CA Versailles, ch. civ. 1-5, 3 juillet 2025, n° 24/04558
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 30B
Chambre civile 1-5
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 03 JUILLET 2025
N° RG 24/04558 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WUYM
AFFAIRE :
S.A.S. KASRI
C/
S.C.I. EDREI FRANCE 2
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 10 Janvier 2024 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 7]
N° RG : 23/01735
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 03.07.2025
à :
Me Karema OUGHCHA, avocat au barreau de VERSAILLES (149)
Me Marie DE LARDEMELLE, avocat au barreau de VERSAILLES (29)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TROIS JUILLET DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.S. KASRI
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.
N° SIRET : 841 66 5 5 24
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentant : Me Karema OUGHCHA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 285A
Plaidant : Me Alexandre ANDRE, du barreau de Paris
APPELANTE
****************
S.C.I. EDREI FRANCE 2
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.
N° SIRET : 912 885 589
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Marie DE LARDEMELLE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 29 - N° du dossier 24100
Plaidant : Me Louis de MEAUX, du barreau de Paris
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 Mai 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère faisant fonction de présidente,
Madame Marina IGELMAN, Conseillère,
Monsieur Hervé HENRION, Conseiller chargé du secrétariat général,
Greffière lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 10 novembre 2020, la société Spar a consenti à la SAS Kasri un bail commercial sur des locaux situés [Adresse 4] à [Localité 6]. Le bail a été conclu pour une durée de neuf années et moyennant un loyer annuel hors taxe et hors charge de 9 100 euros, payable trimestriellement, outre une provision sur charge annuelle de 4 160 euros hors taxe.
Par acte authentique du 13 octobre 2022, la SCI Edrei France 2 est venue aux droits de la société Spar.
Par courrier en date du 12 avril 2023, la société Kasri a informé la société Edrei France 2 de son intention de résilier le bail.
Des loyers, charges et accessoires sont demeurés impayés.
Plusieurs mises en demeure ont été adressées par la société Edrei France 2 à la société Kasri, dont la dernière en date du 21 avril 2023.
Par exploit de commissaire de justice du 22 juin 2023, la société Edrei France 2 a fait procéder à une saisie conservatoire de créances pour la somme de 9 373,71 euros, qui s'est avérée fructueuse.
Par acte de commissaire de justice délivré le 17 juillet 2023, la société Edrei France 2 a fait assigner en référé la société Kasri aux fins d'obtenir principalement sa condamnation au versement d'une provision de 13 664,59 euros au titre des loyers, charges et accessoires dus au 4 juillet 2023, outre des pénalités contractuelles.
Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 10 janvier 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a :
- dit n'être saisi que des demandes figurant dans l'assignation régulièrement signifiée le 17 juillet 2023 à la société Kasri,
- condamné, à titre provisionnel, la société Kasri à payer à la société Edrei France 2 la somme de 13 664,59 euros, avec intérêt au taux légal à compter de la dernière mise en demeure du 21 avril 2023 pour la somme de 9 167,70 euros, et de la date de l'assignation, le 17 juillet 2023 pour le surplus,
- condamné la société Kasri aux dépens,
- condamné la société Kasri à payer à M. [B] [L] et Mme [E] [K] épouse [L] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté les demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration reçue au greffe le 16 juillet 2024, la société Kasri a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l'exception de ce qu'elle a :
- dit n'être saisi que des demandes figurant dans l'assignation régulièrement signifiée le 17 juillet 2023 à la société Kasri,
- rejeté les demandes plus amples ou contraires.
