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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 2, 4 juillet 2025, n° 23/16553

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/16553

4 juillet 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2

ARRÊT DU 04 JUILLET 2025

(n°88, 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : n° RG 23/16553 - n° Portalis 35L7-V-B7H-CILLJ

Décision déférée à la Cour : décision du 13 septembre 2023 - Institut [10] - Référence et numéro national : OPP22-0011 / FR3063555 / ANT

REQUERANTE

S.A.S.U. LINXENS HOLDING, agissant en la personne de son directeur général, M. [W] [M], domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Localité 4]

Immatriculée au rcs de [Localité 11] sous le numéro 534 539 986

Représentée par Me Eric ALLERIT de la SELARL TAZE-BERNARD - ALLERIT, avocat au barreau de PARIS, toque P 241

Assistée de Me Catherine MATEU plaidant pour l'AARPI ARMENGAUD - GUERLAIN,

avocate au barreau de PARIS, toque W 07

EN PRESENCE DE

MONSIEUR LE DIRECTEUR GENERAL DE L'INSTITUT [10] (INPI)

[Adresse 1]

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représenté par Mme [K] [N], Chargée de Mission

APPELEE EN CAUSE

S.A.S. THALES DIS FRANCE, prise en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 3]

[Localité 5]

Immatriculée au rcs de [Localité 9] sous le numéro 844 687 749

Représentée par Me Grégoire DESROUSSEAUX de la SCP AUGUST & DEBOUZY ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque P 438

Assistée de Me Grégoire DESROUSSEAUX plaidant pour la SCP AUGUST & DEBOUZY ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque P 438, Me Anaïs PALLUT plaidant pour la SCP AUGUST & DEBOUZY ET ASSOCIÉS, avocate au barreau de PARIS, toque P 438

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 mars 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente

Mme Marie SALORD, Présidente de chambre

M. Gilles BUFFET, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile

Le Ministère public a été avisé de la date d'audience

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le recours formé le 11 octobre 2023 par la société Linxens Holding contre la décision rendue le 13 septembre 2023 par le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), qui a dit justifiée l'opposition formée par la société Thalès Dis France (Thalès) à l'encontre du brevet publié sous le numéro FR 3063555 B1 déposé le 3 mars 2017 par la société Linxens Holding (Linxens) et révoqué totalement ce brevet.

Vu les dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par la voie électronique par la société Linxens le 18 mars 2025, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

A titre principal,

- juger Thalès irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions,

- juger qu'en annulant les revendications du brevet FR 3063555 B1 sur la base d'une « généralisation intermédiaire » non débattue entre les parties, M. le directeur de l'INPI a porté atteinte au principe du contradictoire et au droit au procès équitable,

- juger qu'en annulant les revendications du brevet FR 3063555 B1 sans que la société Linxens ait pu répondre aux dernières observations et pièces déposées par Thalès le 11 avril 2023 et notifiées à la société Linxens le 19 avril 2023, soit le jour de clôture de la procédure écrite, M. le directeur de l'INPI a porté atteinte au principe du contradictoire et au droit au procès équitable,

En conséquence,

- annuler la décision du directeur général de l'INPI du 13 septembre 2023 prononçant la révocation totale du brevet FR 3063555 B1,

En tout état de cause,

- déclarer la société Linxens recevable à déposer une requête nouvelle et une requête nouvelle n°2 portant modification des revendications du brevet FR 3063555 B1 tel que délivré,

- réformer la décision du directeur général de l'INPI du 13 septembre 2023 prononçant la révocation totale du brevet FR 3063555 B1 pour extension au-delà de la demande et défaut d'activité inventive,

- prononcer le maintien du brevet FR 3063555 B1 tel que modifié aux termes de la « requête nouvelle »,

Subsidiairement,

- prononcer le maintien du brevet FR 3063555 B1 tel que modifié aux termes de la « requête nouvelle n°2 »,

A titre encore plus subsidiaire,

- juger que les revendications du brevet FR 3063555 B1 tel que modifié aux termes de la requête principale déposée au cours de la procédure devant l'INPI n'opèrent pas d'extension au-delà de la demande et sont inventives,

- condamner la société Thalès à verser à la société Linxens la somme de 60 000 euros, à parfaire, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Thalès aux entiers dépens,

A titre subsidiaire,

- juger que les revendications du brevet FR 3063555 B1 tel que modifié aux termes de la requête principale déposée au cours de la procédure devant l'INPI n'opèrent pas d'extension au-delà de la demande et sont inventives,

En conséquence,

- réformer la décision du directeur général de l'INPI du 13 septembre 2023 prononçant la révocation totale du brevet FR 3063555 B1 pour extension au-delà de la demande et défaut d'activité inventive,

- prononcer le maintien du brevet FR 3063555 B1 tel que modifié aux termes de la requête principale déposée au cours de la procédure devant l'INPI.

