CA Chambéry, 2e ch., 3 juillet 2025, n° 24/01263
CHAMBÉRY
Autre
Autre
N° Minute : [Immatriculation 2]/299
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 03 Juillet 2025
N° RG 24/01263 - N° Portalis DBVY-V-B7I-HR7L
Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge de l'exécution d'[Localité 7] en date du 27 Août 2024, RG 24/00325
Appelante
S.A.S. EHG, dont le siège social est sis [Adresse 5] prise en la personne de son représentant légal
Représentée par la SELARL EME & CUTTAZ AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELEURL BOUTANG, avocat plaidant au barreau de PARIS
Intimées
S.C.I. DORON, dont le siège social est sis [Adresse 8] prise en la personne de son représentant légal
S.C.I. DORON-ISERE, dont le siège social est sis [Adresse 9] prise en la personne de son représentant légal
Représentées par la SCP LOUCHET CAPDEVILLE, avocat postulant au barreau D'ALBERTVILLE et la SELAS ZERBO, avocat postulant au barreau de LYON
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 15 avril 2025 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière présente à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré, à laquelle il a été procédé au rapport,
Et lors du délibéré, par :
- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
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EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 20 décembre 2001, la SCI Doron Isère a consenti à la société [R] Equipement Hôtelier un bail commercial portant sur un bâtiment situé [Adresse 10] à Moûtiers (Savoie).
Par acte authentique des 19 et 23 mars 2009 la SCI Doron a consenti à la société [R] Equipement Hôtelier un bail commercial portant sur un bâtiment et un terrain attenant situés [Adresse 3] Moutiers.
Ces baux portant sur des locaux contigüs ont été renouvelés tacitement.
En 2016 la société [R] Equipement Hôtelier a fait l'objet d'une procédure de redressement puis de liquidation judiciaire, et, dans ce cadre, d'un plan de cession de ses actifs à la société EHG, comprenant les deux baux précités.
Par jugement du 29 septembre 2020, le tribunal de commerce de Chambéry a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société EHG. Un plan de continuation a été adopté par jugement du 5 mars 2021.
Par actes du 4 octobre 2023, la SCI Doron et la SCI Doron Isère ont fait délivrer à la société EHG des commandements de payer les loyers dûs, visant les clauses résolutoires des baux.
Par actes délivrés le 3 novembre 2023, la société EHG a fait assigner les deux sociétés bailleresses devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Albertville pour obtenir la suspension des effets de la clause résolutoire des baux.
Par ordonnance rendue le 30 novembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire d'Albertville a essentiellement :
constaté la résiliation des baux commerciaux liant la société EHG à la SCI Doron, d'une part, et à la SCI Doron Isère, d'autre part, à la date du 5 novembre 2023,
condamné la société EHG à verser à titre provisionnel :
- à la SCI Doron la somme de 109 201,68 euros au titre du loyer du 4ème trimestre 2023, de la taxe foncière 2023, outre intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2023, outre une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges à compter de la résiliation du bail, jusqu'au départ effectif du preneur,
- à la SCI Doron Isère la somme de 43 500 euros au titre du loyer du 3ème trimestre 2023, outre intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2023, outre une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges à compter de la résiliation du bail, jusqu'au départ effectif du preneur,
ordonné la suspension des effets des commandements de payer délivrés le 4 octobre 2023 et autorisé la société EHG à s'acquitter de son arriéré en six échéances mensuelles à l'égard de chacune des deux SCI, avant le 10 de chaque mois,
dit qu'en cas de respect des obligations d'apurement de l'arriéré mises à la charge du preneur, les baux reprendraient leur plein et entier effet entre les parties,
dit qu'à défaut pour le preneur de respecter l'intégralité de ses obligations tant au regard du paiement des arriérés dus que des loyers courants, il pourra être procédé à son expulsion,
rappelé que l'octroi des délais ne saurait dispenser le preneur de s'acquitter à bonne date des échéances régulièrement dues.
Cette décision a fait l'objet d'un appel de la société EHG à l'encontre de la seule SCI Doron, lequel a été radié du rôle par ordonnance rendue par la première présidente en date du 21 mai 2024, faute pour l'appelante de l'avoir exécutée.
Le 28 février 2024, les SCI Doron et Doron Isère ont fait délivrer à la société EHG des commandements de quitter les lieux en se fondant sur l'ordonnance du 30 novembre 2023.
Par actes délivrés le 11 mars 2024, la société EHG (enseigne [R] Equipement Hôtelier) a fait assigner les SCI Doron et Doron Isère devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Albertville aux fins, essentiellement, d'annulation de ces commandements et d'être autorisée à consigner les loyers revendiqués par les bailleresses.
Les SCI Doron et Doron Isère se sont opposées aux demandes et ont formé des demandes reconventionnelles tendant notamment à voir juger définitive la résiliation des deux baux, mais également à ordonner la mainlevée d'une saisie conservatoire pratiquée par la société EHG à l'encontre de la SCI Doron Isère.
Par jugement contradictoire du 27 août 2024, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Albertville a :
débouté la société EHG de sa demande de nullité du commandement de quitter les lieux signifié le 28 février 2024 par les SCI Doron et Doron Isère,
dit que ledit commandement de quitter les lieux est régulier et peut produire effet,
rejeté la demande de consignation des loyers,
rejeté la demande de délais,
rejeté la demande d'astreinte,
rejeté la demande de mainlevée de la saisie conservatoire de créance accordée à la société EHG contre la SCI Doron Isère le 2 novembre 2023,
condamné la société EHD à verser aux SCI Doron et Doron Isère la somme de 1 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
rejeté les autres demandes des parties,
condamné la société EHG aux dépens.
Par déclaration du 6 septembre 2024, la SAS EHG a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance rendue le 21 janvier 2025, la première présidente de la cour d'appel de Chambéry, saisie par la société EHG aux de suspension de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré, a :
déclaré irrecevable la demande de sursis à l'exécution de la société EHG,
débouté la société EHG de l'ensemble de ses demandes,
condamné la société EHG à verser à la société Doron et à la société Doron Isère une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la société EHG à supporter la charge des dépens.
Parallèlement, par une ordonnance rendue le 4 février 2025, la première présidente, saisie par la société EHG aux fins de réinscription de son appel contre l'ordonnance de référé du 30 novembre 2023, l'a débouté de cette demande.
***
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 9 janvier 2025, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société EHG demande à la cour de :
A titre principal,
surseoir à statuer sur le fondement de l'article 378 du code de procédure civile dans l'attente de l'issue de la médiation en cours entre les parties devant le tribunal de commerce de Chambéry,
A titre subsidiaire,
infirmer partiellement le jugement rendu par le juge de l'exécution le 27 août 2024,
Statuant de nouveau,
faire droit à la demande de la société EHG,
annuler le commandement d'avoir à quitter les lieux signifié le 28 février 2024 à la société EHG par les SCI Doron et Doron Isère,
autoriser la société EHG à consigner entre les mains d'un tiers le loyer courant revendiqué par la SCI Doron pour la période non visée par l'ordonnance du 30 novembre 2023 jusqu'à ce que la SCI Doron justifie à la société EHG qu'elle est bien propriétaire du local sis [Adresse 4] et transmette à la société EHG l'ensemble des éléments demandés sur les servitudes de faits créés entre les locaux de la société SCI Doron et les locaux de la société Doron Isère, particulièrement le règlement de copropriété,
Plus subsidiairement,
faire droit à la demande de délai de grâce de 12 mois formulée par la société EHG,
En tout état de cause,
débouter les SCI Doron et Doron Isère de l'ensemble de leurs demandes et rejeter l'ensemble de leurs moyens, fins et conclusions,
condamner respectivement les SCI Doron et Doron Isère à verser à la société EHG la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner in solidum les SCI Doron et Doron Isère aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Dans leurs conclusions adressées par voie électronique le 3 mars 2025, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, les SCI Doron et Doron Isère demandent à la cour de :
confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
- débouté la société EHG de sa demande de nullité du commandement de quitter les lieux signifié le 28 février 2024 par les SCI Doron et Doron Isère,
- dit que ledit commandement de quitter les lieux est régulier et peut produire effet,
- rejeté la demande de consignation des loyers,
- rejeté la demande de délais,
- condamné la société EHD à verser aux SCI Doron et Doron Isère la somme de 1 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société EHG aux dépens,
infirmer ledit jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau,
assortir la condamnation au paiement des loyers courant résultant de l'ordonnance du 30 novembre 2023 d'une mesure d'astreinte,
condamner la société EHG à payer les loyers courant dus aux SCI Doron et Doron Isère, tel que visés dans l'ordonnance du 30 novembre 2023, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision,
juger que la société EHG ne détient à l'encontre de la SCI Doron Isère aucune créance fondée en son principe et dont le recouvrement serait menacé,
En conséquence,
ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 6 novembre 2023 par la société EHG entre ses propres mains en vertu de l'ordonnance sur requête rendue par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Albertville le 2 novembre 2023,
condamner la société EHG à payer à la SCI Doron Isère la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait d'une saisie conservatoire injustifiée,
débouter la société EHG de sa demande de sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la médiation ordonnancée par le tribunal de commerce de Chambéry,
débouter la société EHG de l'ensemble de ses demandes et prétentions,
condamner la société EHG à payer aux SCI Doron et Doron Isère la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'affaire a été clôturée à la date du 24 mars 2025 et renvoyée à l'audience du 15 avril 2025, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 26 juin 2025, prorogé à ce jour.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur le sursis à statuer :
L'article 378 du code de procédure civile dispose que la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine.
Hors les cas où cette mesure est prévue par la loi, l'opportunité d'ordonner un sursis à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice relève de l'appréciation discrétionnaire du juge.
En l'espèce, l'appelante sollicite le sursis à statuer en se fondant sur la procédure de conciliation en cours devant le tribunal de commerce de Chambéry.
Il résulte des pièces produites, notamment du jugement du tribunal de commerce de Chambéry du 27 décembre 2024, que l'instance dans laquelle la médiation a été ordonnée porte sur la demande, formée par les SCI Doron et Doron Isère, de résolution du plan de redressement dont la société EHG fait l'objet. Ce jugement fait état d'une discussion sur le paiement des arriérés de loyers dus par la société EHG.
Toutefois, il ressort encore des pièces produites que l'ordonnance de référé qui fonde la procédure d'expulsion est définitive en ce qui concerne la SCI Doron Isère, tandis que l'appel interjeté par la société EHG contre cette décision n'a toujours pas été réinscrit au rôle, de sorte que l'ordonnance du 30 novembre 2023 est incontestablement exécutoire.
En outre, le débat concernant la validité du commandement de quitter les lieux, objet notamment de la présente instance, n'interdit nullement la poursuite de la mesure de médiation ordonnée dont le terme était fixé au 31 mars 2025. L'issue du présent litige ne dépend pas de l'aboutissement, ou non, de la mesure de médiation.
Il n'y a donc pas lieu d'ordonner le sursis à statuer.
2. Sur la validité des commandements de quitter les lieux :
En application de l'article L. 411-1 du code des procédures civiles d'exécution, sauf disposition spéciale, l'expulsion d'un immeuble ou d'un lieu habité ne peut être poursuivie qu'en vertu d'une décision de justice ou d'un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d'un commandement d'avoir à quitter les locaux.
L'article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution.
Tout comme en première instance la société EHG soutient que l'ordonnance de référé du 30 novembre 2023 ne constitue pas un titre exécutoire et que, de surcroît elle l'a complètement exécutée.
Toutefois, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le juge de l'exécution, se référant au dispositif de l'ordonnance du 30 novembre 2023, cité ci-dessus, a rappelé que celle-ci a bien constaté la résiliation des deux baux mais a suspendu les effets de la clause résolutoire le temps des délais de paiement accordés au preneur, à condition que celui-ci respecte l'ensemble de ses obligations, à savoir le paiement des loyers courants, ainsi que celui des échéances fixées pour le paiement de l'arriéré dû. L'ordonnance de référé précise qu'à défaut l'expulsion du preneur pourra être poursuivie.
Il s'agit donc bien d'une décision de justice au sens de l'article L. 411-1 du code des procédures civiles d'exécution précité, décision qui ordonne l'expulsion du preneur à défaut pour celui-ci d'avoir respecté les délais accordés et s'être acquitté du paiement des loyers courants à leur échéance.
Le fait qu'elle soit frappée d'appel, concernant la seule SCI Doron au demeurant, ne fait pas perdre à cette décision son caractère exécutoire, quand bien même elle n'est pas définitive pour la SCI Doron (mais elle l'est pour la SCI Doron Isère).
L'ordonnance de référé du 30 novembre 2023 ayant été signifiée à la société EHG par acte du 6 décembre 2023, elle était donc tenue de régler les échéances fixées à compter du 10 décembre 2023 et avoir soldé l'arriéré dû au 10 juin 2024.
