la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes pour fonder l'existence de cette obligation, ne ressort pas de la lettre du contrat, la formule « négociation des prix pour la pharmacie bénéficiaire » n'impliquant pas qu'elle agisse par représentation mais est employée pour désigner les entités qui, in fine et à leur gré, profitent économiquement des conditions négociées. Elle ne découle pas non plus de son économie générale ou de la nature de la prestation d'assistance en matière d'achats. Celle-ci se résume à la mise en relation, par le biais d'un référencement, d'un fournisseur et d'une pharmacie qui déterminent librement le principe de leurs engagements réciproques. La SAS LAF Santé, qui n'obéit à aucune instruction ou consigne des adhérents et agit en toute dépendance dans le cadre de son activité commerciale propre, ne souscrit aucun engagement, d'achat notamment, au nom et pour le compte de l'officine de pharmacie qui ne sera bénéficiaire effective des conditions qu'elle a négociées qu'en contractant directement avec le fournisseur. A ce titre, si les contrats de référencement conclus par la SAS LAF Santé et la société Sanofi-Aventis France entre 2012 et 2015 (pièces 85 à 89 de l'appelante) évoquent à compter de 2015 un mandat de négociation dont serait munie la SAS LAF Santé, ils précisent immédiatement l'impossibilité pour la SAS LAF Santé de passer commande, d'acheter ou d'être dépositaire et la nécessité pour le laboratoire de nouer des relations directes avec les officines de pharmacie (principe de non-intervention expressément rappelée à l'article 5). A supposer que la SAS LAF Santé bénéficie d'un mandat de négocier au sens strict, l'objet de sa mission n'impliquerait qu'une information relative au résultat des discussions menées et non à leur teneur : elle serait débitrice d'un devoir de compte rendu et non de reddition de compte, à l'instar du courtier non mandataire ainsi qu'il sera précisé infra.
Non mandataire faute de représentation, la SAS LAF Santé n'est pas non plus un commissionnaire, celui-ci ne se bornant pas à favoriser des partenariats mais concluant les contrats en son nom propre quoique pour le compte de son commettant au sens de l'article L 132-1 du code de commerce.
Au regard de sa fonction d'intermédiation sans participation directe à la conclusion des contrats dont elle négocie les conditions tarifaires, elle agit, au titre de l'assistance en matière d'achats, en courtier. La qualification de courtage est d'ailleurs celle du contrat de référencement (en ce sens, Com., 17 mars 2004, n° 01-10.103 et Conseil de la concurrence, décision 03-D39 du 4 septembre 2003, §25, cités dans la consultation produite en pièce 23 par la SAS LAF), qui est le pendant, dans le partenariat entre la tête de réseau et les fournisseurs, de l'assistance en matière d'achats dans les relations entre la SAS LAF Santé et l'adhérent encadrées par le contrat d'assistance.
Or, le courtier, qui doit être diligent et garantir l'efficacité juridique de l'opération objet de sa prestation, est débiteur, comme tout intermédiaire, d'une obligation d'information portant en particulier sur l'aptitude du cocontractant à exécuter le contrat envisagé ainsi que sur les principales caractéristiques de cet acte. En revanche, en l'absence de mandat, n'agissant pas pour le compte des parties et ne percevant pour elles aucune somme à leur restituer, il n'est pas tenu à une reddition de compte comptable et financière analogue à celle prévue par l'article 1993 du code civil. Au regard de la nature de sa mission, la SAS LAF Santé, qui perçoit une rémunération des adhérents en contrepartie de son assistance et s'oblige de ce fait à justifier de la réalité de l'exécution de sa prestation, n'a dans cette logique à adresser aux pharmacies adhérentes qu'un compte rendu des diligences accomplies, soit une information sur l'issue des négociations menées dans leur intérêt (liste des fournisseurs référencés, produits concernés et conditions tarifaires) et non sur le détail de leur déroulement et des éléments qui la permettent qui sont par nature confidentiels et relèvent de l'exécution du savoir-faire visé au contrat, par hypothèse secret. A cet égard, la communication du book commercial (pièces 15 de l'intimée), qui est la synthèse des conditions d'achats préférentielles accordées par les laboratoires référencés, est suffisante, ce document permettant de vérifier la conformité des remises dues par le laboratoire au contrat de référencement évoquée par l'article 1 du contrat d'assistance.
