CA Amiens, ch. économique, 3 juillet 2025, n° 23/02463
AMIENS
Arrêt
Autre
ARRET
N°
E.P.I.C. L'INSTITUT NATIONAL DE L'ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL ET DES RISQUES
C/
S.A. ARKEMA FRANCE
Copie exécutoire
le 03 Juillet 2025
à
Me Boulte
Me Duffour
COUR D'APPEL D'AMIENS
CHAMBRE ÉCONOMIQUE
ARRET DU 03 JUILLET 2025
N° RG 23/02463 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IZAV
JUGEMENT DU TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 12] DU 02 MAI 2023 (référence dossier N° RG 20/01115)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
E.P.I.C. L'INSTITUT NATIONAL DE L'ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL ET DES RISQUES agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 9]
[Localité 2]
représentée par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS substitué par Me Eric POILLY, avocat au barreau d'AMIENS,
Ayant pour avocat plaidant Me Frédéric BOULTE, avocat au barreau de PARIS
ET :
INTIMEE
S.A. ARKEMA FRANCE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Ludivine BIDART-DECLE, avocat au barreau d'AMIENS
Ayant pour avocat plaidant Me Arnaud DUFFOUR de l'EURL ARNAUD DUFFOUR AVOCAT, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Joséphine ADDA, avocat au barreau de PARIS
***
DEBATS :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère, qui ont avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2025.
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 804 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS:
Madame Malika RABHI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Ces magistrats ont rendu compte à la cour composée de :
Mme Odile GREVIN, présidente de chambre,
M. Vincent ADRIAN, conseiller,
et Mme Valérie DUBAELE, conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi,
PRONONCE :
Le 03 Juillet 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec MadameElise DHEILLY, Greffière.
*
* *
DECISION
Par acte sous seing privé en date du 20 décembre 2001, l'EPIC Institut National de l'Environnement Industriel et des Risques (ci-après «'INERIS'»), bailleur, a donné à bail commercial à la SA Cray Valley, aux droits de laquelle se trouve désormais la SA Akerma France, preneur, divers lieux à usage de bureaux laboratoires pour une durée de neuf ans après la date de prise d'effet de la première phase, constitué par la mise à disposition de 381 m² du sous-sol du bâtiment n°1 au plus tard le 1er juin 2003, la deuxième phase étant la mise à disposition de l'ensemble des locaux, et pour un loyer à la somme annuelle de 32.110,68 euros hors taxes et hors charges à la première phase, puis 69.109,17 euros à compter de la mise à disposition de la deuxième phase, le tout avec une indexation annuelle prévu au 1er janvier de chaque année.
Le bail a ainsi pris effet le 1er juin 2003 pour se terminer le 31 mai 2012.
Trois avenants ont par la suite modifié le bail successivement, à savoir':
-''''''''' Avenant n°1 en date du 27 octobre 2003, où les parties avaient relevé que certaines conditions suspensives étaient remplies et ont anticipé la mise à disposition des surfaces';
-''''''''' Avenant n°2 en date du 9 décembre 2005, où les parties avaient relevé que certaines des conditions du bail étaient remplies et ont anticipé la mise à disposition de nouvelles surfaces ;
-''''''''' Avenant n°3 en date du 5 mai 2006, où les parties avaient convenu à nouveau d'anticiper la mise à disposition de nouvelles surfaces ainsi que de fixer, selon cinq phases, la mise à disposition totale de locaux, qui est intervenue en date du 15 juillet 2006, portant l'ensemble des superficies à 820 m².
Par acte en date du 1er juillet 2011, la SA Cray Valley a cédé son fonds de commerce comprenant le bail commercial à la SA Arkema France.
Le bail arrivant à expiration, par acte d'huissier en date du 28 décembre 2018, la SA Arkema France a sollicité le renouvellement du bail à effet du 1er janvier 2019 pour une durée de neuf années moyennant un loyer renouvelé fixé à la valeur locative à la somme annuelle en principal de 68.500 euros.
Suivant exploit d'huissier en date du 26 mars 2019, l'INERIS a accepté le principe du renouvellement du bail en proposant de voir fixer le loyer du bail renouvelé à sa valeur locative statutaire, à savoir la somme de 100.000 euros.
Par acte d'huissier en date du 28 décembre 2018, la SA Arkema France a fait assigner l'INERIS devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Senlis qui par un jugement en date du 24 novembre 2020 a fixé le montant du loyer provisionnel pendant la durée de l'instance au montant du dernier loyer actuel et a ordonné une mesure d'expertise confiée à Monsieur [L] [V].
Monsieur [L] [V] a rendu son rapport définitif le 22 février 2022.
Sur la base du rapport de Monsieur [L] [V], la SA Arkema France a notifié son mémoire visant à voir fixer le montant du loyer à la somme annuelle en principal de 72.000 euros HT HC, déduction faite du montant de la taxe foncière de l'année 2019 et ce, à compter du 1er janvier 2019, et sollicitait la condamnation de l'INERIS à lui rembourser le trop-versé de loyer depuis le 1er janvier 2019, en fixant le point de départ des intérêts sur les arriérés de loyer à compter de la demande en justice, tout en demandant à ce que les intérêts courent à compter de chaque échéance arriérée.
En réponse, l'INERIS a demandé à ce que le loyer soit fixé à la somme de 100.000 euros, et subsidiairement a sollicité l'organisation d'une nouvelle expertise judiciaire.
Par un jugement en date du 2 mai 2023, le tribunal judiciaire de Senlis a, avec le bénéfice de l'exécution provisoire':
-'''''fixé à la somme de 73.075 euros hors taxes, hors charges, à compter du 1er janvier 2019, le montant annuel du loyer de base du bail renouvelé entre l'INERIS d'une part, et la SA Arkema France d'autre part, pour les locaux situés au [Adresse 10], sous-sol du bâtiment n°1 à usage de laboratoire et de bureaux ;
-''''''rejeté la demande d'expertise judiciaire';
-''''''dit que les trop-versés de loyers à restituer au preneur porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement';
-'''''''dit que les intérêts échus pour une année produiront eux-mêmes intérêts';
-'''''''partagé les dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, par moitié entre les parties';
-''''''''rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
Par un acte en date du 5 juin 2023, l'INERIS a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières écritures en date du 5 novembre 2024, l'INERIS conclut à l'infirmation du jugement déféré et demande à la cour , avant-dire droit, d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise, et sur le fond, de fixer le loyer du bail renouvelé à la somme de 96.000 euros hors taxes et hors charges à compter du 1er janvier 2019 et dire que le dépôt de garantie sera réajusté en conséquence, conformément aux stipulations du bail. Elle sollicite en outre la condamnation de la SA Arkema France au paiement de la somme de 15.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.