Les commandements de quitter les lieux ont été délivrés le 28 février 2024, de sorte que, pour apprécier leur bien fondé, il convient de vérifier si, à cette date, la société EHG avait effectivement respecté les délais accordés, étant rappelé que, conformément aux dispositions de l'article 1353 du code civil, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Concernant la SCI Doron :
S'agissant de la SCI Doron, l'ordonnance du 30 novembre 2023 prévoit que la société EHG doit procéder au paiement de l'arriéré dû par une première échéance de 65 030,80 euros puis 5 échéances mensuelles de 8 834 euros avant le 10 de chaque mois, outre le paiement des loyers courants payables par trimestre d'avance, conformément aux stipulations du bail
Or la société EHG ne démontre pas avoir tout à la fois payé les loyers courants et l'arriéré dû selon l'échéancier fixé par le juge des référés. En effet, ainsi qu'elle le fait elle-même valoir, à la date de l'assignation qu'elle a faite délivrer devant le juge de l'exécution le 11 mars 2024, elle n'avait payé qu'une somme totale de 73 864,88 euros, actualisée à 118 170,17 euros (à la date du 14 mai 2024), alors qu'elle aurait dû avoir payé en exécution de l'ordonnance de référé, à la date du commandement du 28 février 2024 :
- première échéance (loyer 3ème trimestre 2023)
exigible au 10 décembre 2023 65 030,80 euros
- 2 échéances de 8 834 euros chacune
exigibles les 10 janvier et 10 février 2024 17 668,00 euros
- le loyer du 1er trimestre 2024 exigible au 1er janvier 2024 65 030,88 euros
- total 147 729,60 euros
Au demeurant, il ressort de l'ordonnance de la première présidente en date du 21 mai 2024 que la société EHG n'avait, à cette date, toujours pas payé la totalité des sommes dues, étant précisé que les sommes effectivement payées l'ont été pour partie par saisie-attribution et non par exécution volontaire.
Par ailleurs, c'est en vain que la société EHG tente de contester la qualité de propriétaire bailleur de la SCI Doron alors que le bail commercial, établi devant notaire les 19 et 23 mars 2009 (pièce n° 10 de l'appelante), l'est bien pour cette SCI, et qu'en tout état de cause il n'appartient pas au juge de l'exécution de trancher une telle difficulté alors que le bailleur agit en vertu d'une décision de justice rendue à son profit, à l'occasion de laquelle la qualité de bailleur de la SCI n'a pas été contestée.
En tout état de cause, il résulte des pièces n° 13 et 14 des intimées que c'est bien la SCI Doron Isère qui a vendu le 23 mars 2009 à la SCI Doron le bâtiment avec terrain cadastré à Moûtiers section A n° [Cadastre 6] et [Cadastre 1] (acte reçu par Me [Z], notaire à Meylan), la SCI Doron Isère ayant elle-même acquis ce tènement de la SCI Le Doron le 13 janvier 2003, acte reçu par Me [I], notaire à Moûtiers (cf. pages 16 et 26 de l'état hypothécaire du 29 septembre 2023, pièce n° 13). Manifestement, le notaire qui a établi l'attestation produite par l'appelante en pièce n° 9 (étant souligné qu'il s'agit du même notaire que celui qui établi l'attestation produite par les intimés en pièce n° 14 qui elle est exacte), a fait une lecture erronée de l'état hypothécaire levé le 29 septembre 2023 (pièce n° 13 des intimées) et confondu les deux actes de cession.
La qualité de propriétaire des locaux loués de la SCI Doron n'est donc pas discutable.
En l'absence de tout autre moyen de nullité soulevé par l'appelante, il résulte de ce qui précède que c'est à juste titre que le juge de l'exécution a retenu que le commandement de quitter les lieux délivré à la société EHG le 28 février 2024 à la requête de la SCI Doron n'encourt aucune nullité, le preneur n'ayant pas, à cette date, respecté les délais qui lui avaient été accordés, de sorte que le bailleur était fondé à engager la procédure d'expulsion, la clause résolutoire étant réputée acquise en vertu de l'ordonnance de référé du 30 novembre 2023.
Concernant la SCI Doron Isère :
S'agissant de la SCI Doron Isère, l'ordonnance du 30 novembre 2023 prévoit que la société EHG doit procéder au paiement de l'arriéré dû de 43 500 euros par six échéances mensuelles de 7 250 euros avant le 10 de chaque mois, outre le paiement des loyers courants payables par trimestre à terme échu, conformément aux stipulations du bail.
Or, là encore, la société EHG ne démontre pas avoir tout à la fois payé les loyers courants et l'arriéré dû selon l'échéancier fixé par le juge des référés. En effet, à la date du 28 février 2024, la société EHG devait avoir payé, en exécution de l'ordonnance de référé, 3 échéances mensuelles de 7 250 euros (exigibles les 10 décembre 2023, 10 janvier et 10 février 2024) ainsi que le loyer du 4ème trimestre 2023 de 43 500 euros, soit un total de 65 250 euros.
Or il résulte de ses propres explications qu'elle n'a payé qu'une seule échéance de 7 250 euros le 18 janvier 2024, outre la somme de 6 225,26 euros payée par saisie-attribution pratiquée par la SCI Doron Isère le même jour, à l'exclusion de toute autre somme.
Pour le surplus, la société EHG se prévaut de la compensation avec une créance qu'elle prétend détenir sur son bailleur sur le fondement d'une inexécution de ses obligations (problèmes d'infiltrations, coût des réparations), mais également d'une contestation des clauses du bail (charge de la taxe foncière).
Toutefois, cette créance n'est à ce jour constatée par aucun titre exécutoire, elle n'est ni certaine ni exigible, et la saisie-conservatoire pratiquée par la société EHG à l'encontre de la SCI Doron fondée sur les mêmes prétentions pour une somme de 70 000 euros, ne peut valoir compensation, ni avoir pour effet de dispenser le preneur d'exécuter ses obligations telles qu'elles résultent de l'ordonnance de référé du 30 novembre 2023. Les conditions de la compensation, telles que prévues par les articles 1347 à 1348 du code civil ne sont donc pas réunies.
Il convient d'ajouter que ces contestations relèvent du fond du litige dont la cour, statuant sur appel d'une décision du juge de l'exécution, ne peut connaître, la procédure d'expulsion étant poursuivie en vertu d'une décision de justice exécutoire, qu'elle n'a pas le pouvoir de modifier.