Vu les dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par la voie électronique par la société Thalès le 19 mars 2025, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

Sur la demande en annulation de la décision objet du recours :

- juger irrecevable la demande de la société Linxens en annulation de la décision du directeur général de l'INPI du 13 septembre 2023,

subsidiairement,

- juger mal fondée la demande de la société Linxens en annulation de la décision du directeur général de l'INPI du 13 septembre 2023,

Sur la requête nouvelle en modification du 10 janvier 2024 (requête E) :

- juger irrecevable la requête nouvelle portant modification des revendications 1 et 12 du brevet français FR 3063555 B1 déposée par la société Linxens au soutien de ses conclusions n°1 du 10 janvier 2024 devant la cour,

subsidiairement,

- juger que la requête nouvelle du 10 janvier 2024 ne remplit pas les conditions posées par les articles L.613-23-3 4°, L.613-23-3 2°, L.611-11, L.611-14 du code de la propriété intellectuelle,

Sur la requête subsidiaire nouvelle n°2 en modification du 18 septembre 2024 (requête F) :

- juger irrecevable la requête subsidiaire nouvelle n°2 portant modification des revendications 1, 2, 3, 4, 6 et 12 du brevet français FR 3063555 B1 déposée par la société Linxens au soutien de ses conclusions n°2 du 18 septembre 2024 devant la cour,

subsidiairement,

- juger que la requête subsidiaire nouvelle n°2 du 18 septembre 2024 ne remplit pas les conditions posées par les articles L.613-23-3 4°, L.613-23-3 2°, L.611-11, L.611-14 du code de la propriété intellectuelle,

Sur la requête encore plus subsidiaire du 26 janvier 2023 (dite « principale » dans la décision du directeur général de l'INPI du 13 septembre 2023) (requête B) :

- juger que la requête encore plus subsidiaire du 26 janvier 2023 ne remplit pas les conditions posées par les articles L.613-23-3 4°, L.613-23-3 2°, L.611-11, L.611-14 du code de la propriété intellectuelle,

En conséquence,

- confirmer la décision du directeur général de l'INPI du 13 septembre 2023 statuant sur une demande d'opposition au brevet FR 3063555 B1 en son article 2,

En tout état de cause

- débouter la société Linxens de toutes ses demandes,

- condamner la société Linxens à payer à la société Thales la somme de 65 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Linxens au paiement des dépens, et autoriser la SCP August Debouzy et Associés à les recouvrer directement dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les observations écrites du directeur général de l'INPI reçues par le greffe le 31 mai 2024 et ses observations récapitulatives reçues le 23 décembre 2024, aux termes desquelles il fait valoir que sa décision est fondée en ce qu'elle a révoqué totalement le brevet et refusé la requête présentée tardivement par le titulaire du brevet au cours de la procédure administrative.

Vu l'audience du 27 mars 2025, les conseils des parties et l'INPI entendus en leurs observations orales, à l'occasion de laquelle la cour a invité la société Thalès à s'expliquer sur la recevabilité de ses conclusions reçues par RPVA le 12 avril 2024, soit postérieurement au délai de trois mois fixé par l'article R.411-30 du code de la propriété intellectuelle,

Le ministère public ayant été avisé de la date de l'audience,

Vu la note en délibéré de la société Thalès reçue par le greffe le 2 avril 2025.

SUR CE,

Il est expressément renvoyé, pour un examen complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties et du directeur général de l'INPI.

Il est rappelé que la société Linxens est titulaire du brevet français FR 3063555 B1 (FR 555) intitulé « Carte à puce et procédé de fabrication d'une carte à puce » déposé le 3 mars 2017, lequel a été délivré le 9 juillet 2021.

Le 8 avril 2022, la société Thalès a déposé un mémoire devant l'INPI, formant opposition contre ce brevet.

Le 5 septembre 2022, la société Linxens a présenté ses observations, demandant que le brevet soit maintenu, avec une modification de la description, page 7, paragraphe [0042], dernière phrase.

L'avis d'instruction a été notifié aux parties le 2 décembre 2022.

Aux termes de cet avis, la commission d'opposition a estimé que l'extension de l'objet de la revendication 2 du brevet semblait fondée, de même que l'absence d'activité inventive de l'objet des revendications 1 à 15, émettant un avis défavorable au maintien des revendications telles que délivrées.

Le 26 janvier 2023, la société Linxens a répondu à cet avis et déposé deux requêtes en modification des revendications : une nouvelle requête principale et une requête subsidiaire 1.

Le 11 avril 2023, la société Thalès a déposé de nouvelles observations et un document de l'art antérieur D15.

Le 19 avril 2023, l'INPI a notifié à la société Linxens les dernières observations de la société Thalès et le document D15, indiquant que la phase écrite de l'instruction était terminée.

L'audition des parties dans le cadre de la phase orale devant la commission d'opposition a eu lieu le 16 mai 2023.

Lors de cette audition, la société Linxens a déposé une nouvelle requête subsidiaire 2.

Par décision du 13 septembre 2023, le directeur général de l'INPI a dit l'opposition justifiée et révoqué le brevet.

Pour en décider ainsi, le directeur général de l'INPI a retenu que l'objet des revendications 1 à 15 du brevet tel que déposé n'impliquait pas d'activité inventive, de sorte que le brevet ne pouvait être maintenu tel que délivré, que les revendications modifiées par la requête principale étendaient l'objet du brevet au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée, que les revendications modifiées par la requête subsidiaire 1 étendaient également l'objet du brevet au-delà du contenu de la demande telle que déposée, qu'enfin, la requête subsidiaire 2, qui définissait un nouvel objet, ne pouvait être admise dans la procédure, n'ayant pas l'objet d'un débat contradictoire.

Sur la recevabilité des conclusions de la société Thalès :

Aux termes de l'article R.411-30 du code de la propriété intellectuelle, le défendeur dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions du demandeur mentionnée à l'article R. 411-29 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, un recours incident.

En l'espèce, la société Linxens a notifié ses conclusions au soutien de son recours le 10 janvier 2024.

La société Thalès disposait donc d'un délai pour conclure en réponse expirant le 10 avril 2024.

La société Thalès, aux termes de sa note en délibéré, explique qu'elle a notifié ses conclusions en réponse via un message RPVA le 10 avril 2024 reproduisant un numéro de répertoire général erroné : 23/16533 au lieu de 23/16553, que cette erreur de numérotation a généré un message de refus du greffe le 12 avril 2024 et que, le même jour, des conclusions identiques à celles déposées le 10 avril 2024 ont été notifiées visant le bon numéro de répertoire général.

Il résulte de la combinaison des articles 748-3 du code de procédure civile et 2, 4, 5 et 8 de l'arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel, que la cour est régulièrement saisie des conclusions que la partie lui a transmises, par le réseau privé virtuel avocat (RPVA), en pièce jointe à un message électronique ayant fait l'objet d'un avis électronique de réception mentionnant ces conclusions au nombre des pièces jointes.

La société Thalès produit un message envoyé par son conseil par le RPVA le 10 avril 2024 à l'adresse [Courriel 7] comportant ses conclusions en défense en pièce jointe, le conseil de la société Linxens étant en copie. Un accusé de réception de ce message lui a été adressé à cette même date, l'avis de refus émis par le greffe le 12 avril confirmant l'envoi de ces conclusions et leur réception par le greffe.

Aussi, en dépit de l'indication d'un numéro de répertoire général erroné, la cour a bien été saisie de ces conclusions le 10 avril 2024, soit dans le délai imposé par l'article R.411-30 du code de la propriété intellectuelle.

Les conclusions en défense de la société Thalès sont donc recevables.

Sur la demande d'annulation de la décision du directeur général de l'INPI du 13 septembre 2023 :

La société Linxens fait valoir que le directeur général de l'INPI n'a pas respecté le principe du contradictoire.

Elle soutient que la qualification de recours en réformation ne saurait restreindre les pouvoirs de la cour, qui se voit déférer la connaissance de l'entier litige en application de l'alinéa 2 de l'article R.411-19 du code de la propriété intellectuelle, et peut donc prononcer l'annulation de la décision contestée. La société Linxens fait valoir que la société Thalès n'a présenté ses observations que le 11 avril 2023, soit le dernier jour du délai qui lui était imparti en application de l'article R.613-44-6 3° du code de la propriété intellectuelle, déposant à cette occasion un nouveau document de l'art antérieur D15 ; que la société Linxens, qui n'a été destinataire de ces observations et du document D15 que le jour de la clôture de la phase écrite, n'a donc pas été mise en mesure de discuter de ces éléments durant cette phase, ni durant la phase orale, la commission d'opposition ayant, au cours de la phase orale, expressément renvoyé la discussion sur l'admissibilité du document D15 « au moment venu s'il y a lieu » ; que le directeur général de l'INPI reconnaît, dans ses observations, que le titulaire n'a pas eu l'occasion de contester l'admissibilité du document D15, lequel a été considéré comme recevable par l'INPI comme étant fourni dans les délais de la procédure écrite ; que la requête présentée au cours de l'audition du 16 mai 2023 a été déclarée tardive, alors que la commission d'opposition avait matériellement la possibilité de l'examiner ; que la société Linxens, qui a disposé d'un délai inférieur à un mois entre le 19 avril 2023 (notification des observations de la société Thalès) et l'audition du 16 mai 2023, n'a pas disposé d'un délai suffisant pour prendre utilement connaissance de ces observations et de la pièce D15 ni pour déposer de nouvelles observations ; que le directeur général de l'INPI a relevé d'office un moyen tiré de la généralisation intermédiaire pour statuer sur l'opposition, sans inviter les parties à présenter leurs observations.

La société Thalès réplique qu'au cas d'espèce, s'agissant d'un recours en réformation, la société Linxens est irrecevable à demander à titre principal l'annulation de la décision du directeur général de l'INPI ; qu'en tout état de cause, le principe du contradictoire a été respecté ; qu'à cet égard, elle a présenté ses observations dans le délai prescrit par l'INPI qui ont été notifiées à la société Linxens ; qu'aucune règle n'empêche au titulaire du brevet de répliquer aux dernières conclusions écrites ou au dernier document soumis par l'opposant entre la fin de de l'instruction écrite et la procédure orale, voire lors de la procédure orale, sous la seule réserve que l'opposant soit en mesure d'en débattre contradictoirement ; que les observations de la société Thalès et le document D15 communiqué n'ont suscité aucune contestation d'irrecevabilité ou de fond de la société Linxens ; que la nouvelle requête subsidiaire déposée manifestement tardivement lors de la procédure orale comportait l'inclusion dans les revendications de nouvelles caractéristiques extraites de la description et quatre revendications indépendantes alors que le brevet tel que délivré n'en comportait que deux, de sorte que la société Linxens ne peut se prévaloir d'aucune violation du principe du contradictoire ; qu'enfin, la question de l'extension de l'objet du brevet au-delà de la demande opérée par les modifications apportées au brevet au cours de l'opposition a bien été discutée, tant dans les observations écrites des parties déposées devant la commission d'opposition que lors de la procédure orale, étant précisé que la généralisation intermédiaire ne constitue pas un motif autonome de nullité.