Aux termes de ces dernières écritures notifiées électroniquement le 17 février 2025, la SA Arkema France conclut à la confirmation du jugement déféré et sollicite le paiement par l'INERIS de la somme de 20.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 avril 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande d'expertise
L'INERIS sollicite à nouveau à hauteur d'appel une expertise judiciaire, considérant que Monsieur [L] [V], expert judiciaire, a commis des négligences et a violé le principe du contradictoire dans le cadre de son rapport, à savoir':
-'''''l'évaluation faite est gravement erronée';
-'''''Monsieur [L] [V] a rédigé un rapport laconique, superficiel, incomplet et inexact';
-'''''Monsieur [L] [V] a refusé de tenir compte d'un dire complémentaire de l'INERIS adressé le 18 février 2022';
-'''''Monsieur [L] [V] a refusé d'organiser une nouvelle réunion d'expertise sur place ou en visio-conférence';
-'''''Monsieur [L] [V] a refusé de proroger de deux ou trois mois le dépôt de son rapport, en intimant aux parties de faire part de leurs observations sous six semaines à quelques jours des congés de fin d'année ;
-'''''Monsieur [L] [V] a refusé de faire intervenir un géomètre-expert.
Elle fait valoir qu'en application de l'article 276 du code de procédure civile, l'expert a l'obligation de prendre en compte l'ensemble des explications qui lui ont été fournies par les deux parties, a fortiori lorsqu'elles sont intervenues dans les délais fixés.
La SA Arkema France réplique que cette demande est parfaitement infondée, comme en témoignent les annexes au rapport d'expertise contenant l'ensemble des échanges entre les parties, l'expert et le tribunal. Elle estime que Monsieur [L] [V] a exercé sa mission avec diligence et que le rapport d'expertise peut servir de base fiable à la détermination de la valeur locative des locaux loués. Elle ajoute que l'INERIS n'a jamais sollicité la nullité du rapport.
La cour relève que l'INERIS ne sollicite pas l'annulation du rapport d'expertise judiciaire réalisé par M. [V] et qu'en l'état, elle dispose de deux rapports amiables versés respectivement par chacune des parties ainsi que des dires et observations communiquées par ces dernières. Au vu de l'ancienneté de l'affaire et des pièces produites de part et d'autre, la cour estime qu'elle dispose d'éléments suffisants de comparaison pour statuer, étant rappelé que le juge du fond n'est pas lié par l'avis de l'expert.
Par conséquent, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de nouvelle expertise judiciaire.
Sur la fixation du montant du loyer du bail renouvelé
L'INERIS soutient que le rapport d'expertise judiciaire ne respecte pas les dispositions des articles L.145-33 et R.145-7 du code de commerce, et estime que l'expert a sous-évalué la valeur locative.
Elle expose que les avantages suivants n'ont pas été pris en compte':
- implantation au c'ur d'un parc d'activité parfaitement bien adapté à l'exploitation d'un centre de recherches en chimie ;
- situation peu excentrée dans un espace boisé avec l'avantage d'une jouissance d'emplacements de stationnements ;
- site sécurisé (accès contrôlé par badge, PC sécurité), banque d'accueil avec hôtesses et salon d'attente ;
- parties communes (voiries et espaces arborés) très bien entretenues et avec un environnement agréable ;
- volume important, à la fois rare et recherché, donc valorisant mais un peu dépréciatif du prix unitaire ;
- rareté valorisante de ces locaux ;
- capacité à faire des expérimentations ce qui qui ne serait ni accepté, ni faisable dans des locaux à usage de simples bureaux ou des locaux d'activité standards';
- modifications des facteurs locaux de commercialité de façon favorable.
Elle fait valoir que ces avantages ont été mis en exergue par le rapport établi par Monsieur [D] [Z] le 13 février 2019 qui évalue le montant du loyer à 96.000 euros. Elle précise que lors de la signature du contrat de bail, elle a fourni la clé de répartition du montant des taxes foncières et que ce montant ne peut pas être déduit désormais de la valeur locative par la SA Arkema France qui en a eu connaissance dès l'origine.
En outre, les charges sont très inférieures à ce qu'elles devraient être, contrairement à ce qu'indique la SA Arkema France.
Elle critique le fait que l'expert judiciaire, s'agissant de la valeur locative ait pris comme référence de comparaison des locaux de toute nature et notamment des locaux à usages de bureaux, alors que la destination contractuelle est celle d'un « centre de Recherche et de développement », soit des locaux à usage mixte (bureaux et laboratoires) étant rappelé que ces types de locaux sont rares sur le marché, ce qui contribue de plus fort à leur appréciation en valeur locative.
La SA Arkema France retient une valeur locative de 79.000 euros hors charges et hors taxes par an, avec déduction à faire de la taxe foncière du montant du loyer renouvelé, soit 5.925 euros. Elle estime que la décision critiquée a procédé à une description fidèle des lieux loués, qui en outre ont fait l'objet d'investissements de sa part, afin de pouvoir développer son activité de recherche.'
S'agissant des références de comparaison, la SA Arkema France rappelle que l'expert judiciaire constatant l'absence sur l'agglomération de [Localité 6] de références comparables de locaux mixtes, indique avoir retenu des valeurs de bureau « plus élevées que celles des locaux d'activités ».
Elle précise qu'il y a lieu de déduire de ce montant la taxe foncière à une valeur moyenne de 7,5% du montant de la valeur locative, dès lors que l'article L.145-33 du code de commerce prévoit que la valeur locative doit prendre en compte les obligations respectives des parties, et que parmi ces obligations, il est fait référence aux obligations incombant normalement au bailleur, dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie, qui constitue un facteur de diminution de la valeur locative.
Elle ajoute que dans son rapport, Monsieur [V] a détaillé et répondu aux nombreuses critiques émanant du bailleur et il sera notamment renvoyé aux pages 11 et 15 dudit rapport, qui détaillent les raisons du choix des valeurs locatives retenues.
Aux termes de l'article 145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. À défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après':
1° - les caractéristiques du local considéré,
2° - la destination des lieux,
3° - les obligations respectives des parties,
4° - les facteurs locaux de commercialité,
5° - les prix couramment pratiques dans le voisinage ;
S'agissant de ce dernier critère, l'article R. 145-7 du même code dispose que «'Les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernant des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R 143-3 à R 143-6. À défaut d'équivalence, ils peuvent à titre indicatif être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence (...)'».
Le prix du bail à renouveler s'apprécie à la date du renouvellement.
Il est constant que la valeur locative du marché s'établit le plus souvent par comparaison avec des références de transactions sur des biens comparables en termes de localisation, d'usage, de consistance et d'état d'entretien.
Ainsi, l'article R 145-3 du code précité dispose que «'Les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération':
1° De sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public';
2° De l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux';
3° De ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée';
4° De l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail';
5 ° De la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire'».
En l'occurrence, l'expert judiciaire (M. [V]) a évalué la valeur locative annuelle du bien à la somme de 79.000 euros hors taxe et hors charge, l'expert d'INERIS (M. [Z]) à 96.000 euros et l'expert de la SA Arkema France (M. [P]) à 68.500 euros.
