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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 1 juillet 2025, n° 25/00183

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 25/00183

1 juillet 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 1er JUILLET 2025

(n° / 2025, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/00183 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CKR3P

Décision déférée à la Cour : Jugement du 3 décembre 2024 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2024047232

APPELANTE

S.A.S. [C] [G] & ASSOCIES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 919 053 033,

Dont le siège social est situé [Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée et assistée de Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753,

INTIMÉES

L'URSSAF ILE DE FRANCE (L'UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES ILE DE FRANCE) ,

Située [Adresse 2],

[Localité 6]

Représentée et assistée de Me Florence CHARLUET-MARAIS, avocat au barreau de PARIS, toque D 1721,

S.E.L.A.F.A MJA, prise en la personne de Maître [F] [E], en qualité de mandataire liquidateur de la société [C] [G] & ASSOCIES,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 440 672 509,

Dont le siège social est situé [Adresse 1]

[Localité 5]

Non constituée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 906 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 3 Juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant la cour composée en double-rapporteur de Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, présidente de chambre, et de Madame Constance LACHEZE, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre

Madame Constance LACHEZE, conseillère

Monsieur François VARICHON, conseiller,

Qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience dans le respect des conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS ET PROCÉDURE:

La société par actions simplifiée [C] [G] & Associés exerce une activité de nettoyage courant de bâtiments et de vente de produits ménagers depuis le 1er septembre 2022. Elle emploie 25 salariés.

M. [G] [C] en est le gérant.

Sur assignation du 22 juillet 2024 délivrée par l'URSSAF d'Île-de-France se prévalant d'une créance de 93 193,44 euros dont 41 019,82 euros de parts salariales et par jugement du 3 décembre 2024, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société [C] [G] & Associés , nommé en qualité de liquidateur judiciaire la SELAFA MJA, en la personne de Me [F] [E], et fixé la date de cessation des paiements au 13 juillet 2023 correspondant à la date de première signification de contrainte.

Après avoir constaté l'état de cessation des paiements, le tribunal a estimé qu'un redressement ne pouvait être envisagé en raison d'un passif trop important et du fait que les parts salariales des cotisations n'avaient pas été réglées.

Par déclaration du 13 décembre 2024, la société [C] [G] & Associés a relevé appel de ce jugement.

L'affaire a été fixée à bref délai le 10 janvier 2025.

Par ordonnance du 11 avril 2025, le délégataire de M. le Premier président a fait droit à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 4 mars 2025, la société [C] [G] & Associés demande à la cour de :

la juger recevable en son appel ;

infirmer le jugement en ce qu'il a ouvert une procédure de liquidation judiciaire ;

statuant à nouveau, dire que l'assignation introductive d'instance est nulle et de nul effet, subsidiairement infondée ;

dire n'y avoir lieu à liquidation judiciaire ;

dire que la société n'est pas en état de cessation de paiements ;

subsidiairement, ouvrir une procédure de redressement judiciaire à son égard ;

statuer ce que de droit quant aux dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 7 mai 2025, l'URSSAF d'Île-de-France demande à la cour de :

confirmer le jugement ;

débouter la société [C] [G] & Associés de ses demandes ;

dire que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

La SELAFA MJA ès qualités qui a reçu signification de la déclaration d'appel le 6 mars 2025 puis des conclusions de l'appelante le 24 avril 2025 à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 13 mai 2025.

SUR CE,

- Sur la demande d'annulation de l'acte introductif d'instance

La société [C] [G] & Associés explique qu'elle n'a pas été présente ni représentée à l'audience du tribunal par suite d'un malheureux concours de circonstances, de sorte qu'elle n'a pas eu l'occasion de se défendre, que l'intégralité des contraintes notifiées par l'URSSAF a fait l'objet d'oppositions devant le tribunal judiciaire (pôle social), que ces procédures sont actuellement en cours de traitement, que les oppositions sont suspensives d'exécution et qu'elle a donc été assignée abusivement de sorte que l'assignation doit être annulée.

Il ressort du jugement que la société [C] [G] & Associés était représentée à l'audience du tribunal de commerce par Mme [S] [M], mentionnée comme étant mandataire et salariée munie d'un pouvoir, ce que confirme le courrier produit par l'appelante (pièce n°1). Il s'en déduit que le président de la société [C] était informé de la date de l'audience, a fait le choix de ne pas s'y présenter, afin de remplacer un de ses salariés selon ses dires, et ne peut dès lors valablement se prévaloir devant la cour de son absence.

Par ailleurs, l'opposition à une contrainte n'a pas d'effet suspensif sur l'assignation en ouverture d'une procédure collective. Il doit seulement en être tenu compte dans l'appréciation du caractère contesté ou non de la créance.

Aucun moyen pertinent n'étant soulevée à l'appui de la demande d'annulation de l'acte introductif d'instance, ni susceptible d'être relevé d'office, il convient de rejeter la demande d'annulation du jugement.

- Sur la demande d'infirmation du jugement

La société [C] [G] & Associés (la société [C]) soutient que les demandes sont infondées, qu'elle a réglé une partie de la créance de l'URSSAF, qu'après un premier bilan 2023 déficitaire, celui de 2024 présente un déficit moins important avec une croissance de 40% (la liasse fiscale de l'exercice clos le 31 décembre 2024 montrant un résultat net avant imputation des déficits antérieurs de 29 578 euros et de 15 211 après imputation de ces déficits), qu'elle continue de se développer et a fait valider de nombreux devis, que depuis septembre 2024, elle a recruté une secrétaire administrative et une comptable, qu'elle produit un tableau prévisionnel très complet qui démontre ses perspectives réelles de croissance et un rapport de gestion établis par M. [X] [W], conseil en gestion, dont il ressort des perspectives économiques rassurantes par rapport à la capacité de l'entreprise à honorer ses engagements financiers, qu'elle applique de nouveaux tarifs, que les erreurs de gestion des contrats et de la masse salariale ont été corrigées, les gains de productivité améliorés, que de nouveaux marchés ont été prospectés et acquis, ce qui permet à la société d'avoir une réelle perspective, que l'état de cessation des paiement ne peut donc en aucun cas être retenu.