Dans ses dernières conclusions déposées le 19 mai 2025 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Kasri demande à la cour, au visa des articles L. 145-4 et L. 145-9 du code de commerce, 1100, 1103, 1104, 1112-1, 1130, 1132 et 1139 du code civil, 834, 835 et 905-1 du code de procédure civile, de :
'- déclarer la SAS Kasri recevable et bien fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- déclarer irrecevables toutes les demandes qui pourraient être formulées par l'intimée, faute pour elle de s'être conformée aux délais impartis ;
- constater le caractère contestable de l'obligation dont est débitrice la société Kasri ;
- constater la mauvaise foi du bailleur ;
- infirmer l'ordonnance déférée en tous ses chefs de jugement, et notamment en ce qu'elle :
« - condamne, à titre provisionnel, la société KASRI à verser à la société Edrei France 2 la somme de 13 664,59 euros, avec intérêts au taux légal courant à compter de la dernière mise en demeure, datée du 21 avril 2023, pour un montant de 9 167,70 euros, et, pour le surplus, à compter de la date de l'assignation, soit le 17 juillet 2023 ;
- condamne la société Kasri aux dépens ;
- condamne la société Kasri à verser à M. [B] [L] et Mme [E] [K], épouse [L], la somme de 1 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile. (') »
- statuer à nouveau sur l'affaire ;
- constater le vice de consentement affectant la validité du bail commercial litigieux, en raison de la différence substantielle entre la superficie réelle des locaux loués (90 m²) et la superficie stipulée dans le bail (130 m²) ;
- juger le bail commercial a été conclu pour un loyer annuel de 70 euros par m² ;
- condamner la SCI Edrei France 2 à verser à la SAS Kasri la somme de 8 400 euros, représentant l'indemnisation pour les 40 m² supplémentaires facturés à tort sur la période triennale ;
- ordonner la restitution de la somme de 15 143,92 euros saisie sur le compte bancaire de la SAS Kasri ;
- condamner la SCI Edrei France 2 à payer à la SAS Kasri la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la superficie erronée des locaux ;
- condamner la SCI Edrei France 2 à verser à la SAS Kasri la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la SCI Edrei France 2 aux entiers dépens.'
Dans ses dernières conclusions déposées le 15 mai 2025 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Edrei France 2 demande à la cour, au visa des articles 9, 835 alinéa 2, 905-1, 905-2, 954 du code de procédure civile, 1137 et suivants du code civil, de :
'- déclarer recevables les conclusions d'intimée notifiées par la société Edrei France 2,
- constater n'être saisi par la société Kasri d'aucune demande fondée sur l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile,
- constater que la société Kasri n'a pas contesté les termes de l'ordonnance dont appel,
- constater que la société Kasri n'a formé aucune contestation sérieuse quant au principe et à l'étendue de son obligation au paiement,
- juger que l'obligation dont se trouve débitrice la société Kasri en vertu du bail conclu le 10 novembre 2020 n'est pas sérieusement contestable,
- juger que le dol allégué n'est pas caractérisé,
- confirmer l'ordonnance rendue le 10 janvier 2024 par le président du tribunal judiciaire de Nanterre telle que modifiée par ordonnance du 31 janvier 2024 rendue sur requête en rectification d'erreur matérielle,
- débouter la société Kasri de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société Kasri à verser à la société Edrei France 2 la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Kasri aux entiers dépens de l'instance.'
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 mai 2025.
Par message RPVA du 27 mai 2025, la cour a demandé aux parties de faire parvenir leurs observations sur la possibilité pour la cour statuant en appel du juge des référés de faire droit aux demandes de la société Kasri par lesquelles elle sollicite l'octroi de la somme de 8 400 euros au titre de l'indemnisation pour loyers facturés à tort et de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts alors que ces demandes ne sont pas formées à titre provisionnel.
Par courrier du 27 mai 2025, le conseil de la société Edrei France 2 indique que les demandes en paiement qui ne sont pas formées à titre provisionnel échappent à la compétence du juge des référés.
Le conseil de la société Kasri n'a pas fait parvenir ses observations dans le délai imparti.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constater' ou de 'dire et juger' qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques.
sur la recevabilité des demandes de la société Edrei France 2
La société Kasri soulève l'irrecevabilité de toutes les demandes de l'intimée au motif que celle-ci a constitué avocat après le délai de 15 jours qui lui était imparti à compter du 14 octobre 2024, date de signification de la déclaration d'appel.
La société Edrei France 2 rétorque que la constitution tardive de l'intimé n'est pas à elle seule de nature à entraîner l'irrecevabilité des conclusions d'intimé, le délai de 15 jours prévu par l'article 902 n'étant assorti d'aucune sanction.
Elle expose avoir conclu dans les délais requis et sollicite le rejet du moyen d'irrecevabilité.
Sur ce,
L'article 905-1 du code de procédure civile dans sa version en vigueur dispose que 'lorsque l'affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l'appelant signifie la déclaration d'appel dans les dix jours de la réception de l'avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; cependant, si, entre-temps, l'intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d'appel, il est procédé par voie de notification à son avocat.
A peine de nullité, l'acte de signification indique à l'intimé que, faute pour lui de constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de celle-ci, il s'expose à ce qu'un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire et que, faute de conclure dans le délai mentionné l'article 905-2, il s'expose à ce que ses écritures soient déclarées d'office irrecevables.'