Aussi, ni le contrat ni les obligations qu'il stipule, explicitement ou à raison de leur nature, ne mettent à la charge de la SAS LAF Santé une obligation de reddition de compte lui imposant de communiquer les pièces réclamées par la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes.
Demeure en conséquence l'hypothèse de la création, en cours d'exécution du contrat d'assistance, d'une nouvelle obligation contractuelle à la charge de la SAS LAF Santé la contraignant à justifier de la teneur exacte des négociations qu'elle mène avec les fournisseurs et à révéler l'intégralité des actes qu'elle conclut et des sommes qu'elle reçoit d'eux.
Sur la nature de la rémunération « trade »
Il est constant que, d'initiative et sans y être contrainte par le contrat qui ne met à sa charge aucune obligation de paiement ou de restitution, la SAS LAF Santé a, à compter de 2013 pour l'année 2012, versé chaque année à l'ensemble des adhérents une somme d'argent dont elle déterminait le montant et les conditions d'attribution en leur imposant à ce titre une facturation visant en objet « l'immobilisation [ou mobilisation] de l'équipe officinale sur l'année [concernée] Audit réalisé par SAS Lafayette Conseil » (pièces 13 à 15 de l'appelante). Dans son courrier d'envoi du modèle de facture à compléter du 5 avril 2016 adressé à un autre affilié, la SAS LAF Santé expliquait que la fixation de cette rémunération, intitulée « trade » et correspondant à la présentation des produits des laboratoires en tête de gondole et plus généralement à leur « mise en avant », reposait sur trois critères : la fréquentation de l'officine, les écrans TV installés en son sein et le « suivi des opérations commerciales (mises en avant, TG/linéaires) et ce en fonction des remontées de justificatifs photos ». Elle déplorait « un manque de retours de preuves » qui constituait un « frein pour les laboratoires » et invitait les officines à adopter une solution logicielle facilitant la collecte des informations nécessaires à l'accroissement du « trade » (pièce 94 de l'appelante).
Les prestations de valorisation promotionnelle ou publicitaire des produits des laboratoires évoquées dans ces lettres ne sont pas visées au contrat qui n'impose aux officines de pharmacie, aux termes de son article 2 et hors respect des normes applicables et exigences générales relatives à la qualité de service, que de fournir à la SAS LAF Santé « toutes les informations, tous les renseignements, tous les documents et toute l'assistance raisonnablement nécessaire pour lui permettre de réaliser l'objet du contrat et d'assurer, dans de bonnes conditions, la fourniture [de ses] prestations ».
Alors que ni le paiement ni la prestation qu'il rémunère ou récompense ne sont prévus au contrat, le seul fait que soit dressée une facture, qui n'est que l'instrument proposé par la tête de réseau pour permettre d'appréhender comptablement le règlement et d'en justifier auprès des tiers, dont la DGCCRF dont il n'est pas prouvé qu'elle ait estimé la pratique irrégulière au fond ou en la forme, ne suffit pas à en faire une obligation intégrée dans le périmètre contractuel. De fait, l'existence de liens contractuels entre deux personnes n'exclut pas la possibilité d'engagements n'en relevant pas, le contrat stipulant d'ailleurs explicitement que les prestations non prévues dans l'acte qui seraient sollicitées par une pharmacie feraient l'objet d'une « facturation séparée sur la base d'un accord préalablement accepté » (article 3 in fine). Elle n'est pas non plus incompatible avec la formation d'un engagement unilatéral générant une obligation dont le contrat en cours d'exécution n'est pas la source juridique (en ce sens, Com., 12 décembre 2018, n° 17-22.268), acte qui ne change pas de nature à raison de la seule acceptation par son bénéficiaire de l'exécution de l'obligation née de la volonté solitaire.