En l'absence de tout autre moyen de nullité soulevé par l'appelante, il résulte de ce qui précède que c'est à juste titre que le juge de l'exécution a retenu que le commandement de quitter les lieux délivré à la société EHG le 28 février 2024 à la requête de la SCI Doron Isère n'encourt aucune nullité, le preneur n'ayant pas, à cette date, respecté les délais qui lui avaient été accordés, de sorte que le bailleur était fondé à engager la procédure d'expulsion, la clause résolutoire étant réputée acquise en vertu de l'ordonnance de référé du 30 novembre 2023.
Concernant la demande de la société EHG aux fins d'être autorisée à consigner les loyers, le juge de l'exécution n'a pas le pouvoir de l'autoriser, cette demande n'étant au demeurant pas fondée en droit.
Enfin, le juge de l'exécution ne peut déclarer définitive l'acquisition de la clause résolutoire, l'ordonnance de référé du 30 novembre 2023 se suffisant à elle-même et le juge de l'exécution ne pouvant ajouter au dispositif de celle-ci.
3. Sur la demande de délais :
La société EHG sollicite encore des délais pour quitter les lieux.
Toutefois, et comme l'a justement relevé le juge de l'exécution, des délais ont d'ores et déjà été accordés qui n'ont pas été respectés par le preneur, dont la dette a considérablement augmenté depuis l'ordonnance du 30 novembre 2023, les loyers n'étant toujours pas régulièrement payés, de sorte qu'il apparaît vain de lui accorder de nouveaux délais.
Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
4. Sur la demande d'astreinte :
Les SCI Doron et Doron Isère sollicitent que la société EHG soit condamnée au paiement des loyers sous astreinte.
Toutefois, les mesures d'exécution forcée engagées par les bailleurs et la mesure d'expulsion apparaissent suffisamment contraignantes pour parvenir à l'exécution de l'ordonnance de référé. En outre une astreinte n'aurait pour effet que d'aggraver encore la dette de la société EHG, sans effet véritable sur l'effectivité du paiement des loyers.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
5. Sur la demande reconventionnelle de mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée par la société EHG à l'encontre de la SCI Doron Isère :
L'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.
Il appartient au créancier de rapporter la preuve que les conditions cumulatives posées par ce texte sont réunies.
En l'espèce, par ordonnance rendue le 2 novembre 2023, sur requête de la société EHG, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Albertville a autorisé la société EHG à pratiquer une saisie conservatoire sur la créance que détient sur elle la SCI Doron Isère en vertu du bail commercial du 20 décembre 2001, pour sûreté et garantie de la somme de 70 000 euros au titre des grosses réparations portant sur l'immeuble loué.
Cette saisie conservatoire a été pratiquée le 6 novembre 2023 entre les mains de la société EHG elle-même et dénoncée à la SCI Doron Isère le 7 novembre 2023. La société EHG a fait assigner la SCI Doron Isère devant le tribunal judiciaire d'Albertville le 14 novembre 2023 pour qu'il soit statué sur la créance qu'elle revendique.
Il résulte des pièces produites aux débats qu'il est établi que les locaux loués par la SCI Doron Isère ont subi des dommages ensuite d'un orage de grêle en juillet 2024, et la société EHG produit une facture de réfection de la toiture du bâtiment d'un montant de 120 166,14 euros du 5 octobre 2023 (pièce n° 27). Eu égard aux obligations pouvant peser sur le bailleur tant en application des dispositions d'ordre public du code de commerce que des clauses du bail, la créance alléguée par la société EHG au titre de ces travaux apparaît vraisemblable.
Il existe par ailleurs un litige relatif à diverses clauses du contrat de bail concernant notamment l'application de la clause d'échelle mobile et la prise en charge de la taxe foncière par le preneur.
Aussi, et sans qu'il soit nécessaire d'entrer dans le détail des nombreux contentieux qui opposent les parties, c'est à juste titre que le juge de l'exécution a retenu que la société EHG justifie d'une créance fondée en son principe au sens de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution.
Toutefois, la société EHG se contente, pour caractériser les circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de cette créance, de se référer aux condamnations prononcées à l'encontre de Mme [O] [R] dont il est prétendu qu'elle serait gérante de fait de la SCI Doron Isère.
Or la cour ne peut que constater que la SCI Doron Isère reste créancière de son preneur pour des sommes plus importantes que 70 000 euros, qu'il n'est justifié d'aucune difficulté économique de cette société, et la persistance de nombreux litiges entre les parties ne suffit pas à caractériser la menace alléguée. Quant à l'argument tiré de l'absence d'exécution par Mme [O] [R] de condamnations prononcées à son encontre à titre personnel, il est insuffisant dans la mesure où il n'est pas justifié que celle-ci serait aujourd'hui gérante, de droit ou de fait, de la SCI Doron Isère.
En conséquence le jugement déféré sera réformé et la mainlevée de la saisie conservatoire sera ordonnée.
La SCI Doron Isère réclame des dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 212-2 du code des procédures civiles d'exécution en invoquant le caractère abusif de la mesure.
Toutefois la saisie conservatoire, bien que non fondée, ne peut être jugée abusive compte tenu à la fois du caractère plausible de la créance alléguée par le preneur et du contexte particulier de l'affaire.
La demande de dommages et intérêts sera donc rejetée.
6. Sur les autres demandes :
La société EHG, qui succombe en son appel, en supportera les entiers dépens.
Il serait inéquitable de laisser à la charge des SCI Doron et Doron Isère la totalité des frais exposés en appel, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de leur allouer, indivisément, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Rejette la demande de sursis à statuer,
Confirme le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Albertville le 27 août 2024, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de mainlevée de la saisie conservatoire de créance accordée à la société EHG contre la SCI Doron Isère le 2 novembre 2023,
Infirmant et statuant à nouveau de ce seul chef,
Ordonne la mainlevée de la saisie conservatoire de créance autorisée par ordonnance du 2 novembre 2023, pratiquée par la société EHG le 6 novembre 2023 entre ses propres mains à l'encontre de la SCI Doron Isère pour garantie d'une somme de 70 000 euros,
Déboute la SCI Doron Isère de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 212-2 du code des procédures civiles d'exécution,
Y ajoutant,
Condamne la société EHG aux entiers dépens de l'appel,
Condamne la société EHG à payer à la SCI Doron et à la SCI Doron Isère, indivisément, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés en appel.
Ainsi prononcé publiquement le 03 juillet 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente
Copies :
03/07/2025
la SELARL EME & CUTTAZ
AVOCATS ASSOCIES
la SCP LOUCHET CAPDEVILLE
+ GROSSE
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 03 Juillet 2025
N° RG 24/01263 - N° Portalis DBVY-V-B7I-HR7L
Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge de l'exécution d'[Localité 7] en date du 27 Août 2024, RG 24/00325
Appelante
S.A.S. EHG, dont le siège social est sis [Adresse 5] prise en la personne de son représentant légal
Représentée par la SELARL EME & CUTTAZ AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELEURL BOUTANG, avocat plaidant au barreau de PARIS
Intimées
S.C.I. DORON, dont le siège social est sis [Adresse 8] prise en la personne de son représentant légal
S.C.I. DORON-ISERE, dont le siège social est sis [Adresse 9] prise en la personne de son représentant légal
Représentées par la SCP LOUCHET CAPDEVILLE, avocat postulant au barreau D'ALBERTVILLE et la SELAS ZERBO, avocat postulant au barreau de LYON
-=-=-=-=-=-=-=-=-
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 15 avril 2025 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière présente à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré, à laquelle il a été procédé au rapport,
Et lors du délibéré, par :
- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
-=-=-=-=-=-=-=-=-=-
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 20 décembre 2001, la SCI Doron Isère a consenti à la société [R] Equipement Hôtelier un bail commercial portant sur un bâtiment situé [Adresse 10] à Moûtiers (Savoie).
Par acte authentique des 19 et 23 mars 2009 la SCI Doron a consenti à la société [R] Equipement Hôtelier un bail commercial portant sur un bâtiment et un terrain attenant situés [Adresse 3] Moutiers.
Ces baux portant sur des locaux contigüs ont été renouvelés tacitement.
En 2016 la société [R] Equipement Hôtelier a fait l'objet d'une procédure de redressement puis de liquidation judiciaire, et, dans ce cadre, d'un plan de cession de ses actifs à la société EHG, comprenant les deux baux précités.
Par jugement du 29 septembre 2020, le tribunal de commerce de Chambéry a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société EHG. Un plan de continuation a été adopté par jugement du 5 mars 2021.
Par actes du 4 octobre 2023, la SCI Doron et la SCI Doron Isère ont fait délivrer à la société EHG des commandements de payer les loyers dûs, visant les clauses résolutoires des baux.
Par actes délivrés le 3 novembre 2023, la société EHG a fait assigner les deux sociétés bailleresses devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Albertville pour obtenir la suspension des effets de la clause résolutoire des baux.
Par ordonnance rendue le 30 novembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire d'Albertville a essentiellement :
constaté la résiliation des baux commerciaux liant la société EHG à la SCI Doron, d'une part, et à la SCI Doron Isère, d'autre part, à la date du 5 novembre 2023,
condamné la société EHG à verser à titre provisionnel :
- à la SCI Doron la somme de 109 201,68 euros au titre du loyer du 4ème trimestre 2023, de la taxe foncière 2023, outre intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2023, outre une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges à compter de la résiliation du bail, jusqu'au départ effectif du preneur,
- à la SCI Doron Isère la somme de 43 500 euros au titre du loyer du 3ème trimestre 2023, outre intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2023, outre une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges à compter de la résiliation du bail, jusqu'au départ effectif du preneur,
ordonné la suspension des effets des commandements de payer délivrés le 4 octobre 2023 et autorisé la société EHG à s'acquitter de son arriéré en six échéances mensuelles à l'égard de chacune des deux SCI, avant le 10 de chaque mois,
dit qu'en cas de respect des obligations d'apurement de l'arriéré mises à la charge du preneur, les baux reprendraient leur plein et entier effet entre les parties,
dit qu'à défaut pour le preneur de respecter l'intégralité de ses obligations tant au regard du paiement des arriérés dus que des loyers courants, il pourra être procédé à son expulsion,
rappelé que l'octroi des délais ne saurait dispenser le preneur de s'acquitter à bonne date des échéances régulièrement dues.
Cette décision a fait l'objet d'un appel de la société EHG à l'encontre de la seule SCI Doron, lequel a été radié du rôle par ordonnance rendue par la première présidente en date du 21 mai 2024, faute pour l'appelante de l'avoir exécutée.
Le 28 février 2024, les SCI Doron et Doron Isère ont fait délivrer à la société EHG des commandements de quitter les lieux en se fondant sur l'ordonnance du 30 novembre 2023.
Par actes délivrés le 11 mars 2024, la société EHG (enseigne [R] Equipement Hôtelier) a fait assigner les SCI Doron et Doron Isère devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Albertville aux fins, essentiellement, d'annulation de ces commandements et d'être autorisée à consigner les loyers revendiqués par les bailleresses.
Les SCI Doron et Doron Isère se sont opposées aux demandes et ont formé des demandes reconventionnelles tendant notamment à voir juger définitive la résiliation des deux baux, mais également à ordonner la mainlevée d'une saisie conservatoire pratiquée par la société EHG à l'encontre de la SCI Doron Isère.
Par jugement contradictoire du 27 août 2024, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Albertville a :
débouté la société EHG de sa demande de nullité du commandement de quitter les lieux signifié le 28 février 2024 par les SCI Doron et Doron Isère,
dit que ledit commandement de quitter les lieux est régulier et peut produire effet,
rejeté la demande de consignation des loyers,
rejeté la demande de délais,
rejeté la demande d'astreinte,
rejeté la demande de mainlevée de la saisie conservatoire de créance accordée à la société EHG contre la SCI Doron Isère le 2 novembre 2023,
condamné la société EHD à verser aux SCI Doron et Doron Isère la somme de 1 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
rejeté les autres demandes des parties,
condamné la société EHG aux dépens.
Par déclaration du 6 septembre 2024, la SAS EHG a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance rendue le 21 janvier 2025, la première présidente de la cour d'appel de Chambéry, saisie par la société EHG aux de suspension de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré, a :
déclaré irrecevable la demande de sursis à l'exécution de la société EHG,
débouté la société EHG de l'ensemble de ses demandes,
condamné la société EHG à verser à la société Doron et à la société Doron Isère une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la société EHG à supporter la charge des dépens.
Parallèlement, par une ordonnance rendue le 4 février 2025, la première présidente, saisie par la société EHG aux fins de réinscription de son appel contre l'ordonnance de référé du 30 novembre 2023, l'a débouté de cette demande.