Outre que les manquements aux prescriptions de cet article doivent être invoqués devant le président de la chambre ou le magistrat délégué, et non devant la cour, le non-respect du délai de 15 jours pour constituer n'est assorti d'aucune sanction, notamment d'aucune sanction d'irrecevabilité, le seul risque à défaut de constitution dans le délai prescrit par l'article susvisé étant que le délai pour conclure de l'intimé soit expiré ou qu'une ordonnance de clôture soit rendue sans que l'intimé n'ait conclu.
En l'espèce, il ressort de l'examen du RPVA que, alors que les conclusions de l'appelante lui avaient été signifiées le 28 novembre 2024, l'intimée a constitué avocat le 9 décembre et conclu le 26 décembre 2024, soit dans le délai qui lui était imparti.
La demande visant à déclarer irrecevables les conclusions de l'intimée sera donc rejetée.
sur les demandes en paiement
La société Kasri invoque la mauvaise foi de la bailleresse, faisant valoir que le contrat de bail a été conclu sur la base d'une présentation erronée de la superficie des locaux, le contrat mentionnant une surface de 130 m² alors que la surface réelle est de 90 m².
Elle soutient qu'une telle divergence a affecté de manière significative l'équilibre du contrat et que, si elle avait eu connaissance de la surface réelle, elle aurait renégocié le loyer à la baisse ou refusé de contracter aux conditions stipulées dans le bail.
Elle qualifie cette dissimulation, tout comme le silence persistant de la société Edrei France 2 face à ses réclamations, de réticence dolosive au sens de l'article 1137 du code civil, constitutive d'un vice du consentement et en déduit que la rétention partielle des loyers est légitime, dans le but de limiter les conséquences financières d'un loyer surfacturé, basé sur une superficie incorrecte.
La société Kasri sollicite en conséquence la condamnation de la société Edrei France 2 à lui verser la somme de 8 400 euros, représentant l'indemnisation pour les 40 m² supplémentaires facturés à tort sur la période triennale, outre 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Elle affirme que la substitution de bailleur entraîne de plein droit la transmission des droits et obligations attachés au bail et expose qu'en tout état de cause le dol, même émanant d'un tiers, entraîne la nullité du contrat.
Elle en déduit le caractère sérieusement contestable de la créance dont se prévaut la société Edrei France 2.
La société Edrei France 2 expose en réponse que le bail du 10 novembre 2020 a été consenti par la société SPAR, propriétaire à l'époque du lot n°12 C, qu'elle était donc tiers à ce contrat lors de sa conclusion et que le comportement d'un tiers n'est pas susceptible d'être retenu au titre du dol.
Elle affirme sur le fond que le bail mentionnait une surface de '130 m2 environ, y compris quote-part de parties communes', qu'en réalité cette quote-part représentait 17, 37 m2 et la surface privative 102, 20 m2, l'écart de 10, 43 m2 ne pouvant selon elle caractériser un dol, d'autant que le contrat contient une clause aux termes de laquelle l'éventuelle différence entre la surface mentionnée au bail et la surface réelle ne peut justifier 'ni indemnisation ni réduction ou augmentation de loyer'.
Elle fait valoir qu'aucune intention dolosive n'est démontrée et que l'écart entre la surface réelle et la surface mentionnée au bail n'est pas de nature à modifier l'équilibre du contrat.
Elle sollicite la confirmation de l'ordonnance querellée.
Sur ce,
Selon l'alinéa 2 de l'article 835 du code de procédure civile : 'Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il (le président ) peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire'.
Ce texte impose donc au juge une condition essentielle avant de pouvoir accorder une provision : celle de rechercher si l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Doivent être précisés les éléments de la contestation qui rendent celle-ci sérieuse.
Il sera retenu qu'une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
À l'inverse, sera écartée une contestation qui serait à l'évidence superficielle ou artificielle. Le montant de la provision allouée n'a alors d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.
Il n'entre pas dans les pouvoirs de la cour, statuant en appel du juge des référés, de constater l'existence d'un dol ou d'un vice du consentement mais ce moyen est le cas échéant susceptible de constituer une contestation sérieuse.
En l'espèce, la société Kasri verse aux débats le contrat de bail commercial conclu avec la société SPAR le 26 octobre 2020, à effet au 1er décembre 2020, qui décrit ainsi le local loué : 'le lot n°12 situé au 1er étage d'une surface de 130 m2 environ, y compris quote-part de parties communes, à usage de bureaux/ activité/ entrepôt'.
Ce contrat comprend les clauses suivantes : 'Le preneur déclare bien connaître les biens immobiliers objet des présentes pour les avoir amplement visités en vue des présentes sans qu'il soit nécessaire d'en donner plus ample désignation et les accepte dans l'état où ils se trouvent tels qu'ils existent, s'étendent, se poursuivent et comportent avec toutes leurs dépendances.(...)
Il est précisé que toute différence entre les cotes et surfaces mentionnées aux présentes, ou résultant de tout plan annexé et les cotes ou surfaces réelles des locaux loués ne sauraient justifier ni indemnisation, ni réduction ou augmentation de loyer pendant la durée du bail, les parties se référant à la consistance des locaux loués tels qu'ils existent.'
Il convient de dire que le moyen tenant à l'existence d'un dol au moment de la signature du contrat en raison de la différence entre la superficie mentionnée dans le contrat et la surface réelle ne peut manifestement être qualifié de contestation sérieuse alors même que le contrat a commencé à s'exécuter depuis décembre 2020, que le locataire a occupé effectivement les locaux et qu'il était parfaitement en mesure de s'apercevoir de leur consistance.
Si l'appelante justifie avoir adressé 2 courriels à la société Edrei France 2 le 1er février 2022 et le 18 janvier 2023 contenant des questions quant à la surface réelle des locaux qu'elle louait, il convient cependant de constater qu'elle n'en tirait aucun argument de droit et qu'elle n'a jamais refusé de payer les loyers ou d'exécuter le contrat pour ce motif, pas plus qu'elle n'a mentionné ce point lorsqu'elle a résilié le bail.
En outre, la société Kasri ne produit aucun élément technique de nature à justifier de la consistance effective des locaux loués et se contente d'allégations pour affirmer que son local ne ferait que 90 m² au lieu des 130 m² mentionnés au contrat.
Au surplus, et alors que le contrat fait mention d'une surface de « environ » 130 m², la société Edrei France 2 verse aux débats un justificatif de quote-part des parties communes et un certificat de surface privative qui établissent que le lot n°12 C a une superficie privative de 102,2 m² et des parties communes de 16, 77 mètres carrés, soit un total d'environ 120 m², ce qui représente une faible différence avec la surface mentionnée au contrat et rend d'autant moins vraisemblable l'existence d'un vice du consentement de l'appelante.
En conséquence, c'est à juste titre que le premier juge a indiqué que l'octroi d'une provision à la bailleresse au titre des loyers et charges impayés ne se heurtait à aucune contestation sérieuse et l'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a condamné la société Kasri au versement d'une provision de 16'664,59 euros sur ce fondement, ce montant n'étant sur le fond pas contesté par l'appelante.
Il ressort en l'espèce des conclusions de l'appelante qu'elle sollicite la condamnation de la société Edrei France 2 à lui verser la somme de 8 400 euros au titre de l'indemnisation pour loyers facturés à tort et de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, et non une provision à valoir sur le règlement de ces sommes, de sorte que sa demande excède les pouvoirs du juge des référés, et de la cour à sa suite. Il sera donc dit n'y avoir lieu à référé de ce chef, étant précisé à titre surabondant que ces demandes sont injustifiées sur le fond dès lors que ni la surface réelle du local, ni l'existence d'un dol ne sont démontrées.
Sur la mainlevée de la saisie
L'article 954 du code de procédure civile dispose que 'les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé. (...) La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion'.
En l'espèce, l'appelante sollicite dans le dispositif de ses conclusions d''ordonner la restitution de la somme de 15 143,92 euros saisie sur le compte bancaire de la SAS Kasri', sans s'expliquer sur ce point dans le corps de ses écritures.
En conséquence, la cour n'est pas saisie de prétentions relatives à cette demande, étant précisé que la société Edrei France 2 ne conclut pas sur ce point.
Sur les demandes accessoires
L'ordonnance sera également confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.
Partie perdante, la société Kasri ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et devra en outre supporter les dépens d'appel.
Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la société Edrei France 2 la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. L'appelante sera en conséquence condamnée à lui verser une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Rejette la demande visant à déclarer irrecevables les conclusions de l'intimée ;
Confirme l'ordonnance attaquée,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes en paiement de la société Kasri ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne la société Kasri aux dépens d'appel ;
Condamne la société Kasri à verser à la société Edrei France 2 la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère faisant fonction de Présidente et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
DE
VERSAILLES
Code nac : 30B
Chambre civile 1-5
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 03 JUILLET 2025
N° RG 24/04558 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WUYM
AFFAIRE :
S.A.S. KASRI
C/
S.C.I. EDREI FRANCE 2
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 10 Janvier 2024 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 7]
N° RG : 23/01735
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 03.07.2025
à :
Me Karema OUGHCHA, avocat au barreau de VERSAILLES (149)
Me Marie DE LARDEMELLE, avocat au barreau de VERSAILLES (29)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TROIS JUILLET DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.S. KASRI
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.
N° SIRET : 841 66 5 5 24
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentant : Me Karema OUGHCHA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 285A
Plaidant : Me Alexandre ANDRE, du barreau de Paris
APPELANTE
****************
S.C.I. EDREI FRANCE 2
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.
N° SIRET : 912 885 589
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Marie DE LARDEMELLE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 29 - N° du dossier 24100
Plaidant : Me Louis de MEAUX, du barreau de Paris
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 Mai 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère faisant fonction de présidente,
Madame Marina IGELMAN, Conseillère,
Monsieur Hervé HENRION, Conseiller chargé du secrétariat général,
Greffière lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 10 novembre 2020, la société Spar a consenti à la SAS Kasri un bail commercial sur des locaux situés [Adresse 4] à [Localité 6]. Le bail a été conclu pour une durée de neuf années et moyennant un loyer annuel hors taxe et hors charge de 9 100 euros, payable trimestriellement, outre une provision sur charge annuelle de 4 160 euros hors taxe.
Par acte authentique du 13 octobre 2022, la SCI Edrei France 2 est venue aux droits de la société Spar.
Par courrier en date du 12 avril 2023, la société Kasri a informé la société Edrei France 2 de son intention de résilier le bail.
Des loyers, charges et accessoires sont demeurés impayés.
Plusieurs mises en demeure ont été adressées par la société Edrei France 2 à la société Kasri, dont la dernière en date du 21 avril 2023.
Par exploit de commissaire de justice du 22 juin 2023, la société Edrei France 2 a fait procéder à une saisie conservatoire de créances pour la somme de 9 373,71 euros, qui s'est avérée fructueuse.
Par acte de commissaire de justice délivré le 17 juillet 2023, la société Edrei France 2 a fait assigner en référé la société Kasri aux fins d'obtenir principalement sa condamnation au versement d'une provision de 13 664,59 euros au titre des loyers, charges et accessoires dus au 4 juillet 2023, outre des pénalités contractuelles.
Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 10 janvier 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a :
- dit n'être saisi que des demandes figurant dans l'assignation régulièrement signifiée le 17 juillet 2023 à la société Kasri,
- condamné, à titre provisionnel, la société Kasri à payer à la société Edrei France 2 la somme de 13 664,59 euros, avec intérêt au taux légal à compter de la dernière mise en demeure du 21 avril 2023 pour la somme de 9 167,70 euros, et de la date de l'assignation, le 17 juillet 2023 pour le surplus,
- condamné la société Kasri aux dépens,
- condamné la société Kasri à payer à M. [B] [L] et Mme [E] [K] épouse [L] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté les demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration reçue au greffe le 16 juillet 2024, la société Kasri a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l'exception de ce qu'elle a :
- dit n'être saisi que des demandes figurant dans l'assignation régulièrement signifiée le 17 juillet 2023 à la société Kasri,
- rejeté les demandes plus amples ou contraires.
Dans ses dernières conclusions déposées le 19 mai 2025 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Kasri demande à la cour, au visa des articles L. 145-4 et L. 145-9 du code de commerce, 1100, 1103, 1104, 1112-1, 1130, 1132 et 1139 du code civil, 834, 835 et 905-1 du code de procédure civile, de :
'- déclarer la SAS Kasri recevable et bien fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- déclarer irrecevables toutes les demandes qui pourraient être formulées par l'intimée, faute pour elle de s'être conformée aux délais impartis ;
- constater le caractère contestable de l'obligation dont est débitrice la société Kasri ;
- constater la mauvaise foi du bailleur ;
- infirmer l'ordonnance déférée en tous ses chefs de jugement, et notamment en ce qu'elle :
« - condamne, à titre provisionnel, la société KASRI à verser à la société Edrei France 2 la somme de 13 664,59 euros, avec intérêts au taux légal courant à compter de la dernière mise en demeure, datée du 21 avril 2023, pour un montant de 9 167,70 euros, et, pour le surplus, à compter de la date de l'assignation, soit le 17 juillet 2023 ;
- condamne la société Kasri aux dépens ;
- condamne la société Kasri à verser à M. [B] [L] et Mme [E] [K], épouse [L], la somme de 1 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile. (') »
- statuer à nouveau sur l'affaire ;
- constater le vice de consentement affectant la validité du bail commercial litigieux, en raison de la différence substantielle entre la superficie réelle des locaux loués (90 m²) et la superficie stipulée dans le bail (130 m²) ;
- juger le bail commercial a été conclu pour un loyer annuel de 70 euros par m² ;
- condamner la SCI Edrei France 2 à verser à la SAS Kasri la somme de 8 400 euros, représentant l'indemnisation pour les 40 m² supplémentaires facturés à tort sur la période triennale ;
- ordonner la restitution de la somme de 15 143,92 euros saisie sur le compte bancaire de la SAS Kasri ;
- condamner la SCI Edrei France 2 à payer à la SAS Kasri la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la superficie erronée des locaux ;
- condamner la SCI Edrei France 2 à verser à la SAS Kasri la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la SCI Edrei France 2 aux entiers dépens.'
Dans ses dernières conclusions déposées le 15 mai 2025 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Edrei France 2 demande à la cour, au visa des articles 9, 835 alinéa 2, 905-1, 905-2, 954 du code de procédure civile, 1137 et suivants du code civil, de :
'- déclarer recevables les conclusions d'intimée notifiées par la société Edrei France 2,
- constater n'être saisi par la société Kasri d'aucune demande fondée sur l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile,
- constater que la société Kasri n'a pas contesté les termes de l'ordonnance dont appel,
- constater que la société Kasri n'a formé aucune contestation sérieuse quant au principe et à l'étendue de son obligation au paiement,
- juger que l'obligation dont se trouve débitrice la société Kasri en vertu du bail conclu le 10 novembre 2020 n'est pas sérieusement contestable,
- juger que le dol allégué n'est pas caractérisé,
- confirmer l'ordonnance rendue le 10 janvier 2024 par le président du tribunal judiciaire de Nanterre telle que modifiée par ordonnance du 31 janvier 2024 rendue sur requête en rectification d'erreur matérielle,
- débouter la société Kasri de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société Kasri à verser à la société Edrei France 2 la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Kasri aux entiers dépens de l'instance.'
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 mai 2025.
Par message RPVA du 27 mai 2025, la cour a demandé aux parties de faire parvenir leurs observations sur la possibilité pour la cour statuant en appel du juge des référés de faire droit aux demandes de la société Kasri par lesquelles elle sollicite l'octroi de la somme de 8 400 euros au titre de l'indemnisation pour loyers facturés à tort et de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts alors que ces demandes ne sont pas formées à titre provisionnel.
Par courrier du 27 mai 2025, le conseil de la société Edrei France 2 indique que les demandes en paiement qui ne sont pas formées à titre provisionnel échappent à la compétence du juge des référés.
Le conseil de la société Kasri n'a pas fait parvenir ses observations dans le délai imparti.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constater' ou de 'dire et juger' qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques.
sur la recevabilité des demandes de la société Edrei France 2
La société Kasri soulève l'irrecevabilité de toutes les demandes de l'intimée au motif que celle-ci a constitué avocat après le délai de 15 jours qui lui était imparti à compter du 14 octobre 2024, date de signification de la déclaration d'appel.
La société Edrei France 2 rétorque que la constitution tardive de l'intimé n'est pas à elle seule de nature à entraîner l'irrecevabilité des conclusions d'intimé, le délai de 15 jours prévu par l'article 902 n'étant assorti d'aucune sanction.
Elle expose avoir conclu dans les délais requis et sollicite le rejet du moyen d'irrecevabilité.
Sur ce,
L'article 905-1 du code de procédure civile dans sa version en vigueur dispose que 'lorsque l'affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l'appelant signifie la déclaration d'appel dans les dix jours de la réception de l'avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; cependant, si, entre-temps, l'intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d'appel, il est procédé par voie de notification à son avocat.
A peine de nullité, l'acte de signification indique à l'intimé que, faute pour lui de constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de celle-ci, il s'expose à ce qu'un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire et que, faute de conclure dans le délai mentionné l'article 905-2, il s'expose à ce que ses écritures soient déclarées d'office irrecevables.'
