CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 4 juillet 2025, n° 22/15904
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Roundesk (SARL)
Défendeur :
Ps Mobile Access (SASU)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ardisson
Conseillers :
Mme L'Eleu de la Simone, Mme Guillemain
Avocats :
Me Bazin, Me Namiech, Me de la Taille, Me Morat
FAITS ET PROCEDURE
Les numéros de services à valeur ajoutée (SVA) permettent à des éditeurs de vendre des contenus ou des services spécifiques par voie téléphonique et d'en recouvrer le prix via une surtaxe, qui s'ajoute au prix de la communication normale'; cette surtaxe est prélevée sur la facture de l'opérateur de service téléphonique de l'appelant.
La société Digital Virgo Entertainment met des numéros SVA à la disposition des marchands éditeurs de contenus ou à des agrégateurs qui les affectent à leurs propres clients éditeurs de contenus. Dans le cadre de cette activité, les opérateurs de téléphonie ([Localité 9], SFR, Free, Bouygues) lui reversent le coût des télécommunications que les usagers ont passées pour accéder au numéro surtaxé, l'opérateur de téléphonie conservant une commission.
Elle est liée contractuellement à la société [Localité 9] qui intervient en qualité d'opérateur d'interconnexion, dans le cadre d'un contrat définissant les Conditions spécifiques d'accès et de commercialisation des Services à Valeur Ajoutée. Ce contrat d'interconnexion lui a été cédé par la société Rentabiliweb, rétroactivement à compter du 30 novembre 2017.
La société Digital Virgo Entertainment est devenue la société Digital Virgo France, laquelle a, par la suite, cédé sa convention d'interconnexion à la société Digital Global Pass, avec effet au 1er octobre 2020.
Puis, la société Digital Global Pass a changé de dénomination sociale, pour devenir la société PS Mobile Access (PSMA).
La société Roundesk anciennement dénommée Externalcom est un opérateur intermédiaire. Elle a acquis auprès de la société Rentabiliweb le numéro surtaxé 08 90 00 02 01, que celle-ci avait préalablement obtenu auprès de l'opérateur [Localité 9]. Suivant devis accepté le 18 mars 2019, la société Roundesk a mis ensuite ce numéro à la disposition de M. [C] [D], exerçant sous l'enseigne Psportif, qui propose des conseils et des pronostics sportifs, en qualité d'éditeur de service.
Le 26 juin 2019, la société [Localité 9] a informé, par courriel, la société PSMA qu'elle avait détecté un trafic anormal sur le numéro SVA 08 90 00 02 01 et qu'elle décidait, à titre conservatoire, conformément à l'article 4.4.3.2 des Conditions spécifiques de la Convention d'interconnexion, de suspendre le numéro et de contester le reversement relatif aux appels vers celui-ci à compter du 4 avril 2019.
La société PSMA a retransmis ces informations à la société Roundesk, le même jour.
En réponse aux demandes de précisions de la société PSMA, formulées par courriels des 28 juin et 5 juillet 2019, pour le compte de sa cliente, la société [Localité 9], après avoir approfondi ses investigations, lui a transmis, par retour de mail du 5 juillet 2019, l'horodatage de l'ensemble des appels passés, en lui indiquant qu'elle contestait la globalité du reversement lié au trafic vers le numéro SVA sur les mois d'avril, mai et juin 2019. La société PSMA a donné connaissance des termes de ce courriel aussitôt à la société Roundesk. La société [Localité 9] devait décider, en conséquence, de conserver la somme de 22.400 € HT à titre de sanction.
Suivant exploits des 15 et 16 février 2021, la société Roundesk a fait assigner la société Digital Virgo France et la société [Localité 9] devant le tribunal de commerce de Paris, afin de les voir condamner solidairement à lui payer la somme de 22.400 € HT au titre des reversements qu'elle estimait retenus de façon injustifiée, et de leur faire injonction de rétablir la ligne.
La société PSMA est intervenue volontairement à l'instance.
Par jugement en date du 15 juin 2022, le tribunal a':
- Dit recevable la société PSMA en son intervention volontaire';
- Débouté la société PSMA et la société [Localité 9] de leur demande visant à voir déclarer nulle l'assignation et dit l'assignation valide';
- Débouté la société PSMA de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action';
- Débouté la société Roundesk de ses demandes';
- Condamné la société Roundesk à payer à la société PSMA et à la société [Localité 9], chacune la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires
- Condamné la société Roundesk aux dépens.