Sur la description des lieux loués
L'expert judiciaire retient notamment que l'environnement industriel et technologique des locaux est favorable, que le bâtiment dont s'agit est constitué d'un seul niveau en sous-sol à usage de laboratoires avec leurs bureaux d'accompagnement, d'une surface utile de 793 m² de construction traditionnelle des années 1960, qu'il est dans un bon état général avec des connexions routières et ferroviaires avec la capitale ainsi que l'aéroport [11], que l'intégralité du site est sécurisée, avec des espaces naturels importants à proximité. Toutefois, il souligne également que la présence d'amiante a été détectée dans les conduits, cloisons, ouvrage perdu et plaque de regard en fibrociment des bâtiments et qu'il existe une image négative persistante du passé sidérurgique et mécanique de l'agglomération.
La société Arkema indique avoir réalisé des travaux de remise à niveau des locaux afin de pouvoir développer ses activités de recherche, que la consommation énergétique du bâtiment constitue pour elle un poste important de dépenses et que le parc n'est pas exclusivement dédié aux activités industrielles de chimie lesquels peuvent occasionner des gênes pour les autres riverains. Elle précise que dans le cadre d'un avenant du 14 novembre 2024, les parties ont accepté de modifier la grille de répartition des charges pour prévoir que les consommations seraient désormais facturées au réel, et ce rétroactivement au 1er janvier 2023, ce qui conduit à une augmentation drastique des charges payées par elle.
INERIS estime que la description des lieux loués par l'expert judiciaire est laconique et ne permet pas de mettre en relief l'ensemble des avantages de ce dernier. Elle souligne que le site est un ensemble immobilier remarquable de par son intérêt architectural et technique, que l'accès est sécurisé, qu'il offre un niveau de modularité exceptionnel, qu'il bénéficie de liaisons routières et ferroviaires, que l'importance de son volume et la qualité de son entretien et enfin que la capacité offerte à procéder à des expérimentations, constituent autant d'éléments qui doivent être pris en compte et auraient dû permettre une évaluation à la hausse de la valeur locative. Elle indique que «'le passé sidérurgique et mécanique de l'agglomération'» a disparu depuis plusieurs décennies de sorte qu'elle s'interroge sur l'image négative persistante qu'elle pourrait avoir. Enfin, elle précise que la forte consommation d'électricité par la société Arkema résulte de l'activité de cette dernière et non du bâtiment et que de surcroît si la consommation réelle de la société Arkema représente près de 17 % de la consommation totale du site de [Localité 13] les charges facturées en électricité sont de l'ordre de 11 %.
Il ressort des pièces produites et notamment des éléments recueillis dans les rapports amiables et de l'expertise judiciaire que les locaux dont s'agit offrent un niveau élevé de modularité car l'ensemble des surfaces louées peut être transformé en laboratoires ou en bureaux selon les besoins du preneur. Il n'est justifié d'aucun refus par l'architecte des bâtiments de France ayant empêché la société Arkema de réaliser des travaux.
Si les locaux sis à [Localité 15] présentent une situation un peu excentrée sans accès direct par une ligne ferroviaire avec la ville la plus proche, toutefois il existe des connexions routières et ferroviaires avec la capitale ainsi que l'aéroport [11]. Par ailleurs, il existe un service de navettes privées et de bus reliant le parc d'activité aux lignes ferroviaires.
L'accès aux locaux est restreint et sécurisé et des facilités sont en outre prévues pour les salariés et collaborateurs travaillant sur le site (restaurant d'entreprise et parkings sécurisés, vaste hall d'accueil, réfection des éclairages, etc...).Les parties communes (voiries et espaces arborés) sont très bien entretenues) et les locaux sont situés dans un environnement agréable.
L'INERIS démontre que l'enceinte du site lui appartenant dans lequel se situent les locaux dont s'agit fait partie du parc technologique [Localité 4], les photographies et les articles de presse produits attestant du développement constant de ce site. Ces éléments contrecarrent l'appréciation formulée par l'expert judiciaire selon laquelle «'on regrettera par contre l'image négative persistante du passé sidérurgique et mécanique de l'agglomération alors que les différentes friches industrielles sont progressivement reprises et réaménagées pour accueillir tous types d'activité industrielle logistique et tertiaire'»-sic-.
C'est sur la base des critères ci-dessus relatés par la cour et non sur l'unique fondement du rapport d'expertise judiciaire, que la cour appréhende les caractéristiques des locaux considérés, la destination des lieux et les facteurs locaux de commercialité.
Sur les références de comparaison à retenir
L'expert judiciaire retient'à titre de comparaison les références suivantes':
Les valeurs locatives locaux libres de seconde main, pratiquées dans le sud de l'Oise ([Localité 6],[Localité 12], [Localité 5]), qui se situaient en 2018, entre 110 et l30€/m²/ an s'agissant des bureaux et entre 35 et 50 € HT/m²/an s'agissant des locaux d'activité.
Les prix des nouvelles locations de bureaux :
- 100 € HT/m²/an pour une surface utile de 260 m² à [Localité 8] en 2017
- 115 € HT/m²/ an pour une surface utile de 234 m² à [Localité 6]/[Localité 7] en 2019
- 102 € HT/m²/ an pour une surface utile de 240 m² à [Localité 6]/[Localité 7] en 2019
- 90 € HT/m²/ an pour une surface utile de 507 m² à [Localité 6]/[Localité 7] en 2019
- 98 € HT/m²/ an pour une surface utile de 1257 m² à [Localité 14] en 2018
L'INERIS conteste la démarche de l'expert judiciaire, adoptée par le premier juge, en ce qu'elle consiste à comparer les locaux concernés, qui sont à usage mixte, à savoir de laboratoire et de bureaux, à des locaux à usage de bureaux uniquement. Elle y constate un point de désaccord fondamental et considère qu'il revenait à l'expert d'étendre la zone de comparaison afin de pouvoir y intégrer des valeurs comparables aux biens loués et de ne retenir que des baux ayant pris effet à compter de l'année 2019. Elle ajoute que les locaux loués étant de standing, il y a lieu de retenir la fourchette haute des éléments de comparaison. Elle conclut en conséquence à un prix unitaire de base de 120 € hors taxes /m² pour la partie laboratoires-bureaux en sous-sol.
La société Arkema estime que les comparaisons dressées par l'expert judiciaire sont justifiées tant au sein du rapport que dans les réponses aux différents dires soulevés par les parties.
L'expert judiciaire M. [V] a indiqué dans son rapport qu'il existait peu de valeurs de référence en raison de la spécificité des locaux concernés, qui ont pour partie un usage de laboratoire et pour partie un usage de bureaux. Il a précisé que l'hétérogénéité du marché des bureaux et locaux d'activité l'ont contraint à ne prendre en compte que les seules références de l'agglomération de [Localité 6] et non celles de tout le département de l'Oise. Il a répondu aux dires de l'INERIS, en conséquence de ces deux premiers éléments précités, que s'il avait décidé d'utiliser uniquement des valeurs locatives de bureaux géographiquement proches, celles-ci présentaient toutefois des valeurs plus élevées que celles des locaux d'activité, ce qui était donc favorable au bailleur. Il a ajouté qu'il n'était pas possible de retenir les études de marché datant uniquement de 2019 puisqu'elles portaient sur des transactions postérieures à la date retenue pour le renouvellement du bail litigieux.