Outre que les manquements aux prescriptions de cet article doivent être invoqués devant le président de la chambre ou le magistrat délégué, et non devant la cour, le non-respect du délai de 15 jours pour constituer n'est assorti d'aucune sanction, notamment d'aucune sanction d'irrecevabilité, le seul risque à défaut de constitution dans le délai prescrit par l'article susvisé étant que le délai pour conclure de l'intimé soit expiré ou qu'une ordonnance de clôture soit rendue sans que l'intimé n'ait conclu.
En l'espèce, il ressort de l'examen du RPVA que, alors que les conclusions de l'appelante lui avaient été signifiées le 28 novembre 2024, l'intimée a constitué avocat le 9 décembre et conclu le 26 décembre 2024, soit dans le délai qui lui était imparti.
La demande visant à déclarer irrecevables les conclusions de l'intimée sera donc rejetée.
sur les demandes en paiement
La société Kasri invoque la mauvaise foi de la bailleresse, faisant valoir que le contrat de bail a été conclu sur la base d'une présentation erronée de la superficie des locaux, le contrat mentionnant une surface de 130 m² alors que la surface réelle est de 90 m².
Elle soutient qu'une telle divergence a affecté de manière significative l'équilibre du contrat et que, si elle avait eu connaissance de la surface réelle, elle aurait renégocié le loyer à la baisse ou refusé de contracter aux conditions stipulées dans le bail.
Elle qualifie cette dissimulation, tout comme le silence persistant de la société Edrei France 2 face à ses réclamations, de réticence dolosive au sens de l'article 1137 du code civil, constitutive d'un vice du consentement et en déduit que la rétention partielle des loyers est légitime, dans le but de limiter les conséquences financières d'un loyer surfacturé, basé sur une superficie incorrecte.
La société Kasri sollicite en conséquence la condamnation de la société Edrei France 2 à lui verser la somme de 8 400 euros, représentant l'indemnisation pour les 40 m² supplémentaires facturés à tort sur la période triennale, outre 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Elle affirme que la substitution de bailleur entraîne de plein droit la transmission des droits et obligations attachés au bail et expose qu'en tout état de cause le dol, même émanant d'un tiers, entraîne la nullité du contrat.
Elle en déduit le caractère sérieusement contestable de la créance dont se prévaut la société Edrei France 2.
La société Edrei France 2 expose en réponse que le bail du 10 novembre 2020 a été consenti par la société SPAR, propriétaire à l'époque du lot n°12 C, qu'elle était donc tiers à ce contrat lors de sa conclusion et que le comportement d'un tiers n'est pas susceptible d'être retenu au titre du dol.
Elle affirme sur le fond que le bail mentionnait une surface de '130 m2 environ, y compris quote-part de parties communes', qu'en réalité cette quote-part représentait 17, 37 m2 et la surface privative 102, 20 m2, l'écart de 10, 43 m2 ne pouvant selon elle caractériser un dol, d'autant que le contrat contient une clause aux termes de laquelle l'éventuelle différence entre la surface mentionnée au bail et la surface réelle ne peut justifier 'ni indemnisation ni réduction ou augmentation de loyer'.
Elle fait valoir qu'aucune intention dolosive n'est démontrée et que l'écart entre la surface réelle et la surface mentionnée au bail n'est pas de nature à modifier l'équilibre du contrat.
Elle sollicite la confirmation de l'ordonnance querellée.
Sur ce,
Selon l'alinéa 2 de l'article 835 du code de procédure civile : 'Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il (le président ) peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire'.
Ce texte impose donc au juge une condition essentielle avant de pouvoir accorder une provision : celle de rechercher si l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Doivent être précisés les éléments de la contestation qui rendent celle-ci sérieuse.
Il sera retenu qu'une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
À l'inverse, sera écartée une contestation qui serait à l'évidence superficielle ou artificielle. Le montant de la provision allouée n'a alors d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.
Il n'entre pas dans les pouvoirs de la cour, statuant en appel du juge des référés, de constater l'existence d'un dol ou d'un vice du consentement mais ce moyen est le cas échéant susceptible de constituer une contestation sérieuse.
En l'espèce, la société Kasri verse aux débats le contrat de bail commercial conclu avec la société SPAR le 26 octobre 2020, à effet au 1er décembre 2020, qui décrit ainsi le local loué : 'le lot n°12 situé au 1er étage d'une surface de 130 m2 environ, y compris quote-part de parties communes, à usage de bureaux/ activité/ entrepôt'.