La SARL Roundesk a formé appel du jugement, par déclaration du 7 septembre 2022.
Dans ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique, le 29 novembre 2022, elle demande à la Cour de :
"- RECEVOIR la société ROUNDESK, anciennement dénommée EXTERNALCOM, en son appel
- INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce ;
- STATUANT à nouveau
- CONDAMNER solidairement les sociétés PS MOBILE ACCESS, venant aux droits de la société DIGITAL VIRGO, à régler à la société ROUNDESK la somme de 22.400 € HT au titre des reversements pour les mois d'avril, mai et juin 2019 ;
- CONDAMNER solidairement les sociétés PS MOBILE ACCESS et [Localité 9] à régler les intérêts au taux légal à compter de l'émission des factures ;
- ORDONNER aux sociétés PS MOBILE ACCESS et [Localité 9] d'avoir à rétablir la ligne [XXXXXXXX01] attribuée à la société EXTERNALCOM, devenue la société ROUNDESK, et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification du jugement
- CONDAMNER la société [Localité 9] à payer à la société ROUNDESK la somme de 5.000 € en réparation de son préjudice ;
- CONDAMNER les sociétés PS MOBILE ACCESS et [Localité 9] chacune à payer à la société ROUNDESK la somme de 7.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
- ORDONNER l'exécution provisoire
- CONDAMNER les sociétés PS MOBILE ACCESS et [Localité 9] aux entiers dépens".
Dans ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique, le 15 février 2023, la SASU PS Mobile Access demande à la Cour, au visa des articles 56 et 122 du code de procédure civile et des articles 2224, 2254, 1103 et 1217 du code civil, de :
"A TITRE PRINCIPAL :
' INFIRMER partiellement le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a débouté la société PS MOBILE ACCESS de sa fin de non-recevoir visant à voir l'action irrecevable comme prescrite ;
Et statuant à nouveau :
' DECLARER irrecevable comme prescrite l'action engagée par la société ROUNDESK à l'encontre de la société DIGITAL VIRGO aux droits de laquelle vient la société PS MOBILE ACCESS ;
SUBSIDIAIREMENT :
' RECEVOIR la société PS MOBILE ACCESS en toutes ses demandes, fins et moyens et la déclarer bien fondée et notamment :
CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a débouté la société ROUNDESK de l'intégralité de ses demandes, fins et moyens ;
DECLARER irrecevable la demande nouvelle de la société ROUNDESK selon laquelle les stipulations du contrat liant ROUNDESK et DIGITAL VIRGO aux droits de laquelle vient la société PS MOBILE ACCESS seraient frappées de nullité en ce qu'elles créeraient un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE, si la Cour d'appel de Paris devait faire partiellement droit aux demandes de la société ROUNDESK
' FIXER le montant de la créance de la société ROUNDESK déduction faite des commissions contractuellement prévues au bénéfice d'[Localité 9] et de PS MOBILE ACCESS ;
' CONDAMNER la société [Localité 9] à garantir la société PS MOBILE ACCESS de toute condamnation éventuellement prononcée à son encontre.
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
' CONDAMNER la société ROUNDESK à verser à la société PS MOBILE ACCESS la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' CONDAMNER la société ROUNDESK aux entiers dépens de l'instance."
Dans ses dernières conclusions, transmises par voie électronique, le 13 mars 2023, la SA [Localité 9] demande à la Cour de :
"' DECLARER IRRECEVABLE la demande nouvelle formulée par l'appelante uniquement dans les motifs de ses conclusions, visant à voir déclarer nulles les clauses du contrat [Localité 9] conclu avec la société DIGITAL VIRGO relatives au mécanisme de trafic anormal, dont elle est tiers ;
' CONFIRMER le jugement du 15 juin 2022 rendu par le Tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions ;
' CONDAMNER la société ROUNDESK à payer à la société [Localité 9] une somme de 12.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' CONDAMNER la société ROUNDESK aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Me Norbert NAMIECH, avocat, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile."
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties susvisées quant à l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens respectifs.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 novembre 2024.
