CA Grenoble, ch. com., 3 juillet 2025, n° 23/03739
GRENOBLE
Arrêt
Autre
N° RG 23/03739 - N° Portalis DBVM-V-B7H-MADF
C1
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL [18]
la SELARL [23]
CHAMBERY
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 03 JUILLET 2025
Appel d'un jugement (N° RG 21/03177)
rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 20]
en date du 28 septembre 2023
suivant déclaration d'appel du 26 octobre 2023
APPELANTS :
Me [G] [O]
né le [Date naissance 1] 1969 à
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
S.E.L.A.R.L. [9] au capital de 10.000 €, immatriculée au RCS de [Localité 24] sous le numéro [N° SIREN/SIRET 7], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me BERARD, avocat au barreau de PARIS,
INTIMÉE :
S.A.S. [29] au capital de 10 000 €, immatriculée au RCS de [Localité 31] sous le n° [N° SIREN/SIRET 4], prise en la personne de son Président,
[Adresse 14]
[Localité 2]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me MEBARKI, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,
Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière.
DÉBATS :
A l'audience publique du 17 avril 2025, Mme FAIVRE, Conseillère, a été entendue en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,
EXPOSE DU LITIGE
La SAS [12], dirigée par M. [V], exploite un fonds de garage de réparation de véhicules (carrosserie, tôle, peinture).
La société [29] exerce une activité de dégrêlage de véhicules. A cet égard, elle est capable de se déplacer et intervient, à la demande, pour les concessions et garages qui ont besoin de ses services.
Selon contrat de prestations de services du 10 septembre 2019, la société [12] a confié à la société [29] des prestations en sous-traitance de débosselage de véhicules qui lui avaient été confiées.
Selon jugement du 19 septembre 2019, le tribunal de commerce de Villefranche-Tarrare a placé la société [12] en redressement judiciaire et a désigné la Selarl [9], représentée par Me [O], en qualité d'administrateur judiciaire, avec mission d'assister le débiteur dans tous les actes concernant la gestion et la Selarl [26] en qualité de mandataire judiciaire et en ouvrant une période d'observation jusqu'au 19 mars 2020.
Le 21 novembre 2019, le tribunal a ordonné la poursuite de la période d'observation, qu'il a ensuite, le 19 mars 2020, prolongée jusqu'au 12 septembre 2020.
Par jugement du 17 septembre 2020, le tribunal de commerce a converti le redressement en liquidation judiciaires et désigné la Selarl [8], représentée par Maître [K], en qualité de liquidateur judiciaire.
Par courriel du 26 septembre 2019, la société [29] a interrogé la Selarl [9], représentée par Me [O], afin de connaître sa position sur les garanties apportées par la société [12] pour payer ses factures et sur les risques de liquidation judiciaire de celle-ci.
Par courriel du 26 septembre 2019, la Selarl [9], représentée par Me [O], a indiqué à la société [12] que dans la mesure ou les prestations sont réalisées postérieurement à l'ouverture de la procédure, elles seront réglées par l'entreprise avec la validation du cabinet et que la société [12] poursuit son activité normalement.
Par courrier du 10 octobre 2019, la société [29], par l'intermédiaire de son conseil a indiqué à la Selarl [9], représentée par Me [O] qu'un total de factures de 27.636,20 euros TTC a été émis au titre de prestations réalisées postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective de la société [12] et lui a demandé sa position quant à la continuation du contrat en cours conclu avec la société [12] le 10 septembre 2019.
Par courriel du 4 novembre 2019, la Selarl [9], représentée par Me [O], a, en qualité d'administrateur judiciaire de la société [12], indiqué à la société [29] qu'il entendait poursuivre ce contrat.
Faisant valoir que les factures afférentes aux prestations effectuées entre septembre 2019 et janvier 2020 demeuraient impayées à concurrence de 129.257,89 euros TTC et se prévalant de ce que cette circonstance est imputable à la faute de l'administrateur judiciaire, la société [30] a, selon acte d'huissier du 11 juin 2021, fait assignation à la Selarl [10] en son nom personnel et à Maître [O], ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société [11]
[D], au visa de l'article 1241 du code civil, aux fins de condamnation à lui payer la somme de 129.257,89 euros à titre de dommages-intérêts, outre 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Par jugement du 28 septembre 2023, le tribunal judiciaire de Grenoble a :
- déclaré responsables la Selarl [25] et son représentant, Me [O] du préjudice subi par la société [29] par application de l'article 1241 du code civil,
- condamné in solidum la Selarl [25] et son représentant, Me [O] à payer à la société [29] la somme de 129.441,25 euros,
- condamné in solidum la Selarl [25] et son représentant, Me [O] à payer à la société [29] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum la Selarl [25] et son représentant, Me [O] aux entiers dépens,
- rejeté les autres demandes,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit,
- dit n'y avoir lieu à l'écarter ou à la subordonner à la constitution d'une garantie réelle ou personnelle.
Par déclaration du 26 octobre 2023, visant expressément l'ensemble des chefs du jugement la Selarl [9] et Me [O], ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société [29] ont interjeté appel de celui-ci.
Prétentions et moyens de la Selarl [9] et Me [O], ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société [29]:
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie dématérialisée le 6 novembre 2021, la Selarl [9] et Me [O], ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société [29] demandent à la cour au visa de l'article 1240 du code civil de :
- réformer le jugement dont appel en ce qu'il les a condamnés in solidum à verser à la société [29] la somme de 129.441,25 euros en réparation du préjudice allégué, la somme de 2.000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens,
et, statuant à nouveau,
- débouter de l'ensemble de ses demandes la société [29], qui ne fait la démonstration d'aucun préjudice en lien causal avec une faute des concluants, lesquels n'en ont commis aucune,
- condamner la société [29] à leur payer chacun, une indemnité procédurale de 4.000 euros, au titre des frais irrépétibles exposés devant le tribunal puis devant la cour, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la Selarl [15], représentée par Maître François-Xavier Liber-Magnan, avocats, pour ceux de première instance et de la Selarl [17] Mihajlovic, représentée par Maître Dejan Mihajlovic, avocats, pour ceux d'appel,
- rejeter tous moyens et demandes contraires.
Pour contester leur responsabilité, ils font valoir qu'en optant pour la poursuite du contrat, Me [O] n'a commis aucune faute et c'est au contraire s'il ne l'avait pas fait qu'il aurait manqué à sa mission dès lors que c'est conformément à son office et dans l'intérêt de la procédure de redressement judiciaire dont il était chargé que l'administrateur judiciaire, interrogé par la société [29], a, le 4 novembre 2019, expressément, opté pour la poursuite de la convention passée une semaine avant le jugement d'ouverture entre la société [12] et la société [29] puisque :
- le contexte était celui de « dommages liés aux évènements ponctuels et climatiques survenus en 2019 » susceptibles de provoquer un apport d'activité significatif et de favoriser en conséquence la poursuite de l'exploitation dans le cadre de la période d'observation,
- cette option se recommandait de plus d'un prévisionnel de trésorerie favorable établi par l'expert-comptable de la société, le Cabinet [28] et annexé au bilan économique, social et environnemental établi le 18 novembre 2019 par Me [O],
- comme le relève le jugement entrepris, le montant des factures émises par la société [29] et porté à sa connaissance n'était en novembre 2018 que de 11.153,67 euros, de sorte qu'à la date de l'option exercée par Me [O], à laquelle s'apprécie toute éventuelle faute de l'administrateur judiciaire, il n'est aucunement démontré que la société [12] n'avait pas les moyens de poursuivre le contrat litigieux,
- cette option était le corollaire et le soutien normal de la poursuite d'exploitation que le tribunal de commerce a non seulement ouverte mais renouvelée à deux reprises comme de tout éventuel redressement, souhaité par les dirigeants (et envisagé d'abord par voie de continuation puis par voie de cession),
- de surcroît, il faut observer que la période d'exécution de la convention sur option et de facturation litigieuse, comprise entre le 4 novembre 2019 et le 20 décembre 2019, est très courte, ce qui rend d'autant moins pertinente l'allégation d'une faute de l'administrateur judiciaire, la période de poursuite du contrat liée à l'option et de facturation litigieuse n'ayant duré qu'environ un mois et demi,
- il n'est pas démontré, au contraire, que ce soit au moment de l'option, ni, surabondamment, à quelque moment que ce soit, si ce n'est à la fin de la période d'observation, que la société [12] n'aurait pas été en mesure de régler les factures correspondantes,
- la période postérieure importe peu et est sans conséquence sur l'encours litigieux,
- c'est à tort que le premier juge a estimé que l'administrateur, qui se devait de veiller à ce que la situation de la trésorerie permette raisonnablement de considérer que le règlement des fournisseurs pourrait intervenir normalement ou encore qu'il aurait fait preuve de passivité, alors que dans son rapport du 24 janvier 2020 il relevait un retard dans le règlement des fournisseurs et sous-traitants, dans la relance du compte-clients et dans l'établissement des factures, illustrant une désorganisation générale de l'entreprise et que dans son rapport, du 9 mars 2000, il indiquait en outre que l'entreprise, quoiqu'en capacité de le faire, éprouvait des difficultés à régler ses charges courantes et que les dirigeants souhaitaient finalement non plus poursuivre mais céder l'activité et les actifs et relevait aussi que l'entreprise était normalement en capacité de régler ses fournisseurs,
- elle a par ailleurs à maintes reprises relancé la société [12] pour qu'elle règle ses fournisseurs et au regard de sa mission de simple assistance, qui ne l'investissait pas de la gestion - en particulier pas des paiements - courants, Me [O] ne pouvait agir autrement,
- l'administrateur judiciaire avec mission d'assistance ne se substitue aucunement aux dirigeants sociaux qui demeurent en place et restent seuls en charge de la gestion courante, notamment des paiements aux fournisseurs, que l'administrateur ne fait que valider - ou pas - lorsqu'ils lui sont présentés, et en l'espèce, ils ont régulièrement transmis à la société [12] les demandes de règlement de la société [29],
- elle a sollicité la conversion du redressement en liquidation judiciaires dès qu'il est apparu que la poursuite de l'exploitation ou la cession étaient compromises.