Les réponses apportées par la SAS LAF Santé aux interrogations de la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes et des autres adhérents n'induisent pas la réalité de l'extension du contenu du contrat qu'elle allègue. En effet, la SAS LAF Santé précisait avec constance que « la facture d'immobilisation de l'équipe officinale » n'était pas prévue dans le contrat, qu'elle représentait un avantage supplémentaire (« une incentive ») sans effet sur leurs obligations conventionnelles et qu'elle visait à récompenser l'investissement de l'adhérent dans la politique du réseau, à charge pour lui de justifier des opérations réalisées dans ce but, ce que n'a pas fait la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes. Elle ajoutait que la « négociation de ces conditions complémentaires aux remises visées par la convention [s'était] opérée par la pratique au fil des négociations, afin d'augmenter le niveau global de rémunération des officines du réseau » (pièces 5, 16 et 22 de l'intimée et 82 de l'appelante).
Dès lors, quoiqu'elle soit conçue comme pouvant favoriser indirectement de meilleures négociations avec les laboratoires et l'accroissement du chiffre d'affaires de la pharmacie, la « mobilisation de l'équipe officinale » ne correspond à aucune obligation contractuelle. Elle renvoie à l'investissement des adhérents, maîtres du principe et de l'intensité de leur participation, dans la politique commerciale du réseau tandis que sa rétribution est distincte des remises ou ristournes accordées par les laboratoires. Sa facturation est d'ailleurs sans rapport avec la restitution des remises destinées aux pharmacies que la SAS LAF Santé a pu ponctuellement encaisser à la demande de laboratoires qui font alors l'objet de la mention « versée par Lafayette » dans le book commercial (pièce 15 bis de l'intimée), information suffisante pour éclairer la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes sur les modalités de calcul de la remise qui lui est due.
En outre, si le book commercial précise, pour certains laboratoires, des exigences au titre de la « coopération commerciale » tenant à la présentation des produits (modalités d'exposition sur les étagères, présence de dispositifs spécifiques tels une « table sensorielle », des vasques à savons ou une « colonne » et plus généralement un « respect merchandising »), il ne prévoit pas d'opérations promotionnelles ou publicitaires spéciales assimilables aux éléments de valorisation intégrés dans le « trade » qui ne relèvent de ce fait pas de ceux issus des négociations menées au titre de l'assistance en matière d'achats par la SAS LAF Santé et sont mis en 'uvre librement par les officines de pharmacie.
Les contrats de référencement conclus par la SAS LAF Santé et la société Sanofi-Aventis France entre 2012 et 2015 (pièces 85 à 89 de l'appelante) confirment cette analyse. En effet, ils stipulent à la charge de la SAS LAF Santé (articles 2 et 3) :
- des obligations « dans le cadre du référencement » tenant à la présentation et à la promotion de l'image du partenaire et de ses produits au sein du réseau ainsi qu'à la transmission d'informations relatives aux officines adhérentes. A ces prestations s'ajoutent des « services complémentaires au référencement » (diffusion du rapport trimestriel du partenaire aux officines et opérations de relances commerciales des adhérents) et la rédaction d'un rapport d'activité ;
- des « services marketing complémentaires au référencement » portant sur l'animation des points de vente du réseau (diffusion sur écran plasma de films publicitaires fournis par le partenaire référencé), la réalisation d'opérations de mailings afin d'impliquer les adhérents, la mise en avant de produits et la participation du laboratoire au congrès annuel du groupement. Ces prestations font l'objet d'une rémunération dédiée de la SAS LAF Santé (article 4).
Ainsi, la SAS LAF Santé, qui explique également procéder à des tests de produits, perçoit des laboratoires des sommes d'argent rémunérant des prestations qu'elle accomplit personnellement, qu'elle fasse ou qu'elle fasse faire, et qui sont distinctes du référencement lui-même. Si certaines opérations sont in fine matériellement réalisées par les officines, elles ne sont pas pour autant l'objet du paiement : lorsque la promotion ou la publicité s'opère par le truchement des adhérents, la mission fondant la contrepartie consiste en des relances ou en des incitations diverses de la SAS LAF Santé qui sont destinées à conduire ces derniers à agir dans le sens souhaité par le laboratoire et dont elle doit justifier. Les sommes sont ainsi dues à cette dernière à raison de son activité propre et non aux officines.
