CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 3 juillet 2025, n° 24/11455
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 03 JUILLET 2025
N° 2025/417
Rôle N° RG 24/11455 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNWLK
S.A. ICF HABITAT SUD-EST MEDITERRANEE
C/
S.A.S.U. BO MARKET DISTRIBUTION
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Bénédicte PEIGNE
Me Thimothée JOLY de la SCP CABINET PIETRA & ASSOCIES
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Tribunal judiciaire de Nice en date du 08 Août 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 23/01526.
APPELANTE
S.A. d'HLM ICF HABITAT SUD-EST MEDITERRANEE
représentée par son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 1]
représentée par Me Bénédicte PEIGNE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Vincent PENARD de la SELARL AV AVOCATS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
et assistée de Me Astrid GALY, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
S.A.S.U. BO MARKET DISTRIBUTION
représentée par son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 2]
représentée par Me Thimothée JOLY de la SCP CABINET PIETRA & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
et assistée de Me Cyril SABATIE du cabinet LBVS, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 27 mai 2025 en audience publique devant la cour composée de :
M. Gilles PACAUD, Président
Mme Séverine MOGILKA, Conseillère
M. Laurent DESGOUIS, Conseiller rapporteur
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 juillet 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 juillet 2025,
Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé du 28 avril 2022, la société anonyme (SA) Icf Sud-Est Méditerranée a donné à bail commercial à la société par action simplifiées unipersonnelle (SASU) Orionis, des locaux commerciaux, situés [Adresse 4], moyennant le paiement d'un loyer annuel d'un montant de 13 200 € hors taxes et charges.
Conclu pour une durée de 9 ans, le bail a pris effet le 1er mai 2022. Il stipule en son article 12 la résiliation de plein droit en cas de non-paiement de tout ou partie d'un seul terme de loyer ou de charges.
Suivant relevé de décisions extraordinaires de l'associé unique en date du 24 février 2022, ce dernier a décidé de changer la dénomination sociale de la SASU Orionis en Bo Market Distribution. Suivant attestation de domiciliation, la SA Icf Sud-Est-Méditerranée a donné à bail commercial les locaux précités à la SASU Bo Market Borriglione, en cours de constitution, représentée par la SASU Orionis à partir du 1er mai 2022.
Suivant exploit du 15 mai 2023, la SA Icf Habitat Sud-Est Méditerranée a fait délivrer à la SASU Bo Market Distribution un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail en règlement de la somme de 7 718, 60 €, arrêtée à cette date, outre coût de l'acte.
Invoquant le caractère infructueux de ce commandement, la SA Icf Habitat Sud-Est Méditerranée a, suivant exploit délivré le 27 juillet 2023, fait assigner la SASU BDM devant le président du tribunal judiciaire de Nice, statuant en référé, aux fins notamment d'entendre constater la résiliation du bail consenti, l'expulsion de la locataire ainsi que sa condamnation au paiement de la dette locative.
Suivant ordonnance contradictoire, rendue le 8 août 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nice a :
débouté la SA Icf Habitat Sud-Est Méditerranée de sa demande liée à la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail ainsi que les demandes connexes d'expulsion et de condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation ;
débouté la SA Icf Habitat Sud-Est Méditerranée de sa demande d'indemnité à titre provisionnel ;
condamné la SA Icf Habitat Sud-Est Méditerranée à payer à la SASU Bo Market Distribution, à titre provisionnel, la somme de 67 053, 49 € ;
rejeté le surplus des demandes ;
condamné la SA Icf Habitat Sud-Est Méditerranée à payer à la SASU Bo Market Distribution la somme de 800 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre dépens.
Il a notamment retenu qu'il convenait de débouter le bailleur de ses demandes, eu égard aux contestations sérieuses, nées de la nullité du commandement de payer et de manquement du bailleur à son obligation de délivrance d'un local exploitable.
Suivant déclaration transmise au greffe le 19 septembre 2024, la SA Icf Habitat Sud-Est Méditerranée a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions dument reprises.
Par dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 novembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample expose' des prétentions et moyens, elle sollicite de la cour qu'elle infirme l'ordonnance de tous les chefs déférés et statuant à nouveau :
constate la résiliation de plein droit au 16 juin 2023 du bail commercial en date du 28 avril 2022 consenti à la SASU Bo Market Distribution et ce, en application de la clause résolutoire y contenue ;
en conséquence :
ordonne l'expulsion de la SASU Bo Market Distribution des biens immobiliers occupés par elle, et dont la SA SA Icf Habitat Sud-Est Méditerranée est propriétaire, à savoir un local commercial sis [Adresse 3], ainsi que celle de toutes personnes pouvant se trouver dans les lieux de son fait, ce, si nécessaire, avec le concours de la force publique ;
condamne la SASU Bo Market Distribution à lui payer la somme principale, tous arriérés confondus, de 9 509 € au mois de juillet 2023 échu (sauf à parfaire ou à diminuer au jour des débats) ;
condamne la SASU Bo Market Distribution à lui payer à compter de la date de résiliation du bail, une indemnité d'occupation calquée sur le dernier loyer dû, ce, jusqu'au délaissement des lieux ;
juge que la juridiction statuant en référé est incompétente pour statuer sur les demandes provisionnelles reconventionnelles formulées par la SASU Bo Market Distribution, lesquelles se heurtent à des contestations sérieuses ;
en conséquence :
juge n'y avoir lieu au règlement de la somme provisionnelle de 67 053, 49 € à la SASU Bo Market Distribution ;
condamne la SASU Bo Market Distribution à lui restituer la somme de 67 8053, 49 € ;
Ou, le cas échéant, en cas de consignation, autorise la libération des fonds, et donc de la somme de 67 053, 49 €, à son profit ;
déboute la SASU Bo Market Distribution de l'ensemble de ses demandes ;
condamne la SASU Bo Market Distribution à lui payer la somme de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre dépens de première instance et d'appel, comprenant le coût du commandement de payer du 15 mai 2023, distraits au bénéfice de Me Bénédicte Pigne, avocat.
Suivant ordonnance rendue le 28 février 2025, le président de cette chambre a prononcé l'irrecevabilité des conclusions, déposées le 14 février 2025, par la SCP Pietra & Associés et pour le compte de la SASU Bo Market Distribution.
L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance au 13 mai 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, il convient de rappeler que la cour n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constater », « donner acte », « dire et/ou juger » ou encore « déclarer » qui, sauf dispositions légales spécifiques, ne sont pas des prétentions, en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques, mais des moyens qui ne figurent que par erreur dans le dispositif, plutôt que dans la partie discussion des conclusions d'appel.
Par application des dispositions du 6e alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs. Ainsi, la cour qui n'est pas saisie de conclusions par l'intimée, doit, pour statuer sur l'appel, examiner les motifs du jugement ayant accueilli les prétentions de cette partie en première instance.
Le dernier alinéa de l'article 906 du même code énonce que les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables. Dès lors, les pièces doivent être écartées des débats lorsque les conclusions au soutien desquelles elles sont communiquées sont irrecevables, au seul constat de l'irrecevabilité des conclusions.
Sur la résiliation du bail et ses conséquences :
L'article 834 du code de procédure civile dispose que « dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ».
Le premier alinéa de l'article 835 du même code dispose que « le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».
Aux termes des dispositions du premier alinéa de l'article L. 145-41 du code de commerce, « toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux : le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai ».
En application des dispositions de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un contrat de bail en application d'une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en 'uvre régulièrement.
Sur la régularité du commandement de payer :
En l'espèce, l'appelante critique l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a considéré que le commandement de payer visant la clause résolutoire, délivré à sa locataire le 15 mai 2023, n'était pas conforme aux dispositions de l'article R. 221-1 du code des procédures civiles d'exécution. Elle fait ainsi valoir que cet article n'est pas applicable au commandement en question pour l'être uniquement au commandement délivré aux fins de saisie-vente, prévu à l'article L. 221-1 du même code. Elle expose enfin que le commandement dont question ne saurait être frappé de nullité dès lors qu'il vise expressément le délai d'un mois, laissé au preneur pour en apurer les causes.
Il convient de relever avec l'appelante l'inapplicabilité à l'espèce des dispositions de l'article R. 221-1 du code des procédures civiles d'exécution, celles-ci étant relatives au commandement aux fins de saisie-vente, visé à l'article L. 221-1 du même code.
Pour autant, il ressort du commandement de payer litigieux que, si la mention du délai d'un mois laissé au preneur pour s'acquitter des loyers et charges impayés figure bien au sein de celui-ci, aucun décompte précis de la dette locative, visée à la somme principale de 7 718, 60 €, ne lui est annexé.
En rappelant ainsi qu'il ne relève pas des pouvoirs du juge des référés de prononcer la nullité du commandement de payer, le premier juge a fait une exacte appréciation de l'étendue de ceux-ci. En indiquant qu'il relève néanmoins des pouvoirs qui lui sont dévolus de déterminer si les éventuelles irrégularités, opposées au commandement, sont susceptibles de constituer un moyen de contestation sérieuse, faisant obstacle au constat de la résolution du bail, le premier juge a fait appréciation, tout aussi exacte, de l'étendue de ses pouvoirs.
Il doit ainsi être rappelé qu'un commandement de payer doit être établi de manière suffisamment détaillée pour permettre au preneur de connaitre avec précision la nature et l'étendue des manquements contractuels qui lui sont reprochés. De cette manière, ce dernier doit pouvoir être mis en mesure de vérifier le bienfondé et les dates d'échéances des sommes qui lui sont réclamées au titre de la créance locative dont se prévaut le bailleur.
Dès lors et faute de viser le détail précis et circonstancié des causes des sommes, dont le paiement est requis dans le délai d'un mois, le commandement de payer ne saurait produire d'effet, pour être entaché d'irrégularité.
En conséquence, c'est à bon droit que le premier juge a admis que le commandement de payer, délivré le 15 mai 2023, était affecté d'une irrégularité manifeste.
Sur l'exception d'inexécution :
L'article 1719 du code civil dispose que « le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :
1° De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant ;
2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;
3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;
4° D'assurer également la permanence et la qualité des plantations ».
L'article 1720 du même code dispose que « le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce.
Il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives ».
L'article 1219 du même code dispose qu'« une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave ».
En l'espèce, l'appelante soutient que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, aucune exception d'inexécution, née de l'impossibilité d'exploiter les lieux, ne peut lui être opposée. Elle note à ce titre qu'elle ne disposait d'aucun élément, relatif à l'ampleur des désordres affectant le bien loué, avant le rapport définitif d'expertise amiable, en date du 20 octobre 2023, et rappelle que, suivant ses préconisations, son exploitation restait possible.
Devant le premier juge, la SASU Bo Market Distribution soutenait n'avoir pu exploiter le local compte-tenu de leur état et des graves désordres structurels affectant le plancher bas de ce dernier. La preneuse expliquait alors s'être vue interdire de réaliser les travaux nécessaires pour son installation et l'exploitation des lieux.
Pour étayer ses arguments, l'appelante produit en cause d'appel l'avis technique de diagnostique structure, établi par 1GBTP le 10 octobre 2022, indiquant au titre des préconisations de vigilance et de bon sens que « dans ces conditions le site pourra être remis temporairement à disposition de l'exploitant ».
Pour autant, cet avis technique, daté de moins de sept mois après la date d'effet du bail liant les parties, fait état de nombreuses fissurations sur les structures de l'immeuble. Ces dernières sont ainsi décrites comme affectant la dalle haute des planchers, les plus grosses étant traversantes et visibles du sol du local du rez-de-chaussée ; toutes les cloisons séparatives des caves, et en particulier celles situées sous les poutres de plancher, écrasées avec de nombreuses zones éclatées et instables ; les murs en maçonnerie côté rue. Le rapport mentionne également que les appuis de poutre côté couloir sont, à certains endroits, très affectés, la maçonnerie porteuse étant décrite comme dégradée. Il note encore quelques épaufrures avec aciers apparents sur les structures béton avec corrosion de aciers. Enfin, les sols de la cave présentent des déformations et fissurations.
Face à de tels constats, 1GBTP formule des préconisations à court et moyen terme, articulées en trois actions :
missionner un géotechnicien pour des investigations du sol d'assise de l'immeuble :
mise en sécurité des caves par étaiement ;
couture des fissurations de plancher : « afin de garder l'exploitation possible des locaux du RDC concernés (sur cave), nous proposons de réaliser une reprise des fissurations des dalles de plancher. Ceci dans l'attente de travaux plus lourds après diagnostic géotechnique ».
Dès lors, 1GBTP a pu indiquer, au titre des « préconisations de vigilance et de bon sens », que tous autres travaux touchant à la structure de l'immeuble, et notamment les travaux d'ouvertures des murs porteurs tels que sollicités par la SASU Bo Market Distribution, devaient être proscrits.
Pour autant, ce n'est, à l'évidence, pas la seule condition sous laquelle le technicien a pu indiquer que le site pourrait être remis temporairement à la disposition de l'exploitant.
Avec la même évidence, l'avis technique vise « ces conditions » et renvoie de ce fait à l'ensemble des actions de court et moyen terme développées plus haut.
En ce sens, l'appelante ne saurait valablement soutenir ne pas avoir été en mesure de connaître l'étendue précise des désordres, affectant la solidité du local donné à bail, et des mesures de remédiation avant le dépôt du rapport définitif d'expertise amiable du 20 octobre 2023, qu'elle ne produit, au demeurant, pas en cause d'appel.
Elle ne saurait, de plus, valablement exciper du fait qu'elle aurait informé la preneuse, par courrier du 20 octobre 2022, de ce qu'elle ne pouvait autoriser la réalisation de travaux d'ouverture des cloisons et murs du local commercial, l'autorisant néanmoins à entreprendre l'embellissement du commerce, sans méconnaître l'obligation de délivrance conforme des lieux loués qui lui incombe.
Elle ne saurait encore s'appuyer sur l'absence de régularisation, par la preneuse, du protocole transactionnel mettant fin de bail au 31 janvier 2023, pour critiquer l'exception d'inexécution soulevée par cette dernière, qui se serait maintenue dans les lieux et aurait aggravé la dette locative.
A la lumière de ces éléments, et des risques, qui auraient pu, à court ou moyen terme, résulter d'une exploitation du local sans que ne soit préalablement entreprises les premières mesures de remédiation des désordres, c'est à bon droit que le premier juge a pu retenir l'exception d'inexécution, soulevée par la preneuse, dès lors que la bailleresse a, à l'évidence, manqué à son devoir de délivrance conforme.
En conséquence, et en retenant l'irrégularité affectant le commandement de payer du 15 avril 2023, d'une part, et l'exception d'inexécution, invoquée par la SASU Bo Market Distribution, d'autre part, le premier juge a fait une exacte appréciation de la situation pour débouter la SA Icf Habitat Sud-Est Méditerranée de sa demande tendant à la constatation de la résiliation du bail liant les parties et pour dire les demandes connexes d'expulsion et de condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation dépourvues d'objet.
L'ordonnance entreprise sera donc confirmée de ce chef.
Sur les demandes de provision :
Le second alinéa de l'article 835 du code de procédure civile dispose que « dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, (le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence) peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ».
Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision, tant en son principe qu'en son montant. En ce sens, une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposés à ses prétentions laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait intervenir par la suite sur ce point.
A l'inverse, sera écartée une contestation qui serait à l'évidence superficielle ou artificielle, le montant de la provision n'ayant alors d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
C'est enfin au moment où la cour statue qu'elle doit apprécier l'existence d'une contestation sérieuse, le litige n'étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l'articulation de ce moyen.
Sur la provision sollicitée par l'appelante :
Pour débouter la SA Icf Habitat Sud-Est Méditerranée de sa demande tendant à la condamnation de la preneuse à lui payer une provision de 9 509 € à valoir sur la créance locative qu'elle invoque, arrêtée au mois de juillet 2023, le premier juge a exactement retenu que l'obligation de paiement des loyers se heurtait à des contestations sérieuses, caractérisées par l'impossibilité d'exploiter le local loué dans des conditions normales en raison d'un dégât des eaux, d'une fissure dans la cave et de l'impossibilité de procéder aux travaux sollicités par la SASU Bo Market Distribution.
Compte tenu des éléments relevés plus haut s'agissant de l'analyse de l'exception d'inexécution opposée par la preneuse, comme de l'absence de moyens dédiés à l'étayage de cette prétention, tel que cela ressort du dernier état des écritures de l'appelante, l'ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef.
Sur la provision octroyée à la SASU Bo Market Distribution :
Pour solliciter l'infirmation de l'ordonnance déférée en ce qu'elle l'a condamnée à payer à la preneuse la somme provisionnelle totale de 67 053, 49 € à valoir sur les frais engagés du fait de l'impossibilité d'exploiter le local loué, l'appelante soutient que son obligation d'indemnisation se heurte à des contestations sérieuses.
S'agissant, tout d'abord, de la somme de 43 212, 99 €, admise en première instance au titre de l'acompte de 30% payé à la société Général Concept au démarrage du chantier engagée par la preneuse, la SA Icf Habitat Sud-Est Méditerranée prétend que la locataire n'a produit qu'un devis, non accompagné d'une facture, et qu'il n'est pas démontré que celui-ci concerne directement les locaux loués, le gérant de la SASU Bo Market Distribution exerçant dans plusieurs autres locaux commerciaux.
Il convient de remarquer que les contestations élevées de ces chefs ne présentent pas de caractère sérieux. Ainsi la seule production des informations relatives à l'exploitation par la preneuse d'autres locaux commerciaux ne saurait, avec l'évidence requise en référé, suffire à qualifier de sérieuse la contestation émise. De la même manière, l'appelante n'établit, à l'évidence, pas les raisons pour lesquelles la production d'un devis, dont il n'est pas fait référence dans l'ordonnance critiquée, ne saurait suffire à conférer un caractère certain à la somme réclamée. Il doit être relevé à ce titre que la société Général Concept est bien intervenue sur les lieux litigieux, dès lors qu'il est relevé dans l'ordonnance déférée l'existence de correspondances courriels en date du 22 juin 2022, aux termes desquelles l'entreprise constatait la présence de fissures sur toute la hauteur d'une cave.
S'agissant, ensuite, de la somme de 10 790, 50 €, correspondant au loyer réglé pour la période courant du 7 juin 2022 au 31 décembre 2022, l'appelante soutient que ce n'est qu'à la date du 10 octobre 2022 qu'elle a pris connaissance du diagnostic structure.
Or il ressort des dernières écritures transmises par la SA Icf Habitat Sud-Est Méditerranée le 14 novembre 2024, comme des pièces qui les accompagnent, que le 7 juin 2022 correspond à la date du rapport d'intervention de la société Sapian, mandatée par la bailleresse pour réaliser les travaux nécessaires à résorber l'important dégât des eaux ayant affecté le local commercial. La contestation émise n'apparaît ainsi pas sérieuse.
S'agissant, encore, de la somme de 11 050 €, relative au règlement des loyers du local d'entrepôt pour la même période, l'appelante soutient qu'il n'est pas démontré que le bail, versé aux débats de première instance, est directement en lien avec l'impossibilité d'exploiter le local loué. Elle prétend en outre que la preuve des paiements n'est pas rapportée.
Il convient à nouveau de relever l'absence de caractère sérieux de la contestation émise. Le simple fait de suggérer que le local d'entrepôt aurait pu être loué pour les besoins d'exploitation d'un autre local pris à bail par la preneuse sans autre élément s'avère inopérant, comme peut l'être l'absence de démonstration, réelle ou supposée, de leur règlement.
S'agissant enfin de la somme de 2 000 € au titre de l'indemnité de résiliation amiable du bail afférent à l'entrepôt, l'appelante ne peut valablement soutenir que la date de ladite résiliation anticipée, fixée au 26 juillet 2023, ne correspond en rien à la date à laquelle les désordres auraient été connus. Conformément à ce qui a été examiné plus haut, il convient de relever qu'elle ne peut valablement prétendre ne pas avoir eu connaissance des désordres avant le 20 octobre 2023, eu égard notamment au diagnostic établi le 10 octobre 2022 par 1GBTP. Aucune contestation sérieuse ne s'oppose donc à l'obligation d'indemnisation de la bailleresse de ce chef.
Il résulte de l'ensemble des éléments qui précède que c'est à bon droit que le premier juge a retenu que seules les sommes exposées par la SASU Bo Market Distribution, en lien de causalité direct avec l'impossibilité d'exploiter le local commercial, devaient être indemnisés pour une somme totale de 67 053, 49 € à laquelle la bailleresse a été condamnée à titre provisionnel.
L'ordonnance déférée sera en conséquence confirmée de ce chef.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Dès lors que la SA Icf Habitat Sud-Est Méditerranée succombe en ses prétentions en cause d'appel, l'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle l'a condamné à payer à la SASU Bo Market Distribution la somme de 800 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre dépens.
Pour la même raison, la SA Icf Habitat Sud-Est Méditerranée sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Déboute la SA Icf Habitat Sud-Est Méditerranée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SA Icf Habitat Sud-Est Méditerranée aux dépens d'appels.
La greffière Le président
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 03 JUILLET 2025
N° 2025/417
Rôle N° RG 24/11455 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNWLK
S.A. ICF HABITAT SUD-EST MEDITERRANEE
C/
S.A.S.U. BO MARKET DISTRIBUTION
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Bénédicte PEIGNE
Me Thimothée JOLY de la SCP CABINET PIETRA & ASSOCIES
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Tribunal judiciaire de Nice en date du 08 Août 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 23/01526.
APPELANTE
S.A. d'HLM ICF HABITAT SUD-EST MEDITERRANEE
représentée par son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 1]
représentée par Me Bénédicte PEIGNE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Vincent PENARD de la SELARL AV AVOCATS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
et assistée de Me Astrid GALY, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
S.A.S.U. BO MARKET DISTRIBUTION
représentée par son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 2]
représentée par Me Thimothée JOLY de la SCP CABINET PIETRA & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
et assistée de Me Cyril SABATIE du cabinet LBVS, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 27 mai 2025 en audience publique devant la cour composée de :
M. Gilles PACAUD, Président
Mme Séverine MOGILKA, Conseillère
M. Laurent DESGOUIS, Conseiller rapporteur
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 juillet 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 juillet 2025,
Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé du 28 avril 2022, la société anonyme (SA) Icf Sud-Est Méditerranée a donné à bail commercial à la société par action simplifiées unipersonnelle (SASU) Orionis, des locaux commerciaux, situés [Adresse 4], moyennant le paiement d'un loyer annuel d'un montant de 13 200 € hors taxes et charges.
Conclu pour une durée de 9 ans, le bail a pris effet le 1er mai 2022. Il stipule en son article 12 la résiliation de plein droit en cas de non-paiement de tout ou partie d'un seul terme de loyer ou de charges.
Suivant relevé de décisions extraordinaires de l'associé unique en date du 24 février 2022, ce dernier a décidé de changer la dénomination sociale de la SASU Orionis en Bo Market Distribution. Suivant attestation de domiciliation, la SA Icf Sud-Est-Méditerranée a donné à bail commercial les locaux précités à la SASU Bo Market Borriglione, en cours de constitution, représentée par la SASU Orionis à partir du 1er mai 2022.
Suivant exploit du 15 mai 2023, la SA Icf Habitat Sud-Est Méditerranée a fait délivrer à la SASU Bo Market Distribution un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail en règlement de la somme de 7 718, 60 €, arrêtée à cette date, outre coût de l'acte.
Invoquant le caractère infructueux de ce commandement, la SA Icf Habitat Sud-Est Méditerranée a, suivant exploit délivré le 27 juillet 2023, fait assigner la SASU BDM devant le président du tribunal judiciaire de Nice, statuant en référé, aux fins notamment d'entendre constater la résiliation du bail consenti, l'expulsion de la locataire ainsi que sa condamnation au paiement de la dette locative.
Suivant ordonnance contradictoire, rendue le 8 août 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nice a :
débouté la SA Icf Habitat Sud-Est Méditerranée de sa demande liée à la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail ainsi que les demandes connexes d'expulsion et de condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation ;
débouté la SA Icf Habitat Sud-Est Méditerranée de sa demande d'indemnité à titre provisionnel ;
condamné la SA Icf Habitat Sud-Est Méditerranée à payer à la SASU Bo Market Distribution, à titre provisionnel, la somme de 67 053, 49 € ;
rejeté le surplus des demandes ;
condamné la SA Icf Habitat Sud-Est Méditerranée à payer à la SASU Bo Market Distribution la somme de 800 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre dépens.
Il a notamment retenu qu'il convenait de débouter le bailleur de ses demandes, eu égard aux contestations sérieuses, nées de la nullité du commandement de payer et de manquement du bailleur à son obligation de délivrance d'un local exploitable.
Suivant déclaration transmise au greffe le 19 septembre 2024, la SA Icf Habitat Sud-Est Méditerranée a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions dument reprises.
Par dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 novembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample expose' des prétentions et moyens, elle sollicite de la cour qu'elle infirme l'ordonnance de tous les chefs déférés et statuant à nouveau :
constate la résiliation de plein droit au 16 juin 2023 du bail commercial en date du 28 avril 2022 consenti à la SASU Bo Market Distribution et ce, en application de la clause résolutoire y contenue ;
en conséquence :
ordonne l'expulsion de la SASU Bo Market Distribution des biens immobiliers occupés par elle, et dont la SA SA Icf Habitat Sud-Est Méditerranée est propriétaire, à savoir un local commercial sis [Adresse 3], ainsi que celle de toutes personnes pouvant se trouver dans les lieux de son fait, ce, si nécessaire, avec le concours de la force publique ;
condamne la SASU Bo Market Distribution à lui payer la somme principale, tous arriérés confondus, de 9 509 € au mois de juillet 2023 échu (sauf à parfaire ou à diminuer au jour des débats) ;
condamne la SASU Bo Market Distribution à lui payer à compter de la date de résiliation du bail, une indemnité d'occupation calquée sur le dernier loyer dû, ce, jusqu'au délaissement des lieux ;
juge que la juridiction statuant en référé est incompétente pour statuer sur les demandes provisionnelles reconventionnelles formulées par la SASU Bo Market Distribution, lesquelles se heurtent à des contestations sérieuses ;
en conséquence :
juge n'y avoir lieu au règlement de la somme provisionnelle de 67 053, 49 € à la SASU Bo Market Distribution ;
condamne la SASU Bo Market Distribution à lui restituer la somme de 67 8053, 49 € ;
Ou, le cas échéant, en cas de consignation, autorise la libération des fonds, et donc de la somme de 67 053, 49 €, à son profit ;
déboute la SASU Bo Market Distribution de l'ensemble de ses demandes ;
condamne la SASU Bo Market Distribution à lui payer la somme de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre dépens de première instance et d'appel, comprenant le coût du commandement de payer du 15 mai 2023, distraits au bénéfice de Me Bénédicte Pigne, avocat.
Suivant ordonnance rendue le 28 février 2025, le président de cette chambre a prononcé l'irrecevabilité des conclusions, déposées le 14 février 2025, par la SCP Pietra & Associés et pour le compte de la SASU Bo Market Distribution.
L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance au 13 mai 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, il convient de rappeler que la cour n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constater », « donner acte », « dire et/ou juger » ou encore « déclarer » qui, sauf dispositions légales spécifiques, ne sont pas des prétentions, en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques, mais des moyens qui ne figurent que par erreur dans le dispositif, plutôt que dans la partie discussion des conclusions d'appel.
Par application des dispositions du 6e alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs. Ainsi, la cour qui n'est pas saisie de conclusions par l'intimée, doit, pour statuer sur l'appel, examiner les motifs du jugement ayant accueilli les prétentions de cette partie en première instance.
Le dernier alinéa de l'article 906 du même code énonce que les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables. Dès lors, les pièces doivent être écartées des débats lorsque les conclusions au soutien desquelles elles sont communiquées sont irrecevables, au seul constat de l'irrecevabilité des conclusions.
Sur la résiliation du bail et ses conséquences :
L'article 834 du code de procédure civile dispose que « dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ».
Le premier alinéa de l'article 835 du même code dispose que « le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».
Aux termes des dispositions du premier alinéa de l'article L. 145-41 du code de commerce, « toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux : le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai ».
En application des dispositions de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un contrat de bail en application d'une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en 'uvre régulièrement.
Sur la régularité du commandement de payer :
En l'espèce, l'appelante critique l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a considéré que le commandement de payer visant la clause résolutoire, délivré à sa locataire le 15 mai 2023, n'était pas conforme aux dispositions de l'article R. 221-1 du code des procédures civiles d'exécution. Elle fait ainsi valoir que cet article n'est pas applicable au commandement en question pour l'être uniquement au commandement délivré aux fins de saisie-vente, prévu à l'article L. 221-1 du même code. Elle expose enfin que le commandement dont question ne saurait être frappé de nullité dès lors qu'il vise expressément le délai d'un mois, laissé au preneur pour en apurer les causes.
Il convient de relever avec l'appelante l'inapplicabilité à l'espèce des dispositions de l'article R. 221-1 du code des procédures civiles d'exécution, celles-ci étant relatives au commandement aux fins de saisie-vente, visé à l'article L. 221-1 du même code.
Pour autant, il ressort du commandement de payer litigieux que, si la mention du délai d'un mois laissé au preneur pour s'acquitter des loyers et charges impayés figure bien au sein de celui-ci, aucun décompte précis de la dette locative, visée à la somme principale de 7 718, 60 €, ne lui est annexé.
En rappelant ainsi qu'il ne relève pas des pouvoirs du juge des référés de prononcer la nullité du commandement de payer, le premier juge a fait une exacte appréciation de l'étendue de ceux-ci. En indiquant qu'il relève néanmoins des pouvoirs qui lui sont dévolus de déterminer si les éventuelles irrégularités, opposées au commandement, sont susceptibles de constituer un moyen de contestation sérieuse, faisant obstacle au constat de la résolution du bail, le premier juge a fait appréciation, tout aussi exacte, de l'étendue de ses pouvoirs.
Il doit ainsi être rappelé qu'un commandement de payer doit être établi de manière suffisamment détaillée pour permettre au preneur de connaitre avec précision la nature et l'étendue des manquements contractuels qui lui sont reprochés. De cette manière, ce dernier doit pouvoir être mis en mesure de vérifier le bienfondé et les dates d'échéances des sommes qui lui sont réclamées au titre de la créance locative dont se prévaut le bailleur.
Dès lors et faute de viser le détail précis et circonstancié des causes des sommes, dont le paiement est requis dans le délai d'un mois, le commandement de payer ne saurait produire d'effet, pour être entaché d'irrégularité.
En conséquence, c'est à bon droit que le premier juge a admis que le commandement de payer, délivré le 15 mai 2023, était affecté d'une irrégularité manifeste.
Sur l'exception d'inexécution :
L'article 1719 du code civil dispose que « le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :
1° De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant ;
2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;
3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;
4° D'assurer également la permanence et la qualité des plantations ».
L'article 1720 du même code dispose que « le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce.
Il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives ».
L'article 1219 du même code dispose qu'« une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave ».
En l'espèce, l'appelante soutient que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, aucune exception d'inexécution, née de l'impossibilité d'exploiter les lieux, ne peut lui être opposée. Elle note à ce titre qu'elle ne disposait d'aucun élément, relatif à l'ampleur des désordres affectant le bien loué, avant le rapport définitif d'expertise amiable, en date du 20 octobre 2023, et rappelle que, suivant ses préconisations, son exploitation restait possible.
Devant le premier juge, la SASU Bo Market Distribution soutenait n'avoir pu exploiter le local compte-tenu de leur état et des graves désordres structurels affectant le plancher bas de ce dernier. La preneuse expliquait alors s'être vue interdire de réaliser les travaux nécessaires pour son installation et l'exploitation des lieux.
Pour étayer ses arguments, l'appelante produit en cause d'appel l'avis technique de diagnostique structure, établi par 1GBTP le 10 octobre 2022, indiquant au titre des préconisations de vigilance et de bon sens que « dans ces conditions le site pourra être remis temporairement à disposition de l'exploitant ».
Pour autant, cet avis technique, daté de moins de sept mois après la date d'effet du bail liant les parties, fait état de nombreuses fissurations sur les structures de l'immeuble. Ces dernières sont ainsi décrites comme affectant la dalle haute des planchers, les plus grosses étant traversantes et visibles du sol du local du rez-de-chaussée ; toutes les cloisons séparatives des caves, et en particulier celles situées sous les poutres de plancher, écrasées avec de nombreuses zones éclatées et instables ; les murs en maçonnerie côté rue. Le rapport mentionne également que les appuis de poutre côté couloir sont, à certains endroits, très affectés, la maçonnerie porteuse étant décrite comme dégradée. Il note encore quelques épaufrures avec aciers apparents sur les structures béton avec corrosion de aciers. Enfin, les sols de la cave présentent des déformations et fissurations.
Face à de tels constats, 1GBTP formule des préconisations à court et moyen terme, articulées en trois actions :
missionner un géotechnicien pour des investigations du sol d'assise de l'immeuble :
mise en sécurité des caves par étaiement ;
couture des fissurations de plancher : « afin de garder l'exploitation possible des locaux du RDC concernés (sur cave), nous proposons de réaliser une reprise des fissurations des dalles de plancher. Ceci dans l'attente de travaux plus lourds après diagnostic géotechnique ».
Dès lors, 1GBTP a pu indiquer, au titre des « préconisations de vigilance et de bon sens », que tous autres travaux touchant à la structure de l'immeuble, et notamment les travaux d'ouvertures des murs porteurs tels que sollicités par la SASU Bo Market Distribution, devaient être proscrits.
Pour autant, ce n'est, à l'évidence, pas la seule condition sous laquelle le technicien a pu indiquer que le site pourrait être remis temporairement à la disposition de l'exploitant.
Avec la même évidence, l'avis technique vise « ces conditions » et renvoie de ce fait à l'ensemble des actions de court et moyen terme développées plus haut.
En ce sens, l'appelante ne saurait valablement soutenir ne pas avoir été en mesure de connaître l'étendue précise des désordres, affectant la solidité du local donné à bail, et des mesures de remédiation avant le dépôt du rapport définitif d'expertise amiable du 20 octobre 2023, qu'elle ne produit, au demeurant, pas en cause d'appel.
Elle ne saurait, de plus, valablement exciper du fait qu'elle aurait informé la preneuse, par courrier du 20 octobre 2022, de ce qu'elle ne pouvait autoriser la réalisation de travaux d'ouverture des cloisons et murs du local commercial, l'autorisant néanmoins à entreprendre l'embellissement du commerce, sans méconnaître l'obligation de délivrance conforme des lieux loués qui lui incombe.
Elle ne saurait encore s'appuyer sur l'absence de régularisation, par la preneuse, du protocole transactionnel mettant fin de bail au 31 janvier 2023, pour critiquer l'exception d'inexécution soulevée par cette dernière, qui se serait maintenue dans les lieux et aurait aggravé la dette locative.
A la lumière de ces éléments, et des risques, qui auraient pu, à court ou moyen terme, résulter d'une exploitation du local sans que ne soit préalablement entreprises les premières mesures de remédiation des désordres, c'est à bon droit que le premier juge a pu retenir l'exception d'inexécution, soulevée par la preneuse, dès lors que la bailleresse a, à l'évidence, manqué à son devoir de délivrance conforme.
En conséquence, et en retenant l'irrégularité affectant le commandement de payer du 15 avril 2023, d'une part, et l'exception d'inexécution, invoquée par la SASU Bo Market Distribution, d'autre part, le premier juge a fait une exacte appréciation de la situation pour débouter la SA Icf Habitat Sud-Est Méditerranée de sa demande tendant à la constatation de la résiliation du bail liant les parties et pour dire les demandes connexes d'expulsion et de condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation dépourvues d'objet.
L'ordonnance entreprise sera donc confirmée de ce chef.
Sur les demandes de provision :
Le second alinéa de l'article 835 du code de procédure civile dispose que « dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, (le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence) peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ».
Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision, tant en son principe qu'en son montant. En ce sens, une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposés à ses prétentions laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait intervenir par la suite sur ce point.
A l'inverse, sera écartée une contestation qui serait à l'évidence superficielle ou artificielle, le montant de la provision n'ayant alors d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
C'est enfin au moment où la cour statue qu'elle doit apprécier l'existence d'une contestation sérieuse, le litige n'étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l'articulation de ce moyen.
Sur la provision sollicitée par l'appelante :
Pour débouter la SA Icf Habitat Sud-Est Méditerranée de sa demande tendant à la condamnation de la preneuse à lui payer une provision de 9 509 € à valoir sur la créance locative qu'elle invoque, arrêtée au mois de juillet 2023, le premier juge a exactement retenu que l'obligation de paiement des loyers se heurtait à des contestations sérieuses, caractérisées par l'impossibilité d'exploiter le local loué dans des conditions normales en raison d'un dégât des eaux, d'une fissure dans la cave et de l'impossibilité de procéder aux travaux sollicités par la SASU Bo Market Distribution.
Compte tenu des éléments relevés plus haut s'agissant de l'analyse de l'exception d'inexécution opposée par la preneuse, comme de l'absence de moyens dédiés à l'étayage de cette prétention, tel que cela ressort du dernier état des écritures de l'appelante, l'ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef.
Sur la provision octroyée à la SASU Bo Market Distribution :
Pour solliciter l'infirmation de l'ordonnance déférée en ce qu'elle l'a condamnée à payer à la preneuse la somme provisionnelle totale de 67 053, 49 € à valoir sur les frais engagés du fait de l'impossibilité d'exploiter le local loué, l'appelante soutient que son obligation d'indemnisation se heurte à des contestations sérieuses.
S'agissant, tout d'abord, de la somme de 43 212, 99 €, admise en première instance au titre de l'acompte de 30% payé à la société Général Concept au démarrage du chantier engagée par la preneuse, la SA Icf Habitat Sud-Est Méditerranée prétend que la locataire n'a produit qu'un devis, non accompagné d'une facture, et qu'il n'est pas démontré que celui-ci concerne directement les locaux loués, le gérant de la SASU Bo Market Distribution exerçant dans plusieurs autres locaux commerciaux.
Il convient de remarquer que les contestations élevées de ces chefs ne présentent pas de caractère sérieux. Ainsi la seule production des informations relatives à l'exploitation par la preneuse d'autres locaux commerciaux ne saurait, avec l'évidence requise en référé, suffire à qualifier de sérieuse la contestation émise. De la même manière, l'appelante n'établit, à l'évidence, pas les raisons pour lesquelles la production d'un devis, dont il n'est pas fait référence dans l'ordonnance critiquée, ne saurait suffire à conférer un caractère certain à la somme réclamée. Il doit être relevé à ce titre que la société Général Concept est bien intervenue sur les lieux litigieux, dès lors qu'il est relevé dans l'ordonnance déférée l'existence de correspondances courriels en date du 22 juin 2022, aux termes desquelles l'entreprise constatait la présence de fissures sur toute la hauteur d'une cave.
S'agissant, ensuite, de la somme de 10 790, 50 €, correspondant au loyer réglé pour la période courant du 7 juin 2022 au 31 décembre 2022, l'appelante soutient que ce n'est qu'à la date du 10 octobre 2022 qu'elle a pris connaissance du diagnostic structure.
Or il ressort des dernières écritures transmises par la SA Icf Habitat Sud-Est Méditerranée le 14 novembre 2024, comme des pièces qui les accompagnent, que le 7 juin 2022 correspond à la date du rapport d'intervention de la société Sapian, mandatée par la bailleresse pour réaliser les travaux nécessaires à résorber l'important dégât des eaux ayant affecté le local commercial. La contestation émise n'apparaît ainsi pas sérieuse.
S'agissant, encore, de la somme de 11 050 €, relative au règlement des loyers du local d'entrepôt pour la même période, l'appelante soutient qu'il n'est pas démontré que le bail, versé aux débats de première instance, est directement en lien avec l'impossibilité d'exploiter le local loué. Elle prétend en outre que la preuve des paiements n'est pas rapportée.
Il convient à nouveau de relever l'absence de caractère sérieux de la contestation émise. Le simple fait de suggérer que le local d'entrepôt aurait pu être loué pour les besoins d'exploitation d'un autre local pris à bail par la preneuse sans autre élément s'avère inopérant, comme peut l'être l'absence de démonstration, réelle ou supposée, de leur règlement.
S'agissant enfin de la somme de 2 000 € au titre de l'indemnité de résiliation amiable du bail afférent à l'entrepôt, l'appelante ne peut valablement soutenir que la date de ladite résiliation anticipée, fixée au 26 juillet 2023, ne correspond en rien à la date à laquelle les désordres auraient été connus. Conformément à ce qui a été examiné plus haut, il convient de relever qu'elle ne peut valablement prétendre ne pas avoir eu connaissance des désordres avant le 20 octobre 2023, eu égard notamment au diagnostic établi le 10 octobre 2022 par 1GBTP. Aucune contestation sérieuse ne s'oppose donc à l'obligation d'indemnisation de la bailleresse de ce chef.
Il résulte de l'ensemble des éléments qui précède que c'est à bon droit que le premier juge a retenu que seules les sommes exposées par la SASU Bo Market Distribution, en lien de causalité direct avec l'impossibilité d'exploiter le local commercial, devaient être indemnisés pour une somme totale de 67 053, 49 € à laquelle la bailleresse a été condamnée à titre provisionnel.
L'ordonnance déférée sera en conséquence confirmée de ce chef.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Dès lors que la SA Icf Habitat Sud-Est Méditerranée succombe en ses prétentions en cause d'appel, l'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle l'a condamné à payer à la SASU Bo Market Distribution la somme de 800 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre dépens.
Pour la même raison, la SA Icf Habitat Sud-Est Méditerranée sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Déboute la SA Icf Habitat Sud-Est Méditerranée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SA Icf Habitat Sud-Est Méditerranée aux dépens d'appels.
La greffière Le président