'
MOTIFS DE LA DECISION
'
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action à l'encontre de la société PSMA
Enoncé des moyens
La société PSMA invoque le bénéfice de l'article 11.2 des Conditions générales de services du contrat liant la société Roundesk prévoyant qu'aucune action judiciaire ou réclamation ne pourra être engagée ou formulée par le client plus d'un an après la survenance du fait générateur. Elle fait valoir que les faits rapportés par la société Roundesk, à l'origine de ses demandes, remontent au mois de juin 2019, alors que l'assignation a été délivrée au mois de février 2021, ce dont elle déduit que l'action, qui aurait dû être introduite avant le mois de juin 2020, se heurte à la prescription.
La société Roundesk ne formule aucune observation.
Réponse de la Cour
Selon l'article 122 du code de procédure civile, "Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée."
En l'occurrence, l'article 11.2 des Conditions générales de services du contrat liant la société Roundesk cédé par la société Rentabiliweb à la société PSMA stipule':
" Aucune action judiciaire ou réclamation, quelle qu'elle soit, ne pourra être engagée ou formulée par le Client à l'encontre de RENTABILIWEB plus d'un (1) an après la survenance du fait générateur d'une telle action ou réclamation."
La validité de cette clause n'est pas remise en cause par la société Roundesk, qui n'a pas conclu sur ce point.
Il résulte des pièces versées aux débats que la société Roundesk a été informée par la société PSMA, le 26 juin 2019, de la décision de la société [Localité 9], prise à titre conservatoire, de suspendre le numéro SVA et de contester le reversement relatif aux appels vers celui-ci.
La société Roundesk ayant adressé à la société PSMA un courriel de réclamation, le 4 juillet 2019, celle-ci lui a transmis, le lendemain, la réponse de la société [Localité 9], reçue le jour même, lui indiquant qu'elle contestait la globalité du reversement lié au trafic vers le numéro SVA sur les mois d'avril, mai et juin 2019.
Il suit de là que le délai de prescription a commencé à courir au plus tard le 5 juillet 2019, au jour où il a été donné connaissance à la société Roundesk de la décision définitive de la société [Localité 9].
En application des articles 2240, 2241 et 2244, la prescription est interrompue par la reconnaissance du débiteur, une demande en justice, même en référé, une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution, ou un acte d'exécution forcée, cette énumération étant limitative. Aussi, contrairement à ce qu'a relevé le tribunal, le courrier de réclamation de la société Roundesk, daté du 4 juillet 2019, n'a pas interrompu le délai de prescription prévu par l'article 11.2 des conditions générales de services.
Au reste, même à supposer que la prescription ait été interrompue, un nouveau délai d'un an aurait commencé à courir à compter du 4 juillet 2019, pour expirer l'année suivante.
L'assignation ayant été délivrée à la société PSMA le 15 février 2021, soit plus d'un an après le terme du délai de prescription, au mois de juillet 2020, l'action de la société Roundesk est donc irrecevable. Le jugement sera, dès lors, infirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société intimée.
Sur la mise en cause de la responsabilité de la société [Localité 9]
Enoncé des moyens
La société Roundesk prétend que les stipulations selon lesquelles les sociétés [Localité 9] et PSMA s'autorisent à suspendre le service et retenir les reversements constitue une clause abusive, au sens de l'article L. 442-1 du code de commerce, dès lors que son application relève de la seule appréciation de l'opérateur. Elle estime que cette clause, qui créé un avantage dépourvu de réciprocité et de contrepartie, traduit ainsi un déséquilibre significatif, dans la mesure où les sociétés [Localité 9] et PSMA n'ont pas d'obligation de prouver l'usage irrégulier des numéros SVA, alors que seule la fraude pourrait fonder de telles mesures. Elle souligne que les recommandations de l'association AF2M ne prévoient ainsi nullement que de telles décisions puissent reposer sur une simple hypothèse de trafic anormal.
Elle réplique que, de toute façon, les sociétés intimées ne rapportent pas la preuve de l'existence d'une fraude, mais font état uniquement de présomptions ; elle remet ainsi en cause les modalités de piratage alléguées, tout en soulignant que la société [Localité 9] ne justifie pas des suites apportées à la plainte pénale qu'elle a déposée. Elle fait valoir que le site de l'enseigne Psportif respecte les prescriptions déontologiques de l'AF2M, et fournit effectivement des pronostics sur les futurs matchs. Pour justifier des anomalies constatées, elle explique qu'il est indiqué, sur le site, que sont seuls acceptés les appels en provenance d'un téléphone fixe, afin d'éviter que des personnes mineures puissent parier et que M. [C] [D] démarche les parieurs en se rendant dans les établissements concernés, de sorte qu'il est logique que les appels soient concentrés dans le département de l'Hérault et dans celui limitrophe du Gard.