Cette pratique, que le contrat d'assistance n'interdit pas et dont l'Autorité de la concurrence souligne le caractère usuel dans son avis 19-1-08 du 4 avril 2019 (§1120, cité par l'intimée), correspond à l'exercice par la SAS LAF Santé de son activité commerciale qui ne se réduit pas à l'assistance apportée aux adhérents et qui génère un résultat sur lequel sont prélevées les sommes payées au titre du « trade » (sa pièce 21). Libre d'offrir aux laboratoires des services distincts du référencement et de percevoir à ce titre un paiement qui ne se confond pas avec les remises négociées (en ce sens, Commission d'examen des pratiques commerciales, avis 15-14 du 26 mars 2015 cité par l'intimée), la SAS LAF Santé démontre ainsi effectuer des prestations accroissant son chiffre d'affaires indépendamment de ses relations avec les officines (ses pièces 36 à 38 : établissement de plans d'aménagement et de points de vente des adhérents facturé sur devis et développement de produits sous marque de distributeur).
Ce cloisonnement, que rappelle le contrat de référencement (préambule et articles 3 et 5) en écho à l'article 1 du contrat d'assistance, exclut le conflit d'intérêt et la déloyauté allégués par la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes, cette dernière ne soutenant d'ailleurs pas que les remises et ristournes obtenues fussent insuffisantes et ne contestant pas que son chiffre d'affaires a augmenté durant la période d'appartenance au réseau à compter de l'année 2012, ce qui est la fin même du contrat d'assistance aux termes de son préambule. Il confirme également que la rémunération « trade », financée par les ressources procurées à la SAS LAF Santé par son activité commerciale hors convention d'assistance, ne correspond pas à une restitution aux officines de sommes leur revenant. Il prouve enfin qu'elle n'est pas la contrepartie de prestations servies par ces dernières en exécution du contrat d'assistance, la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes ne prouvant d'ailleurs pas la réalité des opérations de coopération commerciale qu'elle évoque et dont l'insuffisance a été soulignée par la SAS LAF Santé (sa pièce 16), mais constitue la récompense de leur implication dans la vie du réseau dont l'essence, au titre de l'assistance en matière d'achats, est d'entretenir des relations avantageuses avec les laboratoires. En témoignent les critères d'attribution et de détermination exposés dans la demande de facturation du 5 avril 2016 et détaillés dans le courrier du 30 novembre 2017 (pièces 94 de l'appelante et 22 de l'intimée) qui résident dans la fréquentions de l'officine, la présence d'écrans diffusant des publicités et la transmission de justificatifs des opérations réalisées qui permet à la SAS LAF Santé de prouver aux laboratoires qu'elle a exécuté les obligations personnelles que le contrat de référencement met à sa charge.
Dès lors, trouvant sa cause exclusive dans la volonté solitaire de la SAS LAF Santé et ne se rattachant juridiquement pas au contrat d'assistance en dépit du fait qu'elle puisse indirectement favoriser sa réussite économique à raison de son caractère incitatif, la somme versée au titre de la « mobilisation des équipes officinales » est fondée sur l'engagement unilatéral de la SAS LAF Santé au sens désormais de l'article 1100-1 du code civil mais connu du droit positif antérieur. Aussi, le règlement de cette rémunération ne caractérise pas l'exécution d'une obligation contractuelle impliquant une reddition de compte et l'éventuelle violation de son engagement par la SAS LAF Santé, y compris au titre de l'opacité des modalités de son attribution et d'une possible discrimination des adhérents, qui n'est pas évoquée comme telle par la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes, ne peut caractériser un manquement au contrat d'assistance et fonder sa résiliation par acquisition de la clause résolutoire.
Il importe peu à cet égard que plusieurs décisions de justice aient enjoint à la SAS LAF Santé de communiquer des éléments relatifs à cette rémunération : outre le fait que celles-ci, rendues en matière de référé, n'ont pas autorité de la chose jugée au principal conformément à l'article 488 du code de procédure civile, elles ont été prononcées sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile. Or, ce cadre juridique, qui n'autorise pas l'interprétation du contrat, n'impose pas une détermination préalable exacte de la nature du contentieux préparé qui aurait pu consister en une action indemnitaire fondée sur la violation de son engagement unilatéral par la SAS LAF Santé, voie que n'a pas empruntée la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes malgré ses demandes de sursis et d'expertise qui sont en réalité sans objet faute de prétention indemnitaire recevable associée.
