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CA Dijon, 2 e ch. civ., 26 juin 2025, n° 22/01426

DIJON

Arrêt

Autre

CA Dijon n° 22/01426

26 juin 2025

S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS-CEGC

C/

[T] [B]

S.E.L.A.R.L. MP ASSOCIES

expédition et copie exécutoire

délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

2 e chambre civile

ARRÊT DU 26 JUIN 2025

N° RG 22/01426 - N° Portalis DBVF-V-B7G-GCAX

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : jugement au fond du 27 juin 2022,

rendu par le Tribunal judiciaire de Dijon - RG : 21/00960

APPELANTE :

S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS-CEGC prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social :

[Adresse 3]

[Localité 8]

représentée par Me Vincent CUISINIER de la SELAS DU PARC - MONNET BOURGOGNE, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 91

assisté de Me James TURNER, membre de L'AARPI PMT Avocats, avocat au barreau de TOULON

INTIMÉS :

Monsieur [T] [B]

né le [Date naissance 7] 1966 à [Localité 5]

domicilié :

[Adresse 1]

[Localité 6]

S.E.L.A.R.L. MP ASSOCIES représentée par [V] [F], en qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [T] [B] suivant jugement du tribunal de commerce de Dijon du 6 avril 2021 :

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentés par Me Jean-Eudes CORDELIER membre de la SELAS LEGI CONSEILS BOURGOGNE, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 31

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 avril 2025 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre, et Bénédicte KUENTZ, Conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :

Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre,

Michèle BRUGERE, Conseiller,

Bénédicte KUENTZ, Conseiller,

qui en ont délibéré.

l'affaire a été communiquée au Ministère Public, représenté lors des débats par Monsieur Olivier BRAY, Substitut Général,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 26 Juin 2025,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte sous seing privé, la Banque Populaire a consenti à M. [T] [B], le 4 mars 2019, un prêt immobilier de 60.000 euros cautionné par la Compagnie Européenne de Garanties et de Cautions (CGEC).

M. [B] étant défaillant dans le remboursement, la Banque Populaire s'est prévalue de la déchéance du terme par courrier recommandé du 11 février 2021 et a mis en 'uvre la garantie de la CGCE qui lui a réglé la somme de 55.845,94 euros.

Après vaine mise en demeure de M. [B], la CGCE a obtenu du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Dijon, par une ordonnance du 1er avril 2021, l'autorisation d'inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur deux biens immobiliers.

Par jugement du 6 avril 2021 publié au BODACC le 9 avril suivant, le tribunal judiciaire de Dijon a ouvert la liquidation judiciaire de M. [B] et désigné la SELARL MP Associés, en la personne de Me [F], comme liquidateur judiciaire.

Par lettre recommandée du 19 avril 2021, la CGEC a déclaré une créance de 56.783 euros à titre privilégié, qui a été admise au passif pour 56.783 euros à titre chirographaire par ordonnance du juge-commissaire du 5 septembre 2022.

Par acte d'huissier du 21 avril 2021, elle a fait assigner M. [B] et la Selarl MP Associés, ès qualités, en paiement devant le tribunal judiciaire de Dijon.

Par jugement du 27 juin 2022, le tribunal judiciaire de Dijon a :

- déclaré l'action de la Compagnie Européenne de Garanties et de Cautions en condamnation à l'encontre de M. [T] [B] et en fixation de créance au passif de la liquidation judiciaire de M. [T] [B] irrecevable,

- condamné la Compagnie Européenne de Garanties et de Cautions aux dépens,

- l'a débouté de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration au greffe du 17 novembre 2022, la CGCE a relevé appel de cette décision.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 février 2023, la CGCE demande à la cour, au visa de l'article 526-1 du code de commerce de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau,

- condamner M. [T] [B] à payer à la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions la somme de 56.783 euros, outre intérêts au taux légal courant du 15 avril 2021 ;

- condamner M. [T] [B] à payer à la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions la somme de 3000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Cuisinier, avocat, sur son affirmation de droits par application de l'article 699 du code de procédure civile ;

- débouter tout succombant de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 mai 2023, M. [B] et la SELARL MP Associés entendent voir, au visa de l'article L.641-9 du code de commerce

- statuer sur la demande de la SA Compagnie Européenne de Garantie et Cautions ;

- condamner la SA Compagnie Européenne de Garantie et Cautions à payer à la SELARL MP Associés, représentée par Maître [V] [F] en qualité de liquidateur judiciaire de M. [T] [B] une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des moyens des parties.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 15 avril 2025.

MOTIFS DE LA DECISION :

1°) sur la recevabilité de l'action de la CEGC :

La CEGC soutient que la procédure collective ne fait pas obstacle à son droit d'obtenir un titre exécutoire condamnant le débiteur au paiement aux motifs que la dette contractée au titre du prêt n'est pas née à l'occasion de l'activité professionnelle de M. [B], mais a servi à financer sa résidence principale et qu'elle conserve son droit de poursuite sur ce bien immobilier dont l'insaisissabilité lui est inopposable par application de l'article L.526-1 du code de commerce.

M. [B] et la SELARL MP Associés considèrent qu'en vertu de l'article L 641-9 du code de commerce, tout créancier doit se soumettre à la procédure de vérification des créances et que si le créancier qui dispose d'une garantie sur un bien immobilier dont l'insaisissabilité ne lui est pas opposable, peut engager une procédure aux fins d'obtention d'un titre exécutoire, nonobstant les dispositions dérogatoires du code de commerce relatives à la réalisation des biens immobiliers du débiteur en liquidation judiciaire, le juge du fond saisi ne peut prononcer de condamnation, mais uniquement confirmer l'inscription de la créance au passif.

L'article L. 526-1 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015 applicable au litige, dispose que :

«par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, les droits d'une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante, sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale sont, de droit, insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle de la personne' ».

Il résulte de ces dispositions que la résidence principale du débiteur, entrepreneur individuel, est de droit exclue du périmètre de la procédure collective qui le touche et ne rentre pas dans le gage général des créanciers de cette procédure, interdisant au liquidateur d'agir en réalisation de ce bien.

En conséquence, le créancier dont les droits ne naissent pas à l'occasion de l'activité professionnelle du débiteur et auquel l'insaisissabilité de ce bien est inopposable, conserve son droit de poursuivre le recouvrement de sa créance sur ce bien et ce indépendamment de ses droits dans la procédure collective à laquelle il a éventuellement déclaré sa créance.

Il est en outre de principe que s'il dispose d'une sûreté sur le bien, son droit de saisie emporte celui d'obtenir un titre exécutoire à cette fin par une action tendant : «à voir constater l'existence, le montant et l'exigibilité de sa créance» (Cass. comm. 13/09/2017 n° 16-10206).

La CGEC justifie d'une part que le prêt qu'elle a consenti à M. [B] était destiné au financement de l'acquisition et de travaux sur un bien immobilier à «usage de résidence principale locataire» et que la dette de M. [B] à son égard n'est pas née à l'occasion de son activité professionnelle, d'autre part qu'elle a été autorisée par le juge de l'exécution à inscrire sur deux biens immobiliers appartenant à M. [B] une hypothèque judiciaire provisoire.

Elle indique ensuite sans être contredite que l'un de ces biens cadastré sur la commune de [Localité 6] correspond à la résidence principale du débiteur dont l'adresse déclarée est [Adresse 2] à [Localité 6].

Dès lors qu'il est ainsi établi que le bien sur lequel elle dispose d'une sûreté et de droit insaisissable pour la procédure collective de son débiteur, la CGEC est recevable à exercer une action en obtention du titre exécutoire nécessaire à la mise en 'uvre de son droit de saisie.

Le jugement de première instance sera réformé en ce sens.

2°) sur la demande en paiement :

La créance de la CGCE n'est contestée ni dans son principe, ni dans son montant par le débiteur comme par le liquidateur judiciaire.

Elle a été admise à la procédure collective pour le montant de 56.783 euros par une ordonnance du juge-commissaire en date du 5 septembre 2022.

Ainsi qu'il a été précédemment rappelé, l'action de la créancière ne peut tendre qu'à l'obtention d'un titre exécutoire constatant l'existence, le montant et l'exigibilité de sa créance et non à la condamnation au paiement de M. [B], débiteur en liquidation judiciaireà l'encontre duquel les dispositions de l'article L.622-21 du code de commerce interdisent toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance est née avant le jugement d'ouverture de la procédure collective.

En conséquence, la cour ne pourra que constater que la CGCE détient une créance exigible de 56.783 euros à l'encontre de M. [B].

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Dijon en date du 27 juin 2022, sauf en ce qu'il a débouté la SA Compagnie Européenne de Garanties et de Cautions de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

statuant à nouveau,

Déclare la SA Compagnie Européenne de Garanties et de Cautions recevable en son action en obtention d'un titre exécutoire à l'encontre de M. [T] [B] ;

Constate que la SA Compagnie Européenne de Garanties et de Cautions détient une créance exigible de 56.783 euros à l'encontre de M. [T] [B],

Condamne M. [T] [B] aux dépens de première instance et d'appel et autorise Maître Cuisinier, avocat, à recouvrer directement ceux dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision, par application de l'article 699 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de la SA Compagnie Européenne de Garanties et de Cautions fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président

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