La société [Localité 9] invoque, pour sa part, le caractère irrecevable de la demande en nullité des clauses du contrat traitant de la notion de trafic anormal et des sanctions applicables, au motif que celle-ci ne figure pas dans le dispositif des conclusions de l'appelante et qu'il s'agit, de surcroît, d'une prétention nouvelle'; elle ajoute qu'en vertu de l'effet relatif des contrats, la société Roundesk n'est pas recevable à contester les clauses de la convention qui la lie uniquement avec la société PSMA. Subsidiairement, la société intimée rappelle que le mécanisme interdisant et sanctionnant le trafic anormal procède de règles déontologiques ayant pour base légale les articles L. 224-46 et suivants du code de la consommation. Elle précise que l'élaboration de règles de bonnes pratiques sur le marché des SVA a été confiée à l'association AF2M, auxquelles l'éditeur est tenu de se conformer et que celui-ci est rendu responsable lorsque le service offert fait l'objet d'une fraude.
Pour justifier de sa décision de bloquer le reversement, elle allègue plusieurs anomalies décelées au vu du listing des appels téléphoniques, justifiant la qualification de trafic anormal, selon les critères fixés contractuellement. Elle estime que l'accumulation d'indices a permis d'établir l'existence d'une fraude massive en faveur du numéro SVA de M. [C] [D], entre les mois d'avril à juin 2019.
Réponse de la Cour
- Sur la violation des dispositions de L. 442-1 du code de commerce
Il est de principe que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.
En application du principe de la relativité des contrats, prévu par l'article 1199 du code civil, la société Roundesk n'est pas fondée à agir à l'encontre de la société [Localité 9] sur le fondement des stipulations du contrat liant celle-ci avec la société MSMA.
La société [Localité 9] est, néanmoins, susceptible d'être tenue de réparer le dommage invoqué par la société Roundesk, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, à condition que celle-ci démontre avoir subi un dommage en lien de causalité avec un manquement contractuel.
Il convient, par conséquent, de vérifier si, comme le prétend la société Roundesk, le contrat appliqué par la société [Localité 9] comportait des clauses méconnaissant les dispositions de L. 442-1 du code de commerce.
Selon l'article L. 442-6, I, remplacé par l'article L. 442-1, I, du code de commerce, dans sa version alors applicable, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, d'obtenir ou de tenter d'obtenir de l'autre partie un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné, de même que le fait de soumettre ou de tenter de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
Comme le fait valoir la société [Localité 9], l'appelante ne dresse pas la liste des clauses qu'elle estime contraire au texte susvisé. Elle ne fait, par ailleurs, aucune distinction entre les pratiques restrictives dont il s'agit, auxquelles elle fait seulement allusion, alors que celles-ci ne répondent pas à la même définition.
La Cour retiendra que la société Roundesk remet globalement en cause la licéité du mécanisme visant à sanctionner le trafic anormal, notamment l'article 4.4.1 des Conditions spécifiques du contrat d'interconnexion.
Il résulte des dispositions des articles L. 224-46 du code de la consommation, relatif aux services à valeur ajoutée, dans leur version issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, applicable aux faits de la cause, que le législateur impose aux opérateurs de faire respecter des règles déontologiques.
Ces règles déontologiques ont été élaborées par l'association AF2M, qui regroupe et coordonne les travaux entre les opérateurs de communications électroniques, les groupements représentatifs des éditeurs de services et des prestataires techniques, ainsi que les acteurs impliqués dans la lutte contre la fraude.
Ces recommandations, dans leur version applicable aux faits du litige, prévoient que "L'éditeur porte la responsabilité du Service fourni et de sa promotion" (préambule de la Partie I) et que "L'éditeur offre un Service loyal" (Partie I, article 4.1). Il est, en outre, précisé que "L'éditeur doit surveiller l'utilisation inappropriée ou anormale de son Service vis à vis des présentes Recommandations afin de pouvoir y remédier rapidement". (Partie II, article 3.1).
Il résulte de ce qui précède que les sociétés [Localité 9] et PSMA étaient fondées à prévoir contractuellement qu'elles seraient autorisées, par principe, à retenir le reversement et à suspendre au besoin le numéro SVA, en cas de non-respect des règles déontologiques.
Les Conditions spécifiques du contrat d'interconnexion conclu entre la société [Localité 9] et la société PSMA définissent, en leur article 2, le "trafic anormal" comme le "trafic à destination de SVA pouvant relever d'une action frauduleuse".
L'article 4.4.1 prévoit que la société [Localité 9] ou la société PSMA "peuvent, sur signalisation d'un tiers ou à leur propre initiative, être amenées à observer la typologie du trafic et/ou des lignes appelantes sur la base des critères suivants :
' trafic concentré au départ d'un nombre réduit de numéros appelants ;
' appels d'une durée inférieure à deux (2) secondes (dits Hyper Short Calls, HSC), dans la mesure où le service ne peut pas être rendu sur la durée de l'appel;
' profil déséquilibré de lignes appelantes : appels uniquement vers des numéros SVA, pas de réception d'appels'
' appels depuis des cartes volées ou rechargées frauduleusement ou depuis des lignes piratées ;
' appels générés en réponse à des opérations d'appels à rebond (« ping call ») ;
' appels vers un service SVA déloyal au sens des Recommandations Déontologiques ;
' et, de façon générale, toute typologie de flux de trafic et/ou de lignes appelantes qui pourraient présager d'une tentative de fraude au reversement. En fonction des observations, ce trafic peut être qualifié de Trafic Anormal."
Il est ensuite précisé, aux termes de l'article 4.4.2, que les sociétés [Localité 9] et PSMA s'engagent à lutter contre le Trafic Anormal.
Enfin, l'article 4.4.3.1 impose à la société PSMA, "Suite à une signalisation de Trafic Anormal" de "prendre immédiatement l'ensemble des mesures correctrices nécessaires (fermeture du Service, correction des non-conformités') et à en informer [Localité 9] dans un délai de dix (10) jours calendaires", tandis que l'article 4.4.3.2 prévoit que la société [Localité 9] "se réserve le droit à tout moment, sans autre formalité':
' de suspendre l'accès au(x) Numéro(s) SVA objet(s) du Trafic Anormal depuis tout ou partie des Appelants ;
' de déduire de ses paiements au profit de la Société, le S relatif au Trafic Anormal signalé ;
' de refuser l'ouverture de toute nouvelle Ressource SVA de la Société, lorsque celle-ci ne prend pas les mesures correctrices nécessaires, après notification par lettre recommandée avec accusé de réception adressée par [Localité 9], précisant et le cas de Trafic Anormal visé".
Les Conditions générales de services du contrat liant la société Roundesk cédé par la société Rentabiliweb à la société PSMA stipulent en parallèle que celle-ci pourra suspendre la fourniture des services en cas de fraude détectée ou rapportée, et en cas d'usage abusif, frauduleux, illicite suspecté ou rapporté des services (article 5.2).
L'article 8.3 des conditions particulières de ce contrat stipule qu'en cas de manquement aux règles déontologiques, la société PSMA pourra faire cesser celui-ci par tout moyen approprié, y compris la suspension ou la résiliation du numéro SVA concerné, cependant que l'article 14 reproduit les critères du trafic anormal énoncés à l'article 4.4.1 des Conditions spécifiques du contrat d'interconnexion conclu entre la société [Localité 9].
Le contrat conclu entre la société Roundesk et la société PSMA intègre ainsi les obligations imposées par la société [Localité 9], conformément à l'article 4.1 de la convention conclue avec celle-ci, tout en prévoyant pareillement que le reversement dû au client sera tenu en échec en cas de constat de trafic anormal (articles 7.3 et 14 des conditions particulières).
C'est en vain que la société Roundesk prétend que l'article 4.4.1 des Conditions spécifiques du contrat d'interconnexion conclu entre la société [Localité 9] et la société PSMA, qui stipule que, "de façon générale, toute typologie de flux de trafic et/ou de lignes appelantes qui pourraient présager d'une tentative de fraude au reversement" pourrait être qualifié de trafic anormal, autoriserait celles-ci à suspendre le service et les paiements sur la base d'une appréciation arbitraire. Comme l'explique la société PSMA, la définition du trafic anormal répond ainsi à un ensemble de critères précis, la clause litigieuse permettant uniquement de couvrir des cas qui n'auraient pas été anticipés compte tenu de l'évolution de la technique, et elle ne dispense pas les sociétés [Localité 9] et PSMA de prouver l'existence d'un trafic anormal.