Le directeur général de l'INPI fait valoir que l'opposant avait bien soulevé le motif d'extension de l'objet du brevet au-delà de la demande telle que déposée, l'expression « généralisation intermédiaire » ne désignant qu'une forme de cette extension, de sorte que l'INPI était tenue de statuer sur ce fondement. Il ajoute que la requête subsidiaire n°2 du 16 mai 2023 présentait de nouvelles caractéristiques par rapport au brevet tel que délivré, quatre revendications indépendantes alors que le brevet délivré n'en comportait que deux, et que cette requête était tardive, son étude nécessitant des analyses trop importantes pour pouvoir être menées dans la journée de la procédure orale. Une bonne administration de la procédure conduisait donc à refuser cette nouvelle requête, les conditions d'un débat contradictoire ne pouvant être réunies.

Réponse de la cour :

Aux termes de l'article R.411-19, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle, les recours exercés à l'encontre des décisions mentionnées au deuxième alinéa du même article L. 411-4 sont des recours en réformation. Ils défèrent à la cour la connaissance de l'entier litige. La cour statue en fait et en droit.

En raison de l'effet dévolutif attaché au recours formé contre la décision du directeur général de l'INPI révoquant le brevet, la cour est compétente pour connaître d'une demande principale en annulation de cette décision pour violation du principe de la contradiction.

La demande en annulation formée par la société Linxens est donc recevable.

L'article L.613-23-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que le directeur général de l'INPI statue sur l'opposition au terme d'une procédure contradictoire comprenant une phase d'instruction, dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat, tandis que l'article R.613-44-4, alinéa 1, dudit code prévoit que l'Institut national de la propriété industrielle fait observer et observe lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut fonder sa décision sur des moyens, explications et documents invoqués ou produits par les parties sans que celles-ci aient été mises à même d'en débattre contradictoirement. Toute observation ou pièce dont il est saisi par l'une des parties est notifiée sans délai aux autres.

En vertu de l'article R.613-44-6 du code de la propriété intellectuelle, sous réserve de l'irrecevabilité relevée d'office par l'Institut national de la propriété industrielle et des cas de suspension ou de clôture de la procédure mentionnés respectivement aux articles R. 613-44-10 et R. 613-44-12, l'instruction de l'opposition se déroule suivant les quatre phases suivantes : (')
3° Une phase écrite.
A l'expiration du délai mentionné au 2°, dans le cas où au moins l'une des parties a produit des observations ou bien que le titulaire du brevet a présenté des propositions de modification du brevet en réponse à l'avis d'instruction, notification en est faite aux parties. Un délai est imparti à ces dernières pour présenter leurs observations en réponse ou, s'agissant du titulaire, pour proposer de nouvelles modifications du brevet. En cas de réponse par au moins l'une des parties, notification en est faite à ces dernières à l'expiration de ce délai ;
4° Une phase orale. (').

Enfin, l'article R.613-44-7, alinéa 1, du code de la propriété intellectuelle dispose que le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle statue sur l'opposition au vu de l'ensemble des observations écrites et orales présentées par les parties ainsi que des dernières propositions de modification du brevet présentées par le titulaire du brevet. Le directeur général de l'Institut peut fonder sa décision sur des faits invoqués ou des pièces produites postérieurement à l'expiration des délais mentionnés aux articles R. 613-44, R. 613-44-1 et R. 613-44-6, sous réserve que les parties aient été à même d'en débattre contradictoirement.

La société Thalès a déposé de nouvelles observations et un document de l'art antérieur D15 le 11 avril 2023, soit dans le délai imparti par l'article L.613-44-6 3° du code de la propriété intellectuelle à compter de la notification des observations de la société Linxens.

Si les observations de la société Thalès et le document D15 ont été transmis à la société Linxens le 19 avril 2023, jour de clôture de la phase écrite, la société Linxens ne justifie pas qu'elle n'était pas en mesure de répondre utilement à ces observations et de discuter du document D15 lors de la phase orale qui a eu lieu le 16 mai 2023.

Par ailleurs, la seconde requête subsidiaire présentée lors de la phase orale par la société Linxens, qui comportait quatre revendications indépendantes alors que le brevet délivré n'en comprenait que deux, était manifestement tardive, un débat contradictoire suffisant ne pouvant avoir lieu lors de cette phase, de sorte qu'il ne peut être reproché au directeur général de l'INPI de l'avoir écartée.

Enfin, il résulte du procès-verbal de l'audition du 16 mai 2023, [0056] et [0057], que « le président annonce que la commission d'opposition souhaite étudier la conformité des requêtes principale et subsidiaire à l'article L.613-23-3 I 1°, 2° et 3° CPI », « Le président invite les parties à présenter leurs arguments relatifs à l'extension de l'objet de la requête principale au-delà du contenu de la demande telle que déposée ». Après que les parties ont été entendues, « le président invite les parties à présenter leurs arguments sur la requête subsidiaire » [0061] et « Plusieurs échanges contradictoires ont lieu jusqu'à épuisement des arguments des parties » [0063].

Les parties ont donc été contradictoirement invitées à présenter leurs observations sur la question de l'extension de l'objet au-delà du contenu de la demande telle que déposée, au regard des modifications apportées par les requêtes principale et subsidiaire formulées par la société Linxens, étant observé que ce motif de nullité a été invoqué par la société Thalès qui, dans ses observations du 11 avril 2023, avait fait valoir qu' « pour ce qui concerne les éléments supportés, le titulaire a effectué un « picking » (assemblage d'éléments dans des parties différentes de la description, et dans des modes de réalisation différents) dans la description de différents modes de réalisation de l'invention, et même dans des modes de réalisation qui ne sont pas couverts par l'objet revendiqué de l'invention ».

Enfin, la généralisation intermédiaire, motif retenu par le directeur général de l'INPI pour considérer que les modifications apportées dans les revendications 1 et 12 de chacune de ces requêtes étendaient l'objet du brevet au-delà du contenu de la demande telle que déposée, n'est qu'une forme d'extension de l'objet et non un moyen autonome de nullité du brevet, étant ajouté que le directeur général de l'INPI a été invité par la société Thalès à retenir l'existence d'une généralisation intermédiaire.

Par conséquent, la preuve n'est pas rapportée que le directeur général de l'INPI n'a pas respecté le principe de la contradiction dans le cadre de la procédure administrative, de sorte que la demande d'annulation de la décision déférée sera rejetée.

Sur la recevabilité des demandes formées en application des requêtes nouvelles :

La société Linxens, se prévalant de deux requêtes nouvelles formulées pour la première fois en cause d'appel portant modification des revendications du brevet FR 3063555 B1 tel que délivré, demande à la cour de prononcer le maintien du brevet tel que modifié aux termes de la requête nouvelle et, subsidiairement, de prononcer le maintien de ce brevet tel que modifié aux termes de la requête nouvelle n°2.

La société Thalès oppose que les requêtes nouvelles soumises à la cour par la société Linxens sont irrecevables comme constituant des prétentions nouvelles ; que le fait que l'entier litige soit dévolu à la cour ne lui confère pas le pouvoir juridictionnel de connaître de nouvelles requêtes en modification des revendications non soumises à l'INPI ; que la cour ne peut évoquer pour trancher des demandes non soumises à l'appréciation de la commission d'opposition, les modifications des revendications n'étant possibles qu'au cours de la procédure d'opposition ; que les requêtes nouvelles soumises à la cour pouvaient être présentées devant la commission d'opposition ; que les requêtes nouvelles ne sont ni des moyens, ni des prétentions tendant aux mêmes fins que celles présentées devant l'INPI, ces requêtes constituant des prétentions portant sur des demandes de protection différentes ; qu'en tout état de cause, la requête nouvelle n°2 est irrecevable, par application de l'article R.411-37 du code de la propriété intellectuelle, dès lors qu'elle n'a pas été présentée avec le premier mémoire du recours.

La société Linxens réplique que, par application combinée des articles L.613-23-3 et R.411-19 du code de la propriété intellectuelle, la cour a le pouvoir de statuer sur une requête nouvelle portant modification des revendications du brevet ; que l'article L.613-23-3 susvisé n'exclut pas la possibilité de modifier des revendications en cause d'appel ; que le recours en réformation est le prolongement, devant la cour d'appel, de la procédure d'opposition initiée devant l'INPI ; que la généralisation intermédiaire évoquée pour la première fois dans la décision contestée constitue un élément nouveau justifiant si nécessaire que de nouvelles requêtes soient présentées devant la cour ; qu'elles constituent des moyens en vue de réformer la décision du directeur général de l'INPI ; qu'en tout état de cause, à les qualifier de prétentions, elles sont recevables dans la mesure où elles tendent aux mêmes fins que les prétentions soumises devant le directeur général de l'INPI ; qu'à cet égard, les modifications apportées aux termes des requêtes doivent permettre au brevet d'échapper au motif d'invalidité opposé et d'être maintenu sous une forme modifiée, en assurant une mise en conformité des revendications du brevet tel que délivré avec les exigences du code de la propriété intellectuelle ; qu'en tout état de cause, elles sont justifiées dans la mesure où elles visent à répondre à la survenance d'un fait nouveau que constitue l'évocation, pour la première fois en cours de procédure, de la notion de généralisation intermédiaire dans la décision de l'INPI.

Le directeur général de l'INPI s'en remet à l'appréciation de la cour sur ce point.

Réponse de la cour :

En vertu de l'article R.411-38 du code de la propriété intellectuelle, « pour justifier devant la cour d'appel saisie d'un recours formé en application du second alinéa de l'article R. 411-19 des prétentions qu'elles avaient soumises au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.