***
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 9 janvier 2025, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société EHG demande à la cour de :
A titre principal,
surseoir à statuer sur le fondement de l'article 378 du code de procédure civile dans l'attente de l'issue de la médiation en cours entre les parties devant le tribunal de commerce de Chambéry,
A titre subsidiaire,
infirmer partiellement le jugement rendu par le juge de l'exécution le 27 août 2024,
Statuant de nouveau,
faire droit à la demande de la société EHG,
annuler le commandement d'avoir à quitter les lieux signifié le 28 février 2024 à la société EHG par les SCI Doron et Doron Isère,
autoriser la société EHG à consigner entre les mains d'un tiers le loyer courant revendiqué par la SCI Doron pour la période non visée par l'ordonnance du 30 novembre 2023 jusqu'à ce que la SCI Doron justifie à la société EHG qu'elle est bien propriétaire du local sis [Adresse 4] et transmette à la société EHG l'ensemble des éléments demandés sur les servitudes de faits créés entre les locaux de la société SCI Doron et les locaux de la société Doron Isère, particulièrement le règlement de copropriété,
Plus subsidiairement,
faire droit à la demande de délai de grâce de 12 mois formulée par la société EHG,
En tout état de cause,
débouter les SCI Doron et Doron Isère de l'ensemble de leurs demandes et rejeter l'ensemble de leurs moyens, fins et conclusions,
condamner respectivement les SCI Doron et Doron Isère à verser à la société EHG la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner in solidum les SCI Doron et Doron Isère aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Dans leurs conclusions adressées par voie électronique le 3 mars 2025, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, les SCI Doron et Doron Isère demandent à la cour de :
confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
- débouté la société EHG de sa demande de nullité du commandement de quitter les lieux signifié le 28 février 2024 par les SCI Doron et Doron Isère,
- dit que ledit commandement de quitter les lieux est régulier et peut produire effet,
- rejeté la demande de consignation des loyers,
- rejeté la demande de délais,
- condamné la société EHD à verser aux SCI Doron et Doron Isère la somme de 1 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société EHG aux dépens,
infirmer ledit jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau,
assortir la condamnation au paiement des loyers courant résultant de l'ordonnance du 30 novembre 2023 d'une mesure d'astreinte,
condamner la société EHG à payer les loyers courant dus aux SCI Doron et Doron Isère, tel que visés dans l'ordonnance du 30 novembre 2023, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision,
juger que la société EHG ne détient à l'encontre de la SCI Doron Isère aucune créance fondée en son principe et dont le recouvrement serait menacé,
En conséquence,
ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 6 novembre 2023 par la société EHG entre ses propres mains en vertu de l'ordonnance sur requête rendue par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Albertville le 2 novembre 2023,
condamner la société EHG à payer à la SCI Doron Isère la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait d'une saisie conservatoire injustifiée,
débouter la société EHG de sa demande de sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la médiation ordonnancée par le tribunal de commerce de Chambéry,
débouter la société EHG de l'ensemble de ses demandes et prétentions,
condamner la société EHG à payer aux SCI Doron et Doron Isère la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'affaire a été clôturée à la date du 24 mars 2025 et renvoyée à l'audience du 15 avril 2025, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 26 juin 2025, prorogé à ce jour.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur le sursis à statuer :
L'article 378 du code de procédure civile dispose que la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine.
Hors les cas où cette mesure est prévue par la loi, l'opportunité d'ordonner un sursis à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice relève de l'appréciation discrétionnaire du juge.
En l'espèce, l'appelante sollicite le sursis à statuer en se fondant sur la procédure de conciliation en cours devant le tribunal de commerce de Chambéry.
Il résulte des pièces produites, notamment du jugement du tribunal de commerce de Chambéry du 27 décembre 2024, que l'instance dans laquelle la médiation a été ordonnée porte sur la demande, formée par les SCI Doron et Doron Isère, de résolution du plan de redressement dont la société EHG fait l'objet. Ce jugement fait état d'une discussion sur le paiement des arriérés de loyers dus par la société EHG.
Toutefois, il ressort encore des pièces produites que l'ordonnance de référé qui fonde la procédure d'expulsion est définitive en ce qui concerne la SCI Doron Isère, tandis que l'appel interjeté par la société EHG contre cette décision n'a toujours pas été réinscrit au rôle, de sorte que l'ordonnance du 30 novembre 2023 est incontestablement exécutoire.
En outre, le débat concernant la validité du commandement de quitter les lieux, objet notamment de la présente instance, n'interdit nullement la poursuite de la mesure de médiation ordonnée dont le terme était fixé au 31 mars 2025. L'issue du présent litige ne dépend pas de l'aboutissement, ou non, de la mesure de médiation.
Il n'y a donc pas lieu d'ordonner le sursis à statuer.
2. Sur la validité des commandements de quitter les lieux :
En application de l'article L. 411-1 du code des procédures civiles d'exécution, sauf disposition spéciale, l'expulsion d'un immeuble ou d'un lieu habité ne peut être poursuivie qu'en vertu d'une décision de justice ou d'un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d'un commandement d'avoir à quitter les locaux.
L'article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution.
Tout comme en première instance la société EHG soutient que l'ordonnance de référé du 30 novembre 2023 ne constitue pas un titre exécutoire et que, de surcroît elle l'a complètement exécutée.
Toutefois, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le juge de l'exécution, se référant au dispositif de l'ordonnance du 30 novembre 2023, cité ci-dessus, a rappelé que celle-ci a bien constaté la résiliation des deux baux mais a suspendu les effets de la clause résolutoire le temps des délais de paiement accordés au preneur, à condition que celui-ci respecte l'ensemble de ses obligations, à savoir le paiement des loyers courants, ainsi que celui des échéances fixées pour le paiement de l'arriéré dû. L'ordonnance de référé précise qu'à défaut l'expulsion du preneur pourra être poursuivie.
Il s'agit donc bien d'une décision de justice au sens de l'article L. 411-1 du code des procédures civiles d'exécution précité, décision qui ordonne l'expulsion du preneur à défaut pour celui-ci d'avoir respecté les délais accordés et s'être acquitté du paiement des loyers courants à leur échéance.
Le fait qu'elle soit frappée d'appel, concernant la seule SCI Doron au demeurant, ne fait pas perdre à cette décision son caractère exécutoire, quand bien même elle n'est pas définitive pour la SCI Doron (mais elle l'est pour la SCI Doron Isère).
L'ordonnance de référé du 30 novembre 2023 ayant été signifiée à la société EHG par acte du 6 décembre 2023, elle était donc tenue de régler les échéances fixées à compter du 10 décembre 2023 et avoir soldé l'arriéré dû au 10 juin 2024.