Le moyen tiré de ce que les stipulations contractuelles contreviendraient aux dispositions de l'article L. 442-1 du code de commerce, en raison notamment d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, sera donc écarté.
L'irrecevabilité de la demande d'annulation des clauses du contrat soulevée par la société [Localité 9] est elle-même sans objet, la Cour n'ayant pas à statuer sur cette prétention qui ne figure pas dans le dispositif des conclusions de la société Roundesk.
- Sur l'application des clauses du contrat
La société [Localité 9] produit un listing de tous les appels vers le numéro SVA, mis à la disposition de M. [C] [D], exerçant sous l'enseigne Psportif, dont il résulte un faisceau d'indices révélateur d'un trafic anormal.
Il existe ainsi une concentration presque exclusive des appels vers le numéro SVA en provenance des départements du Gard et de l'Hérault, sachant qu'une corrélation entre la chronologie des appels et leur provenance à l'intérieur de ces départements a, par ailleurs, été constatée'; l'examen du listing permet également vérifier que 99,99'% des appels sont en provenance de lignes fixes RTC non rattachées à des box, que 94'% des appels ont été passés entre 18 heures et minuit, soit en dehors des heures de présence des techniciens de la société [Localité 9] dans les centres techniques, alors qu'il est établi, au vu d'un constat d'huissier du 19 juin 2019, que le site n'était nullement fermé avant 17 heures, et enfin que 99,4'% des appels correspondent à un seul appel par ligne
La société [Localité 9] fait valoir, à juste titre, que ces éléments sont caractéristiques d'un piratage des lignes sur un répartiteur où sont physiquement regroupées les lignes utilisées pour passer les appels, quand bien même elle ne serait pas en mesure de décrire la méthode exacte employée.
L'explication apportée à ce sujet par société Roundesk, selon laquelle le site de M. [C] [D] mentionne que les appels doivent être passés depuis une ligne fixe pour éviter que les personnes mineures ne parient, n'emportent pas la conviction, l'efficacité de cette mesure étant douteuse. Par ailleurs, comme l'a retenu le tribunal, la société Roundesk se contente d'affirmer, sans le démontrer, que M. [C] [D] démarcherait les parieurs uniquement en se rendant dans des établissements situés dans les départements concernés.
Force est ainsi de considérer que, par leur accumulation et leur ampleur, les anomalies mises en exergue par la société [Localité 9], ne sauraient résulter de circonstances hasardeuses, mais qu'elles constituent au contraire un faisceau d'indices établissant l'existence un trafic anormal révélateur d'une fraude.
Il importe peu, à cet égard, que ces anomalies n'aient donné lieu à aucun signalement préalable ni que la plainte pénale déposée par la société [Localité 9] n'ait pas été suivie de poursuites judiciaires.
Il s'en déduit que la société [Localité 9] était fondée, en application des clauses du contrat, à conserver les sommes bloquées au titre des mois d'avril, mai et juin 2019, de même qu'à suspendre l'accès au numéro SVA objet du trafic anormal dûment constaté.
Le jugement sera, dès lors, confirmé en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes de la société Roundesk.
Sur les autres demandes
La société Roundesk succombant au recours, le jugement sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.
Statuant de ces chefs en cause d'appel, la Cour la condamnera aux dépens, dont distraction au profit de maître Namiech ainsi qu'à payer à la société PSMA et la société [Localité 9] une indemnité de 7.000 € à chacune d'entre elles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la Cour, sauf en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action à l'encontre de la SASU PS Mobile Access (PSMA),
STATUANT A NOUVEAU,
Y AJOUTANT,
DECLARE irrecevable l'action de la SARL Roundesk à l'encontre de la SASU PS Mobile Access (PSMA) comme étant prescrite,
DIT n'y avoir lieu à statuer sur la demande d'annulation de la clause du contrat formulée uniquement dans les motifs des conclusions de la SARL Roundesk,
CONSTATE que l'irrecevabilité de cette demande soulevée par la SA [Localité 9] est, en conséquence, sans objet,
CONDAMNE la SARL Roundesk aux dépens de l'appel, dont distraction au profit de maître Namiech,
CONDAMNE la SARL Roundesk à payer à la SASU PS Mobile Access (PSMA) la somme de 7.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SARL Roundesk à payer à la SA [Localité 9] la somme de 7.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.