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Décisions

Cass. 2e civ., 13 février 2025, n° 23-17.606

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Dindar autos (SAS), Allianz IARD (SA), Prudence créole (SA)

Défendeur :

Allianz IARD (SA), Prudence créole (SA), Holdar (SA), Administrateurs judiciaires partenaires (SELARL), Michel Chavaux-Julie Lavoir (SCP), Dindar autos (SAS), Hirou (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martinel

Rapporteur :

M. Ittah

Avocat général :

Mme Nicolétis

Avocats :

SCP Alain Bénabent, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SCP L. Poulet-Odent, SCP Duhamel

Saint Denis de la Réunion, ch. civ. TGI/…

21 avril 2023

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 23-19.136 et 23-17.606 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 21 avril 2023), la société Latour (la SCI), assurée par la société Prudence créole, a loué des locaux commerciaux à la société Dindar autos, assurée par la société AGF IART, aux droits de laquelle est venue la société Allianz IARD.

3. Dans la nuit du 11 au 12 octobre 2007, un incendie a détruit les locaux.

4. Un expert a évalué à une certaine somme le coût de la démolition-reconstruction du bâtiment appartenant à la SCI.

5. Après avoir indemnisé son assurée, la société Prudence créole a assigné la société Dindar autos devant un tribunal de grande instance à fin, notamment, de remboursement de l'indemnité versée.

6. La société Dindar autos a été placée sous sauvegarde par un jugement rendu le 30 mars 2010 par un tribunal mixte de commerce.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° 23-19.136 formé par la société Dindar autos, le moyen unique du pourvoi principal n° 23-17.606 formé par la société Allianz IARD et le pourvoi incident formé par la société Prudence créole

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi n° 23-19.136

Enoncé du moyen

8. La société Dindar autos fait grief à l'arrêt du 15 septembre 2021 de déclarer bien fondés les déférés formés par l'assureur et la société Prudence créole, d'infirmer en conséquence l'ordonnance sur incident rendue le 2 février 2021 par le conseiller de la mise en état ayant déclaré caduques les déclarations d'appel de ces sociétés et de rejeter les exceptions de caducité qu'elle soulevait, alors « que l'ordonnance du conseiller de la mise en état, qui prononce l'irrecevabilité de la déclaration d'appel est revêtue dès son prononcé de l'autorité de la chose jugée, de sorte qu'elle met immédiatement fin à l'instance d'appel, le déféré n'étant pas suspensif ; que l'appelant qui a conclu au fond avant que le conseiller de la mise en état ne prononce l'irrecevabilité de son appel doit, à peine de caducité de celui-ci lorsque, sur déféré, la cour d'appel déclare son appel recevable, conclure à nouveau au fond dans le délai de trois mois courant à compter de l'arrêt rendu sur déféré ; qu'en l'espèce, l'appelant a conclu au fond et son appel a ensuite été déclaré irrecevable par ordonnance du conseiller de la mise en état ; que statuant sur déféré, la cour d'appel a infirmé l'ordonnance du conseiller de la mise en état et a déclaré l'appel recevable ; que l'appelant n'a pas conclu à nouveau au fond ; qu'en retenant, pour infirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état qui avait déclaré l'appel caduc, que la mesure qui tend à faire courir un nouveau délai de trois mois à compter de l'arrêt statuant sur déféré et déclarant l'appel recevable « ne saurait, pour autant, porter préjudice à la partie ayant pris soin de conclure dans le délai de trois mois de son acte d'appel et ne pouvant être contrainte de devoir, sous peine de caducité de son appel, renouveler ses conclusions d'appel », la cour d'appel a violé les articles 914 et 916 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

9. Aux termes de l'article 908 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour conclure.

10. Selon l'article 914, dernier alinéa, du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l'irrecevabilité des conclusions en application des articles 909 et 910 ont autorité de la chose jugée au principal.

11. Selon l'article 916, alinéa 2, du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, les ordonnances du conseiller de la mise en état peuvent être déférées par requête à la cour dans les quinze jours de leur date lorsqu'elles ont pour effet, notamment, de mettre fin à l'instance.

12. Lorsque l'appelant n'a pas encore conclu au jour où le conseiller de la mise en état prononce l'irrecevabilité de la déclaration d'appel, la Cour de cassation juge que l'ordonnance de ce conseiller, revêtue dès son prononcé de l'autorité de la chose jugée, a immédiatement mis fin à l'instance d'appel, de sorte que l'arrêt infirmatif de la cour d'appel, rendu à l'issue d'une procédure de déféré dénuée d'effet suspensif, s'il a anéanti l'ordonnance infirmée, n'a pu, sans porter atteinte au principe de sécurité juridique découlant de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que faire à nouveau courir le délai pour conclure de l'article 908 du code de procédure civile, qui avait pris fin avec l'ordonnance déférée (2e Civ., 14 novembre 2019, pourvoi n° 18-23.631, publié au Bulletin).

13. Toutefois, si l'appelant a déjà conclu avant la décision du conseiller de la mise en état prononçant l'irrecevabilité de la déclaration d'appel, il n'est pas tenu de conclure de nouveau après le prononcé de l'arrêt qui, à l'issue d'une procédure de déféré, infirme cette décision.

14. Ayant relevé que la société Allianz IARD avait déposé ses conclusions au fond moins de trois mois après la date de sa déclaration d'appel et que la société Prudence créole avait également déposé ses conclusions d'appel incident dans le délai imparti, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que ces écritures n'avaient pas à être renouvelées dans le délai de trois mois suivant le prononcé des arrêts, statuant sur déféré, ayant déclaré leurs appels respectifs recevables.

15. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le second moyen du pourvoi n° 23-19.136, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

16. La société Dindar autos fait grief à l'arrêt du 21 avril 2023 de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé la créance de la société Prudence créole à son encontre à la somme de 5 357 713,28 euros, alors « que le juge doit respecter et faire respecter en toutes circonstances le principe du contradictoire ; qu'il ne peut fonder sa décision sur un moyen qu'il a relevé d'office sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur celui-ci ; qu'en se fondant sur l'arrêt rendu le 7 février 2012 par la Cour de cassation (Com., 7 février 2012, pourvoi n° 10-27.304, Bull. 2012, IV, n° 26) pour confirmer le jugement qui avait fixé à une certaine somme la créance de l'assureur au passif de la société Dindar autos, tandis qu'aucune des parties ne l'invoquait, la cour d'appel s'est prononcée par un moyen relevé d'office sans avoir invité les parties à présenter leurs observations, violant ainsi l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

17. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

18. Pour confirmer le jugement en ce qu'il a admis à hauteur d'une certaine somme la créance de la société Prudence créole au passif de la société Dindar autos, l'arrêt relève que celle-là ne peut se prévaloir de sa déclaration de créance adressée le 18 novembre 2010 à l'administrateur judiciaire, à défaut d'établir qu'elle a bénéficié d'un relevé de forclusion.

19. L'arrêt énonce encore qu'aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.

20. Il constate que la société Prudence créole produit cinq quittances subrogatives établies entre le 8 février et le 26 août 2008 et deux lettres-chèques du 26 mai 2009 et énonce qu'elle justifie, ainsi, de sa subrogation dans les droits de la SCI, son assurée, à hauteur de la somme admise au passif de la société Dindar autos, par le premier juge.

21. L'arrêt retient, enfin, que le jugement frappé d'appel doit être confirmé sur le principe de l'admission de cette créance détenue par l'assureur subrogé, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation (Com., 7 février 2012, pourvoi n° 10-27.304, Bull. 2012, IV, n° 26).

22. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, tiré de l'application, à l'affaire dont elle était saisie, de l'arrêt précité, qui juge que l'assureur, subrogé dans les droits et actions de son assuré qu'il a indemnisé, peut se prévaloir de la déclaration de créance faite par ce dernier, avant le versement de l'indemnité d'assurance, à la procédure collective de l'auteur du dommage, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

23. La cassation du chef de dispositif confirmant le jugement en tant qu'il fixe la créance de la société Prudence créole à l'encontre de la société Dindar autos à hauteur de 5 764 808 euros n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société Allianz IARD aux dépens ainsi qu'au paiement de diverses sommes en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi de la société Dindar autos, la Cour :

REJETTE le pourvoi n° N 23-17.606 formé par la société Allianz IARD et le pourvoi incident formé par la société Prudence créole ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement en tant qu'il fixe la créance de la société Prudence créole à l'encontre de la société Dindar autos à hauteur de 5 764 808 euros, l'arrêt rendu le 21 avril 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion autrement composée.

Condamne la société Prudence créole aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés Holdar, Allianz IARD et Prudence créole et condamne cette dernière à payer à la société Dindar autos la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille vingt-cinq.

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