L'URSSAF d'Île-de-France réplique que sa créance à ce jour s'élève à la somme de 156 286,81 euros (pour la période allant d'octobre 2022 à février 2025), que les huit contraintes régulièrement signifiées n'ayant fait l'objet d'aucune opposition dans le délai légal, elle a tenté des mesures de recouvrement forcé, qu'une saisie-attribution a été signifiée le 9 novembre 2023, saisie s'étant avérée totalement infructueuse, qu'une seconde saisie signifiée le 18 avril 2024 a révélé un solde créditeur de 6,25 euros, que les contraintes sont exécutoires, que la société [C] ne justifie pas de l'exercice de recours devant le tribunal judiciaire dans le délai légal d'opposition (les recours sont postérieurs à l'assignation en ouverture de liquidation judiciaire), que la société appelante ne semble détenir aucun actif, que les devis qu'elle verse aux débats n'ont aucune valeur probante puisque non acceptés ou signés, que la société [C] ne produit en outre aucun élément permettant de connaitre avec précision le montant de son passif.

L'article L. 640-1 du code de commerce institue une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.

La société [C] [G] & Associés conteste l'état de cessation des paiements.

Il résulte des termes de l'article L. 631-1 du code de commerce qu'est en état de cessation des paiements tout débiteur qui est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible et que le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.

La preuve de l'état de cessation des paiements doit être rapportée par celui qui demande l'ouverture de la procédure alors que la preuve de l'existence de réserves de crédit ou de moratoires lui permettant de faire face à son passif exigible incombe au débiteur.

En cas d'appel, l'état de cessation des paiements s'apprécie au jour où la cour statue.

En l'espèce, l'URSSAF justifie avoir émis huit contraintes dans les conditions suivantes :

contrainte du 5 mai 2023 signifiée le 10 mai 2023 auprès de la société de domiciliation, d'un montant de 6 378,52 euros pour la période allant de septembre à novembre 2022,

contrainte du 6 juillet 2023 signifiée le 13 juillet 2023 auprès de la société de domiciliation, d'un montant de 2 858 euros pour le mois de janvier 2023,

contrainte du 26 septembre 2023 signifiée le 28 septembre 2023 auprès de la société de domiciliation, d'un montant de 3 116 euros pour le mois de février 2023,

contrainte du 9 octobre 2023 signifiée le 11 octobre 2023 auprès de la société de domiciliation, d'un montant de 2 995 euros pour la période allant de mars à avril 2023,

contrainte du 10 novembre 2023 signifiée le 14 novembre 2023 auprès de la société de domiciliation, d'un montant de 6 842 euros pour la période allant de avril à mai 2023,

contrainte du 8 décembre 2023 signifiée le 12 décembre 2023 auprès de la société de domiciliation, d'un montant de 1 043 euros pour le mois de juin 2023,

contrainte du 29 février 2024 signifiée le même jour auprès de la société de domiciliation, d'un montant de 8 734 euros pour la période allant de août à septembre 2023,

contrainte du 8 janvier 2024 signifiée le même jour auprès de la société de domiciliation, d'un montant de 22 060 euros pour la période allant de mars à août 2023.

L'URSSAF indique que sa créance n'a cessé d'augmenter depuis lors et produit un décompte montrant un total de 156 286,81 euros sur une période allant d'octobre 2022 à février 2025.

Le 18 avril 2024, elle a valablement effectué auprès de la banque Okali une saisie-attribution dont le procès-verbal établit un solde de compte de 6,25 euros, étant précisé que la seconde saisie-attribution dont il est justifié a été diligentée auprès d'un établissement dont la société [C] n'était pas cliente.

La société [C] justifie avoir fait opposition à sept de ces contraintes le 18 octobre 2024, aucun justificatif n'étant produit s'agissant de la contrainte du 5 mai 2023 signifiée le 10 mai 2023.

En raison de ces oppositions, ces sept contraintes ne s'analysent pas en du passif exigible au sens de l'article L. 631-1 du code de commerce.

En revanche la contrainte non contestée, d'un montant de 6 378,52 euros pour la période allant de septembre à novembre 2022, entre dans cette catégorie.

Il n'est pas justifié d'autres dettes de la société [C], la cour ne disposant pas de l'état des créances déclarées.

Cette dernière a produit en cours de délibéré à la demande de la cour certains relevés bancaires de son compte Revolut dont il ressort qu'au 31 mars 2025, elle bénéficiait d'une trésorerie de 14 003 euros et qu'au 31 mai 2025, ce montant avait doublé pour atteindre la somme de 31 080 euros.

Il en résulte que son actif disponible est supérieur au montant du passif exigible et que l'état de cessation des paiements n'est pas constitué au jour où la cour statue.

En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de dire n'y avoir lieu à ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société [C] [G] & Associés.

La contestation des contraintes régulièrement signifiées étant intervenue en cours de procédure, les dépens de première instance et d'appel seront supportés par la société [C] [G] & Associés.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

Rejette la demande d'annulation de l'acte introductif d'instance ;

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ou de redressement judiciaire ;

Condamne la société [C] [G] & Associés aux dépens de première instance et d'appel.

Liselotte FENOUIL

Greffière

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

Présidente

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