A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle, même si leur fondement juridique est différent. »

Des requêtes formulées pour la première fois à hauteur d'appel afin que le brevet soit maintenu sous une forme modifiée ne peuvent s'analyser en des moyens nouveaux, dès lors qu'elles tendent à modifier les revendications du brevet.

Elles s'analysent en des prétentions qui ne peuvent tendre aux mêmes fins que celles soumises au directeur général de l'INPI dès lors qu'elles ne visent pas l'obtention de la même protection que celles des revendications découlant des requêtes déposées à la commission d'opposition de l'INPI.

Par ailleurs, la société Linxens ne peut utilement faire valoir que ces nouvelles requêtes visent à faire juger les question nées de la survenance ou de la révélation d'un fait dès lors que le moyen tiré de l'extension de l'objet au-delà de la demande de brevet telle que déposée avait été invoqué durant la procédure administrative et que le directeur général de l'INPI, en retenant l'existence d'une généralisation intermédiaire prohibée qui était

dans le débat, y a répondu.Enfin, si, aux termes de l'article L.613-23-3 du code de la propriété intellectuelle, « Au cours de la procédure d'opposition, le titulaire du brevet contesté peut modifier les revendications de ce brevet sous réserve que (') », cette disposition ne concerne que la procédure d'opposition pendante devant l'INPI et n'est pas applicable à la procédure de recours devant la cour d'appel contre la décision statuant sur l'opposition.

Par conséquent, les demandes tendant à voir maintenir le brevet sous une forme modifiée selon l'une des requêtes nouvelles soumises à la cour, qui n'avaient pas été proposées au directeur général de l'INPI, sont irrecevables.

Sur la validité du brevet FR 555, dans sa rédaction issue de la requête principale soumise par la société Linxens à l'INPI :

Sur la présentation du brevet :

La description du brevet indique que l'invention concerne le domaine des cartes à puces [001].

L'invention a pour objet de permettre d'ajouter au moins un autre module fonctionnel à une carte à puce. Ce modèle fonctionnel peut être connecté à un circuit conducteur laminé dans le corps de carte avant ou après lamination. Dans tous les cas, une surface des modules affleure en surface de la carte par exemple pour établir un contact électrique, ou pour permettre une interaction avec un utilisateur (pour une détection d'empreintes digitales, pour afficher une information, pour exercer une pression sur un bouton poussoir, etc.), ou pour toute autre fonction qui nécessite qu'une partie de module ne soit pas noyée dans le corps de carte [007].

Pour fabriquer une telle carte 1, on peut réaliser d'une part le corps de carte 2, en mettant éventuellement en 'uvre des étapes de lamination, et d'autre part un module 4 fonctionnel, éventuellement autonome et comportant un dispositif d'alimentation en énergie 19. Cependant, comme le module 4 fonctionnel peut être placé dans une cavité ménagée dans le corps de la carte 2 après que celui-ci ait été réalisé, le module fonctionnel ne risque pas d'être dégradé lors des étapes de lamination [0044].

Plus particulièrement, avec une telle carte 1, on peut séparer les étapes et les éléments de sa fabrication qui relèvent de la réalisation du corps de la carte et qui présentent des risques pour certains composants fonctionnels (et notamment pour la batterie 19) et les étapes et les éléments de sa fabrication qui relèvent de la réalisation du ou des modules comportant les composants fonctionnels à protéger. Ainsi, par exemple, un circuit conducteur ou une antenne peut être laminé avec les autres feuillets constitutifs du corps de carte 2, tandis que le ou les modules fonctionnels sont connectés au circuit conducteur ou à l'antenne lorsqu'ils sont placés dans leurs cavités respectives réalisées dans le corps de carte 2 [0045].

L'invention issue du brevet décrit et revendique une carte à puce (revendication 12) et son procédé de fabrication (revendication 1).

Ces revendications sont les suivantes, la requête principale déposée devant l'INPI apportant l'ajout de deux caractéristiques techniques C1 et C2 (en gras), outre la suppression de quelques signes de référence :

Revendication 12 :

« Carte à puce comportant

un corps de carte (2) en matière plastique avec une cavité (6, 7) ménagée dans l'épaisseur du corps de carte (2) avec un module (3, 4, 24) logé dans cette cavité (6, 7), ce module (3, 4, 24) étant connecté à un circuit conducteur inséré dans le corps de carte (2), cette carte comportant au moins une autre cavité ménagée dans l'épaisseur du corps de carte (2) avec un autre module (3, 4, 24) logé dans cette autre cavité (6, 7),

caractérisée par le fait qu'elle comporte au moins deux circuits conducteurs (12, 27), laminés entre les feuillets inférieur (8) et supérieur (9) (caractéristique C1)

un circuit conducteur (12) étant formé d'une antenne sur un feuillet intermédiaire (9) formant un support d'antenne et un autre circuit conducteur comprenant au moins deux plots de connexion constitués d'un matériau conducteur laminé sur un substrat flexible et étant configuré pour être connecté à l'antenne (12). (caractéristique C2) »

Revendication 1 :

