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CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 3 juillet 2025, n° 24/12109

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/12109

3 juillet 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 3 JUILLET 2025

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/12109 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJWLG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Avril 2024 - Tribunal de Commerce d'EVRY COURCOURONNES - RG n° 2023L01588

APPELANT

M. [X] [E]

Né le [Date naissance 2] 1977 à [Localité 15] (IRAN)

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Laurence GAUVENET, avocate au barreau de PARIS, toque : C1430

INTIMÉE

S.E.L.A.R.L. [8][D] prise en la personne de [J] [D] ès qualités de liquidateur judiciaire de la S.A.R.L. [11]

[Adresse 1]

[Adresse 13]

[Localité 6]

Immatriculée au RCS de [Localité 14] sous le n° [N° SIREN/SIRET 3]

Représentée par Me Olivier PECHENARD de la SELARL PBM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0899

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Mars 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Sophie MOLLAT, Présidente

Caroline TABOUROT, Conseillère

Isabelle ROHART, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA

MINISTERE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par M. Françosi VAISSETTE, qui a fait connaître son avis.

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Sophie MOLLAT, présidente, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.

Exposé des faits et de la procédure

La société à responsabilité limitée [11], immatriculée le 23 février 2016, était gérée par M. [E] et avait pour activité la protection de chantiers, maintenance industrielle, film thermo soudé, confinement, montage, démontage et locations d'échafaudages.

Le capital de ladite société, d'un montant de 50 000 euros, n'a pas été libéré en totalité, et la société a cessé son activité le 16 mai 2019. Le capital de la société était réparti à parts égales entre ses deux associés, M. [E] et M. [Y].

Sur déclaration de cessation des paiements du 23 novembre 2020 effectuée par M. [E], par jugement du même jour, le tribunal de commerce d'Evry a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société [11], désigné la SELARL [8] [D], prise en la personne de Me [D], en qualité de liquidateur judiciaire, et fixé la date de cessation des paiements au 23 mai 2019.

Les opérations de vérification du passif ont fait apparaître un passif d'un montant de 80.015 euros et les opérations de réalisation de l'actif un actif de 5.915 euros, de sorte que l'insuffisance d'actif s'élève à la somme de 74.100 euros.

Sur assignation du liquidateur judiciaire qui sollicitait tant des sanctions personnelles qu'une condamnation au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif, par jugement contradictoire du 29 avril 2024, le tribunal de commerce d'Evry a condamné M. [E] à payer à Me [D], ès-qualités, la somme de 50 000 euros au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif, la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et l'a condamné aux dépens de l'instance. Le tribunal a dit n'y avoir lieu à sanctions personnelles.

Par déclaration du 1er juillet 2024, M. [E] a interjeté appel de ce jugement, intimant ainsi la SELARL [8] [D].

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 décembre 2024, M. [E] demande à la cour d'appel de Paris de :

- Le recevoir et le dire bien fondé en l'ensemble de ses écritures, fins et demandes.

En conséquence,

- Réformer totalement le jugement du 26 avril 2024 :

- Débouter Me [D] de sa demande de condamnation sur le fondement des articles L. 651-2 et suivants du code de commerce ;

- Condamner Me [D], ès-qualités, à payer à M. [E] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner Me [D] aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 août 2024, la SELARL [8] [D], prise en la personne de Me [D], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [11], demande à la cour d'appel de Paris de :

- Déclarer M. [E] mal fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions.

En conséquence,

- Débouter M. [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 26 avril 2024.

En tout état de cause,

- Condamner M. [E] à verser à Me [D], ès-qualités, la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner M. [E] aux dépens de l'appel.

Par avis notifié par RPVA le 5 février 2025, le ministère public considère que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu la faute de gestion tirée du non-respect des obligations fiscales et sociales et qu'il a condamné M. [E] à contribuer à l'insuffisance d'actif de la société [11] à hauteur de 50 000 euros.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 6 février 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

I. Sur les fautes de gestion

- Sur le manquement aux obligations fiscales et sociales

La SELARL [8] [D], prise en la personne de Me [D], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [11] invoque un manquement aux obligations fiscales et sociales ayant entraîné des pénalités. Il précise que le passif fiscal, d'un montant de 50 993 euros, est composé d'une dette de 7 522 euros au titre de l'impôt sur les sociétés dû entre le 22 février 2016 et le 31 décembre 2017, d'une dette de 35 951 euros au titre de la TVA sur la même période, et d'une dette de 7 520 euros au titre des pénalités et que le passif social, d'un montant de 3 588 euros, est composé d'une dette de 3 042 euros au titre de cotisations de l'institution de retraite actualisées entre janvier 2018 et novembre 2020 et d'une dette de 546 euros au titre de cotisations de [9] entre le 30 septembre 2020 et le 23 novembre 2020. Il considère que M. [E] a commis une faute de gestion en s'abstenant de respecter les règles fiscales applicables, ce qui a entraîné des pénalités de 7 520 euros.

M. [E] réplique que les fonds afférents à l'apport de M. [Y] au capital social de la société [11], qui n'avait pas été intégralement libéré au moment de sa constitution, n'ont pas été versés pour un montant de 10 000 euros et que le liquidateur judiciaire n'a jamais réclamé ce versement dans le cadre de la procédure ; qu'il existait une créance à hauteur de 52 450 euros détenue par la société [11] sur la société [7], dirigée par M. [Y], que M. [E] a tenté de recouvrer, mais que dans le cadre de la procédure puisque seule la somme de 5 959 euros l'a été. Il en déduit que les passifs fiscaux et sociaux auraient pu être apurés si cette créance avait été réglée.

Il ajoute que, concernant les créances fiscales, la déclaration de créance de la [10] à hauteur de 7 520 euros relative à des pénalités infligées à la société [11] ne comportait aucune pièce justificative, ni aucun détail pour expliquer le montant des pénalités qui correspond à un taux de taxe sur la valeur ajoutée qui n'existe pas fiscalement et qui, en tout état de cause, vu l'article 1756 du livre des procédures fiscales, aurait dû faire l'objet d'une remise ou être rejetée.

Par ailleurs, selon lui, le liquidateur judiciaire a obtenu un crédit de TVA de 15 000 euros au profit de la société [11] .

Il en conclut qu'il n'aurait plus dû y avoir d'insuffisance d'actif, que la procédure de liquidation judiciaire aurait pu être clôturée pour extinction du passif, et qu'aucune faute de gestion ne saurait lui être reprochée.

Le ministère public est d'avis que M. [E] a commis une faute de gestion en raison du non-respect de ses obligations fiscales et sociales en sa qualité de gérant de la société [12]

Selon l'article L. 651-2 du code de commerce, « Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée ['] ».

En l'espèce, il résulte des pièces que depuis février 2016, c'est-à-dire dès le début de l'activité, l'impôt sur les sociétés et la TVA n'ont pas été payés, pour respectivement 7.522 euros et 35.951 euros, ce qui a entraîné des pénalités de 7520 euros, et ainsi que le mentionne le liquidateur, la dette fiscale représente 64% du passif.

Par ailleurs, il résulte des déclarations de créances que M. [E] s'est abstenu de régler les dettes sociales pour un montant de 3.042 euros au titre des cotisations de retraite entre janvier 2018 et novembre 2020 et les cotisations de [9] pour un montant de 546 euros entre le 30 septembre 2020 et le 23 novembre 2020.

Le défaut de paiement des dettes fiscales constitue une faute de gestion excédant la simple négligence et cette faute a contribué à l'insuffisance d'actif pour un montant de 50.993 euros s'agissant des dettes fiscales et de 3.588 euros s'agissant des dettes sociales.

C'est donc à juste titre que le tribunal a retenu cette faute de gestion.

- Sur la poursuite d'une activité déficitaire

La SELARL [8] [D], prise en la personne de Me [D], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [11] soutient que la société débitrice a poursuivi une activité déficitaire depuis 2018 et que les capitaux propres sont négatifs depuis cette date, ce qui constitue une faute de gestion.

M. [E] répond que la société [11] a été mise en sommeil le 8 août 2018 et soutient que, pendant cette mise en sommeil, le passif ne s'est aggravé que d'un montant de 1 075 euros et en conclut qu'il ne saurait en conséquence lui être reproché d'avoir poursuivi une exploitation déficitaire depuis 2018.

La cour constate que la lecture des pièces comptables (pièce 10) que le résultat d'exploitation de 2018 est négatif pour un montant de 151.450 euros et que celui de 2019 est négatif pour un montant de 26.707 euros. La poursuite d'une exploitation déficitaire constitue une faute de gestion d'une gravité certaine.

Cette faute est caractérisée, mais le liquidateur ne fournit aucune donnée chiffrée permettant de démontrer en quoi elle a contribué à l'insuffisance d'actif, de sorte qu'elle ne sera pas retenue et le jugement sera confirmé sur ce point.

- Sur l'omission de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal

La SELARL [8] [D], prise en la personne de Me [D], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [11], reproche à M. [E] de ne pas avoir procédé à la déclaration de cessation des paiements de l'entreprise qu'il dirigeait dans les quarante-cinq jours de sa survenance et soutient qu'ainsi il a commis une faute de gestion au sens de l'article L. 651-2 du code de commerce. Il rappelle que le jugement du 23 novembre 2020 ayant ouvert la procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société [11], a fixé la date de cessation des paiements au 23 mai 2019, soit dix-huit mois avant le jugement d'ouverture et que ledit jugement a acquis autorité de la chose jugée. Il considère que M. [E] a caché la situation réelle de l'entreprise aux tiers et a, partant, commis une faute de gestion au sens de l'article L. 651-2 du code de commerce en omettant de déclarer l'état de cessation des paiements dans le délai légal.

M. [E] répond qu'il n'a pas caché la situation de sa société aux tiers puisque la cessation d'activité et la mise en sommeil ont été déclarées au greffe et la mention apparaît sur son extrait Kbis, et conteste avoir commis une faute de gestion.

La cour constate que le jugement d'ouverture du 23 novembre 2020 ayant ouvert la procédure de redressement judiciaire a fixé la date de cessation des paiements au 23 mai 2019, soit dix-huit mois auparavant et la date ainsi fixée s'impose au juge de la sanction.

Cette omission d'effectuer une déclaration de l'état de cessation des paiements s'analyse en une faute, mais en l'espèce sa gravité n'est pas caractérisée puisqu'il n'est pas démontré que cette omission ait augmenté l'insuffisance d'actif alors que la société était en sommeil.

La faute de gestion ne sera donc pas retenue à ce titre et le jugement sera confirmé sur ce point.

II. Sur la contribution des fautes de gestion à l'insuffisance d'actif et le quantum de la condamnation

La SELARL [8] [D], prise en la personne de Me [D], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [11] considère que chacune des fautes commises par M. [E] a directement contribué à l'insuffisance d'actif de la société , que le quantum de la condamnation fixé à 50 000 euros correspond de façon proportionnée à la contribution des fautes de gestion commises par M. [E] à l'insuffisance d'actif de la société [12]

La cour relève que le liquidateur démontre de façon précise que le défaut de paiement des dettes fiscales a contribué à l'insuffisance d'actif pour un montant de 50.993 euros s'agissant des dettes fiscales et de 3.588 euros s'agissant des dettes sociales, de sorte que c'est de façon proportionnée que le tribunal a condamné M. [E] à régler une somme de 50.000 euros au titre de son insuffisance d'actif.

Le jugement sera donc confirmé.

Sur les dépens et les frais hors dépens.

M. [E] sera condamné aux dépens, ainsi qu'à payer à la SELARL [8] [D], prise en la personne de Me [D], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [11], une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement,

Condamne M. [E] aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la SELARL [8] [D], prise en la personne de Me [D], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [11], une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais hors dépens exposés en appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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