CA Paris, Pôle 4 ch. 11, 3 juillet 2025, n° 23/03948
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
La Tete Dans Les Nuages (SASU)
Défendeur :
Caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Touati
Vice-président :
Mme Baumann
Conseiller :
Mme Leroy
Avocats :
Me Regnier, Me Ricouard, Me Fraisse, Me de Survilliers
FAITS ET PROCÉDURE
Le 25 juin 2016 à [Localité 9], M. [W] [X] s'est blessé en jouant avec un simulateur de bras de fer dans une salle de jeux exploitée par la société La Tête dans les nuages (la société LTDLN).
Il a été pris en charge par la brigade des sapeurs-pompiers de [Localité 9] et transféré vers l'hôpital [8] où a été diagnostiquée une fracture de l'humérus droit.
Par ordonnance de référé du 25 février 2019, le président du tribunal de grande instance de Paris a ordonné une mesure d'expertise médicale confiée au Docteur [E] [M] qui a établi son rapport le 10 janvier 2020.
Par actes d'huissier en date des 21 et 22 juillet 2020, M. [X] a fait assigner la société LTDLN ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine (la CPAM) devant le tribunal judiciaire de Paris afin de voir reconnaître la responsabilité de la société LTDLN et d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.
Par jugement du 24 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Paris a :
- déclaré la société LTDLN entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident dont M. [X] a été victime le 25 juin 2016,
- condamné la société LTDLN à réparer l'entier préjudice subi par M. [X],
- ordonné le renvoi de la présente affaire à la mise en état du pôle de la réparation du préjudice corporel de ce tribunal, soit la 19ème chambre civile, pour qu'il soit statué exclusivement sur la liquidation du préjudice corporel de M. [X] ainsi que sur les dépens et les frais prévus par l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire,
- ordonné la suppression de l'affaire du rôle de la 5ème chambre, 1ère section, et sa transmission à la 19ème chambre de ce tribunal.
Par déclaration du 20 février 2023, la société LTDLN a interjeté appel de cette décision en critiquant expressément chacune de ses dispositions.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions de la société LTDLN, notifiées le 6 avril 2023, aux termes desquelles elle demande à la cour de :
- déclarer la société LTDLN recevable et bien-fondée en son appel,
Y faisant droit,
- infirmer le jugement rendu le 24 janvier 2023 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a :
* déclaré la société LTDLN entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident dont M. [X] a été victime le 25 juin 2016,
* condamné la société LTDLN à réparer l'entier préjudice subi par M. [X],
* ordonné le renvoi de la présente affaire à la mise en état du pôle de la réparation du préjudice corporel de ce tribunal, soit la 19ème chambre civile, pour qu'il soit statué exclusivement sur la liquidation du préjudice corporel de M. [X] ainsi que sur les dépens et les frais prévus par l'article 700 du code de procédure civile,
Et statuant à nouveau,
Vu l'article 1147 ancien du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige,
- déclarer M. [X] mal fondé à invoquer l'article L. 221-1 du code de la consommation devenu l'article L. 421-3 du même code,
- constater que M. [X] n'établit pas un manquement de la société LTDLN à son obligation contractuelle de sécurité de moyens qui serait la cause exclusive de l'accident survenu le 25 juin 2016,
- constater que la responsabilité civile de la société LTDLN n'est ni engagée, ni établie,
En conséquence,
- débouter M. [X] de toutes ses demandes formées à l'encontre de la société LTDLN,
- débouter la CPAM de ses demandes éventuelles à l'encontre de la société LTDLN,
- dire n'y avoir lieu à ordonner le renvoi de l'affaire à la mise en état du pôle de la réparation du préjudice corporel de ce tribunal, 19ème chambre civile, pour qu'il soit statué exclusivement sur la liquidation du préjudice corporel de M. [X] ainsi que sur les dépens et les frais prévus par l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [X] à payer à la société LTDLN la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Bruno Regnier, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions de M. [X], notifiées le 4 juillet 2023, aux termes desquelles il demande à la cour, au visa des articles L. 221-1 (ancien) du code de la consommation et 1147 (ancien) du code civil, de :
- débouter la société LTDLN de l'ensemble de ses demandes,
- confirmer le jugement rendu le 24 janvier 2023 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a :
* déclaré la société LTDLN entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident dont M. [X] a été victime le 25 juin 2016,
* condamné la société LTDLN à réparer l'entier préjudice subi par M. [X],
* ordonné le renvoi de la présente affaire à la mise en état du pôle de la réparation du préjudice corporel de ce tribunal, soit la 19ème chambre civile, pour qu'il soit statué exclusivement sur la liquidation du préjudice corporel de M. [X] ainsi que sur les dépens et les frais prévus par l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société LTDLN au paiement de la somme de 3 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner l'exécution provisoire.
Bien que destinataire de la déclaration d'appel qui lui a été signifiée par acte d'huissier du 17 avril 2023 délivré à personne habilitée, la CPAM n'a pas constitué avocat.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la responsabilité de la société LTDLN
Le tribunal a estimé que la société LTDLN devait être regardée comme étant le distributeur du simulateur de bras de fer litigieux au sens de l'article L. 221-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, applicable au litige, dans la mesure où elle avait procédé à son installation dans sa salle de jeux et à sa mise à disposition à titre onéreux auprès de consommateurs fréquentant les lieux.
Relevant que selon l'article L. 221-1 du code de la consommation, les produits et services doivent, dans des conditions normales d'utilisation ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes, le tribunal a considéré que, s'agissant d'un jeu ne nécessitant aucune préparation physique, l'utilisateur d'un simulateur de bras de fer, était en droit de penser qu'il allait jouer avec un matériel qui n'était pas susceptible de lui occasionner des blessures graves, telles qu'une fracture de l'humérus.
Le tribunal a relevé, par ailleurs, que s'agissant d'une machine dynamique, l'exploitant était tenu à l'égard de son client d'une obligation de sécurité de résultat, de sorte qu'il lui incombait de démontrer que l'accident trouvait sa cause dans une mauvaise utilisation la machine.
Estimant qu'une telle preuve n'était pas rapportée, les témoins de l'accident ayant attesté d'une utilisation normale de la machine par M. [X], le tribunal a retenu que la société LTDLN devait être déclarée entièrement responsable des conséquences dommageables subies par M. [X].
La société LTDLN soutient que c'est à tort que le tribunal a estimé qu'elle serait débitrice d'une obligation générale de sécurité de résultat, en application du code de la consommation, dispensant la victime de rapporter la preuve d'une faute commise par l'exploitant de la salle de jeux.
Elle affirme qu'outre le fait que M. [X] ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait la qualité de « producteur » ou de « distributeur » au sens de l'article L. 221-1 du code de la consommation, l'obligation générale de sécurité des produits et services prévue par ce texte n'est pas le fondement d'une règle de responsabilité civile spécifique.
Elle ajoute qu'en réalité, en présence d'une relation contractuelle entre les parties, c'est l'article 1147 ancien du code civil qui doit seul s'appliquer et qu'il convient ainsi de distinguer selon que la victime a eu un rôle passif ou actif dans l'activité au cours de laquelle le dommage a été subi, l'obligation de sécurité de l'exploitant étant une obligation de résultat dans le premier cas et une obligation de moyens dans le second.
Elle avance que dans le cas de l'espèce, l'utilisateur du simulateur de bras de fer qui pose son bras sur un coussin dédié à cet effet, applique à son mouvement une force dont il détermine l'intensité et a la faculté à tout moment de relâcher le bras mécanique pour arrêter le jeu, a un rôle actif et non passif dans le déroulement du jeu.
Elle en déduit qu'elle n'était tenue à l'égard de M. [X] que d'une obligation de sécurité contractuelle de moyens et qu'il incombe à ce dernier de démontrer qu'elle a commis un manquement à cette obligation.
Elle relève que les attestations produites ne permettent pas d'établir la défectuosité du simulateur de bras de fer utilisé en mode « difficulté maximale » et souligne qu'était inscrite sur le devant de la machine de manière apparente une mise en garde rédigée en anglais concernant l'existence d'un risque de blessures en cas d'application d'une force excessive, mise en garde que M. [X], de nationalité britannique, était parfaitement en mesure de comprendre.
Elle conclut que M. [X] ne rapporte pas la preuve d'un manquement à son obligation contractuelle de sécurité, de sorte que sa demande doit être rejetée ; elle ajoute que l'intéressé qui, selon ses déclarations, pratiquait la musculation 3 à 4 fois par semaine, a sans doute préjugé de sa capacité à battre la machine en mode « difficulté maximale » et s'est en réalité blessé seul en appliquant une force trop importante sur le bras de la machine.
M. [X] soutient, en se fondant sur un arrêt de la première chambre civile en date du 20 septembre 2017 (pourvoi n° 16-19.109) que l'article L. 221-1 du code de la consommation, devenu l'article L. 421-3 du même code, impose à certains professionnels, notamment aux entreprises de distribution, une obligation générale de sécurité de résultat, que la société LTDLN, exploitante d'une salle de jeux recevant du public et prestataire de services de jeux a la qualité de distributeur au sens de ce texte, que les attestions produites permettent d'établir qu'il a un fait un usage normal du simulateur du bras de fer et que la société LTDLN qui devait garantir la sécurité complète de son client en s'assurant que la machine mise à sa disposition ne pouvait le blesser dans des conditions normales d'utilisation, a engagé sa responsabilité sur le fondement du texte précité.
Il fait valoir, à titre subsidiaire, dans le cas où la cour retiendrait comme étant applicable le régime de la responsabilité contractuelle de l'article 1147 ancien du code civil, que les exploitants de salles de jeux, à l'instar des exploitants de manèges, sont tenus à l'égard de leur clients d'une obligation de sécurité de résultat au cours du jeu.
En l'absence de démonstration par la société LTDLN, débitrice d'une obligation de sécurité de résultat, de l'existence d'un cas de force majeure ou d'une faute de la victime, M. [X] conclut que la responsabilité contractuelle de cette dernière est engagée.
*******
Sur ce, selon l'article L. 221-1 du code de la consommation, devenu l'article L. 421-3 du code de la consommation, les produits et services doivent, dans des conditions normales d'utilisation ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes.
Ce texte ne soumet pas l'exploitant d'une salle de jeux à une obligation de sécurité de résultat à l'égard de ses clients quelle que soit le jeu ou l'activité pratiquée.
Il résulte, en effet, de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 entrée en vigueur le 1er octobre 2016, que l'exploitant d'une salle de jeux n'est tenu que d'une obligation de sécurité de moyens lorsque l'activité ou la machine de jeux implique un rôle actif du participant ; cette obligation de sécurité de moyens est toutefois appréciée avec plus de rigueur pour les activités dangereuses.
En l'espèce, il ressort des attestations établies par le frère et les amis de M. [X] et des photographies du simulateur de bras de fer litigieux versées aux débats, que cette machine comporte un bras mécanique avec lequel le joueur mesure sa force, que l'utilisateur doit positionner son coude sur un coussin dédié à cet effet, sélectionner un adversaire virtuel correspondant à un certain niveau de difficulté, empoigner la main robotisée et appliquer une force musculaire d'une intensité suffisante pour surpasser celle du bras mécanique. Compte tenu du rôle actif du joueur qui peut, en outre, abandonner la partie en lâchant la main du bras mécanique, l'exploitant de la salle de jeux n'est débiteur que d'une obligation de sécurité de moyens.
Selon les attestations produites, M. [X] s'est blessé lors d'une partie de bras de fer l'opposant au bras mécanique de la machine.
Il ressort de la fiche d'intervention de la brigade des sapeurs-pompiers de [Localité 9] que les secours sont intervenus au sein de la salle de jeux pour prendre en charge M. [X] qui se plaignait de douleurs au niveau du bras droit et indiquait avoir ressenti un craquement.
M. [X] a été conduit à l'hôpital [8] où a été diagnostiquée une fracture diaphysaire spiroïde du tiers moyen, tiers inférieur de l'humérus droit, qui a été traitée chirurgicalement, l'expert judiciaire, le Docteur [M], précisant dans son rapport que le chirurgien n'a pas retrouvé de pathologie osseuse préexistante.
S'agissant des circonstances de l'accident, le frère de la victime a indiqué dans son attestation : « Mon grand-frère a joué deux fois à ce simulateur. Une première fois en moyen[ne] difficulté puis la deuxième fois en difficulté maximal[e]. Lors du dernier combattant [W] avait des difficultés à le battre, mais gagner doucement, puis la machine s'est bloquée et à pousser d'une force plus grande à celle de [W] dans l'autre direction, à ce moment là j'ai entendu un craquement et mon frère lâchant la machine rapidement. »
Une amie, Mme [T] a exposé : « Après y avoir inséré un jeton, M. [W] [X] se poste à la machine simulant un opposant dans une partie de bras de fer en posant le coude droit sur le coussinet prévu à cet effet et en saisissant de sa main droite la main motorisée de la machine. M. [W] [X] doit affronter plusieurs adversaires virtuels représentant les différents niveaux de la difficulté croissante proposée par la machine. Les deux premiers niveaux n'opposent que peu de résistance et [W] accède au troisième niveau après environ une minute. C'est dans ce troisième niveau que la résistance de la machine augmente fortement et au bout de plusieurs secondes, [W] lâche brusquement la main mécanisée en se tenant le bras. [W] part immédiatement prévenir de sa blessure le personnel de l'établissement qui appelle rapidement les pompiers. Ces derniers arrivent environ 15 minutes plus tard pour emmener [W] à l'hôpital. »
Selon sa cousine, Mme [P], «Après avoir vaincu ces deux premier[s] concurrent[s] virtuels, c'est au dernier round qu'il a rencontré des difficultés. En effet, par l'impulsion de la force de [W], le bras a commencé à descendre quand d'un coup à mi parcours, il s'est braqué, ce qui a produit une force contraire. Cela a contraint [W] à lâcher prise (...) J'ai alors pu voir son bras effectuer une rotation anormale (...). »
M. [B] a expliqué dans son attestation : « J'ai été témoin d'un accident impliquant M. [W] [X] et une machine d'arcade (...) C'était une machine « bras de fer ». [Y] [W] [X] a ainsi joué à cette machine et alors que tout se passait bien, la machine a soudainement résisté à la pression exercée par M. [W] [X], l'a renvoyée et j'ai ensuite vu celui-ci lâcher prise (...) l'air choqué en se tenant le bras. »
Ces attestations, en l'absence de tout autre élément de preuve (constat d'huissier, expertise technique du simulateur de bras de fer) ne suffisent pas à établir l'existence d'une défectuosité de la machine dont le mécanisme consiste à opposer au joueur une force mécanique d'intensité croissante en fonction des niveaux de difficulté choisis.
Selon les indications figurant en anglais sur le simulateur de bras de fer, dont la traduction libre proposée par la société LTDLN n'est pas contestée, le joueur est averti de l'existence d'un risque de blessure en cas d'application d'une force excessive, sans autre précision.
Il n'est pas contesté que M. [X], de nationalité britannique, était en mesure de comprendre cet avertissement.
Toutefois, s'agissant, d'une machine potentiellement dangereuse pouvant occasionner des blessures, la société LTDLN a commis un manquement à son obligation de sécurité de moyens, d'une part, en s'abstenant de donner aux usagers une information complète sur la nature et la gravité des blessures auxquelles ils s'exposaient, et sur la notion de « force excessive » (excessive force), d'autre part, en omettant de donner des consignes de sécurité précises concernant la bonne position de l'épaule, du coude, du bras, du poignet et de la main à adopter au cours de cet exercice de force afin d'éviter qu'une contrainte mécanique en torsion n'entraîne une fracture spiroïde (en spirale) de la diaphyse humérale.
Cette faute est en relation de causalité directe et certaine avec le dommage corporel subi par M. [X].
En l'absence de démonstration d'une utilisation anormale de la machine, ou d'une faute d'imprudence ou de négligence de M. [X], la responsabilité de la société LTDLN est seule engagée.
Le jugement sera confirmé.
Sur les demandes annexes
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.
La société LTDLN qui succombe en son recours supportera la charge des dépens d'appel.
L'équité commande d'allouer à M. [X], en application de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour et de rejeter la demande de la société LTDLN formulée au même titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,
- Confirme le jugement,
Y ajoutant,
- Condamne la société La Tête dans les nuages à payer à M. [W] [X], en application de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour,
- Rejette la demande de la société La Tête dans les nuages fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne la société La Tête dans les nuages aux dépens d'appel.