En conséquence, à défaut d'invoquer et de prouver la violation d'une obligation prévue par le contrat, y compris par sa modification et son extension consensuelles en cours d'exécution, la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes a irrégulièrement résilié par anticipation le contrat en application de son article 13.
- Sur la résiliation anticipée pour faute
L'engagement unilatéral constitue une source d'obligation autonome indépendante du rapport d'obligations né du contrat d'assistance. Aussi, la violation de celui-là ne peut fonder la résiliation de celui-ci.
En conséquence, pas plus qu'il n'était propre à justifier l'application de la clause résolutoire, le manquement éventuel de la SAS LAF Santé à son engagement unilatéral ne peut causer la résiliation anticipée du contrat d'assistance qui caractérise une faute exclusivement imputable à la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes.
- Sur les préjudices
En vertu des dispositions des articles 1147, 1149 et 1150 du code civil (devenus 1231-1 à 3), le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part, les dommages et intérêts dus au créancier étant, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé et le débiteur n'étant tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée.
Le prix convenu de prestations n'étant dû qu'en cas d'exécution de la convention, la résiliation fautive de celle-ci par anticipation n'ouvre droit qu'à l'allocation au cocontractant de dommages-intérêts, même si leur montant peut être forfaitairement fixé par une clause pénale à celui de la fraction du prix restant à courir jusqu'au terme du contrat (en ce sens Com., 3 mai 2011, n° 10-15.884). Ainsi, les conséquences de la résiliation anticipée sont indemnitaires et ne relèvent pas de l'exécution forcée du contrat quoique celui-ci puisse aménager les conséquences de son inexécution jusqu'à son terme. La victime de l'inexécution contractuelle a droit à réparation intégrale des préjudices directement causés par celle-ci et dont elle souffre personnellement, l'indemnisation accordée l'étant sans perte ni profit, à la mesure du préjudice prouvé en son principe et sa mesure. Le juge, tenu de réparer intégralement tout préjudice dont il constate le principe (en ce sens, Com., 10 janvier 2018, n° 16-21.500, et 2ème Civ., 28 mars 2013, n° 12-14.655), apprécie souverainement, au jour de sa décision, son montant dont il justifie l'existence par la seule évaluation qu'il en fait sans être tenu d'en préciser les divers éléments (en ce sens, Ass. plén., 26 mars 1999, n° 95-20.640).
En rompant fautivement le contrat d'assistance par anticipation, la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes a directement et définitivement privée la SAS LAF Santé du bénéfice du droit à rémunération qu'elle tire de son article 3, le préjudice en résultant étant un gain manqué certain. Aux termes de celui-ci, la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes était débitrice :
- d'une redevance forfaitaire fixe mensuelle dont il a été définitivement jugé que son montant a été porté de 500 à 600 euros ;
- d'une cotisation annuelle égale, après trois années d'exécution, à 0,05 % du chiffre d'affaires hors taxe prélevée trimestriellement « sur la base du quart du chiffre d'affaires de l'année précédente » à charge de régularisation au premier trimestre de l'année suivante.
Le terme du contrat d'assistance était fixé, à l'issue du dernier renouvellement pour une période de trois ans, au 1er octobre 2017. Entre cette date et sa résiliation fautive le 10 janvier 2017, 9 mois se sont écoulés.
Ainsi, la redevance fixe étant due mensuellement, son montant n'a pas à être proratisé. Pour 9 mois, il s'élève ainsi à 5 400 euros.
Pour justifier du montant de la cotisation annuelle, la SAS LAF Santé produit une attestation de son directeur administratif et financier (sa pièce 35) : faute de certification, ce document, qui n'est pas étayé, n'a pas plus de valeur probante que ses propres déclarations. A défaut d'autre élément et de contestation de la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes sur ce point, le chiffre d'affaires de l'année 2014 mentionné en pièce 13 de la SAS LAF Santé est pertinent (5 314 590 euros, soit une cotisation mensuelle de 221,44 euros). Le montant dû à ce titre sur la période de référence atteint ainsi 1 992,97 euros.
En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la SAS LAF Santé à ce titre et la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes sera condamnée à lui payer la somme totale de 7 392,97 euros au titre de la redevance et de la cotisation dues jusqu'au terme du contrat.
En revanche, l'unique pièce au soutien de la demande relative à l'absence de représentation de la marque étant l'attestation du directeur administratif et financier de la SAS LAF Santé contestée par la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes, sa demande à ce titre, dont il n'est pas expliqué en quoi elle se distingue de celle portant sur son préjudice moral, ne peut qu'être rejetée, le préjudice allégué n'étant pas prouvé en son principe. Il l'est d'autant moins que, aux termes de l'article 1 du contrat d'assistance, l'usage de l'enseigne et du logo n'est qu'une faculté de l'officine et non une obligation et que les conditions d'utilisation de ces signes distinctifs par l'appelante sont indéterminées. Il en est de même des « investissements rendus nécessaires pour faire face au départ précipité et réinvestir la ville » dont l'articulation avec le poste précédent n'est de surcroît pas précisée. Le jugement entrepris sera confirmé sur ces points.
En outre, s'il est exact qu'une personne morale, quoiqu'elle soit une fiction juridique, peut souffrir d'un préjudice moral (en ce sens, Com., 15 mai 2012, n° 11-10.278), il lui appartient, aucune présomption de préjudice analogue à celle existant en matière de concurrence déloyale et parasitaire n'existant dans l'hypothèse d'une rupture anticipée fautive d'un contrat à durée déterminée, d'en expliciter la nature et d'en démontrer la consistance (e.g. atteinte à l'image, à la réputation ou au crédit susceptible d'affecter le rapport aux partenaires commerciaux et à la clientèle, désorganisation et déstabilisation internes, ou plus généralement, trouble commercial inquantifiable économiquement). Or, la SAS LAF Santé se contente d'affirmer l'existence d'un préjudice moral qu'elle évalue à 150 000 euros sans l'expliciter et sans en préciser les ressorts. Aussi, faute de preuve du préjudice allégué, le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
La Cour constate enfin que, par-delà leur irrecevabilité, les demandes de la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes de sursis et d'expertise sont présentées en contemplation de « la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la SAS LAF Santé » (page 101, 102 et 106 de ses écritures, points 3 et 4 de la section C). Au regard de la solution du litige, elles sont de surcroît privées d'objet, les éléments produits étant quoi qu'il en soit suffisant pour trancher le litige, constat qui prive de pertinence l'invocation de l'article 6§1 de la CESDH.
3°) Sur les frais irrépétibles et les dépens
En vertu de l'article 639 du code de procédure civile, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond, y compris sur ceux afférents à la décision cassée.
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens, la Cour constatant à cet égard que les parties ne forment aucune demande relative à ces chefs.
Succombant, la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes, dont la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée, sera condamnée à payer la SAS LAF Santé la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
Déclare irrecevables comme se heurtant à l'autorité de la chose définitivement jugée les demandes de la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes d'expertise et de sursis à statuer ainsi que ses demandes indemnitaires au titre de son préjudice moral et du trop-perçu de cotisation ;
Dit que la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes n'est pas recevable à fonder la résiliation du contrat par acquisition de la clause de la résolutoire ou à raison de la faute grave de son cocontractant sur la majoration non acceptée du montant de sa cotisation et sur le défaut de restitution du trop-perçu ;
Confirme, dans les limites de sa saisine sur renvoi après cassation, le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la SAS LAF Santé au titre de la redevance et de la cotisation dont elle a été privée jusqu'au terme du contrat d'assistance ;
Statuant à nouveau du chef infirmé,
Dit que la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes a commis une faute en résiliant de manière anticipée la convention d'assistance, tant par application de la clause résolutoire qu'à raison du manquement grave de leur cocontractant ;
Condamne la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes à payer à la SAS LAF Santé la somme totale de 7 392,97 euros en réparation de son préjudice résidant dans la privation de la redevance et de la cotisation due jusqu'au terme du contrat ;
Y ajoutant,
Rejette la demande de la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes au titre des frais irrépétibles ;
Condamne la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes à payer à la SAS LAF Santé la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la Selarl La Grande Pharmacie des Minimes à supporter les entiers dépens d'appel.