« Procédé de fabrication de carte à puce dans lequel

- on fournit au moins un feuillet supérieur (10), un feuillet inférieur (8) et un feuillet intermédiaire (9) comportant au moins un circuit conducteur (12, 27),

- on lamine ensemble au moins les feuillets supérieur (10), inférieur (8) et intermédiaire (9), pour former un corps de carte (2) en matière plastique,

- on réalise une première cavité (6) dans l'épaisseur du corps de carte (2) pour y placer un premier module (3) et le connecter au circuit conducteur (12),

- on réalise au moins une deuxième cavité (7) dans l'épaisseur du corps de carte (2), pour y placer au moins un deuxième module (4, 24) comportant un composant électronique (5, 18, 22, 23, 35), et pour connecter ce deuxième module (4) à un circuit conducteur, caractérisé par le fait que l'on fournit au moins deux circuits conducteurs (12, 27), laminés entre les feuillets inférieur (8) et supérieur (9) (caractéristique C1)

un circuit conducteur (12) étant formé d'une antenne sur un feuillet intermédiaire (9) formant un support d'antenne et un autre circuit conducteur comprenant au moins deux plots de connexion constitués d'un matériau conducteur laminé sur un substrat flexible et étant configuré pour être connecté à l'antenne (12). (caractéristique C2) »

Sur la personne du métier :

La personne du métier est celle du domaine technique où se pose le problème que l'invention, objet de ce brevet, se propose de résoudre. Elle possède les connaissances normales de la technique en cause et est capable à l'aide de ses seules connaissances professionnelles de concevoir la solution du problème que propose de résoudre l'invention.

Les parties considèrent que c'est à juste titre que le directeur général de l'INPI a, durant la procédure d'opposition, retenu que la personne du métier devait s'entendre comme un spécialiste des cartes à puces avec de bonnes connaissances en circuits électriques et procédé d'usinage du plastique.

Sur le bien-fondé de la décision du directeur général de l'INPI :

Aux termes de la décision contestée, le directeur général de l'INPI a retenu que la nouvelle caractéristique C1 constituait une généralisation intermédiaire à partir de deux exemples particuliers, le contenu de la demande ne précisant pas que la carte comporte deux circuits conducteurs laminés entre les feuillets inférieur (8) et supérieur (9). Le directeur général de l'INPI a donc rejeté la requête principale de la société Linxens au motif que les revendications modifiées étendaient l'objet du brevet au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée.

La société Linxens fait valoir qu'une modification est acceptable lorsqu'elle procure à la personne du métier, dotée de connaissances normales dans le domaine technique, une information qu'elle aurait pu déduire directement et sans ambiguïté des informations, y compris celles issues d'éléments implicites, contenues dans le brevet ; que la demande telle que déposée divulgue que le premier circuit est l'antenne et son support et le deuxième circuit est soit une unité de connexion soit un circuit d'interconnexion ; qu'elle divulgue donc que la carte comporte deux circuits conducteurs et que le fait que ces circuits conducteurs sont laminés entre les feuillets inférieur et supérieur ne fait aucun doute à la lecture des paragraphes [33] et [39], [42], [54], [59] et [60] de la description, ainsi que de la figure 9, du brevet tel que déposé ; qu'il découle clairement et sans ambiguïté de la demande telle que déposée que l'antenne et l'autre circuit conducteur sont positionnés sur un feuillet intermédiaire laminé entre les feuillets inférieur et supérieur ; que la décision contestée souffre d'incohérence en ce que le directeur général de l'INPI a considéré dans un premier temps que les revendications n°1 et 12 sont limitées aux deux exemples particuliers pour considérer ensuite que ce n'était plus le cas alors que la définition des deux circuits est restée inchangée ; qu'il n'est pas démontré que l'ajout de « laminés entre les feuillets inférieur (8) et supérieur (9) » constitue une généralisation intermédiaire ; que le fait de laminer deux circuits conducteurs entre les feuillets inférieur et supérieur n'est pas inextricablement lié à d'autres caractéristiques ; que la divulgation générale justifie l'isolation de la caractéristique « laminés entre les feuillets inférieur (8) et supérieur (9) », conduisant à une généralisation et son induction dans la revendication ; que tous les modes de réalisation de la demande divulguent deux circuits laminés entre les feuillets inférieur (8) et supérieur (9), le directeur général de l'INPI n'indiquant pas d'autres exemples de circuits conducteurs qui comprendraient des plots de connexion constitués d'un matériaux conducteur laminé sur un substrat flexible, mais qui ne seraient ni une unité de connexion, ni un circuit d'interconnexion. Elle conclut que le grief d'extension de l'objet du brevet au-delà du contenu de la demande telle que déposée n'est pas caractérisé.

La société Thalès réplique que la demande telle que déposée ne précise pas que la carte comporte « deux circuits conducteurs laminés entre les feuillets inférieur (8) et supérieur (9) » ; qu'à chaque fois que la demande fait référence à une lamination pour l'invention, c'est en lien avec trois feuillets (8, 9 et 10) et non la lamination d'au moins deux circuits entre les feuillets inférieur et supérieur ; que c'est ce qu'indique la revendication 1 de la demande telle que déposée ainsi que toute la description de l'invention ; que, sur la trentaine d'occurrences relatives à une lamination dans la demande, aucune n'enseigne que « au moins deux circuits conducteurs (12, 27) sont laminés entre les feuillets inférieur 8 et supérieur 10 », l'enseignement constant de la demande étant que trois feuillets sont laminés ; que rien ne permet d'affirmer que la figure 9 enseignerait qu'au moins deux circuits conducteurs sont laminés entre les feuillets inférieur et supérieur ; que les dessins ne peuvent se substituer à la description ; que la caractéristique « au moins deux circuits » ne trouve aucun support dans le premier, deuxième et troisième modes de réalisation ; que le seul support se trouverait dans le quatrième mode de réalisation ; que la demande telle que déposée divulgue trois circuits bien spécifiques avec des supports distincts et des composants précis ; que les revendications modifiées ne portent pas sur ces trois circuits spécifiques mais sur une généralisation sur le nombre de circuits, sur les composants des circuits et sur les supports et leur assemblage ; que l'objet des revendications modifiées par la requête principale est donc étendu au-delà de la demande telle que déposée.

Le directeur général de l'INPI conclut que c'est à juste titre que le brevet a été révoqué, la caractéristique C1 ajoutée par la requête principale ayant pour effet d'étendre l'objet du brevet au-delà de la demande telle que déposée.

Réponse de la cour :

L'article L.613-23-1 3° du code de la propriété intellectuelle dispose que l'opposition ne peut être fondée que sur un ou plusieurs des motifs suivants : (') l'objet du brevet s'étend au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée ou, lorsque le brevet a été délivré sur la base d'une demande divisionnaire, l'objet s'étend au-delà du contenu de la demande initiale telle qu'elle a été déposée.

En application de ces dispositions, pour être acceptées, les modifications doivent être déduites directement et sans ambiguïté de la demande telle que déposée.

Il n'est pas discuté que la demande telle que divulguée ne prévoit pas que la carte à puce comporte deux circuits conducteurs laminés entre les feuillets inférieur et supérieur dans d'autres cas que ceux où le premier circuit conducteur est constitué de l'antenne et son support et le deuxième circuit conducteur est soit une unité de connexion, soit un circuit d'interconnexion.

Or, il est relevé que les revendications modifiées prévoient que la carte à puce ou son procédé de fabrication comporte ou concerne au moins deux circuits conducteurs laminés entre les feuillets inférieurs (8) et supérieur (9), sans limitations.

L'objet de ces revendications n'est donc pas restreint aux cas de figure mentionnés dans la description mais couvre d'autres hypothèses dans lesquelles le premier circuit conducteur n'est pas l'antenne et son support et/ou le deuxième circuit conducteur n'est pas l'unité de connexion ou le circuit de connexion, lesquelles ne sont pas décrites et ne découlent pas directement et sans ambiguïté de la demande pour la personne du métier.

Si ces revendications ajoutent « un circuit conducteur (12) étant formé d'une antenne sur un feuillet intermédiaire (9) formant un support d'antenne et un autre circuit conducteur comprenant au moins deux plots de connexion constitués d'un matériau conducteur laminé sur un substrat flexible et étant configuré pour être connecté à l'antenne (12) », la personne du métier pourra retenir, de manière large, qu'il existe alors quatre circuits laminés entre les feuillets inférieur et supérieur :

- au moins deux circuits conducteurs,

- un circuit conducteur formé d'une antenne,

- un autre circuit conducteur comprenant au moins deux plots de connexion.

Ces revendications ne limitent aucunement les circuits conducteurs laminés entre les feuillets inférieur et supérieur à une antenne et son support et à une unité de connexion ou un circuit d'interconnexion.

Par conséquent, elles étendent l'objet du brevet au-delà du contenu de la demande telle que déposée.

La décision du directeur général de l'INPI sera donc confirmée en ce qu'elle a révoqué le brevet déposé par la société Linxens.

Sur les demandes accessoires :

La procédure de recours contre une décision du directeur général de l'INPI ne donne pas lieu à une condamnation aux dépens.

La société Thalès a dû engager des frais irrépétibles qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge. Il y a lieu en conséquence de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour,

DIT recevables les premières conclusions en réponse signifiées par la société Thalès Dis France,

DIT recevable la société Linxens Holding en sa demande d'annulation de la décision rendue le 13 septembre 2023 par le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle pour violation du principe du contradictoire,

DEBOUTE la société Linxens Holding de sa demande d'annulation de la décision rendue le 13 septembre 2023 par le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle pour violation du principe du contradictoire,

DECLARE la société Linxens Holding irrecevable en ses requêtes nouvelles devant la cour qui n'avaient pas été soumises à la commission d'opposition de l'Institut national de la propriété industrielle tendant à maintenir le brevet FR 3063555 B1sous une forme modifiée,

CONFIRME la décision rendue le 13 septembre 2023 par le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle,

DIT n'y avoir lieu à dépens,

CONDAMNE la société Linxens Holding à payer à la société Thalès Dis France la somme de 40 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que le présent arrêt sera notifié par le greffe aux parties et au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle, par lettre recommandée avec accusé de réception.

La Greffière La Présidente

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