La cour, à la différence du premier juge, estime que la référence au seul marché des bureaux et au surplus essentiellement de l'agglomération de [Localité 6], comme éléments de comparaison, n'est pas pertinente pour déterminer la valeur locative. En effet, il y a lieu de souligner que la destination contractuelle du bail est celle d'un centre de recherche et de développement, raison pour laquelle les locaux donnés à bail sont à usage mixte (bureaux et laboratoires), et pas uniquement de bureaux. La spécificité de l'activité exercée par la société Arkema justifie d'ajuster les éléments de comparaison, puisque les locaux exploités constituent un centre de recherche.
Les éléments de comparaison produits par l'INERIS sont':
- l'étude de marché 2017 de Arthur Lloyd Oise laquelle indique une fourchette de valeur locative pour le bassin sud Oise 110 à 130 €,
- l'étude de marché 2019-2020Arthur Lloyd Oise laquelle indique une fourchette de valeur locative pour le bassin sud Oise 115 à 135 € HT/HC/m²/an.
Si l'expert judiciaire a écarté ces éléments au motif qu'ils ne pouvaient servir de référence car couvrant une agglomération plus importante que la seule agglomération de [Localité 6] et que l'étude 2019 serait postérieure à la date de renouvellement du bail, toutefois la cour constate que cette interprétation n'est pas pertinente dans la mesure où, d'une part il est établi qu'aucun local semblable aux locaux dont s'agit n'existe dans la seule agglomération de [Localité 6], et d'autre part, s'agissant de l'étude 2019-2020 le renouvellement aurait dû prendre effet au 1er janvier 2019, soit la même année que celle de cette étude.
S'agissant des locaux loués, ils consistent en des surfaces à usage de laboratoires avec des bureaux d'accompagnement situés en sous-sol du bâtiment 1. Il résulte des photographies produites et des caractéristiques mises en évidence par les rapports que les locaux sont dans un bon état général (carrelage au sol et sous-plafond) mais que cependant une grande partie des locaux sont en second jour.
Dans ces conditions au vu des éléments ci-dessus développés, en application de l'article R 145-7 du code de commerce précité, la cour retient comme loyer corrigé la valeur moyenne de 110 euros HT'/m²/an.
Sur la surface locative
L'expert judiciaire a retenu une surface locative pondérée qu'il qualifie d'utile de 793 m² et les parties s'accordent sur ce chiffre.
Il résulte des éléments retenus par la cour que la valeur locative des locaux dont s'agit s'élève à':
793 x 110 = 87.230 euros HT.
Sur la charge de la taxe foncière
La société Arkeam fait valoir que la taxe foncière est un impôt incombant normalement au bailleur de sorte que cette charge dont elle assume le paiement doit constituer un facteur de diminution de la valeur locative.
L'INERIS expose que la société Arkema ne lui a jamais réclamé l'envoi d'une quelconque quittance et fait valoir qu'il est d'usage couramment pratiqué, depuis de nombreuses années, que la taxe foncière est répercutée sur le preneur à bail, tous les baux commerciaux comportant une disposition allant ce sens. Elle s'oppose à la déduction de la taxe foncière du montant de la valeur locative. Elle ajoute qu'il est inexact de prétendre qu'elle n'aurait pas fourni la clé de répartition du montant des taxes foncières, alors qu'un tableau correspondant est annexé aux appels de charges adressés à la société Arkema, qui sait donc parfaitement ce qu'il en est.
L'article R 145-35 - 3° du code de commerce dispose que «'peuvent être imputés au locataire la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière ainsi que les impôts, taxes et redevances liées à l'usage du local de l'immeuble ou un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement'».
L'article R 145-8 du même code énoncent que «'du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constitue un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge. Les obligations découlant de la loi et génératrice de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer. Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé'».
Il résulte de l'article 1400 du code général des impôts que la taxe foncière incombe au propriétaire du bien.
En l'espèce, le contrat de bail stipule sous le titre «'ARTICLE XII-IMPOTS ET TAXES'» que «'Le preneur devra satisfaire à tous impôts et taxes de ville, police ou voirie dont les locataires sont ordinairement tenus, le tout de manière à ce que le bailleur ne puisse jamais être inquiété à ce sujet et, en particulier, acquitter les contributions personnelles et mobilières, les taxes locatives, taxes professionnelles et injustifiées leur acquittement à toute réquisition du bailleur et notamment enfin de bail, avant tout enlèvement des objets mobiliers, matériels et marchandises.
Le preneur remboursera au bailleur, parmi les charges et au prorata des surfaces louées, sa quote-part de l'impôt foncier, et plus généralement de tous impôts ou taxes existants ou futurs mis à la charge des bailleurs'».
Au vu des textes précités, contrairement à ce que soutient l'INERIS, le paiement par le locataire de la taxe foncière constitue un facteur de diminution de la valeur locative.
Il est constant qu'il revient au juge du fond d'apprécier la méthode d'évaluation de la valeur locative en procédant à une déduction du montant de la taxe foncière supportée par le locataire, et ce en fonction des usages et des éléments de référence de valeurs locatives. La déduction du montant de la taxe foncière ne peut être retenue si les éléments de comparaison comportent également le transfert de cette taxe sur les locataires.
En l'espèce, devant la cour, il n'est toujours pas justifié que les baux de référence comporteraient des clauses de transfert de la taxe foncière, il n'est pas davantage démontré que cette clause résulterait d'un usage dans le quartier. Aussi la cour, comme le premier juge décide qu'il y a lieu de déduire le montant de la taxe foncière du montant du loyer renouvelé, en l'absence de justification du montant exact de cette taxe et qu'il convient de retenir une valeur moyenne de 7,5% du montant de la valeur locative, soit la somme de 6.542,25 euros.
Dans ces conditions, il convient de fixer le loyer annuel de base du bail renouvelé à compter du 1er janvier 2019 à la somme de': 87.230 ' 6.542,25 = 80.687,75 euros HT et HC.
Le montant du loyer annuel renouvelé ainsi fixé étant inférieur au montant initial de 101.219,85 euros il convient de dire que les trop versés de loyers à restituer au preneur porteront intérêts au taux légal à compter du jugement et que les intérêts échus pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts, conformément à ce qu'a sollicité la SA Arkema.
Par conséquent, il convient d'infirmer le jugement déféré du seul chef du quantum du loyer annuel renouvelé et d'ajouter que le dépôt de garantie sera réajusté en conséquence, conformément aux stipulations du bail.
Sur les autres demandes
La procédure ayant été nécessaire pour fixer les droits respectifs des parties, il convient d'ordonner le partage par moitié des dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise.
Les circonstances de l'espèce commandent de débouter les parties de leurs demandes respectives en paiement à titre d'indemnité pour frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et par arrêt rendu par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement rendu par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Senlis du 2 mai 2023, excepté du chef du quantum du montant annuel du loyer de base renouvelé.
Et statuant à nouveau de ce chef y ajoutant,
Le fixe à la somme de 80.687,75 euros hors-taxes et hors charges à compter du 1er janvier 2019.
Dit que le dépôt de garantie sera réajusté en conséquence, conformément aux stipulations du bail.
Déboute les parties de leurs demandes respectives en paiement à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.
Partage les dépens de première instance et d'appel par moitié entre les parties, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
La Greffière, La Présidente,
N°
E.P.I.C. L'INSTITUT NATIONAL DE L'ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL ET DES RISQUES
C/
S.A. ARKEMA FRANCE
Copie exécutoire
le 03 Juillet 2025
à
Me Boulte
Me Duffour
COUR D'APPEL D'AMIENS
CHAMBRE ÉCONOMIQUE
ARRET DU 03 JUILLET 2025
N° RG 23/02463 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IZAV
JUGEMENT DU TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 12] DU 02 MAI 2023 (référence dossier N° RG 20/01115)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
E.P.I.C. L'INSTITUT NATIONAL DE L'ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL ET DES RISQUES agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 9]
[Localité 2]
représentée par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS substitué par Me Eric POILLY, avocat au barreau d'AMIENS,
Ayant pour avocat plaidant Me Frédéric BOULTE, avocat au barreau de PARIS
ET :
INTIMEE
S.A. ARKEMA FRANCE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Ludivine BIDART-DECLE, avocat au barreau d'AMIENS
Ayant pour avocat plaidant Me Arnaud DUFFOUR de l'EURL ARNAUD DUFFOUR AVOCAT, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Joséphine ADDA, avocat au barreau de PARIS
***
DEBATS :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère, qui ont avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2025.
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 804 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS:
Madame Malika RABHI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Ces magistrats ont rendu compte à la cour composée de :
Mme Odile GREVIN, présidente de chambre,
M. Vincent ADRIAN, conseiller,
et Mme Valérie DUBAELE, conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi,
PRONONCE :
Le 03 Juillet 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec MadameElise DHEILLY, Greffière.
*
* *
DECISION
Par acte sous seing privé en date du 20 décembre 2001, l'EPIC Institut National de l'Environnement Industriel et des Risques (ci-après «'INERIS'»), bailleur, a donné à bail commercial à la SA Cray Valley, aux droits de laquelle se trouve désormais la SA Akerma France, preneur, divers lieux à usage de bureaux laboratoires pour une durée de neuf ans après la date de prise d'effet de la première phase, constitué par la mise à disposition de 381 m² du sous-sol du bâtiment n°1 au plus tard le 1er juin 2003, la deuxième phase étant la mise à disposition de l'ensemble des locaux, et pour un loyer à la somme annuelle de 32.110,68 euros hors taxes et hors charges à la première phase, puis 69.109,17 euros à compter de la mise à disposition de la deuxième phase, le tout avec une indexation annuelle prévu au 1er janvier de chaque année.
Le bail a ainsi pris effet le 1er juin 2003 pour se terminer le 31 mai 2012.
Trois avenants ont par la suite modifié le bail successivement, à savoir':
-''''''''' Avenant n°1 en date du 27 octobre 2003, où les parties avaient relevé que certaines conditions suspensives étaient remplies et ont anticipé la mise à disposition des surfaces';
-''''''''' Avenant n°2 en date du 9 décembre 2005, où les parties avaient relevé que certaines des conditions du bail étaient remplies et ont anticipé la mise à disposition de nouvelles surfaces ;
-''''''''' Avenant n°3 en date du 5 mai 2006, où les parties avaient convenu à nouveau d'anticiper la mise à disposition de nouvelles surfaces ainsi que de fixer, selon cinq phases, la mise à disposition totale de locaux, qui est intervenue en date du 15 juillet 2006, portant l'ensemble des superficies à 820 m².
Par acte en date du 1er juillet 2011, la SA Cray Valley a cédé son fonds de commerce comprenant le bail commercial à la SA Arkema France.
Le bail arrivant à expiration, par acte d'huissier en date du 28 décembre 2018, la SA Arkema France a sollicité le renouvellement du bail à effet du 1er janvier 2019 pour une durée de neuf années moyennant un loyer renouvelé fixé à la valeur locative à la somme annuelle en principal de 68.500 euros.
Suivant exploit d'huissier en date du 26 mars 2019, l'INERIS a accepté le principe du renouvellement du bail en proposant de voir fixer le loyer du bail renouvelé à sa valeur locative statutaire, à savoir la somme de 100.000 euros.
Par acte d'huissier en date du 28 décembre 2018, la SA Arkema France a fait assigner l'INERIS devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Senlis qui par un jugement en date du 24 novembre 2020 a fixé le montant du loyer provisionnel pendant la durée de l'instance au montant du dernier loyer actuel et a ordonné une mesure d'expertise confiée à Monsieur [L] [V].
Monsieur [L] [V] a rendu son rapport définitif le 22 février 2022.
Sur la base du rapport de Monsieur [L] [V], la SA Arkema France a notifié son mémoire visant à voir fixer le montant du loyer à la somme annuelle en principal de 72.000 euros HT HC, déduction faite du montant de la taxe foncière de l'année 2019 et ce, à compter du 1er janvier 2019, et sollicitait la condamnation de l'INERIS à lui rembourser le trop-versé de loyer depuis le 1er janvier 2019, en fixant le point de départ des intérêts sur les arriérés de loyer à compter de la demande en justice, tout en demandant à ce que les intérêts courent à compter de chaque échéance arriérée.
En réponse, l'INERIS a demandé à ce que le loyer soit fixé à la somme de 100.000 euros, et subsidiairement a sollicité l'organisation d'une nouvelle expertise judiciaire.
Par un jugement en date du 2 mai 2023, le tribunal judiciaire de Senlis a, avec le bénéfice de l'exécution provisoire':
-'''''fixé à la somme de 73.075 euros hors taxes, hors charges, à compter du 1er janvier 2019, le montant annuel du loyer de base du bail renouvelé entre l'INERIS d'une part, et la SA Arkema France d'autre part, pour les locaux situés au [Adresse 10], sous-sol du bâtiment n°1 à usage de laboratoire et de bureaux ;
-''''''rejeté la demande d'expertise judiciaire';
-''''''dit que les trop-versés de loyers à restituer au preneur porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement';
-'''''''dit que les intérêts échus pour une année produiront eux-mêmes intérêts';
-'''''''partagé les dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, par moitié entre les parties';
-''''''''rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
Par un acte en date du 5 juin 2023, l'INERIS a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières écritures en date du 5 novembre 2024, l'INERIS conclut à l'infirmation du jugement déféré et demande à la cour , avant-dire droit, d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise, et sur le fond, de fixer le loyer du bail renouvelé à la somme de 96.000 euros hors taxes et hors charges à compter du 1er janvier 2019 et dire que le dépôt de garantie sera réajusté en conséquence, conformément aux stipulations du bail. Elle sollicite en outre la condamnation de la SA Arkema France au paiement de la somme de 15.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.
