Livv
Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. com., 2 juillet 2025, n° 24/05512

BORDEAUX

Arrêt

Autre

CA Bordeaux n° 24/05512

2 juillet 2025

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 2 JUILLET 2025

N° RG 24/05512 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-OCIQ

SASU 2JM16

c/

SELARL [M]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 novembre 2024 (R.G. 2024007595) par le Tribunal de Commerce d'ANGOULEME suivant déclaration d'appel du 19 décembre 2024

APPELANTE :

SASU 2JM16, immatriculée au RCS d'[Localité 5] sous le n° 833 837 123, agissant en la personne de Monsieur [Y] [D] [E], domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]

Représentée par Maître Claire LE BARAZER de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Christophe GRIS, avocat au barreau de la CHARENTE

INTIMÉE :

SELARL [M], prise en la personne de Maître [C] [J], en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SAS 2MJ16, domicilié en cette qualité [Adresse 1]

Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 avril 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie MASSON, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

Madame Anne-Sophie JARNEVIC,Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

* * *

1. La société par actions simplifiée 2JM16 a pour activité les travaux et rénovation de charpente, toiture, couverture, maçonnerie, second oeuvre, cloisons, isolation, chape béton, carrelage, faïence, PVC, zinguerie, terrassement, assainissement, serrurerie, portail, entretien espaces verts. Elle a été enregistrée le 26 décembre 2017 au Registre du commerce d'Angoulême.

Par acte de commissaire de justice du 30 juillet 2024, l'URSSAF Poitou-Charentes a fait délivrer une assignation à la société 2JM16 devant le tribunal de commerce d'Angoulême aux fins d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, ce au titre d'une créance de 17.767 euros.

Par jugement du 26 septembre 2024, le tribunal de commerce d'Angoulême a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société 2JM16 et a désigné la société [M] en qualité de mandataire judiciaire.

2. Par requête du 31 octobre 2024, le mandataire judiciaire a sollicité du tribunal la conversion de la procédure en liquidation judiciaire au motif que la société ne justifiait ni de la tenue régulière d'une comptabilité ni de l'existence d'une assurance professionnelle décennale et ne présentait pas les capacités de financement suffisantes pour la poursuite de son activité.

Par jugement du 29 novembre 2024, le tribunal de commerce d'Angoulême a statué ainsi qu'il suit :

Vu le rapport du juge commissaire, lu lors de l'audience,
Le ministère public entendu en ses réquisitions,
Vu l'article L 631-15 du code de commerce,
Vu les articles L 641-2 et D.641-10 du code de commerce applicables à la liquidation

judiciaire simplifiée et le chapitre IV du titre IV du Livre VI du code de commerce (art. L 644-1 et suivants),

- Prononce la liquidation judiciaire simplifiée de la SAS 2JM16, ayant pour activité : Construction d'autres bâtiments, dont le siège social est [Adresse 4], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés d'Angoulême sous le numéro: 833 837 123, conformément aux articles L 631-15, L 640-1 et suivants et R 640-1 et suivants du code de commerce.

- Maintient [T] [X] juge commissaire titulaire.

- Maintient Jocelyn Bellet, juges commissaires suppléants.

- Désigne la SELARL [M], en la personne de Me [C] [J] - [Adresse 2] en qualité de liquidateur.

- Rappelle que l'article L 641-9 du code de commerce dispose que « lorsque le débiteur est une personne morale, les dirigeants sociaux en fonction lors du prononcé du jugement de liquidation judiciaire le demeurent, sauf disposition contraire des statuts ou décision de l'assemblée générale. En cas de nécessité, un mandataire peut être désigné en leur lieu et place par ordonnance du président du tribunal sur requête de tout intéressé, du liquidateur ou du ministère public. Le siège social est réputé fixé au domicile du représentant légal de l'entreprise ou du mandataire désigné ».