Les commandements de quitter les lieux ont été délivrés le 28 février 2024, de sorte que, pour apprécier leur bien fondé, il convient de vérifier si, à cette date, la société EHG avait effectivement respecté les délais accordés, étant rappelé que, conformément aux dispositions de l'article 1353 du code civil, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Concernant la SCI Doron :
S'agissant de la SCI Doron, l'ordonnance du 30 novembre 2023 prévoit que la société EHG doit procéder au paiement de l'arriéré dû par une première échéance de 65 030,80 euros puis 5 échéances mensuelles de 8 834 euros avant le 10 de chaque mois, outre le paiement des loyers courants payables par trimestre d'avance, conformément aux stipulations du bail
Or la société EHG ne démontre pas avoir tout à la fois payé les loyers courants et l'arriéré dû selon l'échéancier fixé par le juge des référés. En effet, ainsi qu'elle le fait elle-même valoir, à la date de l'assignation qu'elle a faite délivrer devant le juge de l'exécution le 11 mars 2024, elle n'avait payé qu'une somme totale de 73 864,88 euros, actualisée à 118 170,17 euros (à la date du 14 mai 2024), alors qu'elle aurait dû avoir payé en exécution de l'ordonnance de référé, à la date du commandement du 28 février 2024 :
- première échéance (loyer 3ème trimestre 2023)
exigible au 10 décembre 2023 65 030,80 euros
- 2 échéances de 8 834 euros chacune
exigibles les 10 janvier et 10 février 2024 17 668,00 euros
- le loyer du 1er trimestre 2024 exigible au 1er janvier 2024 65 030,88 euros
- total 147 729,60 euros
Au demeurant, il ressort de l'ordonnance de la première présidente en date du 21 mai 2024 que la société EHG n'avait, à cette date, toujours pas payé la totalité des sommes dues, étant précisé que les sommes effectivement payées l'ont été pour partie par saisie-attribution et non par exécution volontaire.
Par ailleurs, c'est en vain que la société EHG tente de contester la qualité de propriétaire bailleur de la SCI Doron alors que le bail commercial, établi devant notaire les 19 et 23 mars 2009 (pièce n° 10 de l'appelante), l'est bien pour cette SCI, et qu'en tout état de cause il n'appartient pas au juge de l'exécution de trancher une telle difficulté alors que le bailleur agit en vertu d'une décision de justice rendue à son profit, à l'occasion de laquelle la qualité de bailleur de la SCI n'a pas été contestée.
En tout état de cause, il résulte des pièces n° 13 et 14 des intimées que c'est bien la SCI Doron Isère qui a vendu le 23 mars 2009 à la SCI Doron le bâtiment avec terrain cadastré à Moûtiers section A n° [Cadastre 6] et [Cadastre 1] (acte reçu par Me [Z], notaire à Meylan), la SCI Doron Isère ayant elle-même acquis ce tènement de la SCI Le Doron le 13 janvier 2003, acte reçu par Me [I], notaire à Moûtiers (cf. pages 16 et 26 de l'état hypothécaire du 29 septembre 2023, pièce n° 13). Manifestement, le notaire qui a établi l'attestation produite par l'appelante en pièce n° 9 (étant souligné qu'il s'agit du même notaire que celui qui établi l'attestation produite par les intimés en pièce n° 14 qui elle est exacte), a fait une lecture erronée de l'état hypothécaire levé le 29 septembre 2023 (pièce n° 13 des intimées) et confondu les deux actes de cession.
La qualité de propriétaire des locaux loués de la SCI Doron n'est donc pas discutable.
En l'absence de tout autre moyen de nullité soulevé par l'appelante, il résulte de ce qui précède que c'est à juste titre que le juge de l'exécution a retenu que le commandement de quitter les lieux délivré à la société EHG le 28 février 2024 à la requête de la SCI Doron n'encourt aucune nullité, le preneur n'ayant pas, à cette date, respecté les délais qui lui avaient été accordés, de sorte que le bailleur était fondé à engager la procédure d'expulsion, la clause résolutoire étant réputée acquise en vertu de l'ordonnance de référé du 30 novembre 2023.
Concernant la SCI Doron Isère :
S'agissant de la SCI Doron Isère, l'ordonnance du 30 novembre 2023 prévoit que la société EHG doit procéder au paiement de l'arriéré dû de 43 500 euros par six échéances mensuelles de 7 250 euros avant le 10 de chaque mois, outre le paiement des loyers courants payables par trimestre à terme échu, conformément aux stipulations du bail.
Or, là encore, la société EHG ne démontre pas avoir tout à la fois payé les loyers courants et l'arriéré dû selon l'échéancier fixé par le juge des référés. En effet, à la date du 28 février 2024, la société EHG devait avoir payé, en exécution de l'ordonnance de référé, 3 échéances mensuelles de 7 250 euros (exigibles les 10 décembre 2023, 10 janvier et 10 février 2024) ainsi que le loyer du 4ème trimestre 2023 de 43 500 euros, soit un total de 65 250 euros.
Or il résulte de ses propres explications qu'elle n'a payé qu'une seule échéance de 7 250 euros le 18 janvier 2024, outre la somme de 6 225,26 euros payée par saisie-attribution pratiquée par la SCI Doron Isère le même jour, à l'exclusion de toute autre somme.
Pour le surplus, la société EHG se prévaut de la compensation avec une créance qu'elle prétend détenir sur son bailleur sur le fondement d'une inexécution de ses obligations (problèmes d'infiltrations, coût des réparations), mais également d'une contestation des clauses du bail (charge de la taxe foncière).
Toutefois, cette créance n'est à ce jour constatée par aucun titre exécutoire, elle n'est ni certaine ni exigible, et la saisie-conservatoire pratiquée par la société EHG à l'encontre de la SCI Doron fondée sur les mêmes prétentions pour une somme de 70 000 euros, ne peut valoir compensation, ni avoir pour effet de dispenser le preneur d'exécuter ses obligations telles qu'elles résultent de l'ordonnance de référé du 30 novembre 2023. Les conditions de la compensation, telles que prévues par les articles 1347 à 1348 du code civil ne sont donc pas réunies.
Il convient d'ajouter que ces contestations relèvent du fond du litige dont la cour, statuant sur appel d'une décision du juge de l'exécution, ne peut connaître, la procédure d'expulsion étant poursuivie en vertu d'une décision de justice exécutoire, qu'elle n'a pas le pouvoir de modifier.
En l'absence de tout autre moyen de nullité soulevé par l'appelante, il résulte de ce qui précède que c'est à juste titre que le juge de l'exécution a retenu que le commandement de quitter les lieux délivré à la société EHG le 28 février 2024 à la requête de la SCI Doron Isère n'encourt aucune nullité, le preneur n'ayant pas, à cette date, respecté les délais qui lui avaient été accordés, de sorte que le bailleur était fondé à engager la procédure d'expulsion, la clause résolutoire étant réputée acquise en vertu de l'ordonnance de référé du 30 novembre 2023.
Concernant la demande de la société EHG aux fins d'être autorisée à consigner les loyers, le juge de l'exécution n'a pas le pouvoir de l'autoriser, cette demande n'étant au demeurant pas fondée en droit.
Enfin, le juge de l'exécution ne peut déclarer définitive l'acquisition de la clause résolutoire, l'ordonnance de référé du 30 novembre 2023 se suffisant à elle-même et le juge de l'exécution ne pouvant ajouter au dispositif de celle-ci.
3. Sur la demande de délais :
La société EHG sollicite encore des délais pour quitter les lieux.
Toutefois, et comme l'a justement relevé le juge de l'exécution, des délais ont d'ores et déjà été accordés qui n'ont pas été respectés par le preneur, dont la dette a considérablement augmenté depuis l'ordonnance du 30 novembre 2023, les loyers n'étant toujours pas régulièrement payés, de sorte qu'il apparaît vain de lui accorder de nouveaux délais.
Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
4. Sur la demande d'astreinte :
Les SCI Doron et Doron Isère sollicitent que la société EHG soit condamnée au paiement des loyers sous astreinte.
Toutefois, les mesures d'exécution forcée engagées par les bailleurs et la mesure d'expulsion apparaissent suffisamment contraignantes pour parvenir à l'exécution de l'ordonnance de référé. En outre une astreinte n'aurait pour effet que d'aggraver encore la dette de la société EHG, sans effet véritable sur l'effectivité du paiement des loyers.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
5. Sur la demande reconventionnelle de mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée par la société EHG à l'encontre de la SCI Doron Isère :
L'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.
Il appartient au créancier de rapporter la preuve que les conditions cumulatives posées par ce texte sont réunies.
En l'espèce, par ordonnance rendue le 2 novembre 2023, sur requête de la société EHG, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Albertville a autorisé la société EHG à pratiquer une saisie conservatoire sur la créance que détient sur elle la SCI Doron Isère en vertu du bail commercial du 20 décembre 2001, pour sûreté et garantie de la somme de 70 000 euros au titre des grosses réparations portant sur l'immeuble loué.
Cette saisie conservatoire a été pratiquée le 6 novembre 2023 entre les mains de la société EHG elle-même et dénoncée à la SCI Doron Isère le 7 novembre 2023. La société EHG a fait assigner la SCI Doron Isère devant le tribunal judiciaire d'Albertville le 14 novembre 2023 pour qu'il soit statué sur la créance qu'elle revendique.
Il résulte des pièces produites aux débats qu'il est établi que les locaux loués par la SCI Doron Isère ont subi des dommages ensuite d'un orage de grêle en juillet 2024, et la société EHG produit une facture de réfection de la toiture du bâtiment d'un montant de 120 166,14 euros du 5 octobre 2023 (pièce n° 27). Eu égard aux obligations pouvant peser sur le bailleur tant en application des dispositions d'ordre public du code de commerce que des clauses du bail, la créance alléguée par la société EHG au titre de ces travaux apparaît vraisemblable.
Il existe par ailleurs un litige relatif à diverses clauses du contrat de bail concernant notamment l'application de la clause d'échelle mobile et la prise en charge de la taxe foncière par le preneur.
Aussi, et sans qu'il soit nécessaire d'entrer dans le détail des nombreux contentieux qui opposent les parties, c'est à juste titre que le juge de l'exécution a retenu que la société EHG justifie d'une créance fondée en son principe au sens de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution.
Toutefois, la société EHG se contente, pour caractériser les circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de cette créance, de se référer aux condamnations prononcées à l'encontre de Mme [O] [R] dont il est prétendu qu'elle serait gérante de fait de la SCI Doron Isère.
Or la cour ne peut que constater que la SCI Doron Isère reste créancière de son preneur pour des sommes plus importantes que 70 000 euros, qu'il n'est justifié d'aucune difficulté économique de cette société, et la persistance de nombreux litiges entre les parties ne suffit pas à caractériser la menace alléguée. Quant à l'argument tiré de l'absence d'exécution par Mme [O] [R] de condamnations prononcées à son encontre à titre personnel, il est insuffisant dans la mesure où il n'est pas justifié que celle-ci serait aujourd'hui gérante, de droit ou de fait, de la SCI Doron Isère.
En conséquence le jugement déféré sera réformé et la mainlevée de la saisie conservatoire sera ordonnée.
La SCI Doron Isère réclame des dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 212-2 du code des procédures civiles d'exécution en invoquant le caractère abusif de la mesure.
Toutefois la saisie conservatoire, bien que non fondée, ne peut être jugée abusive compte tenu à la fois du caractère plausible de la créance alléguée par le preneur et du contexte particulier de l'affaire.
La demande de dommages et intérêts sera donc rejetée.
6. Sur les autres demandes :
La société EHG, qui succombe en son appel, en supportera les entiers dépens.
Il serait inéquitable de laisser à la charge des SCI Doron et Doron Isère la totalité des frais exposés en appel, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de leur allouer, indivisément, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Rejette la demande de sursis à statuer,
Confirme le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Albertville le 27 août 2024, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de mainlevée de la saisie conservatoire de créance accordée à la société EHG contre la SCI Doron Isère le 2 novembre 2023,
Infirmant et statuant à nouveau de ce seul chef,
Ordonne la mainlevée de la saisie conservatoire de créance autorisée par ordonnance du 2 novembre 2023, pratiquée par la société EHG le 6 novembre 2023 entre ses propres mains à l'encontre de la SCI Doron Isère pour garantie d'une somme de 70 000 euros,
Déboute la SCI Doron Isère de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 212-2 du code des procédures civiles d'exécution,
Y ajoutant,
Condamne la société EHG aux entiers dépens de l'appel,
Condamne la société EHG à payer à la SCI Doron et à la SCI Doron Isère, indivisément, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés en appel.
Ainsi prononcé publiquement le 03 juillet 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente
Copies :
03/07/2025
la SELARL EME & CUTTAZ
AVOCATS ASSOCIES
la SCP LOUCHET CAPDEVILLE
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