Aux termes de ces dernières écritures notifiées électroniquement le 17 février 2025, la SA Arkema France conclut à la confirmation du jugement déféré et sollicite le paiement par l'INERIS de la somme de 20.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 avril 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande d'expertise
L'INERIS sollicite à nouveau à hauteur d'appel une expertise judiciaire, considérant que Monsieur [L] [V], expert judiciaire, a commis des négligences et a violé le principe du contradictoire dans le cadre de son rapport, à savoir':
-'''''l'évaluation faite est gravement erronée';
-'''''Monsieur [L] [V] a rédigé un rapport laconique, superficiel, incomplet et inexact';
-'''''Monsieur [L] [V] a refusé de tenir compte d'un dire complémentaire de l'INERIS adressé le 18 février 2022';
-'''''Monsieur [L] [V] a refusé d'organiser une nouvelle réunion d'expertise sur place ou en visio-conférence';
-'''''Monsieur [L] [V] a refusé de proroger de deux ou trois mois le dépôt de son rapport, en intimant aux parties de faire part de leurs observations sous six semaines à quelques jours des congés de fin d'année ;
-'''''Monsieur [L] [V] a refusé de faire intervenir un géomètre-expert.
Elle fait valoir qu'en application de l'article 276 du code de procédure civile, l'expert a l'obligation de prendre en compte l'ensemble des explications qui lui ont été fournies par les deux parties, a fortiori lorsqu'elles sont intervenues dans les délais fixés.
La SA Arkema France réplique que cette demande est parfaitement infondée, comme en témoignent les annexes au rapport d'expertise contenant l'ensemble des échanges entre les parties, l'expert et le tribunal. Elle estime que Monsieur [L] [V] a exercé sa mission avec diligence et que le rapport d'expertise peut servir de base fiable à la détermination de la valeur locative des locaux loués. Elle ajoute que l'INERIS n'a jamais sollicité la nullité du rapport.
La cour relève que l'INERIS ne sollicite pas l'annulation du rapport d'expertise judiciaire réalisé par M. [V] et qu'en l'état, elle dispose de deux rapports amiables versés respectivement par chacune des parties ainsi que des dires et observations communiquées par ces dernières. Au vu de l'ancienneté de l'affaire et des pièces produites de part et d'autre, la cour estime qu'elle dispose d'éléments suffisants de comparaison pour statuer, étant rappelé que le juge du fond n'est pas lié par l'avis de l'expert.
Par conséquent, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de nouvelle expertise judiciaire.
Sur la fixation du montant du loyer du bail renouvelé
L'INERIS soutient que le rapport d'expertise judiciaire ne respecte pas les dispositions des articles L.145-33 et R.145-7 du code de commerce, et estime que l'expert a sous-évalué la valeur locative.
Elle expose que les avantages suivants n'ont pas été pris en compte':
- implantation au c'ur d'un parc d'activité parfaitement bien adapté à l'exploitation d'un centre de recherches en chimie ;
- situation peu excentrée dans un espace boisé avec l'avantage d'une jouissance d'emplacements de stationnements ;
- site sécurisé (accès contrôlé par badge, PC sécurité), banque d'accueil avec hôtesses et salon d'attente ;
- parties communes (voiries et espaces arborés) très bien entretenues et avec un environnement agréable ;
- volume important, à la fois rare et recherché, donc valorisant mais un peu dépréciatif du prix unitaire ;
- rareté valorisante de ces locaux ;
- capacité à faire des expérimentations ce qui qui ne serait ni accepté, ni faisable dans des locaux à usage de simples bureaux ou des locaux d'activité standards';
- modifications des facteurs locaux de commercialité de façon favorable.
Elle fait valoir que ces avantages ont été mis en exergue par le rapport établi par Monsieur [D] [Z] le 13 février 2019 qui évalue le montant du loyer à 96.000 euros. Elle précise que lors de la signature du contrat de bail, elle a fourni la clé de répartition du montant des taxes foncières et que ce montant ne peut pas être déduit désormais de la valeur locative par la SA Arkema France qui en a eu connaissance dès l'origine.
En outre, les charges sont très inférieures à ce qu'elles devraient être, contrairement à ce qu'indique la SA Arkema France.
Elle critique le fait que l'expert judiciaire, s'agissant de la valeur locative ait pris comme référence de comparaison des locaux de toute nature et notamment des locaux à usages de bureaux, alors que la destination contractuelle est celle d'un « centre de Recherche et de développement », soit des locaux à usage mixte (bureaux et laboratoires) étant rappelé que ces types de locaux sont rares sur le marché, ce qui contribue de plus fort à leur appréciation en valeur locative.
La SA Arkema France retient une valeur locative de 79.000 euros hors charges et hors taxes par an, avec déduction à faire de la taxe foncière du montant du loyer renouvelé, soit 5.925 euros. Elle estime que la décision critiquée a procédé à une description fidèle des lieux loués, qui en outre ont fait l'objet d'investissements de sa part, afin de pouvoir développer son activité de recherche.'
S'agissant des références de comparaison, la SA Arkema France rappelle que l'expert judiciaire constatant l'absence sur l'agglomération de [Localité 6] de références comparables de locaux mixtes, indique avoir retenu des valeurs de bureau « plus élevées que celles des locaux d'activités ».
Elle précise qu'il y a lieu de déduire de ce montant la taxe foncière à une valeur moyenne de 7,5% du montant de la valeur locative, dès lors que l'article L.145-33 du code de commerce prévoit que la valeur locative doit prendre en compte les obligations respectives des parties, et que parmi ces obligations, il est fait référence aux obligations incombant normalement au bailleur, dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie, qui constitue un facteur de diminution de la valeur locative.
Elle ajoute que dans son rapport, Monsieur [V] a détaillé et répondu aux nombreuses critiques émanant du bailleur et il sera notamment renvoyé aux pages 11 et 15 dudit rapport, qui détaillent les raisons du choix des valeurs locatives retenues.
Aux termes de l'article 145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. À défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après':
1° - les caractéristiques du local considéré,
2° - la destination des lieux,
3° - les obligations respectives des parties,
4° - les facteurs locaux de commercialité,
5° - les prix couramment pratiques dans le voisinage ;
S'agissant de ce dernier critère, l'article R. 145-7 du même code dispose que «'Les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernant des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R 143-3 à R 143-6. À défaut d'équivalence, ils peuvent à titre indicatif être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence (...)'».
Le prix du bail à renouveler s'apprécie à la date du renouvellement.
Il est constant que la valeur locative du marché s'établit le plus souvent par comparaison avec des références de transactions sur des biens comparables en termes de localisation, d'usage, de consistance et d'état d'entretien.
Ainsi, l'article R 145-3 du code précité dispose que «'Les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération':
1° De sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public';
2° De l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux';
3° De ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée';
4° De l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail';
5 ° De la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire'».
En l'occurrence, l'expert judiciaire (M. [V]) a évalué la valeur locative annuelle du bien à la somme de 79.000 euros hors taxe et hors charge, l'expert d'INERIS (M. [Z]) à 96.000 euros et l'expert de la SA Arkema France (M. [P]) à 68.500 euros.
Sur la description des lieux loués
L'expert judiciaire retient notamment que l'environnement industriel et technologique des locaux est favorable, que le bâtiment dont s'agit est constitué d'un seul niveau en sous-sol à usage de laboratoires avec leurs bureaux d'accompagnement, d'une surface utile de 793 m² de construction traditionnelle des années 1960, qu'il est dans un bon état général avec des connexions routières et ferroviaires avec la capitale ainsi que l'aéroport [11], que l'intégralité du site est sécurisée, avec des espaces naturels importants à proximité. Toutefois, il souligne également que la présence d'amiante a été détectée dans les conduits, cloisons, ouvrage perdu et plaque de regard en fibrociment des bâtiments et qu'il existe une image négative persistante du passé sidérurgique et mécanique de l'agglomération.