Ce contrat comprend les clauses suivantes : 'Le preneur déclare bien connaître les biens immobiliers objet des présentes pour les avoir amplement visités en vue des présentes sans qu'il soit nécessaire d'en donner plus ample désignation et les accepte dans l'état où ils se trouvent tels qu'ils existent, s'étendent, se poursuivent et comportent avec toutes leurs dépendances.(...)
Il est précisé que toute différence entre les cotes et surfaces mentionnées aux présentes, ou résultant de tout plan annexé et les cotes ou surfaces réelles des locaux loués ne sauraient justifier ni indemnisation, ni réduction ou augmentation de loyer pendant la durée du bail, les parties se référant à la consistance des locaux loués tels qu'ils existent.'
Il convient de dire que le moyen tenant à l'existence d'un dol au moment de la signature du contrat en raison de la différence entre la superficie mentionnée dans le contrat et la surface réelle ne peut manifestement être qualifié de contestation sérieuse alors même que le contrat a commencé à s'exécuter depuis décembre 2020, que le locataire a occupé effectivement les locaux et qu'il était parfaitement en mesure de s'apercevoir de leur consistance.
Si l'appelante justifie avoir adressé 2 courriels à la société Edrei France 2 le 1er février 2022 et le 18 janvier 2023 contenant des questions quant à la surface réelle des locaux qu'elle louait, il convient cependant de constater qu'elle n'en tirait aucun argument de droit et qu'elle n'a jamais refusé de payer les loyers ou d'exécuter le contrat pour ce motif, pas plus qu'elle n'a mentionné ce point lorsqu'elle a résilié le bail.
En outre, la société Kasri ne produit aucun élément technique de nature à justifier de la consistance effective des locaux loués et se contente d'allégations pour affirmer que son local ne ferait que 90 m² au lieu des 130 m² mentionnés au contrat.
Au surplus, et alors que le contrat fait mention d'une surface de « environ » 130 m², la société Edrei France 2 verse aux débats un justificatif de quote-part des parties communes et un certificat de surface privative qui établissent que le lot n°12 C a une superficie privative de 102,2 m² et des parties communes de 16, 77 mètres carrés, soit un total d'environ 120 m², ce qui représente une faible différence avec la surface mentionnée au contrat et rend d'autant moins vraisemblable l'existence d'un vice du consentement de l'appelante.
En conséquence, c'est à juste titre que le premier juge a indiqué que l'octroi d'une provision à la bailleresse au titre des loyers et charges impayés ne se heurtait à aucune contestation sérieuse et l'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a condamné la société Kasri au versement d'une provision de 16'664,59 euros sur ce fondement, ce montant n'étant sur le fond pas contesté par l'appelante.
Il ressort en l'espèce des conclusions de l'appelante qu'elle sollicite la condamnation de la société Edrei France 2 à lui verser la somme de 8 400 euros au titre de l'indemnisation pour loyers facturés à tort et de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, et non une provision à valoir sur le règlement de ces sommes, de sorte que sa demande excède les pouvoirs du juge des référés, et de la cour à sa suite. Il sera donc dit n'y avoir lieu à référé de ce chef, étant précisé à titre surabondant que ces demandes sont injustifiées sur le fond dès lors que ni la surface réelle du local, ni l'existence d'un dol ne sont démontrées.
Sur la mainlevée de la saisie
L'article 954 du code de procédure civile dispose que 'les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé. (...) La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion'.
En l'espèce, l'appelante sollicite dans le dispositif de ses conclusions d''ordonner la restitution de la somme de 15 143,92 euros saisie sur le compte bancaire de la SAS Kasri', sans s'expliquer sur ce point dans le corps de ses écritures.
En conséquence, la cour n'est pas saisie de prétentions relatives à cette demande, étant précisé que la société Edrei France 2 ne conclut pas sur ce point.
Sur les demandes accessoires
L'ordonnance sera également confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.
Partie perdante, la société Kasri ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et devra en outre supporter les dépens d'appel.
Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la société Edrei France 2 la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. L'appelante sera en conséquence condamnée à lui verser une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Rejette la demande visant à déclarer irrecevables les conclusions de l'intimée ;
Confirme l'ordonnance attaquée,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes en paiement de la société Kasri ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne la société Kasri aux dépens d'appel ;
Condamne la société Kasri à verser à la société Edrei France 2 la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère faisant fonction de Présidente et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente