Cass. 3e civ., 3 juillet 2025, n° 23-19.274
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
CIV. 3
FC
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 3 juillet 2025
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 335 F-D
Pourvois n°
A 23-19.274
F 23-21.441 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 JUILLET 2025
I - 1°/ M. [G] [Z],
2°/ Mme [O] [D], épouse [Z],
tous deux domiciliés [Adresse 3],
3°/ la société Koch et associés - mandataires judiciaires, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Schaming Fidry et [T], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, prise en la personne de Mme [O] [T], agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Vita, société à responsabilité limitée, à l'enseigne Hello Fitness,
ont formé le pourvoi n° A 23-19.274 contre un arrêt rendu le 11 mai 2023 par la cour d'appel de Metz (chambre commerciale), dans le litige les opposant à la société Victoria, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesse à la cassation.
II - La société Victoria, société par actions simplifiée, a formé le pourvoi n° F 23-21.441 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Koch et associés - mandataires judiciaires, société par actions simplifiée, prise en la personne de Mme [O] [T], agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Vita, société à responsabilité limitée, à l'enseigne Hello Fitness,
2°/ à M. [G] [Z],
3°/ à Mme [O] [D], épouse [Z],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs au pourvoi n° A 23-19.274 invoquent à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi n° F 23-21.441 invoque à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Oppelt, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme [Z] et de la société Koch et associés, ès qualités, de la SCP Boucard-Capron-Maman, avocat de la société Victoria, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Oppelt, conseiller rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° A 23-19.274 et F 23-21.441 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Metz,11 mai 2023), le 20 juillet 2000, la société Victoria (la bailleresse) a consenti à M. et Mme [Z] (les locataires) un bail commercial sur des locaux destinés à une activité de salle de sport, gymnastique, fitness center, piscine, bains bouillonnants, cafétéria réservée à la clientèle et vente d'accessoires se rapportant à l'activité principale, pour une durée de neuf ans à compter du 1er août 2000. Les locaux ont été occupés par la société Vita dont M. [Z] était le gérant.
3. Le 8 février 2018, la bailleresse a délivré à la société Vita un commandement de payer une certaine somme au titre des loyers impayés au premier trimestre 2018 en visant la clause résolutoire insérée au bail.
4. Le 2 mars 2018, la société Vita a assigné la bailleresse en annulation de ce commandement, en résiliation judiciaire du bail aux torts de la bailleresse pour manquement à son obligation de délivrance et en paiement de diverses sommes.
5. Les locataires sont intervenus volontairement à l'instance.
6. La société Vita a été placée en liquidation judiciaire et la société Schaming Fidry et [T], aux droits de laquelle est venue la société Koch et associés, a été désignée mandataire liquidateur et est intervenue volontairement à l'instance.
7. La bailleresse a reconventionnellement sollicité la condamnation solidaire des locataires avec la société Vita au paiement de loyers et charges impayés et la fixation de cette même créance au passif de la société Vita.
8. En réponse à la bailleresse qui lui demandait de prendre position sur la poursuite du bail, le mandataire liquidateur a, le 15 juillet 2019, sollicité la résiliation du bail. Les locaux ont été restitués le 12 novembre 2019.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi n° F 23-21.441 et sur le second moyen du pourvoi n° A 23-19.274
9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° A 23-19.274
Enoncé du moyen
10. La société Koch et associés, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Vita, fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en reconnaissance de la responsabilité de la bailleresse dans la défaillance de la locataire et de l'arrêt de l'exploitation du fonds de commerce, de sa demande d'indemnité réparant le préjudice résultant de la perte du fonds de commerce, et de sa demande d'expertise judiciaire afin d'apprécier la valeur du fonds et celle de l'indemnité devant revenir au preneur en se référant aux critères énoncés à l'article L. 145-14 du code de commerce, alors « que le juge ne peut méconnaître l'objet du litige ; qu'en retenant que la société Koch et associés, ès qualités, ne pouvait « prétendre à une indemnité d'éviction qui ne s'applique qu'en cas de refus de renouvellement par le bailleur », quand le mandataire liquidateur ne demandait pas le paiement d'une indemnité d'éviction en conséquence d'un défaut de renouvellement du bail, mais, en des termes clairs et dépourvus d'ambiguïté, la réparation « du préjudice résultant de la perte du fonds de commerce » subi « par suite de leur état d'insalubrité et de dangerosité imputable au bailleur » et de « l'impossibilité de poursuivre l'exploitation du fonds résultant des graves manquements du bailleur à ses obligations », le paiement du montant d'une indemnité d'éviction étant demandé à titre de réparation de ce préjudice, en ce qu'il correspondait à la valeur du fonds de commerce perdu, calculée suivant les critères définis à l'article L. 145-14 du code de commerce, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, et violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
11. Aux termes de ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
12. Pour rejeter les demandes de la locataire en paiement d'une indemnité d'éviction et déclarer sans objet sa demande tendant à voir prononcer la résiliation du bail aux torts de la bailleresse, l'arrêt retient, d'une part, que le mandataire, ès qualités, qui a sollicité la résiliation du bail, ne peut prétendre à une indemnité d'éviction qui ne s'applique qu'en cas de refus de renouvellement du bail par la bailleresse, d'autre part, que la résiliation du bail est intervenue de plein droit.
13. En statuant ainsi, alors que la locataire soutenait, dans ses conclusions, que le liquidateur, ès qualités, avait notifié la résiliation du bail en raison de l'impossibilité d'exploiter les locaux par suite de leur état d'insalubrité et de dangerosité imputable à la bailleresse, et réclamait l'indemnisation de son préjudice résultant des manquements de la bailleresse à ses obligations, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
14. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif rejetant les demandes en reconnaissance de responsabilité de la bailleresse et en indemnisation du préjudice résultant de la perte du fonds de commerce et d'expertise judiciaire entraîne la cassation des chefs de dispositif qui confirment le jugement en ce qu'il a fixé la créance de la bailleresse au passif de la procédure collective de la société Vita à la somme de 176 320,39 euros au titre des loyers et charges impayés à titre privilégié, qui condamnent les locataires solidairement avec la société Vita à payer à la bailleresse la somme de 176 320,39 euros au titre des loyers et charges impayés, qui déboutent la société Koch et associés, prise en la personne de Mme [T], ès qualités, ainsi que les locataires de leur demande devenue sans objet tendant à voir prononcer la résiliation du bail du 20 juillet 2020 aux torts de la bailleresse, qui les déboutent du surplus de leur prétentions, ainsi que des chefs de dispositif relatifs aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile, qui s'y rattachent par un lien d'indivisibilité et de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE et ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société Victoria à payer à la société Koch et associés, prise en la personne de Mme [T], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Vita, la somme de 162 500 euros de dommages-intérêts en réparation du trouble de jouissance subi par la société Vita avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt, l'arrêt rendu entre les parties, le 11 mai 2023, par la cour d'appel de Metz ;
REMET, sauf sur ce point, les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt, et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne la société Victoria aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Victoria et la condamne à payer à M. et Mme [Z] et à la société Koch et associés, prise en la personne de Mme [T], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Vita, la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le trois juillet deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Proust, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de Mme Teiller, président empêché, le conseiller rapporteur et le greffier conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.