La société Arkema indique avoir réalisé des travaux de remise à niveau des locaux afin de pouvoir développer ses activités de recherche, que la consommation énergétique du bâtiment constitue pour elle un poste important de dépenses et que le parc n'est pas exclusivement dédié aux activités industrielles de chimie lesquels peuvent occasionner des gênes pour les autres riverains. Elle précise que dans le cadre d'un avenant du 14 novembre 2024, les parties ont accepté de modifier la grille de répartition des charges pour prévoir que les consommations seraient désormais facturées au réel, et ce rétroactivement au 1er janvier 2023, ce qui conduit à une augmentation drastique des charges payées par elle.
INERIS estime que la description des lieux loués par l'expert judiciaire est laconique et ne permet pas de mettre en relief l'ensemble des avantages de ce dernier. Elle souligne que le site est un ensemble immobilier remarquable de par son intérêt architectural et technique, que l'accès est sécurisé, qu'il offre un niveau de modularité exceptionnel, qu'il bénéficie de liaisons routières et ferroviaires, que l'importance de son volume et la qualité de son entretien et enfin que la capacité offerte à procéder à des expérimentations, constituent autant d'éléments qui doivent être pris en compte et auraient dû permettre une évaluation à la hausse de la valeur locative. Elle indique que «'le passé sidérurgique et mécanique de l'agglomération'» a disparu depuis plusieurs décennies de sorte qu'elle s'interroge sur l'image négative persistante qu'elle pourrait avoir. Enfin, elle précise que la forte consommation d'électricité par la société Arkema résulte de l'activité de cette dernière et non du bâtiment et que de surcroît si la consommation réelle de la société Arkema représente près de 17 % de la consommation totale du site de [Localité 13] les charges facturées en électricité sont de l'ordre de 11 %.
Il ressort des pièces produites et notamment des éléments recueillis dans les rapports amiables et de l'expertise judiciaire que les locaux dont s'agit offrent un niveau élevé de modularité car l'ensemble des surfaces louées peut être transformé en laboratoires ou en bureaux selon les besoins du preneur. Il n'est justifié d'aucun refus par l'architecte des bâtiments de France ayant empêché la société Arkema de réaliser des travaux.
Si les locaux sis à [Localité 15] présentent une situation un peu excentrée sans accès direct par une ligne ferroviaire avec la ville la plus proche, toutefois il existe des connexions routières et ferroviaires avec la capitale ainsi que l'aéroport [11]. Par ailleurs, il existe un service de navettes privées et de bus reliant le parc d'activité aux lignes ferroviaires.
L'accès aux locaux est restreint et sécurisé et des facilités sont en outre prévues pour les salariés et collaborateurs travaillant sur le site (restaurant d'entreprise et parkings sécurisés, vaste hall d'accueil, réfection des éclairages, etc...).Les parties communes (voiries et espaces arborés) sont très bien entretenues) et les locaux sont situés dans un environnement agréable.
L'INERIS démontre que l'enceinte du site lui appartenant dans lequel se situent les locaux dont s'agit fait partie du parc technologique [Localité 4], les photographies et les articles de presse produits attestant du développement constant de ce site. Ces éléments contrecarrent l'appréciation formulée par l'expert judiciaire selon laquelle «'on regrettera par contre l'image négative persistante du passé sidérurgique et mécanique de l'agglomération alors que les différentes friches industrielles sont progressivement reprises et réaménagées pour accueillir tous types d'activité industrielle logistique et tertiaire'»-sic-.
C'est sur la base des critères ci-dessus relatés par la cour et non sur l'unique fondement du rapport d'expertise judiciaire, que la cour appréhende les caractéristiques des locaux considérés, la destination des lieux et les facteurs locaux de commercialité.
Sur les références de comparaison à retenir
L'expert judiciaire retient'à titre de comparaison les références suivantes':
Les valeurs locatives locaux libres de seconde main, pratiquées dans le sud de l'Oise ([Localité 6],[Localité 12], [Localité 5]), qui se situaient en 2018, entre 110 et l30€/m²/ an s'agissant des bureaux et entre 35 et 50 € HT/m²/an s'agissant des locaux d'activité.
Les prix des nouvelles locations de bureaux :
- 100 € HT/m²/an pour une surface utile de 260 m² à [Localité 8] en 2017
- 115 € HT/m²/ an pour une surface utile de 234 m² à [Localité 6]/[Localité 7] en 2019
- 102 € HT/m²/ an pour une surface utile de 240 m² à [Localité 6]/[Localité 7] en 2019
- 90 € HT/m²/ an pour une surface utile de 507 m² à [Localité 6]/[Localité 7] en 2019
- 98 € HT/m²/ an pour une surface utile de 1257 m² à [Localité 14] en 2018
L'INERIS conteste la démarche de l'expert judiciaire, adoptée par le premier juge, en ce qu'elle consiste à comparer les locaux concernés, qui sont à usage mixte, à savoir de laboratoire et de bureaux, à des locaux à usage de bureaux uniquement. Elle y constate un point de désaccord fondamental et considère qu'il revenait à l'expert d'étendre la zone de comparaison afin de pouvoir y intégrer des valeurs comparables aux biens loués et de ne retenir que des baux ayant pris effet à compter de l'année 2019. Elle ajoute que les locaux loués étant de standing, il y a lieu de retenir la fourchette haute des éléments de comparaison. Elle conclut en conséquence à un prix unitaire de base de 120 € hors taxes /m² pour la partie laboratoires-bureaux en sous-sol.
La société Arkema estime que les comparaisons dressées par l'expert judiciaire sont justifiées tant au sein du rapport que dans les réponses aux différents dires soulevés par les parties.
L'expert judiciaire M. [V] a indiqué dans son rapport qu'il existait peu de valeurs de référence en raison de la spécificité des locaux concernés, qui ont pour partie un usage de laboratoire et pour partie un usage de bureaux. Il a précisé que l'hétérogénéité du marché des bureaux et locaux d'activité l'ont contraint à ne prendre en compte que les seules références de l'agglomération de [Localité 6] et non celles de tout le département de l'Oise. Il a répondu aux dires de l'INERIS, en conséquence de ces deux premiers éléments précités, que s'il avait décidé d'utiliser uniquement des valeurs locatives de bureaux géographiquement proches, celles-ci présentaient toutefois des valeurs plus élevées que celles des locaux d'activité, ce qui était donc favorable au bailleur. Il a ajouté qu'il n'était pas possible de retenir les études de marché datant uniquement de 2019 puisqu'elles portaient sur des transactions postérieures à la date retenue pour le renouvellement du bail litigieux.