- Dit qu'à l'issue de la procédure de vérification et d'admission des créances et conformément aux dispositions des articles L 624-1, L 644-4 et R 644-2 du code de commerce, le liquidateur, déposera simultanément au greffe de ce tribunal dans le délai de 5 mois à compter du jugement d'ouverture :

- ses propositions d'admission pour les seules créances susceptibles de venir en rang utile dans les répartitions ainsi que les créances résultant d'un contrat de travail ;
-ses propositions de répartition.

- Rappelle qu'aux termes de l'article L 644-4 du code de commerce l'état complété fait uniquement l'objet d'un dépôt au greffe, sans publication au BODACC, s'il apparaît que les sommes à répartir ne permettent que le paiement des créanciers mentionnés au II de l'article L 641-13.

- Dit que conformément à l'article L 644-2 du code de commerce, le liquidateur procédera à la vente des biens mobiliers de gré à gré ou aux enchères publiques dans les quatre mois du présent jugement. A l'issue de cette période, il sera procédé à la vente aux enchères publiques des biens subsistants.

- Ordonne à M. [E] [Y], [D] de communiquer sans délai au greffe du tribunal ainsi qu'au liquidateur tout changement d'adresse de son domicile personnel, afin qu'il puisse être joint à tout moment et sans délai pour les besoins de la procédure.

- Rappelle que l'article L 644-5 fixe au plus tard à 6 mois à compter de la décision ayant ordonné ou décidé l'application de la procédure simplifiée le délai au terme duquel la clôture de la procédure sera

prononcée.

- Dit en conséquence que le dirigeant de la société débitrice devra se présenter en chambre du conseil du 22 mai 2025 à 08:30 en vue de l'examen de la clôture de la procédure ; dit que la notification, ou, le cas échéant la signification du présent jugement, vaut convocation pour cette audience au cours de laquelle sera examinée la clôture.

- Ordonne les publicités prescrites par les dispositions réglementaires.

- Dit et juge que les dépens du jugement seront prélevés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

- Constate le caractère exécutoire du présent jugement.

Par déclaration au greffe du 19 décembre 2024, la société 2JM16 a relevé appel du jugement énonçant les chefs expressément critiqués, intimant la société [M].

Par acte de commissaire de justice du 24 janvier 2025, l'appelant a fait signifier à l'intimée la déclaration d'appel avec citation à comparaître à bref délai. La société [M], liquidateur judiciaire de la société 2JM16, ne s'est pas constituée.

Par ordonnance du 27 mars 2025, la première présidente de chambre a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire.

L'affaire a été fixée à bref délai à l'audience du 16 avril 2025.

3. Par dernières conclusions notifiées le 14 février 2025 et signifiées le 20 février suivant à la société [M] es qualités, la société 2JM16 demande à la cour de :

- constater que le redressement de la société 2JM16 n'apparaît pas manifestement impossible ;

Par conséquent,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 29 novembre 2024 par le tribunal de commerce d'Angoulême ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

- ordonner la poursuite de la procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société 2JM16, prononcée par le jugement en date du 26 septembre 2024 ;

- renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce d'Angoulême pour, le cas échéant, la désignation de nouveaux organes de la procédure et la poursuite de la procédure de redressement judiciaire prononcée par le jugement en date du 26 septembre 2024 ;

- ordonner l'ouverture d'une nouvelle période d'observation de trois mois ;

- ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.

4. Par avis communiqué le 24 février 2025, le Ministère public requiert la confirmation du jugement sauf production à l'audience d'éléments justifiant que la société 2JM16 bénéficie d'une garantie pour sa responsabilité décennale et d'une comptabilité à jour et fiable et d'un possible redressement en vue de l'adoption d'un plan.

***

L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 avril 2025.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

5. L'article L.631-1 du code de commerce dispose :

« Il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.

Cette condition s'apprécie, s'il y a lieu, pour le seul patrimoine engagé par l'activité ou les activités professionnelles.

La procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. Elle donne lieu à un plan arrêté par jugement à l'issue d'une période d'observation et, le cas échéant, à la constitution de classes de parties affectées, conformément aux dispositions des articles L. 626-29 et L. 626-30. La demande prévue au quatrième alinéa de l'article L. 626-29 peut être formée par le débiteur ou l'administrateur judiciaire.»

