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Décisions

CA Agen, ch. civ., 2 juillet 2025, n° 24/01056

AGEN

Arrêt

Autre

CA Agen n° 24/01056

2 juillet 2025

ARRÊT DU

02 juillet 2025

DB/CH

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N° RG 24/01056 -

N° Portalis DBVO-V-B7I-DJHF

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S.A.R.L. ACM

C/

S.C.I. DAL'INVEST

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GROSSES le

aux avocats

ARRÊT n° 25-185

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,

ENTRE :

SARL A.C.M.

RCS [Localité 4] 385 309 984

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Erwan VIMONT, SELARL LEX ALLIANCE, avocat au barreau d'AGEN

APPELANTE d'une ordonnance de référé du Président du tribunal judiciaire d'AGEN en date du 04 Novembre 2024, RG 24/257;

D'une part,

ET :

S.C.I. DAL'INVEST

RCS [Localité 4] 392 377 131

[Adresse 7]

[Localité 2]

représentée par Me Hélène GUILHOT, SCP TANDONNET ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AGEN

INTIMÉE

D'autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

l'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 07 mai 2025, sans opposition des parties, devant la cour composée de :

Président : Dominique BENON, Conseiller, qui a fait un rapport oral à l'audience

Assesseur : Jean-Yves SEGONNES, Conseiller,

qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre eux-mêmes de :

Assesseur : Edward BAUGNIET, conseiller,

en application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile et après qu'il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,

Greffière : Catherine HUC

ARRÊT : prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

' '

'

FAITS :

Par acte notarié du 18 août 2011, la SARL A.C.M. est devenue cessionnaire d'un bail commercial signé avec la SCI Dal'Invest, bailleur, pour des locaux situés 'Pons' à Boé (47), afin d'y exercer une activité de commerce de détail de vêtements sous l'enseigne 'Tony Cuir'.

A effet du 1er novembre 2017, les parties ont établi un nouveau bail commercial d'une durée de neuf années, pour un loyer annuel de 43 200 Euros HT, hors charges, payable en douze mensualités de 3 600 Euros HT le 1er de chaque mois.

Compte tenu d'impayés de loyers à compter de mars 2020, le 24 septembre 2020, la SCI Dal'Invest a fait délivrer à la SARL A.C.M. un commandement de payer la somme de 17 492,87 Euros.

Cette dernière a payé la somme due.

Suite à de nouveaux impayés à compter d'août 2023, le 14 décembre 2023, la SCI Dal'Invest a fait délivrer à la SARL A.C.M. un nouveau commandement de payer la somme de 23 444,94 Euros.

La SARL A.C.M. a payé la somme due.

Suite à de nouveaux impayés à compter d'avril 2024, le 14 juin 2024, la SCI Dal'Invest a fait délivrer à la SARL A.C.M. un troisième commandement de payer la somme de 15 059,02 Euros.

La SARL A.C.M. a proposé de payer l'arriéré par mensualités de 2 000 Euros, proposition refusée par le bailleur.

Un paiement net de 4 353,72 Euros a été effectué en août 2024.

Par acte du 29 août 2024, la SCI Dal'Invest a fait assigner la SARL A.C.M. devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Agen afin de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial à effet du 14 juillet 2024, prononcer l'expulsion du preneur et obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 13 602,93 Euros au titre des arriérés de loyer, ainsi qu'une indemnité d'occupation mensuelle de 4 691,51 Euros jusqu'à libération effective des lieux.

La SARL A.C.M. a indiqué avoir apuré l'arriéré et repris le paiement du loyer mensuel, de sorte qu'elle était à jour des sommes dues, et a sollicité la suspension des effets de la clause résolutoire.

Par ordonnance rendue le 4 novembre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire d'Agen a :

- constaté la résiliation du bail commercial portant sur le local lieudit "[Localité 6]", [Localité 5] à compter du 14 juillet 2024,

- ordonné l'expulsion de la SARL. A.C.M. ainsi que celle de toutes personnes, meubles ou objets se trouvant dans les lieux de son chef et ce, au besoin, avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier,

- condamné la SARL A.C.M. à payer à la SCI Dal'Invest la somme mensuelle de 4 691,51Euros par mois à compter du 1er novembre 2024 au titre de l'indemnité d'occupation et ce jusqu'à la libération complète des lieux caractérisée par la remise des clés aux bailleurs,

- rejeté les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL A.C.M. aux entiers dépens qui comprendront le coût du commandement d'avoir à payer,

- rejeté toute demande plus ample ou contraire.

Le juge des référés a estimé que, si le preneur s'était acquitté, le 20 septembre 2024, des sommes réclamées dans le commandement de payer qui lui avait été délivré, et visant la clause résolutoire, à cette date les effets de la clause étaient déjà acquis ; qu'en outre, le preneur avait manqué à ses obligations de paiement de manière répétée, ce qui constituait un manquement grave justifiant la résolution du contrat.

Par acte du 15 novembre 2024, la SARL A.C.M. a déclaré former appel de l'ordonnance en indiquant que l'appel porte sur la totalité du dispositif de l'ordonnance, qu'elle cite dans son acte d'appel.

En application de l'article 905 du code de procédure civile, la clôture est intervenue le 23 avril 2025 et l'affaire a été fixée à l'audience de la Cour du 7 mai 2025.

PRETENTIONS ET MOYENS :

Par dernières conclusions notifiées le 15 avril 2025, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, la SARL A.C.M. présente l'argumentation suivante :

- Elle est de bonne foi :

* au jour de l'audience devant le juge des référés, le 7 octobre 2024, elle était à jour de ses paiements.

* l'article L. 145-41 du code de commerce permet la suspension de la clause résolutoire tant qu'il n'existe pas de décision prononçant la résolution ayant autorité de chose jugée.

* en 2012, elle a subi un important cambriolage au cours duquel 427 086 Euros de marchandises ont été volées et seulement 108 601 Euros pris en charge par son assurance, le préjudice total s'élevant à 705 535 Euros.

* elle a ensuite vu son chiffre d'affaires être affecté par les mouvements sociaux, la crise du Covid, et les difficultés des magasins d'habillement au profit des commerces en ligne.

* elle a une activité indépendante et ne dépend pas d'un groupe national.

* son secteur d'activité la contraint à commander les marchandises une année à l'avance avec paiement d'acomptes à la commande.

* elle a été défaillante seulement trois fois en douze années d'activité.

* face à un manque de trésorerie, elle a souscrit un emprunt pour régler les sommes dues, de sorte qu'elle était entièrement à jour lors de l'audience devant le juge des référés, et l'est toujours.

- La SCI Dal'Invest invoque la clause résolutoire avec mauvaise foi :

* la toiture fuit depuis plusieurs années, et un nouveau sinistre a eu lieu le 9 octobre 2024.

* le bailleur ne fait procéder qu'à des travaux a minima et s'est réservé, pour la publicité de son magasin de papiers peints situé à l'arrière, l'exclusivité d'un panneau situé en bord de route.

* son but est de revendre les locaux libres de toute occupation.

- La résiliation du bail entraînerait la fin de son activité et la perte du fonds de commerce :

* elle n'a pas les moyens d'aménager un nouveau local.

* elle doit rembourser emprunts et billets à ordre d'un montant de 138 658 Euros.

* sa liquidation entraînera 4 licenciements et la mise en jeu des cautionnements donnés par ses gérants.

Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :

- infirmer l'ordonnance,

- lui accorder des délais de paiement rétroactifs jusqu'au 14 octobre 2024 pour apurer les causes du commandement de payer du 14 juin 2024,

- constater le règlement des causes du commandement dans ce délai ainsi que des loyers courants,

- suspendre les effets de la clause résolutoire,

- débouter la SCI Dal'Invest de l'ensemble de ses demandes,

- la condamner à lui payer la somme de 3 000 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

*

* *

Par conclusions d'intimée notifiées le 12 février 2025, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, la SCI Dal'Invest présente l'argumentation suivante :

- Seul un preneur de bonne foi peut prétendre à la suspension des effets de la clause résolutoire.

- La SARL A.C.M. ne s'est plus acquittée des loyers à compter avril 2024 et n'a payé l'arriéré que postérieurement au délai d'un mois dont elle bénéficiait, et même après avoir été assignée en référé.

- Elle avait déjà manqué plusieurs fois à ses obligations.

- La SARL A.C.M. a trouvé les fonds pour payer, alors même qu'elle prétend être en difficultés financières, ce qui atteste de sa mauvaise foi : elle s'abstient de payer et ne régularise la situation que mise face à une demande de résolution.

- La SARL A.C.M. manque régulièrement à son obligation essentielle : payer le loyer dû.

- Les panneaux publicitaires invoqués ne font pas partie du périmètre du bail.

Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :

- confirmer l'ordonnance,

- condamner la SARL A.C.M. à lui payer la somme de 2 000 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens.

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MOTIFS :

L'article L. 145-41 du code de commerce dispose :

'Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Les juges, saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.'

Le juge qui estime que la demande de délai de paiement est justifiée peut accorder rétroactivement un délai au preneur et suspendre les effets de la clause résolutoire jusqu'au jour où il a été mis fin au manquement (Civ3 13 septembre 2011 n° 10-24862).

En l'espèce, il est constant que la SARL A.C.M. ne s'est pas acquittée des sommes réclamées dans le commandement de payer, visant la clause résolutoire, qui lui a été délivré le 14 juin 2024, dans le délai d'un mois ayant couru à compter de cette date.

Par conséquent, la clause résolutoire a joué.

Toutefois, il est également acquis que l'intégralité des sommes dues était payée lors de l'audience devant le juge des référés.

En outre, la SCI Dal'Invest ne prétend pas que de nouveaux impayés seraient survenus depuis.

Le preneur peut ainsi être considéré comme étant de bonne foi, même s'il avait, antérieurement, commis d'autres manquements, régularisés, à l'obligation de payer le loyer.

Il y a donc lieu d'octroyer à la SARL A.C.M. un délai de paiement jusqu'à la date de l'audience devant le juge des référés et de dire que, compte tenu du paiement intervenu, la clause a cessé ses effets.

L'ordonnance sera infirmée.

Enfin, d'une part, l'équité n'impose pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile et, d'autre part, compte tenu que la procédure a été légitimement initiée par la SCI Dal'Invest qui subissait des impayés, les dépens de l'appel seront mis à la charge de l'appelante.

PAR CES MOTIFS :

- La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition et en dernier ressort,

- INFIRME l'ordonnance SAUF en ce qu'elle a rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- STATUANT A NOUVEAU,

- SUSPEND les effets de la clause résolutoire jusqu'au 7 octobre 2024 ;

- DIT que la clause résolutoire a cessé ses effets compte tenu du paiement des causes du commandement à cette date ;

- en conséquence, REJETTE la demande d'expulsion présentée par la SCI Dal'Invest ;

- DIT n'y avoir lieu, en cause d'appel, à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE la SARL A.C.M. aux dépens de l'appel.

- Le présent arrêt a été signé par Dominique BENON, Président, et par Catherine HUC, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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