La cour, à la différence du premier juge, estime que la référence au seul marché des bureaux et au surplus essentiellement de l'agglomération de [Localité 6], comme éléments de comparaison, n'est pas pertinente pour déterminer la valeur locative. En effet, il y a lieu de souligner que la destination contractuelle du bail est celle d'un centre de recherche et de développement, raison pour laquelle les locaux donnés à bail sont à usage mixte (bureaux et laboratoires), et pas uniquement de bureaux. La spécificité de l'activité exercée par la société Arkema justifie d'ajuster les éléments de comparaison, puisque les locaux exploités constituent un centre de recherche.
Les éléments de comparaison produits par l'INERIS sont':
- l'étude de marché 2017 de Arthur Lloyd Oise laquelle indique une fourchette de valeur locative pour le bassin sud Oise 110 à 130 €,
- l'étude de marché 2019-2020Arthur Lloyd Oise laquelle indique une fourchette de valeur locative pour le bassin sud Oise 115 à 135 € HT/HC/m²/an.
Si l'expert judiciaire a écarté ces éléments au motif qu'ils ne pouvaient servir de référence car couvrant une agglomération plus importante que la seule agglomération de [Localité 6] et que l'étude 2019 serait postérieure à la date de renouvellement du bail, toutefois la cour constate que cette interprétation n'est pas pertinente dans la mesure où, d'une part il est établi qu'aucun local semblable aux locaux dont s'agit n'existe dans la seule agglomération de [Localité 6], et d'autre part, s'agissant de l'étude 2019-2020 le renouvellement aurait dû prendre effet au 1er janvier 2019, soit la même année que celle de cette étude.
S'agissant des locaux loués, ils consistent en des surfaces à usage de laboratoires avec des bureaux d'accompagnement situés en sous-sol du bâtiment 1. Il résulte des photographies produites et des caractéristiques mises en évidence par les rapports que les locaux sont dans un bon état général (carrelage au sol et sous-plafond) mais que cependant une grande partie des locaux sont en second jour.
Dans ces conditions au vu des éléments ci-dessus développés, en application de l'article R 145-7 du code de commerce précité, la cour retient comme loyer corrigé la valeur moyenne de 110 euros HT'/m²/an.
Sur la surface locative
L'expert judiciaire a retenu une surface locative pondérée qu'il qualifie d'utile de 793 m² et les parties s'accordent sur ce chiffre.
Il résulte des éléments retenus par la cour que la valeur locative des locaux dont s'agit s'élève à':
793 x 110 = 87.230 euros HT.
Sur la charge de la taxe foncière
La société Arkeam fait valoir que la taxe foncière est un impôt incombant normalement au bailleur de sorte que cette charge dont elle assume le paiement doit constituer un facteur de diminution de la valeur locative.
L'INERIS expose que la société Arkema ne lui a jamais réclamé l'envoi d'une quelconque quittance et fait valoir qu'il est d'usage couramment pratiqué, depuis de nombreuses années, que la taxe foncière est répercutée sur le preneur à bail, tous les baux commerciaux comportant une disposition allant ce sens. Elle s'oppose à la déduction de la taxe foncière du montant de la valeur locative. Elle ajoute qu'il est inexact de prétendre qu'elle n'aurait pas fourni la clé de répartition du montant des taxes foncières, alors qu'un tableau correspondant est annexé aux appels de charges adressés à la société Arkema, qui sait donc parfaitement ce qu'il en est.
L'article R 145-35 - 3° du code de commerce dispose que «'peuvent être imputés au locataire la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière ainsi que les impôts, taxes et redevances liées à l'usage du local de l'immeuble ou un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement'».
L'article R 145-8 du même code énoncent que «'du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constitue un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge. Les obligations découlant de la loi et génératrice de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer. Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé'».
Il résulte de l'article 1400 du code général des impôts que la taxe foncière incombe au propriétaire du bien.
En l'espèce, le contrat de bail stipule sous le titre «'ARTICLE XII-IMPOTS ET TAXES'» que «'Le preneur devra satisfaire à tous impôts et taxes de ville, police ou voirie dont les locataires sont ordinairement tenus, le tout de manière à ce que le bailleur ne puisse jamais être inquiété à ce sujet et, en particulier, acquitter les contributions personnelles et mobilières, les taxes locatives, taxes professionnelles et injustifiées leur acquittement à toute réquisition du bailleur et notamment enfin de bail, avant tout enlèvement des objets mobiliers, matériels et marchandises.
Le preneur remboursera au bailleur, parmi les charges et au prorata des surfaces louées, sa quote-part de l'impôt foncier, et plus généralement de tous impôts ou taxes existants ou futurs mis à la charge des bailleurs'».
Au vu des textes précités, contrairement à ce que soutient l'INERIS, le paiement par le locataire de la taxe foncière constitue un facteur de diminution de la valeur locative.
Il est constant qu'il revient au juge du fond d'apprécier la méthode d'évaluation de la valeur locative en procédant à une déduction du montant de la taxe foncière supportée par le locataire, et ce en fonction des usages et des éléments de référence de valeurs locatives. La déduction du montant de la taxe foncière ne peut être retenue si les éléments de comparaison comportent également le transfert de cette taxe sur les locataires.
En l'espèce, devant la cour, il n'est toujours pas justifié que les baux de référence comporteraient des clauses de transfert de la taxe foncière, il n'est pas davantage démontré que cette clause résulterait d'un usage dans le quartier. Aussi la cour, comme le premier juge décide qu'il y a lieu de déduire le montant de la taxe foncière du montant du loyer renouvelé, en l'absence de justification du montant exact de cette taxe et qu'il convient de retenir une valeur moyenne de 7,5% du montant de la valeur locative, soit la somme de 6.542,25 euros.
Dans ces conditions, il convient de fixer le loyer annuel de base du bail renouvelé à compter du 1er janvier 2019 à la somme de': 87.230 ' 6.542,25 = 80.687,75 euros HT et HC.
Le montant du loyer annuel renouvelé ainsi fixé étant inférieur au montant initial de 101.219,85 euros il convient de dire que les trop versés de loyers à restituer au preneur porteront intérêts au taux légal à compter du jugement et que les intérêts échus pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts, conformément à ce qu'a sollicité la SA Arkema.
Par conséquent, il convient d'infirmer le jugement déféré du seul chef du quantum du loyer annuel renouvelé et d'ajouter que le dépôt de garantie sera réajusté en conséquence, conformément aux stipulations du bail.
Sur les autres demandes
La procédure ayant été nécessaire pour fixer les droits respectifs des parties, il convient d'ordonner le partage par moitié des dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise.
Les circonstances de l'espèce commandent de débouter les parties de leurs demandes respectives en paiement à titre d'indemnité pour frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et par arrêt rendu par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement rendu par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Senlis du 2 mai 2023, excepté du chef du quantum du montant annuel du loyer de base renouvelé.
Et statuant à nouveau de ce chef y ajoutant,
Le fixe à la somme de 80.687,75 euros hors-taxes et hors charges à compter du 1er janvier 2019.
Dit que le dépôt de garantie sera réajusté en conséquence, conformément aux stipulations du bail.
Déboute les parties de leurs demandes respectives en paiement à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.
Partage les dépens de première instance et d'appel par moitié entre les parties, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
La Greffière, La Présidente,