L'article L.631-15 du code de commerce dispose :

« I.-Au plus tard au terme d'un délai de deux mois à compter du jugement d'ouverture, le tribunal ordonne la poursuite de la période d'observation s'il lui apparaît que le débiteur dispose à cette fin de capacités de financement suffisantes. Toutefois, lorsque le débiteur exerce une activité agricole, ce délai peut être modifié en fonction de l'année culturale en cours et des usages spécifiques aux productions de cette exploitation.

Le tribunal se prononce au vu d'un rapport, établi par l'administrateur ou, lorsqu'il n'en a pas été désigné, par le débiteur.

II.-A tout moment de la période d'observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office, peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononce la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible.

Il statue après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, l'administrateur, le mandataire judiciaire, les contrôleurs et la ou les personnes désignées par le comité social et économique, et avoir recueilli l'avis du ministère public.

Lorsque le tribunal prononce la liquidation, il met fin à la période d'observation et, sous réserve des dispositions de l'article L. 641-10, à la mission de l'administrateur.

L'article L.640-1 du code de commerce prévoit qu'il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.

La procédure de liquidation judiciaire est destinée à mettre fin à l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens.

6. La société 2JM16 indique qu'elle ne discute pas le fait d'être en état de cessation des paiements mais fait valoir qu'elle est en mesure d'élaborer un plan de redressement et d'apurer son passif. Elle rappelle que les motifs qui ont conduit le tribunal de commerce à prononcer sa liquidation judiciaire ont été d'une part l'absence d'une couverture d'assurance professionnelle, d'autre part l'absence de comptabilité.

Elle indique qu'elle justifie désormais d'un contrat d'assurance couvrant l'intégralité de ses risques de nature décennale et professionnelle.

Elle ajoute que la mise en conformité de sa comptabilité est en cours par l'intervention du Cabinet In Extenso.

L'appelante conclut que les motifs qui ont conduit à la liquidation sont donc désormais inopérants.

7. Il doit être en effet observé que la société 2JM16 justifie avoir conclu le 8 janvier 2025 un contrat d'assurance décennale et civile professionnelle auprès de la société MIC Insurance Company ainsi qu'un contrat d'assurance protection corporelle du collaborateur auprès de la société AIG Europe SA, ce par l'intermédiaire du courtier Abas Insurance.

Toutefois, il n'est produit aucun document relatif au contrat conclu avec le Cabinet In Extenso au titre de la reprise de la comptabilité, que ce soit une lettre de mission ou un courrier d'acceptation de sa mission par l'expert comptable.

Faute d'élément en ce sens, il ne peut donc être vérifié que la société 2JM16 a mis en oeuvre les mesures propres à permettre l'étude d'un plan destiné à rembourser son passif, provisoirement arrêté à la somme de 73.112,11 euros selon les mentions du rapport de la société [M], mandataire judiciaire, tel que déposé le 31 octobre 2024 en vue de l'audience du 7 novembre suivant devant le tribunal de commerce.

Or il est indiqué par le mandataire judiciaire que la société ne tient plus de comptabilité depuis l'année 2020.

Par ailleurs, l'appelante a indiqué au mandataire judiciaire que des chantiers étaient prévus et qu'elle avait établi un devis à hauteur de 12.000 euros et préparait un devis pour environ 45.000 euros.

Toutefois, aucune pièce n'est produite en ce sens et aucun élément ne démontre la reprise d'activité de la société après les difficultés personnelles de son président.

Enfin, il apparaît que la société ne détient pas d'actif immobilier -son siège social est fixé au domicile de son représentant légal- et que son seul actif est constitué du matériel nécessaire à l'exploitation de son activité de rénovation charpente. Il faut relever qu'aucun document bancaire n'est produit par l'appelante.

8. Dès lors, le redressement de la société 2JM16 est manifestement impossible et il convient de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Les dépens de la procédure d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire,

Confirme le jugement prononcé le 29 novembre 2024 par le tribunal de commerce d'Angoulême.

Y ajoutant,

Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site