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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 3 juillet 2025, n° 24/10465

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 24/10465

3 juillet 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 03 JUILLET 2025

N°2025/426

Rôle N° RG 24/10465 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNSK2

SAS RESIDENCE HOTEL RESIDELLA

C/

S.C.P. [J] [V]

S.C.I. L'ANGE BLEU

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Maud DAVAL-GUEDJ

Me Céline [Localité 5]

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le TJ de [Localité 6] en date du 12 Juillet 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 23/04808.

APPELANTE

SAS RESIDENCE HOTEL RESIDELLA

dont le siège social est [Adresse 4]

représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Noémie ZERBIB, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

S.C.I. L'ANGE BLEU,

dont le siège social est [Adresse 2]

représentée par Me Céline CONCA de la SELARL MARCHESSAUX-CONCA-CARILLO, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

INTERVENANTE VOLONTAIRE

S.C.P. [J] [V]

prise en la personne de Me [V] en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SAS RESIDENCE HOTEL RESIDELLA, dont le siège social est [Adresse 1]

représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Noémie ZERBIB, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Mai 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Angélique NETO, Présidente chargée du rapport, et Mme Séverine MOGILKA, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Angélique NETO, Présidente rapporteur

Mme Séverine MOGILKA, Conseillère

M. Laurent DESGOUIS, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2025,

Signé par Mme Angélique NETO, Présidente et Mme Caroline VAN-HULST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé en date du 14 janvier 2014, la société civile immobilière (SCI) L'Ange bleu a consenti à la société à responsabilité limitée (SARL) Soleillado, aux droits de laquelle intervient la société par actions simplifiée (SAS) [Adresse 7], un bail commercial portant sur des locaux situés [Adresse 3] à Gemenos (13420) à usage d'hôtel, de résidence de tourisme et de résidence meublée.

Soutenant que le commandement de payer un arriéré locatif, délivré par exploit d'huissier en date du 10 août 2023, visant la clause résolutoire insérée au bail, est resté infructueux, la société L'Ange bleu a fait assigner la société [Adresse 7], suivant acte de commissaire de justice en date du 25 octobre 2023, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Marseille aux fins notamment d'entendre ordonner la résiliation du bail, l'expulsion du preneur et sa condamnation à lui verser diverses sommes à titre provisionnel.

Par ordonnance contradictoire en date du 12 juillet 2024, ce magistrat a :

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial ;

- en a suspendu les effets ;

- condamné la société Résidence hôtel Résidella à payer à la société L'Ange bleu la somme de 199 021,66 euros à titre de provision sur la dette locative arrêtée au mois de juin 2024 ;

- dit que la société [Adresse 7] pourra se libérer de sa dette selon les modalités suivantes :

* versement de la somme de 42 000 euros par chèque de banque au plus tard le 25 juin 2024 en paiement de 40 000 euros d'arriéré locatif et 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

* le paiement de 6 mensualités d'un montant total de 42 550,38 euros incluant le loyer courant de 16 046,77 euros à la même date que le paiement du loyer, la dernière mensualité étant majorée du coût du commandement de payer de 247,12 euros et les dépens ;

- ordonné, à défaut d'un seul et unique versement d'une mensualité précitée d'apurement de la dette ou d'un seul loyer venant à échéance, la résiliation immédiate et définitive du bail et l'expulsion de la société Résidence hôtel Résidella et de tout occupant de son chef ;

- dit qu'à défaut d'un seul et unique versement d'une mensualité précitée d'apurement de la dette, le solde de la dette deviendra immédiatement exigible ;

- dit qu'à défaut d'un seul et unique versement d'une mensualité précitée d'apurement de la dette ou d'un seul loyer venant à échéance, la société [Adresse 7] devra payer à la société L'Ange bleu une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du dernier loyer pratiqué, soit la somme de 16 046,77 euros majorée des charges jusqu'à la libération définitive des lieux loués ;

- condamné la société [Adresse 7] à payer à la société L'Ange bleu la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer.

Suivant déclaration transmise au greffe le 16 août 2024, la société [Adresse 7] a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions dûment reprises.

Par jugement en date du 26 septembre 2024, le tribunal de commerce de Marseille a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société la société Résidence hôtel Résidella en désignant Me [V] de la SCP [J] [V] en tant que mandataire judiciaire.

Ce mandataire judiciaire est intervenu volontairement en appel suivant conclusions transmises le 30 mai 2024.

Dans ses dernières conclusions transmises le 17 octobre 2024, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens soulevés, la société [Adresse 7], représentée par son mandataire judiciaire, Me [V] de la SCP [J] [V], sollicite de la cour qu'elle réforme l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau :

- déboute l'intimée de ses demandes ;

- constate et ordonne la suspension de la clause résolutoire du bail conclu le 14 janvier 2014 ;

- prononce et ordonne la suspension de l'exécution de l'ordonnance entreprise ;

- surseoit à statuer dans l'attente de la vérification du passif ;

- condamne l'intimée à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, avec distraction au profit de la SCP Cohen Guedj-Montero-Daval Guedj, sur son offre de droit.

Dans ses dernières conclusions transmises le 14 novembre 2024, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens soulevés, la société L'Ange bleu sollicite de la cour qu'elle :

- rejette l'appel qui a été formé ;

- confirme l'ordonnance entreprise ;

- déboute l'appelante de ses demandes ;

- la condamner à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 12 mai 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'intervention volontaire de Me [V] de la SCP [J] [V] en qualité de mandataire judiciaire de la société [Adresse 7]

Dès lors que le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 26 septembre 2024 a prononcé le redressement judiciaire de la société Résidence hôtel Residella et désigné Me [V] en tant que mandataire judiciaire, il y a lieu d'accueillir cette intervention volontaire.

Sur la recevabilité des demandes de la bailleresse formées à l'encontre de la société [Adresse 7] pour défaut de paiement des loyers et charges antérieurement à l'ouverture de la procédure collective

Selon l'article L 622-21 du code de commerce, applicable au redressement judiciaire par l'effet de l'article L 631-14 du même code, le jugement d'ouverture de la procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ainsi qu'à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

L'article L 622-7 du même code, applicable au redressement judiciaire pour l'effet du même article susvisé, énonce que le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture, non mentionnée au I de l'article L 622-17. Ces interdictions ne sont pas applicables au paiement des créances alimentaires.

Selon l'article L 622-22 du même code, applicable au redressement judiciaire par l'effet du même article susvisé, sous réserve des dispositions de l'article L 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

En conséquence de ce principe d'interdiction des poursuites individuelles, l'action introduite par le bailleur avant la mise en redressement du preneur en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut, dès lors qu'elle n'a donné lieu à aucune décision passée en force de chose jugée, être poursuivie après ce jugement.

Il résulte également des dispositions susvisées que « l'instance en cours », interrompue jusqu'à ce que le créancier poursuivant a procédé à la déclaration de sa créance, est celle qui tend à obtenir, de la juridiction saisie du principal, une décision définitive sur le montant et l'existence de cette créance. Tel n'est pas le cas de l'instance en référé, qui tend à obtenir une condamnation provisionnelle, présentant un caractère provisoire, de sorte que la créance faisant l'objet d'une telle instance ne peut être fixée au passif et doit être soumise à la procédure de vérification des créances et à la décision du juge-commissaire.

En l'espèce, à la date d'ouverture de la procédure collective de la société Résidence hôtel Residella, par jugement du tribunal de commerce de Marseille du 26 septembre 2024, la constatation de la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail pour défaut de paiement de loyers, charges et taxes échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure et les conséquences en résultant, à savoir l'expulsion de la société [Adresse 7] et sa condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle, n'avaient pas été prononcées par une décision passée en force de chose jugée en raison de l'appel interjeté à l'encontre de l'ordonnance de référé du 12 juillet 2024.

Dès lors qu'aucune décision définitive passée en force de chose jugée émanant d'une juridiction du fond n'a constaté, avant l'ouverture de la procédure collective à l'égard de la société Résidence hôtel Residella, l'acquisition de la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail liant les parties pour défaut de paiement de loyers antérieurs à la date de l'ouverture de cette procédure, il n'y a plus lieu à référé sur les demandes susvisées formées par la société L'Ange bleu.

Par ailleurs, l'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'étant pas une instance en cours interrompue par l'ouverture d'une procédure collective, il n'y a pas lieu à référé sur la créance revendiquée par la société L'Ange bleu devant le premier juge correspondant à un arriéré locatif qui serait dû à la date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire, étant relevé, qu'en l'état de cette procédure, aucune condamnation, même à titre provisionnel, ne peut être prononcée à l'encontre de la société [Adresse 7], outre le fait que la cour, statuant en référé, n'aurait pas le pouvoir de fixer de créance au passif d'une procédure collective.

En conséquence, l'ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu'elle a :

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial ;

- en a suspendu les effets ;

- condamné la société Résidence hôtel Résidella à payer à la société L'Ange bleu la somme de 199 021,66 euros à titre de provision sur la dette locative arrêtée au mois de juin 2024 ;

- dit que la société [Adresse 7] pourra se libérer de sa dette selon les modalités suivantes :

* versement de la somme de 42 000 euros par chèque de banque au plus tard le 25 juin 2024 en paiement de 40 000 euros d'arriéré locatif et 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

* le paiement de 6 mensualités d'un montant total de 42 550,38 euros incluant le loyer courant de 16 046,77 euros à la même date que le paiement du loyer, la dernière mensualité étant majorée du coût du commandement de payer de 247,12 euros et les dépens ;

- ordonné, à défaut d'un seul et unique versement d'une mensualité précitée d'apurement de la dette ou d'un seul loyer venant à échéance, la résiliation immédiate et définitive du bail et l'expulsion de la société Résidence hôtel Résidella et de tout occupant de son chef ;

- dit qu'à défaut d'un seul et unique versement d'une mensualité précitée d'apurement de la dette, le solde de la dette deviendra immédiatement exigible ;

- dit qu'à défaut d'un seul et unique versement d'une mensualité précitée d'apurement de la dette ou d'un seul loyer venant à échéance, la société [Adresse 7] devra payer à la société L'Ange bleu une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du dernier loyer pratiqué, soit la somme de 16 046,77 euros majoré des charges jusqu'à la libération définitive des lieux loués.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné la société [Adresse 7] à payer à la société L'Ange bleu la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance.

Chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle a exposés en première instance et en appel.

Enfin, l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance et appel par les parties non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Accueille l'intervention volontaire, en cause d'appel, de Me [V] de la SCP [J] [V], ès qualités de mandataire judiciaire de la SCI L'Ange bleu ;

Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la SCI L'Ange bleu formées à l'encontre de la SAS [Adresse 7] visant à entendre constater la résiliation du bail par suite de l'acquisition de la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail, ordonner l'expulsion de la SAS Résidence hôtel Residella des lieux loués avec toutes les conséquences en résultant et de la voir condamner à lui verser une indemnité provisionnelle d'occupation mensuelle jusqu'à libération effective des lieux ainsi qu'une somme au titre des loyers et charges impayés ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel par les parties non compris dans les dépens ;

Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens de première instance et d'appel par elle exposés.

La greffière La présidente

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