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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-3, 3 juillet 2025, n° 21/01461

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/01461

3 juillet 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 03 JUILLET 2025

Rôle N° RG 21/01461 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG33I

[M] [F]

C/

S.A.R.L. B-SQUARED INVESTMENTS

S.A.S. NACC

Copie exécutoire délivrée

le : 3/07/25

à :

Me Marie Hélène FILHOL FERIAUD

Me Jean Laurent ABBOU

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MARSEILLE en date du 07 Décembre 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/13011.

APPELANT

Monsieur [M] [F]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 5],

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Marie Hélène FILHOL FERIAUD, avocat au barreau de TARASCON

INTIMEE

S.A.S. NAAC, représentée par son Président, venant aux droits de la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE PROVENCE ALPES CORSE, en vertu d'une cession de créance intervenue le 01/08/2014, suivant l'exécution de l'avenant n° 24 au contrat du 17/07/2018,

dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Me Jean Laurent ABBOU de la SELARL NEMESIS, avocat au barreau de MARSEILLE, substitué par Me Dhabougui SERO MORA, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

S.A.R.L. B-SQUARED INVESTMENTS, intervenante volontairement aux droits de la SAS VERALTIS ASSET MANAGEMENT (anciennement dénommée NAAC), qui a cédé ladite créance à la SOCIETE B-SQUARED INVESTMENTS par acte de cession et mandat de gestion en date du 30/04/22, prise en la personne de son représentant légal,

dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Me Jean Laurent ABBOU de la SELARL NEMESIS, avocat au barreau de MARSEILLE, substitué par Me Dhabougui SERO MORA, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 06 Mai 2025 en audience publique devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Mme Claire OUGIER, Présidente de chambre, magistrat rapporteur

Mme Magali VINCENT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2025,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

Par contrat du 29 septembre 2015, la Caisse d'épargne Provence Alpes Corse (CEPAC) a consenti à la SARL Pour votre confort un prêt de 20 000 euros remboursable sur quatre ans pour financer l'acquisition d'un véhicule à usage professionnel.

Par acte distinct du même jour, M. [M] [F], le gérant de la SARL Pour votre confort, s'est porté caution solidaire à titre personnel de ce prêt, dans la limite de 26 000 euros et pour une durée de 102 mois.

Par contrat du 23 novembre 2015, la CEPAC a consenti à la même SARL un autre prêt de 6 830 euros remboursable sur trois ans pour financer l'acquisition d'un véhicule à usage professionnel.

Par acte distinct du même jour, M. [M] [F] s'est également porté caution solidaire à titre personnel de ce prêt, dans la limite de 8 879 euros et pour une durée de 90 mois.

Par jugement du 26 juin 2017, le tribunal de commerce de Marseille a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SARL Pour votre confort.

La CEPAC a déclaré ses créances au titre des deux prêts entre les mains du liquidateur judiciaire le 25 juillet 2017.

Par courrier recommandé du 26 juillet 2017, elle a mis en demeure M. [F] d'honorer son engagement au regard de la liquidation judiciaire de la société emprunteuse et de lui payer une somme totale de 12 999,19 euros, outre intérêts.

Le 3 octobre 2018, la SAS Naac a notifié à M. [F] la cession de la créance détenue par la Cepac au titre de ces deux prêts, à son bénéfice, selon contrat du 10 juillet 2018, et l'a invité à respecter son engagement de caution.

Par exploit du 26 novembre 2019, la SAS Naac a assigné M. [F] devant le tribunal de grande instance de Marseille en paiement d'une somme principale de 16 868,32 euros, outre intérêts de retard, frais irrépétibles et dépens.

Par jugement réputé contradictoire du 7 décembre 2020, le tribunal a

- condamné M. [M] [F] à verser à la SAS Naac

. la somme de 12 977,24 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 2017 au titre du prêt de 20 000 euros souscrit le 29 septembre 2015,

. la somme de 3 862,60 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 2017 au titre du prêt de 6 830 euros souscrit le 29 novembre 2015,

. la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute autre demande,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné M. [M] [F] aux dépens.

M. [F] a relevé appel de cette décision par déclaration du 1er février 2021 aux fins de la voir infirmer en toutes ses dispositions.

La SARL B-Squared investments venant aux droits de la SAS Naac -devenue par fusion SAS Veraltis Asset management- aux termes d'une cession de créance du 30 avril 2022, a conclu et l'arrêt rendu est donc contradictoire en vertu de l'article 467 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 avril 2025. L'affaire a été appelée à l'audience du 6 mai 2025 et a été mise en délibéré au 3 juillet 2025.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 31 mars 2025, M. [F], appelant, demande à la cour de

- déclarer l'appel régulier en la forme, recevable et bien fondé,

en conséquence,

à titre principal,

- déclarer que le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Marseille le 7 décembre 2020 est non avenu, l'instance ayant été interrompue par le jugement de sauvegarde rendu au profit de M. [M] [F], et le créancier n'ayant pas justifié de sa déclaration de créance à la procédure de sauvegarde ouverte au profit de M. [M] [F],

- infirmer dans son ensemble le jugement déféré en toutes les condamnations prononcées à son encontre,

- condamner la SAS Naac à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 20 avril 2025, la SARL B-squared investments, intimée, demande à la cour de

- prendre acte de la cession de créance de la société Naac à la société B-Squared investments et la déclarer recevable,

- confirmer le jugement entrepris sur les condamnations prononcées,

- juger qu'en vertu de la cession de créance effectuée le 30 avril 2022, la condamnation à verser les sommes le sera à la société B-Squared investments, outre les intérêts au taux légal,

en tout état de cause,

- condamner M. [M] [F] à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- prononcer la condamnation solidaire de la société requise aux entiers dépens d'instance en application de l'article 696 du code de procédure civile,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir en application de l'article 515 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

M. [F] fait valoir à titre principal que, par jugement du 6 avril 2018, une procédure de sauvegarde a été ouverte par le tribunal de commerce de Tarascon à son égard, puis que, par jugement du 12 avril 2019, ce tribunal a arrêté un plan de sauvegarde et désigné un commissaire à l'exécution du plan.

Il se prévaut donc de l'interruption d'instance en résultant en vertu de l'article L. 622-22 du code de commerce et observe que cette instance n'a pu être reprise en l'absence tant de déclaration de créance de l'intimée au passif de sa procédure, que de la mise en cause du mandataire judiciaire désigné.

L'appelant soutient qu'à défaut d'avoir constaté cette interruption d'instance, le jugement rendu en première instance est non avenu par application de l'article 372 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, M. [F] demande la nécessaire réformation du jugement qui a prononcé des condamnations à son encontre alors que l'instance ne pouvait tendre qu'à la fixation de la créance.

L'intimée fait valoir que M. [F] n'a pas été assigné en qualité de débiteur mais de caution personnelle et solidaire de la SARL Pour votre confort, et que la procédure collective dont cette débitrice principale a fait l'objet n'interrompt pas l'instance engagée à l'encontre de la caution.

Elle ajoute que contrairement à ce qui est soutenu, il a été dûment procédé à la déclaration de sa créance auprès du mandataire liquidateur le 25 juillet 2017.

Sur ce,

Il peut être observé à titre liminaire que la loi n°2022-172 du 14 février 2022 portant distinction entre le patrimoine personnel et professionnel de l'entrepreneur individuel n'est pas applicable à l'espèce (créance et ouverture de procédure collective antérieures).

L'article 369 du code de procédure civile dispose que l'instance est interrompue par l'effet du jugement qui prononce la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur.

L'article 372 suivant ajoute que « les actes accomplis et les jugements même passés en force de chose jugée, obtenus après l'interruption de l'instance, sont réputés non avenus à moins qu'ils ne soient expressément ou tacitement confirmés par la partie au profit de laquelle l'interruption est prévue ».

Par ailleurs, en application de l'article L.622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture d'une procédure de sauvegarde emporte interruption ou interdiction de toute action en justice tendant à la condamnation du débiteur à une somme d'argent pour une créance autre que celles privilégiées mentionnées à l'article L.622-17 du même code.

L'interruption d'instance et l'arrêt des poursuites durent, soit jusqu'à la reprise régulière de l'instance par le créancier après déclaration de sa créance et mise en cause de l'organe compétent de la procédure collective, soit jusqu'à la clôture de la procédure (Com., 5 mai 2015, pourvoi n°14-10.631).

En l'espèce, M. [M] [F] produit :

- en pièce 3, un jugement rendu par le tribunal de commerce de Tarascon le 6 avril 2018, aux termes duquel ce tribunal ouvre une procédure de sauvegarde à son égard, pour son activité d' « apporteur d'affaires en menuiserie bois, aluminium et PVC » et désigne Me [I] [N] en qualité de mandataire judiciaire,

- en pièce 4, un jugement rendu par le même tribunal le 12 avril 2019 arrêtant le plan de sauvegarde de l'entreprise présenté par le débiteur, en fixant la durée à dix ans et désignant Me [N] ès qualités de commissaire à l'exécution de ce plan,

- en pièce 6, une attestation établie par Me [N] ès qualités le 1er février 2025 certifiant du respect du plan.

C'est ainsi l'existence d'une procédure collective dont il est personnellement l'objet qu'il invoque et dont il justifie, et non pas celle ouverte à l'égard de la débitrice principale, la SARL Pour votre confort, dont il s'est porté caution.

Cette procédure collective dans le cadre de laquelle un plan de sauvegarde a été adopté est manifestement toujours en cours d'exécution.

Par l'effet de l'ouverture le 6 avril 2018 de cette procédure de sauvegarde à l'égard de M. [F], tout paiement de ses créances antérieures -dont celle revendiquée par l'intimée, et toute action en justice d'un créancier tendant à condamnation à paiement étaient interdits de plein droit.

Le jugement du 7 décembre 2020 par le tribunal de grande instance de Marseille, qui condamne M. [F] à paiement sur l'action de la CEPAC, et ce, de surcroît en l'absence de mise en cause du commissaire à l'exécution du plan et de tout justificatif par la banque de sa déclaration de créance, a ainsi été rendu en méconnaissance de la procédure de sauvegarde en cours et il est réputé non avenu.

La cour dit n'y avoir lieu à statuer sur l'appel d'une décision non avenue (Com. 16 janvier 2007, pourvoi n°05-18.356, et 9 décembre 2020, pourvoi n° 19-16.872) et il ne peut être fait droit à la demande « d'infirmation » de l'appelant.

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application en l'instance des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de première instance et d'appel restent à la charge de la SARL B-Squared investments venant aux droits de la SAS Naac qui succombe.

PAR CES MOTIFS

La cour

Dit que le jugement rendu le 7 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Marseille, en méconnaissance de la procédure de sauvegarde ouverte au bénéfice de M. [M] [F], est réputé non avenu ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur l'appel de cette décision non avenue ;

Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS B-Squared investments venant aux droits de la SAS Naac aux dépens de première instance et d'appel ;

Rejette toutes autres demandes.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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