Pour contester le préjudice, ils font valoir que :
- le préjudice allégué trouve son origine exclusive dans les choix de la demanderesse elle-même, qui doit en répondre dès lors qu'en ne résiliant pas le contrat pour non-paiement des factures la société [29] a pris, dans son intérêt et en pleine connaissance de la procédure collective dont faisait l'objet la société [12], un risque commercial et financier, qu'elle ne peut tenter de faire supporter à l'administrateur judiciaire,
- au regard de l'option exercée et des factures alléguées, le préjudice ne peut être antérieur au 4 novembre 2019 (date de l'option) ni postérieur au 17 décembre 2019 (date de la dernière facture invoquée) et en toute hypothèse, il n'est pas démontré que les opérations de liquidation judiciaire ne permettront pas un règlement, total ou partiel, de l'arriéré allégué,
- en effet, le tribunal s'est, à cet égard, borné à opposer qu'il existerait « peu d'espoir » à la société [29] pour le recouvrement de ses créances, ce qui ne suffit pas à caractériser un préjudice certain, né et actuel, seul indemnisable au visa de l'article 1240 du code civil,
- surabondamment, la présente action tendant à l'allocation de dommages-intérêts délictuels, ceux-ci, de principe et jurisprudence constants, ne pourraient venir réparer qu'une simple perte de chance, que pourtant là encore saisi du moyen, le premier juge n'a aucunement caractérisée, en condamnant à la somme arithmétique de la totalité des factures alléguées,
- le tribunal devait exclure la TVA du montant des dommages et intérêts.
Prétentions et moyens de la société [29]:
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie dématérialisée le 8 janvier 2025, la société [29], demande à la cour au visa des articles 378 et 700 du code de procédure civile, et des articles L.622-13, L.622-17 et L.631-14 du code de commerce de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Grenoble le 28 septembre 2023 en toutes ses dispositions,
En tout état de cause,
- débouter la société [9] et Me [O] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
- condamner la société [9] et Me [O] à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de la société [22].
S'agissant des fautes reprochées, elle se prévaut d'un défaut de supervision fautif du contrat continué résultant de ce que :
- l'administrateur l'a induit en erreur sur le contrôle qu'il exerçait sur son administrée, dès lors que :
* en application des articles L.622-13 et L.631-14 du code de commerce au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l'administrateur s'assure, au moment où il demande l'exécution du contrat, qu'il disposera des fonds nécessaires pour assurer le paiement en résultant. S'il s'agit d'un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, l'administrateur y met fin s'il lui apparaît qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant,
* cela confirme la nécessité pour le débiteur de disposer à l'ouverture de la procédure collective d'une trésorerie suffisante pour être en mesure de s'approvisionner,
* la société [9], prise en la personne de Me [O], a été nommée administrateur judiciaire de la société [12] à compter du 19 septembre 2019 et à ce titre elle lui a, à plusieurs reprises indiqué que le contrat devait être continué et l'a assurée du paiement des factures, puisque selon courriel du 26 septembre 2019, la société [9] lui a indiqué : « dans la mesure où les prestations sont effectuées postérieurement à l'ouverture de la procédure, celles-ci seront réglées par l'entreprise avec la validation du cabinet. La société [12] poursuit son activité normalement », puis par un second courriel du 30 septembre 2019, dans lequel elle lui a assuré que « pour les prestations réalisées postérieurement à l'ouverture de la procédure, elles seront réglées à réception des factures. Vous pouvez établir des factures proformat, qui seront réglées à réception »,
* le 26 septembre 2019, la poursuite du contrat a été ordonnée par l'administrateur, mais faisant preuve d'une grande prudence, elle a demandé confirmation officielle à la société [9], par l'intermédiaire de son conseil, de la poursuite du contrat, elle précisait même les futures échéances de paiement des factures, émises à compter du 25 septembre 2019, c'est-à-dire postérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire et la société [9], en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société [12], lui a confirmé la continuation du contrat, après plusieurs relances, le 4 novembre 2019,
* ce n'est pas l'option de continuation du contrat, à proprement parler, qui est en cause, mais le défaut de vigilance et la mauvaise supervision de l'administrateur judiciaire dans le cadre de la poursuite du contrat qui sont fautives,
* en effet les obligations de l'administrateur quant à l'option ne se limitent pas à la décision de continuation du contrat, celles-ci se poursuivent tout au long de l'exécution du contrat et c'est à tout moment de la poursuite du contrat en cours que l'administrateur judiciaire doit s'assurer que l'exécution du contrat reste possible et que le partenaire ne subit aucun impayé,
* en conséquence la faute peut survenir au cours de l'exécution du contrat et elle s'apprécie donc tout au long de l'exécution du contrat,
* l'ancien administrateur judiciaire lui a indiqué contrôler les prestations commandées par son administrée, et à l'en croire, cette dernière avait donc les fonds pour payer son prestataire ce que la société [9] reconnaît précisément car elle indique que son accord à la poursuite du contrat s'appuyait notamment sur la production d'un prévisionnel d'exploitation et de trésorerie réalisé par l'expert-comptable de l'entreprise, qui faisait apparaître que l'entreprise serait à même de financer son cycle d'exploitation,
* confortée par l'assurance du paiement donnée par la société [9], elle a donc réalisé les prestations de dégrêlage et de débosselage, entre septembre 2019 et janvier 2020,
* elle lui a assuré à plusieurs reprises que ses factures seraient réglées à réception, et lui a indiqué dans les correspondances de septembre 2019, qu'elle validerait elle-même les factures, garantissant donc leur paiement en lui indiquant que « dans la mesure où les prestations sont effectuées postérieurement à l'ouverture de la procédure, celles-ci seront réglées par l'entreprise avec la validation du cabinet » et que « dans la mesure où vous effectuez vos prestations et que je suis informée de la facture d'une part et de la bonne exécution de vos prestations d'autre part, votre facture sera réglée »,
* elle était fondée à croire au correct paiement de ses prestations à partir des mois de septembre et octobre 2019, soit le début de la continuation du contrat dès lors que c'est la période, à laquelle la Selarl [9] lui a indiqué selon courrier du 10 octobre 2019 contrôler les factures émises et même recevoir le paiement de la société [12],
* confortant la promesse du correct paiement des prestations, un virement de 20.470,65 euros a ainsi été émis le 25 janvier 2020 par la société [12], correspondant à certaines de ses factures, de sorte qu'elle était en mesure de penser que le reste de ses prestations serait réglé par la suite, sans savoir que ce virement serait en réalité le seul,
* ses correspondances adressées à l'administrateur démontrent parfaitement qu'elle a sollicité, à plusieurs reprises, l'administrateur afin de s'assurer qu'elle pouvait poursuivre le contrat conclu avec la société [13] et que ses factures seraient bien payées à échéance et les réponses de l'administrateur sur la situation de son administré l'ont incontestablement incité à poursuivre le contrat et réaliser les prestations demandées,
- pendant la période de continuation du contrat à exécutions successives, l'état de la trésorerie disponible aurait dû conduire à sa résiliation alors que :
* la Cour de cassation rappelle régulièrement que l'administrateur judiciaire est tenu de vérifier, au moment où les commandes sont passées, que la société était en mesure de s'acquitter des factures reçues,
* or, une étude attentive du rapport de l'administrateur rédigé en novembre 2019, au cours de la période d'observation, suggère que la trésorerie disponible auprès de la société [12] ne permettait pas de régler les prestations validées par l'administrateur puisque le 18 novembre 2019, il est indiqué que la trésorerie est de 83.000 euros, étant précisé qu'il existe un défaut de paiement des loyers depuis l'ouverture de la procédure soit environ 12.000 euros et qu'à cette date le montant des factures qu'elle a émises s'élevait déjà à 80.536,53 euros,
* le 24 janvier 2020, le rapport a actualisé la trésorerie disponible à 97.000 euros, suggérant une situation financière rassurante de l'entreprise, or au 6 janvier 2020, date de sa dernière facture émise avant la rédaction du rapport, le montant de ses factures émises était de 127.913, 51 euros, alors que son rapport est contredit le 25 janvier 2020, soit le lendemain, Me [O] alertant la société [12] qu'ils avaient « un encours stratosphérique vis-à-vis de ce sous-traitant, constitué sur la période d'observation » et constatait « un état de trésorerie négative »,
* en réalité, son paiement reposait uniquement sur les recouvrements espérés par l'administrateur, auprès des assureurs, qui n'étaient pas encore dans la trésorerie de la société [12] car le recouvrement de ces sommes était particulièrement incertain et laborieux, comme le rappelle l'administrateur dans l'ensemble de ses rapports, et en atteste l'état des créances clients, non encaissées depuis le mois de juillet 2019, de 658.000 euros,
* une étude attentive, et vigilante, de la situation de son administrée aurait permis à l'administrateur de s'apercevoir qu'il ne pouvait laisser le contrat se poursuivre,
* le moyen tiré de la période d'exécution du contrat relativement courte est totalement inopérant compte tenu de l'information régulière qu'elle a donnée s'agissant de ses difficultés à être payée pour les prestations réalisées et alors que comme l'a très justement relevé le tribunal, elle a alerté l'administrateur, ce qui est par ailleurs démontré par les échanges de mails,
* l'administrateur aurait dû interrompre la prestation commandée et solliciter la conversion du redressement en liquidation judiciaire bien plus tôt compte tenu des éléments d'information en sa possession (tant du fait des impayés que du fait de la trésorerie de l'administré),
* il a fait preuve de passivité et de négligence, comme l'a retenu le tribunal,
- l'administrateur n'a pas été vigilant dans le contrôle régulier du contrat continué dès lors que :
* la société [9] a précisément été désignée pour « assister le débiteur dans tous les actes concernant la gestion, ce qui implique qu'elle contrôle étroitement, et de manière effective, les entrées et les sorties d'argent des comptes de son administrée ce qu'elle n'a pas fait, puisque les fonds, effectivement perçus par la société [12] de la part des assureurs des véhicules endommagés et confiés en réparation, ainsi que des règlements reçus de ses clients, ne lui ont pas bénéficié, de sorte que l'administrateur a fait preuve d'un défaut de surveillance des règlements perçus par la société [12],
* la Selarl [9] a fait preuve de légèreté blâmable dans la supervision du règlement des fournisseurs car si elle affirme avoir adressé des demandes insistantes de règlement à la société [12] et l'avoir relancée à maintes reprises, en réalité il n'y a eu que de vagues relances en paiement, alors que l'administrateur aurait dû se saisir sérieusement de la question, dès la première alerte qu'elle a donnée en novembre 2019 s'agissant du défaut de paiement.
* ce n'est en effet que le 25 janvier 2020 que l'administrateur a commencé à prendre les choses en mains, et alertait plus strictement la société [12] sur son obligation de paiement alors qu'il était trop tard puisqu'elle avait effectué toutes ses prestations.
En réponse aux appelants, elle fait valoir que :
- le moyen tiré de ce que l'administrateur judiciaire était tenu d'une simple mission d'assistance ne peut utilement prospérer alors que si l'administration de l'entreprise reste assurée par son dirigeant, l'administrateur a le devoir de veiller au respect de toutes les obligations légales incombant au chef d'entreprise et les décisions stratégiques et générales sont prises en commun par le dirigeant et l'administrateur et la poursuite de l'entreprise s'exerce ainsi sous leur responsabilité partagée,
- sa faute résultant du non-respect de ses engagements n'implique pas une garantie de paiement mais l'obligation de s'assurer que la trésorerie du débiteur permettrait d'acquitter les factures,
- la faute de l'administrateur en raison du défaut de paiement de commandes passées par le débiteur doit être appréciée à la date à laquelle a pris naissance la créance du fournisseur, c'est à dire à la date de la commande, de sorte que le moyen des appelants selon laquelle la faute de l'administrateur s'apprécie à la date de l'option exercée est donc inopérant.
Pour justifier du lien de causalité entre les fautes reprochées à l'administrateur judiciaire et son préjudice, elle indique que :
- l'administrateur a sollicité la conversion en liquidation judiciaire seulement le 1er septembre 2020, alors pourtant qu'il indiquait en juin que l'encours fournisseur de [29] de 141.000 euros justifierait le dépôt d'une requête en conversion en liquidation judiciaire, et que c'est dès le 27 janvier 2020 que le solde cumulé des factures [29] atteignait près de 130.000 euros,
- elle a informé immédiatement la Selarl [9] des premiers défauts de paiement qu'elle constatait par un courriel en date du 14 novembre et par un courrier en date du 6 décembre 2019, accompagné de la mise en demeure de payer du même jour adressée à la société [12] et pour autant, la Selarl [9], loin de s'inquiéter de ce défaut de paiement et du risque que représentait l'augmentation rapide de cet encours, s'est contentée par courriel du 13 décembre 2019 de lui indiquer qu'elle lui laissait le soin de se rapprocher de cette dernière,
- cet attentisme de l'administrateur judiciaire est d'autant plus frappant qu'il savait parfaitement, pour en avoir été mis en copie, qu'une mise en demeure avait déjà été envoyée quelques jours plus tôt le 6 décembre 2019,
- si la Selarl [9], lorsqu'elle était administrateur judiciaire, avait effectué les diligences attendues de sa fonction, au moment où elle était informée des premiers impayés, elle aurait nécessairement constaté que des paiements clients étaient versés dans les comptes de la société par les assurances de la société [12], pour les prestations réalisées par la société [29] de sorte que ces carences sont les causes directes de son préjudice financier, laissant se développer une situation déficitaire à son préjudice.
Elle conteste le caractère de perte de chance de son préjudice, faisant valoir que :
- son préjudice ne résulte pas d'une perte de chance, mais bien de l'impossibilité de recouvrer les sommes dues en exécution des prestations faites puisque sans les manquements constatés, la créance n'aurait jamais vu le jour,
- si les appelants suggèrent qu'elle pourrait être désintéressée de sa créance, grâce aux opérations de liquidation judiciaire, sa créance a un rang chirographaire et les appelants indiquent eux-mêmes l'insolvabilité de la société [12], celle-ci ayant été placée en liquidation car elle ne pouvait désormais plus faire face à ses charges courantes, par conséquent elle ne peut pas faire face à sa créance chirographaire.
Pour contester toute faute de sa part exonératoire de la responsabilité des appelants, elle expose que :
- c'est justement du fait de la procédure collective de la société [12] qu'elle a pris soin de s'assurer auprès de l'administrateur que le contrat continué serait exécuté par la société débitrice,
- les échanges de mails sont particulièrement révélateurs de sa méfiance du fait du placement en redressement judiciaire de la société [12] mais aussi de sa confiance en la présence d'un administrateur judiciaire pour la poursuite du contrat,
- il ne peut lui être reproché, compte tenu de l'option de continuer le contrat en cours, et l'exécution de ses obligations contractuelles.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 mars 2025, l'affaire a été appelée à l'audience du 17 avril 2025 et la décision mise en délibéré a été prononcée le 3 juillet 2025.
MOTIFS DE LA DECISION :
L'article L.622-13, II du code de commerce, applicable à la procédure de redressement judiciaire par renvoi de l'article L.631-14, dispose que l'administrateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur.
Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l'administrateur s'assure, au moment où il demande l'exécution du contrat, qu'il disposera des fonds nécessaires pour assurer le paiement en résultant. S'il s'agit d'un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, l'administrateur y met fin s'il lui apparaît qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant.
Selon l'article L.631-14 alinéa 4 du code de commerce, lorsqu'est exercée la faculté prévue par le [21]-13 et que la prestation porte sur le paiement d'une somme d'argent, celui-ci doit se faire au comptant, sauf pour l'administrateur à obtenir l'acceptation de délais de paiement par le cocontractant du débiteur. Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l'administrateur s'assure, au moment où il demande l'exécution, qu'il disposera des fonds nécessaires à cet effet.
Il résulte de ces dispositions que l'administrateur qui demande la poursuite du contrat en ne s'assurant pas ensuite des capacités de l'entreprise à exécuter son obligation de payer, engage sa responsabilité (Com. 6 juill. 1999, n°96-16). S'agissant d'une obligation de moyen, il appartient au cocontractant impayé d'établir la faute de l'administrateur. La responsabilité de l'administrateur doit être appréciée au moment de l'exercice de l'option en tenant compte des éléments prévisionnels de gestion à la disposition de ce dernier (Com. 14 oct. 2008, n° 07-16.109 ; Com. 2 oct. 2012, n° 11-21.934 ; Com. 30 oct. 2012, n° 11-26.530).
Ainsi, lorsque la responsabilité de l'administrateur est recherchée par le cocontractant qui n'a pas été payé des prestations dues au titre du contrat continué, aucune faute ne peut être retenue à son encontre si, à la date de l'exercice de l'option, la trésorerie de l'entreprise était suffisante pour assumer l'exécution du contrat. Une fois prise la décision de continuer le contrat, il doit veiller à ce que l'entreprise soit en mesure de continuer à poursuivre ses engagements, et sa responsabilité est engagée s'il est établi qu'il a ensuite laissé les contrats litigieux se poursuivre en sachant que les factures ne pourraient plus être réglées, (Com. 5 avr. 2016, n° 14-21.664).
En l'espèce, selon courriel du 4 novembre 2019, la Selarl [9], représentée par Me [O], ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société [12] a indiqué à la société [29] qu'il entendait poursuivre le contrat de prestation de service régularisé entre les parties le 10 septembre 2019.
Il ressort des éléments de la procédure qu'à la date de l'option exercée par Me [O], le montant des factures émises par la société [29] s'élevait à la somme de 27.635,20 euros TTC comme cela résulte du courrier qui lui a été adressé par le conseil de cette dernière le 10 octobre 2019, dont 11.153,67 euros, arrivés à échéance le 26 septembre 2019. Or, selon le bilan de la société [12] établi par Me [O] le 18 novembre 2019, soit quelques jours après l'exercice de l'option s'agissant du contrat litigieux, la trésorerie de cette dernière s'élevait à 83.000 euros, de sorte que les appelants sont bien fondés à soutenir qu'en optant pour la poursuite du contrat, Me [O] n'a donc commis aucune faute, alors qu'à la date de ladite option, les éléments dont il disposait démontraient que l'entreprise pouvait assumer la charge de ce contrat.
Néanmoins, si Me [O], investi d'une simple mesure d'assistance, n'était pas en charge du paiement des cocontractants et de la tenue de la comptabilité de la société [12], et s'il n'est pas exigé de lui, ès-qualité d'administrateur judiciaire, un suivi permanent de la trésorerie, en revanche, il lui appartenait de s'assurer que la société [12] était en mesure d'honorer les factures émises par la société [29].
Or, si dans son rapport du 24 janvier 2020, Me [O] a actualisé la trésorerie disponible à 97.000 euros, suggérant une situation financière rassurante de l'entreprise [12], cette situation dont il est fait état dans ce document est contredite par les propres déclarations de l'administrateur judiciaire, formulées dès le lendemain, dans un courriel du 25 janvier 2020 relatif aux « règlements Selagip -[19] », alertant la société [12] dans les termes suivants : « je constate que nous avons un encours stratosphérique vis-à-vis de ce sous-traitant, constitué sur la période d'observation. Je veux bien entendre qu'il y ait des retards de règlement des clients mais il convient très rapidement de commencer à rembourser à l'appui des virements [16]. La procédure de redressement judiciaire impose un paiement comptant des fournisseurs et autres prestataires. Au regard de ce principe, et de la trésorerie disponible, je suis amené à constater un état de trésorerie négative et ce, à quelques jours d'une audience du tribunal. Je vous remercie de bien vouloir m'adresser un état de l'encours fournisseur global constitué sur la période d'observation ».
Par ailleurs, Me [O] a été alerté le 14 novembre 2019 par le conseil de la société [29] de ce que sa cliente demeurait impayée de quatre factures échues entre le 9 novembre 2019 et le 10 novembre 2019 pour la somme totale de 25.059,85 euros. Il a ensuite été destinataire d'un courrier du conseil de la société [29] en date du 6 décembre 2019 l'alertant de ce que la dette de la société [12] s'élevait 149.703,31 euros dont 41.410,57 euros de factures échues impayées, nonobstant une relance du 14 novembre 2019 ainsi que de la copie de la mise en demeure adressée à cette dernière également le 6 décembre 2019.
Il ressort de ces éléments, que, Me [O], qui, bien qu'informé dès le 14 novembre 2019 que des factures échues de la société [12] étaient impayées, ne s'est rendu compte que le 25 janvier 2020 que la trésorerie était négative, alors que la veille, il concluait à l'existence d'une trésorerie largement excédentaire, a ainsi été négligent dans le suivi de l'état financier de la société [12], commettant une faute d'appréciation de l'état réel de la situation de cette dernière et a manqué à son devoir de vigilance en laissant se poursuivre un contrat sans tenir compte des alertes émises par le créancier impayé.
La société [29] est donc bien fondée à rechercher la responsabilité de la Selarl [9] et de Me [O], ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société [29], en réparation de son préjudice, lequel s'analyse en une perte de chance de ne pas contracter avec une société solvable.
En effet, contrairement à ce que soutiennent les appelants, la société [29] n'est pas à l'origine de son préjudice, alors que dès le 26 septembre 2019, soit moins de 10 jours après l'ouverture de la procédure collective de la société [12], l'intimée a interrogé la Selarl [9], représentée par Me [O], afin de connaître sa position sur les garanties apportées par la société [12] pour payer ses factures et sur les risques de liquidation judiciaire de celle-ci, lequel lui a indiqué par courriel du 26 septembre 2019, que la société [12] poursuivait son activité normalement et que ses factures seraient payées par l'entreprise avec la validation du cabinet, puis lui a encore rappelé selon courriel du 30 septembre 2019, que les factures relatives aux prestations postérieures à l'ouverture de la procédure étaient réglées à réception et qu'elle pouvait à ce titre établir des factures [27].
Il ne peut donc utilement être reproché à la société [29], qui a ainsi pris toutes les précautions nécessaires auprès de l'administrateur judiciaire afin de s'assurer de la bonne exécution par la société [12] de ses engagements contractuels nonobstant la procédure de redressement judiciaire dont elle a fait l'objet, d'avoir, dans son intérêt et en pleine connaissance de cette procédure, pris un risque commercial et financier.
De même, le moyen tiré de l'absence de démonstration par l'intimée que les opérations de liquidation judiciaire ne permettraient pas un règlement, total ou partiel, de l'arriéré allégué, est inopérant, alors que les créances de la société [29] sont des créances postérieures à l'ouverture de la procédure collective de la société [12], qui doivent en conséquence être payées à leur échéance.
Compte tenu du caractère très spécifique et donc peu répandu de l'activité de débosselage, le préjudice de perte de chance de contracter avec une société solvable peut être fixé à 60 %, étant relevé que les factures impayées antérieures à l'option exercée par l'administrateur judiciaire le 4 novembre 2019 ne sauraient être prises en compte, aucune faute n'étant caractérisé à l'encontre de ce dernier antérieurement à cette date.
En revanche, contrairement à ce que soutiennent encore les appelants, la dernière facture impayée invoquée n'a pas été émise le 17 décembre 2019, mais le 27 janvier 2020, comme cela résulte du grand livre des comptes clients de l'intimée, lequel mentionne un total de factures impayé de 129.441,25 euros. En conséquence, il convient de fixer le montant de l'indemnisation à la somme de 77.664,75 euros (129.441,25 euros x 60 %), lequel s'entend sans TVA.
Il convient donc de condamner in solidum la Selarl [9] et Me [O], ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société [29] à payer à cette dernière la somme de 77.664,75 euros et d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a fixé le préjudice de la société [29] à la somme de 129.441,25 euros.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
La Selarl [9] et Me [O], ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société [29] doivent supporter in solidum les dépens de première instance et d'appel comme la totalité des frais irrépétibles exposés et verser in solidum à la société [29] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel. Il convient en outre de confirmer le jugement déféré. Il y a également lieu de débouter la Selarl [9] et Me [O], ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société [29] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement en ce qu'il condamné in solidum la Selarl [9] et son représentant, Me [O] à payer à la société [29] la somme de 129.441,25 euros,
Confirme le jugement déféré pour le surplus,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Condamne in solidum la Selarl [9] et son représentant, Me [O], ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société [29] à payer à la société [29] la somme de 77.664,75 euros en réparation de son préjudice de perte de chance,
Déboute la Selarl [9] et son représentant, Me [O], ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société [29] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la Selarl [9] et son représentant, Me [O], ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société [29] à payer à la société [29] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne in solidum la Selarl [9] et son représentant, Me [O], ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société [29] aux dépens d'appel, avec, pour ces derniers, droit de recouvrement direct au profit de la Selarl Lexavoue Grenoble, avocat, par application de l'article 699 du code de procédure civile.
Signé par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
C1
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL [18]
la SELARL [23]
CHAMBERY
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 03 JUILLET 2025
Appel d'un jugement (N° RG 21/03177)
rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 20]
en date du 28 septembre 2023
suivant déclaration d'appel du 26 octobre 2023
APPELANTS :
Me [G] [O]
né le [Date naissance 1] 1969 à
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
S.E.L.A.R.L. [9] au capital de 10.000 €, immatriculée au RCS de [Localité 24] sous le numéro [N° SIREN/SIRET 7], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me BERARD, avocat au barreau de PARIS,
INTIMÉE :
S.A.S. [29] au capital de 10 000 €, immatriculée au RCS de [Localité 31] sous le n° [N° SIREN/SIRET 4], prise en la personne de son Président,
[Adresse 14]
[Localité 2]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me MEBARKI, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,
Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière.
DÉBATS :
A l'audience publique du 17 avril 2025, Mme FAIVRE, Conseillère, a été entendue en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,
EXPOSE DU LITIGE
La SAS [12], dirigée par M. [V], exploite un fonds de garage de réparation de véhicules (carrosserie, tôle, peinture).
La société [29] exerce une activité de dégrêlage de véhicules. A cet égard, elle est capable de se déplacer et intervient, à la demande, pour les concessions et garages qui ont besoin de ses services.
Selon contrat de prestations de services du 10 septembre 2019, la société [12] a confié à la société [29] des prestations en sous-traitance de débosselage de véhicules qui lui avaient été confiées.
Selon jugement du 19 septembre 2019, le tribunal de commerce de Villefranche-Tarrare a placé la société [12] en redressement judiciaire et a désigné la Selarl [9], représentée par Me [O], en qualité d'administrateur judiciaire, avec mission d'assister le débiteur dans tous les actes concernant la gestion et la Selarl [26] en qualité de mandataire judiciaire et en ouvrant une période d'observation jusqu'au 19 mars 2020.
Le 21 novembre 2019, le tribunal a ordonné la poursuite de la période d'observation, qu'il a ensuite, le 19 mars 2020, prolongée jusqu'au 12 septembre 2020.
Par jugement du 17 septembre 2020, le tribunal de commerce a converti le redressement en liquidation judiciaires et désigné la Selarl [8], représentée par Maître [K], en qualité de liquidateur judiciaire.
Par courriel du 26 septembre 2019, la société [29] a interrogé la Selarl [9], représentée par Me [O], afin de connaître sa position sur les garanties apportées par la société [12] pour payer ses factures et sur les risques de liquidation judiciaire de celle-ci.
Par courriel du 26 septembre 2019, la Selarl [9], représentée par Me [O], a indiqué à la société [12] que dans la mesure ou les prestations sont réalisées postérieurement à l'ouverture de la procédure, elles seront réglées par l'entreprise avec la validation du cabinet et que la société [12] poursuit son activité normalement.
Par courrier du 10 octobre 2019, la société [29], par l'intermédiaire de son conseil a indiqué à la Selarl [9], représentée par Me [O] qu'un total de factures de 27.636,20 euros TTC a été émis au titre de prestations réalisées postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective de la société [12] et lui a demandé sa position quant à la continuation du contrat en cours conclu avec la société [12] le 10 septembre 2019.
Par courriel du 4 novembre 2019, la Selarl [9], représentée par Me [O], a, en qualité d'administrateur judiciaire de la société [12], indiqué à la société [29] qu'il entendait poursuivre ce contrat.
Faisant valoir que les factures afférentes aux prestations effectuées entre septembre 2019 et janvier 2020 demeuraient impayées à concurrence de 129.257,89 euros TTC et se prévalant de ce que cette circonstance est imputable à la faute de l'administrateur judiciaire, la société [30] a, selon acte d'huissier du 11 juin 2021, fait assignation à la Selarl [10] en son nom personnel et à Maître [O], ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société [11]
[D], au visa de l'article 1241 du code civil, aux fins de condamnation à lui payer la somme de 129.257,89 euros à titre de dommages-intérêts, outre 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Par jugement du 28 septembre 2023, le tribunal judiciaire de Grenoble a :
- déclaré responsables la Selarl [25] et son représentant, Me [O] du préjudice subi par la société [29] par application de l'article 1241 du code civil,
- condamné in solidum la Selarl [25] et son représentant, Me [O] à payer à la société [29] la somme de 129.441,25 euros,
- condamné in solidum la Selarl [25] et son représentant, Me [O] à payer à la société [29] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum la Selarl [25] et son représentant, Me [O] aux entiers dépens,
- rejeté les autres demandes,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit,
- dit n'y avoir lieu à l'écarter ou à la subordonner à la constitution d'une garantie réelle ou personnelle.
Par déclaration du 26 octobre 2023, visant expressément l'ensemble des chefs du jugement la Selarl [9] et Me [O], ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société [29] ont interjeté appel de celui-ci.
Prétentions et moyens de la Selarl [9] et Me [O], ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société [29]:
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie dématérialisée le 6 novembre 2021, la Selarl [9] et Me [O], ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société [29] demandent à la cour au visa de l'article 1240 du code civil de :
- réformer le jugement dont appel en ce qu'il les a condamnés in solidum à verser à la société [29] la somme de 129.441,25 euros en réparation du préjudice allégué, la somme de 2.000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens,
et, statuant à nouveau,
- débouter de l'ensemble de ses demandes la société [29], qui ne fait la démonstration d'aucun préjudice en lien causal avec une faute des concluants, lesquels n'en ont commis aucune,
- condamner la société [29] à leur payer chacun, une indemnité procédurale de 4.000 euros, au titre des frais irrépétibles exposés devant le tribunal puis devant la cour, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la Selarl [15], représentée par Maître François-Xavier Liber-Magnan, avocats, pour ceux de première instance et de la Selarl [17] Mihajlovic, représentée par Maître Dejan Mihajlovic, avocats, pour ceux d'appel,
- rejeter tous moyens et demandes contraires.
Pour contester leur responsabilité, ils font valoir qu'en optant pour la poursuite du contrat, Me [O] n'a commis aucune faute et c'est au contraire s'il ne l'avait pas fait qu'il aurait manqué à sa mission dès lors que c'est conformément à son office et dans l'intérêt de la procédure de redressement judiciaire dont il était chargé que l'administrateur judiciaire, interrogé par la société [29], a, le 4 novembre 2019, expressément, opté pour la poursuite de la convention passée une semaine avant le jugement d'ouverture entre la société [12] et la société [29] puisque :
- le contexte était celui de « dommages liés aux évènements ponctuels et climatiques survenus en 2019 » susceptibles de provoquer un apport d'activité significatif et de favoriser en conséquence la poursuite de l'exploitation dans le cadre de la période d'observation,
- cette option se recommandait de plus d'un prévisionnel de trésorerie favorable établi par l'expert-comptable de la société, le Cabinet [28] et annexé au bilan économique, social et environnemental établi le 18 novembre 2019 par Me [O],
- comme le relève le jugement entrepris, le montant des factures émises par la société [29] et porté à sa connaissance n'était en novembre 2018 que de 11.153,67 euros, de sorte qu'à la date de l'option exercée par Me [O], à laquelle s'apprécie toute éventuelle faute de l'administrateur judiciaire, il n'est aucunement démontré que la société [12] n'avait pas les moyens de poursuivre le contrat litigieux,
- cette option était le corollaire et le soutien normal de la poursuite d'exploitation que le tribunal de commerce a non seulement ouverte mais renouvelée à deux reprises comme de tout éventuel redressement, souhaité par les dirigeants (et envisagé d'abord par voie de continuation puis par voie de cession),
- de surcroît, il faut observer que la période d'exécution de la convention sur option et de facturation litigieuse, comprise entre le 4 novembre 2019 et le 20 décembre 2019, est très courte, ce qui rend d'autant moins pertinente l'allégation d'une faute de l'administrateur judiciaire, la période de poursuite du contrat liée à l'option et de facturation litigieuse n'ayant duré qu'environ un mois et demi,
- il n'est pas démontré, au contraire, que ce soit au moment de l'option, ni, surabondamment, à quelque moment que ce soit, si ce n'est à la fin de la période d'observation, que la société [12] n'aurait pas été en mesure de régler les factures correspondantes,
- la période postérieure importe peu et est sans conséquence sur l'encours litigieux,
- c'est à tort que le premier juge a estimé que l'administrateur, qui se devait de veiller à ce que la situation de la trésorerie permette raisonnablement de considérer que le règlement des fournisseurs pourrait intervenir normalement ou encore qu'il aurait fait preuve de passivité, alors que dans son rapport du 24 janvier 2020 il relevait un retard dans le règlement des fournisseurs et sous-traitants, dans la relance du compte-clients et dans l'établissement des factures, illustrant une désorganisation générale de l'entreprise et que dans son rapport, du 9 mars 2000, il indiquait en outre que l'entreprise, quoiqu'en capacité de le faire, éprouvait des difficultés à régler ses charges courantes et que les dirigeants souhaitaient finalement non plus poursuivre mais céder l'activité et les actifs et relevait aussi que l'entreprise était normalement en capacité de régler ses fournisseurs,
- elle a par ailleurs à maintes reprises relancé la société [12] pour qu'elle règle ses fournisseurs et au regard de sa mission de simple assistance, qui ne l'investissait pas de la gestion - en particulier pas des paiements - courants, Me [O] ne pouvait agir autrement,
- l'administrateur judiciaire avec mission d'assistance ne se substitue aucunement aux dirigeants sociaux qui demeurent en place et restent seuls en charge de la gestion courante, notamment des paiements aux fournisseurs, que l'administrateur ne fait que valider - ou pas - lorsqu'ils lui sont présentés, et en l'espèce, ils ont régulièrement transmis à la société [12] les demandes de règlement de la société [29],
- elle a sollicité la conversion du redressement en liquidation judiciaires dès qu'il est apparu que la poursuite de l'exploitation ou la cession étaient compromises.
Pour contester le préjudice, ils font valoir que :
- le préjudice allégué trouve son origine exclusive dans les choix de la demanderesse elle-même, qui doit en répondre dès lors qu'en ne résiliant pas le contrat pour non-paiement des factures la société [29] a pris, dans son intérêt et en pleine connaissance de la procédure collective dont faisait l'objet la société [12], un risque commercial et financier, qu'elle ne peut tenter de faire supporter à l'administrateur judiciaire,
- au regard de l'option exercée et des factures alléguées, le préjudice ne peut être antérieur au 4 novembre 2019 (date de l'option) ni postérieur au 17 décembre 2019 (date de la dernière facture invoquée) et en toute hypothèse, il n'est pas démontré que les opérations de liquidation judiciaire ne permettront pas un règlement, total ou partiel, de l'arriéré allégué,
- en effet, le tribunal s'est, à cet égard, borné à opposer qu'il existerait « peu d'espoir » à la société [29] pour le recouvrement de ses créances, ce qui ne suffit pas à caractériser un préjudice certain, né et actuel, seul indemnisable au visa de l'article 1240 du code civil,
- surabondamment, la présente action tendant à l'allocation de dommages-intérêts délictuels, ceux-ci, de principe et jurisprudence constants, ne pourraient venir réparer qu'une simple perte de chance, que pourtant là encore saisi du moyen, le premier juge n'a aucunement caractérisée, en condamnant à la somme arithmétique de la totalité des factures alléguées,
- le tribunal devait exclure la TVA du montant des dommages et intérêts.
Prétentions et moyens de la société [29]:
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie dématérialisée le 8 janvier 2025, la société [29], demande à la cour au visa des articles 378 et 700 du code de procédure civile, et des articles L.622-13, L.622-17 et L.631-14 du code de commerce de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Grenoble le 28 septembre 2023 en toutes ses dispositions,
En tout état de cause,
- débouter la société [9] et Me [O] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
- condamner la société [9] et Me [O] à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de la société [22].
S'agissant des fautes reprochées, elle se prévaut d'un défaut de supervision fautif du contrat continué résultant de ce que :
- l'administrateur l'a induit en erreur sur le contrôle qu'il exerçait sur son administrée, dès lors que :
* en application des articles L.622-13 et L.631-14 du code de commerce au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l'administrateur s'assure, au moment où il demande l'exécution du contrat, qu'il disposera des fonds nécessaires pour assurer le paiement en résultant. S'il s'agit d'un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, l'administrateur y met fin s'il lui apparaît qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant,
* cela confirme la nécessité pour le débiteur de disposer à l'ouverture de la procédure collective d'une trésorerie suffisante pour être en mesure de s'approvisionner,
* la société [9], prise en la personne de Me [O], a été nommée administrateur judiciaire de la société [12] à compter du 19 septembre 2019 et à ce titre elle lui a, à plusieurs reprises indiqué que le contrat devait être continué et l'a assurée du paiement des factures, puisque selon courriel du 26 septembre 2019, la société [9] lui a indiqué : « dans la mesure où les prestations sont effectuées postérieurement à l'ouverture de la procédure, celles-ci seront réglées par l'entreprise avec la validation du cabinet. La société [12] poursuit son activité normalement », puis par un second courriel du 30 septembre 2019, dans lequel elle lui a assuré que « pour les prestations réalisées postérieurement à l'ouverture de la procédure, elles seront réglées à réception des factures. Vous pouvez établir des factures proformat, qui seront réglées à réception »,
* le 26 septembre 2019, la poursuite du contrat a été ordonnée par l'administrateur, mais faisant preuve d'une grande prudence, elle a demandé confirmation officielle à la société [9], par l'intermédiaire de son conseil, de la poursuite du contrat, elle précisait même les futures échéances de paiement des factures, émises à compter du 25 septembre 2019, c'est-à-dire postérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire et la société [9], en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société [12], lui a confirmé la continuation du contrat, après plusieurs relances, le 4 novembre 2019,
* ce n'est pas l'option de continuation du contrat, à proprement parler, qui est en cause, mais le défaut de vigilance et la mauvaise supervision de l'administrateur judiciaire dans le cadre de la poursuite du contrat qui sont fautives,
* en effet les obligations de l'administrateur quant à l'option ne se limitent pas à la décision de continuation du contrat, celles-ci se poursuivent tout au long de l'exécution du contrat et c'est à tout moment de la poursuite du contrat en cours que l'administrateur judiciaire doit s'assurer que l'exécution du contrat reste possible et que le partenaire ne subit aucun impayé,
* en conséquence la faute peut survenir au cours de l'exécution du contrat et elle s'apprécie donc tout au long de l'exécution du contrat,
* l'ancien administrateur judiciaire lui a indiqué contrôler les prestations commandées par son administrée, et à l'en croire, cette dernière avait donc les fonds pour payer son prestataire ce que la société [9] reconnaît précisément car elle indique que son accord à la poursuite du contrat s'appuyait notamment sur la production d'un prévisionnel d'exploitation et de trésorerie réalisé par l'expert-comptable de l'entreprise, qui faisait apparaître que l'entreprise serait à même de financer son cycle d'exploitation,
* confortée par l'assurance du paiement donnée par la société [9], elle a donc réalisé les prestations de dégrêlage et de débosselage, entre septembre 2019 et janvier 2020,
* elle lui a assuré à plusieurs reprises que ses factures seraient réglées à réception, et lui a indiqué dans les correspondances de septembre 2019, qu'elle validerait elle-même les factures, garantissant donc leur paiement en lui indiquant que « dans la mesure où les prestations sont effectuées postérieurement à l'ouverture de la procédure, celles-ci seront réglées par l'entreprise avec la validation du cabinet » et que « dans la mesure où vous effectuez vos prestations et que je suis informée de la facture d'une part et de la bonne exécution de vos prestations d'autre part, votre facture sera réglée »,
* elle était fondée à croire au correct paiement de ses prestations à partir des mois de septembre et octobre 2019, soit le début de la continuation du contrat dès lors que c'est la période, à laquelle la Selarl [9] lui a indiqué selon courrier du 10 octobre 2019 contrôler les factures émises et même recevoir le paiement de la société [12],
* confortant la promesse du correct paiement des prestations, un virement de 20.470,65 euros a ainsi été émis le 25 janvier 2020 par la société [12], correspondant à certaines de ses factures, de sorte qu'elle était en mesure de penser que le reste de ses prestations serait réglé par la suite, sans savoir que ce virement serait en réalité le seul,
* ses correspondances adressées à l'administrateur démontrent parfaitement qu'elle a sollicité, à plusieurs reprises, l'administrateur afin de s'assurer qu'elle pouvait poursuivre le contrat conclu avec la société [13] et que ses factures seraient bien payées à échéance et les réponses de l'administrateur sur la situation de son administré l'ont incontestablement incité à poursuivre le contrat et réaliser les prestations demandées,
- pendant la période de continuation du contrat à exécutions successives, l'état de la trésorerie disponible aurait dû conduire à sa résiliation alors que :
* la Cour de cassation rappelle régulièrement que l'administrateur judiciaire est tenu de vérifier, au moment où les commandes sont passées, que la société était en mesure de s'acquitter des factures reçues,
* or, une étude attentive du rapport de l'administrateur rédigé en novembre 2019, au cours de la période d'observation, suggère que la trésorerie disponible auprès de la société [12] ne permettait pas de régler les prestations validées par l'administrateur puisque le 18 novembre 2019, il est indiqué que la trésorerie est de 83.000 euros, étant précisé qu'il existe un défaut de paiement des loyers depuis l'ouverture de la procédure soit environ 12.000 euros et qu'à cette date le montant des factures qu'elle a émises s'élevait déjà à 80.536,53 euros,
* le 24 janvier 2020, le rapport a actualisé la trésorerie disponible à 97.000 euros, suggérant une situation financière rassurante de l'entreprise, or au 6 janvier 2020, date de sa dernière facture émise avant la rédaction du rapport, le montant de ses factures émises était de 127.913, 51 euros, alors que son rapport est contredit le 25 janvier 2020, soit le lendemain, Me [O] alertant la société [12] qu'ils avaient « un encours stratosphérique vis-à-vis de ce sous-traitant, constitué sur la période d'observation » et constatait « un état de trésorerie négative »,
* en réalité, son paiement reposait uniquement sur les recouvrements espérés par l'administrateur, auprès des assureurs, qui n'étaient pas encore dans la trésorerie de la société [12] car le recouvrement de ces sommes était particulièrement incertain et laborieux, comme le rappelle l'administrateur dans l'ensemble de ses rapports, et en atteste l'état des créances clients, non encaissées depuis le mois de juillet 2019, de 658.000 euros,
* une étude attentive, et vigilante, de la situation de son administrée aurait permis à l'administrateur de s'apercevoir qu'il ne pouvait laisser le contrat se poursuivre,
* le moyen tiré de la période d'exécution du contrat relativement courte est totalement inopérant compte tenu de l'information régulière qu'elle a donnée s'agissant de ses difficultés à être payée pour les prestations réalisées et alors que comme l'a très justement relevé le tribunal, elle a alerté l'administrateur, ce qui est par ailleurs démontré par les échanges de mails,
* l'administrateur aurait dû interrompre la prestation commandée et solliciter la conversion du redressement en liquidation judiciaire bien plus tôt compte tenu des éléments d'information en sa possession (tant du fait des impayés que du fait de la trésorerie de l'administré),
* il a fait preuve de passivité et de négligence, comme l'a retenu le tribunal,
- l'administrateur n'a pas été vigilant dans le contrôle régulier du contrat continué dès lors que :
* la société [9] a précisément été désignée pour « assister le débiteur dans tous les actes concernant la gestion, ce qui implique qu'elle contrôle étroitement, et de manière effective, les entrées et les sorties d'argent des comptes de son administrée ce qu'elle n'a pas fait, puisque les fonds, effectivement perçus par la société [12] de la part des assureurs des véhicules endommagés et confiés en réparation, ainsi que des règlements reçus de ses clients, ne lui ont pas bénéficié, de sorte que l'administrateur a fait preuve d'un défaut de surveillance des règlements perçus par la société [12],
* la Selarl [9] a fait preuve de légèreté blâmable dans la supervision du règlement des fournisseurs car si elle affirme avoir adressé des demandes insistantes de règlement à la société [12] et l'avoir relancée à maintes reprises, en réalité il n'y a eu que de vagues relances en paiement, alors que l'administrateur aurait dû se saisir sérieusement de la question, dès la première alerte qu'elle a donnée en novembre 2019 s'agissant du défaut de paiement.
* ce n'est en effet que le 25 janvier 2020 que l'administrateur a commencé à prendre les choses en mains, et alertait plus strictement la société [12] sur son obligation de paiement alors qu'il était trop tard puisqu'elle avait effectué toutes ses prestations.
En réponse aux appelants, elle fait valoir que :
- le moyen tiré de ce que l'administrateur judiciaire était tenu d'une simple mission d'assistance ne peut utilement prospérer alors que si l'administration de l'entreprise reste assurée par son dirigeant, l'administrateur a le devoir de veiller au respect de toutes les obligations légales incombant au chef d'entreprise et les décisions stratégiques et générales sont prises en commun par le dirigeant et l'administrateur et la poursuite de l'entreprise s'exerce ainsi sous leur responsabilité partagée,
- sa faute résultant du non-respect de ses engagements n'implique pas une garantie de paiement mais l'obligation de s'assurer que la trésorerie du débiteur permettrait d'acquitter les factures,
- la faute de l'administrateur en raison du défaut de paiement de commandes passées par le débiteur doit être appréciée à la date à laquelle a pris naissance la créance du fournisseur, c'est à dire à la date de la commande, de sorte que le moyen des appelants selon laquelle la faute de l'administrateur s'apprécie à la date de l'option exercée est donc inopérant.
Pour justifier du lien de causalité entre les fautes reprochées à l'administrateur judiciaire et son préjudice, elle indique que :
- l'administrateur a sollicité la conversion en liquidation judiciaire seulement le 1er septembre 2020, alors pourtant qu'il indiquait en juin que l'encours fournisseur de [29] de 141.000 euros justifierait le dépôt d'une requête en conversion en liquidation judiciaire, et que c'est dès le 27 janvier 2020 que le solde cumulé des factures [29] atteignait près de 130.000 euros,
- elle a informé immédiatement la Selarl [9] des premiers défauts de paiement qu'elle constatait par un courriel en date du 14 novembre et par un courrier en date du 6 décembre 2019, accompagné de la mise en demeure de payer du même jour adressée à la société [12] et pour autant, la Selarl [9], loin de s'inquiéter de ce défaut de paiement et du risque que représentait l'augmentation rapide de cet encours, s'est contentée par courriel du 13 décembre 2019 de lui indiquer qu'elle lui laissait le soin de se rapprocher de cette dernière,
- cet attentisme de l'administrateur judiciaire est d'autant plus frappant qu'il savait parfaitement, pour en avoir été mis en copie, qu'une mise en demeure avait déjà été envoyée quelques jours plus tôt le 6 décembre 2019,
- si la Selarl [9], lorsqu'elle était administrateur judiciaire, avait effectué les diligences attendues de sa fonction, au moment où elle était informée des premiers impayés, elle aurait nécessairement constaté que des paiements clients étaient versés dans les comptes de la société par les assurances de la société [12], pour les prestations réalisées par la société [29] de sorte que ces carences sont les causes directes de son préjudice financier, laissant se développer une situation déficitaire à son préjudice.
Elle conteste le caractère de perte de chance de son préjudice, faisant valoir que :
- son préjudice ne résulte pas d'une perte de chance, mais bien de l'impossibilité de recouvrer les sommes dues en exécution des prestations faites puisque sans les manquements constatés, la créance n'aurait jamais vu le jour,
- si les appelants suggèrent qu'elle pourrait être désintéressée de sa créance, grâce aux opérations de liquidation judiciaire, sa créance a un rang chirographaire et les appelants indiquent eux-mêmes l'insolvabilité de la société [12], celle-ci ayant été placée en liquidation car elle ne pouvait désormais plus faire face à ses charges courantes, par conséquent elle ne peut pas faire face à sa créance chirographaire.
Pour contester toute faute de sa part exonératoire de la responsabilité des appelants, elle expose que :
- c'est justement du fait de la procédure collective de la société [12] qu'elle a pris soin de s'assurer auprès de l'administrateur que le contrat continué serait exécuté par la société débitrice,
- les échanges de mails sont particulièrement révélateurs de sa méfiance du fait du placement en redressement judiciaire de la société [12] mais aussi de sa confiance en la présence d'un administrateur judiciaire pour la poursuite du contrat,
- il ne peut lui être reproché, compte tenu de l'option de continuer le contrat en cours, et l'exécution de ses obligations contractuelles.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 mars 2025, l'affaire a été appelée à l'audience du 17 avril 2025 et la décision mise en délibéré a été prononcée le 3 juillet 2025.
MOTIFS DE LA DECISION :
L'article L.622-13, II du code de commerce, applicable à la procédure de redressement judiciaire par renvoi de l'article L.631-14, dispose que l'administrateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur.
Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l'administrateur s'assure, au moment où il demande l'exécution du contrat, qu'il disposera des fonds nécessaires pour assurer le paiement en résultant. S'il s'agit d'un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, l'administrateur y met fin s'il lui apparaît qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant.
Selon l'article L.631-14 alinéa 4 du code de commerce, lorsqu'est exercée la faculté prévue par le [21]-13 et que la prestation porte sur le paiement d'une somme d'argent, celui-ci doit se faire au comptant, sauf pour l'administrateur à obtenir l'acceptation de délais de paiement par le cocontractant du débiteur. Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l'administrateur s'assure, au moment où il demande l'exécution, qu'il disposera des fonds nécessaires à cet effet.
Il résulte de ces dispositions que l'administrateur qui demande la poursuite du contrat en ne s'assurant pas ensuite des capacités de l'entreprise à exécuter son obligation de payer, engage sa responsabilité (Com. 6 juill. 1999, n°96-16). S'agissant d'une obligation de moyen, il appartient au cocontractant impayé d'établir la faute de l'administrateur. La responsabilité de l'administrateur doit être appréciée au moment de l'exercice de l'option en tenant compte des éléments prévisionnels de gestion à la disposition de ce dernier (Com. 14 oct. 2008, n° 07-16.109 ; Com. 2 oct. 2012, n° 11-21.934 ; Com. 30 oct. 2012, n° 11-26.530).
Ainsi, lorsque la responsabilité de l'administrateur est recherchée par le cocontractant qui n'a pas été payé des prestations dues au titre du contrat continué, aucune faute ne peut être retenue à son encontre si, à la date de l'exercice de l'option, la trésorerie de l'entreprise était suffisante pour assumer l'exécution du contrat. Une fois prise la décision de continuer le contrat, il doit veiller à ce que l'entreprise soit en mesure de continuer à poursuivre ses engagements, et sa responsabilité est engagée s'il est établi qu'il a ensuite laissé les contrats litigieux se poursuivre en sachant que les factures ne pourraient plus être réglées, (Com. 5 avr. 2016, n° 14-21.664).
En l'espèce, selon courriel du 4 novembre 2019, la Selarl [9], représentée par Me [O], ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société [12] a indiqué à la société [29] qu'il entendait poursuivre le contrat de prestation de service régularisé entre les parties le 10 septembre 2019.
Il ressort des éléments de la procédure qu'à la date de l'option exercée par Me [O], le montant des factures émises par la société [29] s'élevait à la somme de 27.635,20 euros TTC comme cela résulte du courrier qui lui a été adressé par le conseil de cette dernière le 10 octobre 2019, dont 11.153,67 euros, arrivés à échéance le 26 septembre 2019. Or, selon le bilan de la société [12] établi par Me [O] le 18 novembre 2019, soit quelques jours après l'exercice de l'option s'agissant du contrat litigieux, la trésorerie de cette dernière s'élevait à 83.000 euros, de sorte que les appelants sont bien fondés à soutenir qu'en optant pour la poursuite du contrat, Me [O] n'a donc commis aucune faute, alors qu'à la date de ladite option, les éléments dont il disposait démontraient que l'entreprise pouvait assumer la charge de ce contrat.
Néanmoins, si Me [O], investi d'une simple mesure d'assistance, n'était pas en charge du paiement des cocontractants et de la tenue de la comptabilité de la société [12], et s'il n'est pas exigé de lui, ès-qualité d'administrateur judiciaire, un suivi permanent de la trésorerie, en revanche, il lui appartenait de s'assurer que la société [12] était en mesure d'honorer les factures émises par la société [29].
Or, si dans son rapport du 24 janvier 2020, Me [O] a actualisé la trésorerie disponible à 97.000 euros, suggérant une situation financière rassurante de l'entreprise [12], cette situation dont il est fait état dans ce document est contredite par les propres déclarations de l'administrateur judiciaire, formulées dès le lendemain, dans un courriel du 25 janvier 2020 relatif aux « règlements Selagip -[19] », alertant la société [12] dans les termes suivants : « je constate que nous avons un encours stratosphérique vis-à-vis de ce sous-traitant, constitué sur la période d'observation. Je veux bien entendre qu'il y ait des retards de règlement des clients mais il convient très rapidement de commencer à rembourser à l'appui des virements [16]. La procédure de redressement judiciaire impose un paiement comptant des fournisseurs et autres prestataires. Au regard de ce principe, et de la trésorerie disponible, je suis amené à constater un état de trésorerie négative et ce, à quelques jours d'une audience du tribunal. Je vous remercie de bien vouloir m'adresser un état de l'encours fournisseur global constitué sur la période d'observation ».
Par ailleurs, Me [O] a été alerté le 14 novembre 2019 par le conseil de la société [29] de ce que sa cliente demeurait impayée de quatre factures échues entre le 9 novembre 2019 et le 10 novembre 2019 pour la somme totale de 25.059,85 euros. Il a ensuite été destinataire d'un courrier du conseil de la société [29] en date du 6 décembre 2019 l'alertant de ce que la dette de la société [12] s'élevait 149.703,31 euros dont 41.410,57 euros de factures échues impayées, nonobstant une relance du 14 novembre 2019 ainsi que de la copie de la mise en demeure adressée à cette dernière également le 6 décembre 2019.
Il ressort de ces éléments, que, Me [O], qui, bien qu'informé dès le 14 novembre 2019 que des factures échues de la société [12] étaient impayées, ne s'est rendu compte que le 25 janvier 2020 que la trésorerie était négative, alors que la veille, il concluait à l'existence d'une trésorerie largement excédentaire, a ainsi été négligent dans le suivi de l'état financier de la société [12], commettant une faute d'appréciation de l'état réel de la situation de cette dernière et a manqué à son devoir de vigilance en laissant se poursuivre un contrat sans tenir compte des alertes émises par le créancier impayé.
La société [29] est donc bien fondée à rechercher la responsabilité de la Selarl [9] et de Me [O], ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société [29], en réparation de son préjudice, lequel s'analyse en une perte de chance de ne pas contracter avec une société solvable.
En effet, contrairement à ce que soutiennent les appelants, la société [29] n'est pas à l'origine de son préjudice, alors que dès le 26 septembre 2019, soit moins de 10 jours après l'ouverture de la procédure collective de la société [12], l'intimée a interrogé la Selarl [9], représentée par Me [O], afin de connaître sa position sur les garanties apportées par la société [12] pour payer ses factures et sur les risques de liquidation judiciaire de celle-ci, lequel lui a indiqué par courriel du 26 septembre 2019, que la société [12] poursuivait son activité normalement et que ses factures seraient payées par l'entreprise avec la validation du cabinet, puis lui a encore rappelé selon courriel du 30 septembre 2019, que les factures relatives aux prestations postérieures à l'ouverture de la procédure étaient réglées à réception et qu'elle pouvait à ce titre établir des factures [27].
Il ne peut donc utilement être reproché à la société [29], qui a ainsi pris toutes les précautions nécessaires auprès de l'administrateur judiciaire afin de s'assurer de la bonne exécution par la société [12] de ses engagements contractuels nonobstant la procédure de redressement judiciaire dont elle a fait l'objet, d'avoir, dans son intérêt et en pleine connaissance de cette procédure, pris un risque commercial et financier.
De même, le moyen tiré de l'absence de démonstration par l'intimée que les opérations de liquidation judiciaire ne permettraient pas un règlement, total ou partiel, de l'arriéré allégué, est inopérant, alors que les créances de la société [29] sont des créances postérieures à l'ouverture de la procédure collective de la société [12], qui doivent en conséquence être payées à leur échéance.
Compte tenu du caractère très spécifique et donc peu répandu de l'activité de débosselage, le préjudice de perte de chance de contracter avec une société solvable peut être fixé à 60 %, étant relevé que les factures impayées antérieures à l'option exercée par l'administrateur judiciaire le 4 novembre 2019 ne sauraient être prises en compte, aucune faute n'étant caractérisé à l'encontre de ce dernier antérieurement à cette date.
En revanche, contrairement à ce que soutiennent encore les appelants, la dernière facture impayée invoquée n'a pas été émise le 17 décembre 2019, mais le 27 janvier 2020, comme cela résulte du grand livre des comptes clients de l'intimée, lequel mentionne un total de factures impayé de 129.441,25 euros. En conséquence, il convient de fixer le montant de l'indemnisation à la somme de 77.664,75 euros (129.441,25 euros x 60 %), lequel s'entend sans TVA.
Il convient donc de condamner in solidum la Selarl [9] et Me [O], ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société [29] à payer à cette dernière la somme de 77.664,75 euros et d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a fixé le préjudice de la société [29] à la somme de 129.441,25 euros.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
La Selarl [9] et Me [O], ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société [29] doivent supporter in solidum les dépens de première instance et d'appel comme la totalité des frais irrépétibles exposés et verser in solidum à la société [29] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel. Il convient en outre de confirmer le jugement déféré. Il y a également lieu de débouter la Selarl [9] et Me [O], ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société [29] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement en ce qu'il condamné in solidum la Selarl [9] et son représentant, Me [O] à payer à la société [29] la somme de 129.441,25 euros,
Confirme le jugement déféré pour le surplus,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Condamne in solidum la Selarl [9] et son représentant, Me [O], ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société [29] à payer à la société [29] la somme de 77.664,75 euros en réparation de son préjudice de perte de chance,
Déboute la Selarl [9] et son représentant, Me [O], ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société [29] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la Selarl [9] et son représentant, Me [O], ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société [29] à payer à la société [29] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne in solidum la Selarl [9] et son représentant, Me [O], ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société [29] aux dépens d'appel, avec, pour ces derniers, droit de recouvrement direct au profit de la Selarl Lexavoue Grenoble, avocat, par application de l'article 699 du code de procédure civile.
Signé par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente