CA Aix-en-Provence, ch. 3-2, 3 juillet 2025, n° 24/06474
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-2
ARRÊT AU FOND
DU 03 JUILLET 2025
Rôle N° RG 24/06474 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNBXF
[P] [B] [O]
C/
S.A.S. [9]
Copie exécutoire délivrée
le : 3 Juillet 2025
à :
Me Frédéric AMSELLEM
Me Michel MOATTI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 06 Mai 2024 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2023L02151.
APPELANT
Monsieur [P] [B] [O]
né le [Date naissance 2] 1985 à [Localité 7] (LIBAN), demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Frédéric AMSELLEM, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Sandra JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
S.A.S. [9]
société de Mandataires Judiciaires demeurant et domiciliée [Adresse 4], prise en sa qualité de Liquidateur Judiciaire de la SARL [8], désignée à ces fonctions par jugement du Tribunal de Commerce de Marseille en date du 7 décembre 2020, confirmée par arrêt de la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE du 25 novembre 2021, mission conduite par Maître [W] [D], désignée en remplacement de Maître [Y] [X] selon ordonnance du 27 février 2023., demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Michel MOATTI, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 14 Mai 2025 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre, magistrate rapporteure
Madame Muriel VASSAIL, Conseillère
Mme Isabelle MIQUEL, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Madame Chantal DESSI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2025.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2025,
Signé par Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre et Madame Chantal DESSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
La SARL [8], créée en juin 2021 et dont M. [O] était le gérant et unique associé, exploitait une activité de carrosserie, peinture, mécanique, dépannage. Sur déclaration de cessation des paiements, le tribunal de commerce de Marseille a ouvert une procédure de redressement judiciaire par jugement du 31 août 2020 et désigné en qualité de mandataire judiciaire, la SAS [9], prise en la personne de Me [Y] [X], remplacé à ce jour par Me [W] [D].
Par jugement du 7 décembre 2020, le tribunal a prononcé la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire et désigné la SAS [9], en qualité de liquidateur judiciaire. Ce jugement a fait l'objet d'un arrêt confirmatif du 25 novembre 2021, devenu définitif par déchéance du pourvoi.
Par jugement du 6 mai 2024 (n° 2020J00441), le tribunal de commerce de Marseille, saisi par assignation du liquidateur judiciaire, a relevé l'existence de fautes de gestion imputables à M. [O] et prononcé à son encontre une mesure de faillite personnelle pour une durée de 5 ans et l'a condamné à payer à la SAS [9] ès qualités, une somme de 150'000 euros au titre de sa participation à l'insuffisance d'actif de la société [8], outre la somme de 2'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le tout avec exécution provisoire.
Le tribunal a retenu comme faute de nature à entraîner le prononcé d'une mesure de faillite personnelle ou une interdiction de gérer'la poursuite abusive d'une activité déficitaire dans son intérêt personnel qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements (L.653-4 4°) en considérant que plutôt que de payer ses créanciers, M. [O] a augmenté sa rémunération qui est passée de 78'480 euros au 30 juin 2018 à 119'325 euros au 30 juin 2019 et 105'169 au 30 juin 2020, rémunérations qui étaient excessives au regard du chiffre d'affaires réalisé de 276'000 euros.
Ont été écartés les autres griefs invoqués par le liquidateur judiciaire, à savoir, le détournement d'une partie des actifs de la société à travers les nombreux retraits d'espèces et utilisation de carte bancaire de la société à des fins personnelles pour plus de 54 000 euros en retraits d'argent et 58 000 euros de débits non justifiés entre mars et août 2020.
M. [O] a fait appel le 21 mai 2024.
Par conclusions d'appelant'déposées et signifiées par RPVA le 19 juin 2024, auxquelles la cour se réfère en application de l'article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens, M. [O] demande à la cour de':
- le déclarer recevable et bien fondé en son appel,
- réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille du 6 mai 2024,
Statuant à nouveau,
- débouter la SAS [9] ès qualités, de ses demandes,
- statuer ce que de droit sur les dépens.
L'appelant conteste les fautes invoquées par le liquidateur judiciaire retenues par le tribunal de commerce'qu'il s'agisse de la poursuite abusive d'une activité déficitaire dans l'intérêt personnel du dirigeant, dans la mesure où il ressort d'autres décisions de justice que la carrosserie [6] avait des perspectives de redressement' et que sa rémunération (119'325 euros) jugée incompatible avec l'exercice d'une activité déficitaire, est démentie par sa situation financière catastrophique, tandis que sa rémunération a entraîné des charges sociales qu'il a dû répercuter en partie sur l'entreprise et qui n'est pas la cause des difficultés de l'entreprise et de sa liquidation judiciaire'et conteste le lien de causalité.
Par conclusions d'intimée'déposées et signifiées par RPVA le 27 juin 2024, la SAS [9] ès qualités sollicite':
la confirmation du jugement en toutes ses dispositions,
la condamnation de M. [O] au paiement d'une somme de 3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Aux termes d'un avis déposé le 9 avril 2025, le ministère public'indique s'en rapporter aux écritures du mandataire et requiert la confirmation du jugement querellé et, au visa de l'article 11 du code de procédure pénale indique pour information de la cour, que M. [O] fait l'objet d'une enquête préliminaire du chef d'abus de biens sociaux (faits commis de juin 2020 à avril 2021) au préjudice de la société [8] et de poursuites qui ont abouti à des condamnations pénales prononcées par le tribunal correctionnel de Marseille des chefs d'escroquerie et de destruction du bien d'autrui par moyen dangereux, condamnation dont l'intéressé a fait appel.
L'affaire a fait l'objet d'un avis de fixation à bref délai à l'audience du 14 mai 2025 et la clôture a été prononcée le 24 avril 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'irrecevabilité des écritures et des pièces déposées par la partie intimée
L'article 963 du code de procédure civile dispose que lorsque l'appel entre dans le champ d'application de l'article 1635 bis P du code général des impôts, les parties doivent justifier à peine d'irrecevabilité de l'appel ou des défenses, selon le cas, de l'acquittement du droit prévu à cet article. L'irrecevabilité est constatée d'office par le magistrat ou la formation compétente.
L'article 964 du même code indique notamment :
" Sont compétents pour prononcer l'irrecevabilité de l'appel en application de l'article 963 :
- le premier président ;
- le président de la chambre à laquelle l'affaire est distribuée ;
- le conseiller de la mise en état jusqu'à la clôture de l'instruction;
- la formation de jugement.
A moins que les parties aient été convoquées ou citées à comparaître à une audience, ils peuvent statuer sans débat. Ils statuent, le cas échéant, sur les demandes fondées sur l'article 700".
A l'audience du 14 mai 2025, comme en cours de délibéré, la SAS [9] ès qualités n'a pas justifié de l'acquittement du droit prévu à cet effet, en dépit d'un rappel adressé par le greffe le 12 mai 2025 l'informant des dispositions précitées, de son obligation de s'acquitter du droit de timbre de 225 euros, sauf à produire copie de la décision rendue par le bureau d'aide juridictionnelle ou du récépissé de la demande et lui délivrant l'avertissement qu'à défaut par lui de régulariser l'irrecevabilité sera constatée d'office par le juge.
Il convient de déclarer irrecevables les conclusions et pièces déposées par la SAS [9] représentée par Me [W] [D] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL [8], partie intimée.
Sur l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif
Il résulte des dispositions de l'article L. 651-2 du code de commerce que le tribunal peut condamner à supporter l'insuffisance d'actif d'une société placée en liquidation judiciaire tout dirigeant de droit ou de fait responsable d'une faute de gestion, qui excède la simple négligence, ayant contribué à cette insuffisance d'actif.
En application du texte susvisé, pour que l'action initiée par la SAS [9] ès qualités puisse prospérer il faut que soient établis :
- une insuffisance d'actif
- une ou plusieurs fautes de gestion excédant la simple négligence, imputables au dirigeant
- un lien de causalité entre la ou les fautes commises et l'insuffisance d'actif
L'action en responsabilité pour insuffisance d'actif ne nécessite pas que le passif et l'actif aient été vérifiés, ni même entièrement chiffrés, mais seulement que l'insuffisance d'actif soit certaine.
Il convient de rappeler que le dirigeant peut être déclaré responsable même si la faute de gestion n'est qu'une des causes de l'insuffisance d'actif et qu'il en est de même si la faute n'est à l'origine que de l'une des parties des dettes de la société.
Le montant de l'insuffisance d'actif, après retranchement des [5] et des indemnités de résiliation, s'élève à 320'000 euros, montant qui n'est pas remis en cause par M. [O].
Celui-ci ne conteste pas le montant des rémunérations qu'il a perçues, tel que qu'énoncé dans l'assignation du liquidateur judiciaire qui figure au dossier de la cour et repris par le tribunal, rémunérations qui étaient de 78'480 euros au 30 juin 2018, puis de 119'325 euros au 30 juin 2019 et de 105'169 euros au 30 juin 2020.
Il ne remet pas non plus en cause les résultats des exercices 2018, 2019 et 2020 tels qu'ils ont été repris dans l'assignation du liquidateur judiciaire qui font ressortir pour l'exercice clos le 30 juin 2018, un chiffre d'affaires de 516'000 euros, un résultat d'exploitation de 4'127 euros et un résultat net de 3'000 euros, tandis que les exercices postérieurs sont nettement déficitaires.
En effet':
- l'exercice clos le 30 juin 2019 faisait apparaître un chiffre d'affaires de 571'000 euros, un résultat d'exploitation négatif de - 83'535 euros et un résultat net de - 86'000 euros
- l'exercice clos le 30 juin 2020 faisait apparaître un chiffre d'affaires de 276'000 euros, un résultat d'exploitation négatif de -107 132 euros et un résultat net de -197 000 euros.
Dès lors il est manifeste que les rémunérations que M. [O] s'est octroyée ont été augmentées en 2019 et 2020 dans des proportions que ne lui permettaient pas les résultats enregistrés par l'entreprise, qui ont généré, en outre, un surcroît de charges, ce point n'étant pas discuté par l'appelant.
L'activité objectivement déficitaire apparue au cours de l'exercice 2019, s'est aggravée durant l'année 2020, a manifestement été poursuivie au seul profit de l'intéressé qui, par les nombreux retraits et débits opérés sur les comptes de la société pour la période antérieure à l'ouverture de la procédure collective, a augmenté le niveau de ses rémunérations et grevé la trésorerie de l'entreprise. Nonobstant les dénégations de l'appelant qui soutient ne pas s'être enrichi personnellement, ces agissements sont constitutifs d'une faute de gestion qui a aggravé la situation financière déjà fragilisée de la société, la conduisant inévitablement à l'état de cessation des paiements puis à la liquidation judiciaire.
Ces faits ont manifestement contribué à aggraver l'insuffisance d'actif et par conséquent, engagé la responsabilité de M. [O] en sa qualité de gérant de la SARL [8], en application de l'article L.651-2 du code de commerce.
C'est donc à juste titre que le tribunal de commerce l'a condamné à contribuer à l'insuffisance d'actif de la SARL [8] à hauteur de 150'000 euros, montant représentant la part excessive des rémunérations de M. [O] perçues en 2019 et 2020 ainsi que les charges sociales y afférant. Le jugement sera par conséquent confirmé sur ce chef.
Ces mêmes agissements sont également constitutifs de la faute visée à l'article L.653-4 4°, passible d'une mesure de faillite personnelle ou de l'interdiction édictée à l'article L.653-8 du code de commerce.
Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a prononcé à l'encontre de M. [O] une mesure de faillite personnelle d'une durée de cinq ans, sanction qui paraît adaptée et proportionnée à la gravité de la faute commise par l'appelant.
M. [P] [B] [O] succombant, n'est pas fondé en ses demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,
Déclare irrecevables les conclusions déposées et notifiées le 27 juin 2024 ainsi que les pièces communiquées par la SAS [9] ès qualités';
Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille le 6 mai 2024 (n°2020J00441) en toutes ses dispositions';
Condamne M. [P] [B] [O] aux entiers dépens d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
Chambre 3-2
ARRÊT AU FOND
DU 03 JUILLET 2025
Rôle N° RG 24/06474 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNBXF
[P] [B] [O]
C/
S.A.S. [9]
Copie exécutoire délivrée
le : 3 Juillet 2025
à :
Me Frédéric AMSELLEM
Me Michel MOATTI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 06 Mai 2024 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2023L02151.
APPELANT
Monsieur [P] [B] [O]
né le [Date naissance 2] 1985 à [Localité 7] (LIBAN), demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Frédéric AMSELLEM, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Sandra JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
S.A.S. [9]
société de Mandataires Judiciaires demeurant et domiciliée [Adresse 4], prise en sa qualité de Liquidateur Judiciaire de la SARL [8], désignée à ces fonctions par jugement du Tribunal de Commerce de Marseille en date du 7 décembre 2020, confirmée par arrêt de la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE du 25 novembre 2021, mission conduite par Maître [W] [D], désignée en remplacement de Maître [Y] [X] selon ordonnance du 27 février 2023., demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Michel MOATTI, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 14 Mai 2025 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre, magistrate rapporteure
Madame Muriel VASSAIL, Conseillère
Mme Isabelle MIQUEL, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Madame Chantal DESSI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2025.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2025,
Signé par Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre et Madame Chantal DESSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
La SARL [8], créée en juin 2021 et dont M. [O] était le gérant et unique associé, exploitait une activité de carrosserie, peinture, mécanique, dépannage. Sur déclaration de cessation des paiements, le tribunal de commerce de Marseille a ouvert une procédure de redressement judiciaire par jugement du 31 août 2020 et désigné en qualité de mandataire judiciaire, la SAS [9], prise en la personne de Me [Y] [X], remplacé à ce jour par Me [W] [D].
Par jugement du 7 décembre 2020, le tribunal a prononcé la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire et désigné la SAS [9], en qualité de liquidateur judiciaire. Ce jugement a fait l'objet d'un arrêt confirmatif du 25 novembre 2021, devenu définitif par déchéance du pourvoi.
Par jugement du 6 mai 2024 (n° 2020J00441), le tribunal de commerce de Marseille, saisi par assignation du liquidateur judiciaire, a relevé l'existence de fautes de gestion imputables à M. [O] et prononcé à son encontre une mesure de faillite personnelle pour une durée de 5 ans et l'a condamné à payer à la SAS [9] ès qualités, une somme de 150'000 euros au titre de sa participation à l'insuffisance d'actif de la société [8], outre la somme de 2'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le tout avec exécution provisoire.
Le tribunal a retenu comme faute de nature à entraîner le prononcé d'une mesure de faillite personnelle ou une interdiction de gérer'la poursuite abusive d'une activité déficitaire dans son intérêt personnel qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements (L.653-4 4°) en considérant que plutôt que de payer ses créanciers, M. [O] a augmenté sa rémunération qui est passée de 78'480 euros au 30 juin 2018 à 119'325 euros au 30 juin 2019 et 105'169 au 30 juin 2020, rémunérations qui étaient excessives au regard du chiffre d'affaires réalisé de 276'000 euros.
Ont été écartés les autres griefs invoqués par le liquidateur judiciaire, à savoir, le détournement d'une partie des actifs de la société à travers les nombreux retraits d'espèces et utilisation de carte bancaire de la société à des fins personnelles pour plus de 54 000 euros en retraits d'argent et 58 000 euros de débits non justifiés entre mars et août 2020.
M. [O] a fait appel le 21 mai 2024.
Par conclusions d'appelant'déposées et signifiées par RPVA le 19 juin 2024, auxquelles la cour se réfère en application de l'article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens, M. [O] demande à la cour de':
- le déclarer recevable et bien fondé en son appel,
- réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille du 6 mai 2024,
Statuant à nouveau,
- débouter la SAS [9] ès qualités, de ses demandes,
- statuer ce que de droit sur les dépens.
L'appelant conteste les fautes invoquées par le liquidateur judiciaire retenues par le tribunal de commerce'qu'il s'agisse de la poursuite abusive d'une activité déficitaire dans l'intérêt personnel du dirigeant, dans la mesure où il ressort d'autres décisions de justice que la carrosserie [6] avait des perspectives de redressement' et que sa rémunération (119'325 euros) jugée incompatible avec l'exercice d'une activité déficitaire, est démentie par sa situation financière catastrophique, tandis que sa rémunération a entraîné des charges sociales qu'il a dû répercuter en partie sur l'entreprise et qui n'est pas la cause des difficultés de l'entreprise et de sa liquidation judiciaire'et conteste le lien de causalité.
Par conclusions d'intimée'déposées et signifiées par RPVA le 27 juin 2024, la SAS [9] ès qualités sollicite':
la confirmation du jugement en toutes ses dispositions,
la condamnation de M. [O] au paiement d'une somme de 3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Aux termes d'un avis déposé le 9 avril 2025, le ministère public'indique s'en rapporter aux écritures du mandataire et requiert la confirmation du jugement querellé et, au visa de l'article 11 du code de procédure pénale indique pour information de la cour, que M. [O] fait l'objet d'une enquête préliminaire du chef d'abus de biens sociaux (faits commis de juin 2020 à avril 2021) au préjudice de la société [8] et de poursuites qui ont abouti à des condamnations pénales prononcées par le tribunal correctionnel de Marseille des chefs d'escroquerie et de destruction du bien d'autrui par moyen dangereux, condamnation dont l'intéressé a fait appel.
L'affaire a fait l'objet d'un avis de fixation à bref délai à l'audience du 14 mai 2025 et la clôture a été prononcée le 24 avril 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'irrecevabilité des écritures et des pièces déposées par la partie intimée
L'article 963 du code de procédure civile dispose que lorsque l'appel entre dans le champ d'application de l'article 1635 bis P du code général des impôts, les parties doivent justifier à peine d'irrecevabilité de l'appel ou des défenses, selon le cas, de l'acquittement du droit prévu à cet article. L'irrecevabilité est constatée d'office par le magistrat ou la formation compétente.
L'article 964 du même code indique notamment :
" Sont compétents pour prononcer l'irrecevabilité de l'appel en application de l'article 963 :
- le premier président ;
- le président de la chambre à laquelle l'affaire est distribuée ;
- le conseiller de la mise en état jusqu'à la clôture de l'instruction;
- la formation de jugement.
A moins que les parties aient été convoquées ou citées à comparaître à une audience, ils peuvent statuer sans débat. Ils statuent, le cas échéant, sur les demandes fondées sur l'article 700".
A l'audience du 14 mai 2025, comme en cours de délibéré, la SAS [9] ès qualités n'a pas justifié de l'acquittement du droit prévu à cet effet, en dépit d'un rappel adressé par le greffe le 12 mai 2025 l'informant des dispositions précitées, de son obligation de s'acquitter du droit de timbre de 225 euros, sauf à produire copie de la décision rendue par le bureau d'aide juridictionnelle ou du récépissé de la demande et lui délivrant l'avertissement qu'à défaut par lui de régulariser l'irrecevabilité sera constatée d'office par le juge.
Il convient de déclarer irrecevables les conclusions et pièces déposées par la SAS [9] représentée par Me [W] [D] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL [8], partie intimée.
Sur l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif
Il résulte des dispositions de l'article L. 651-2 du code de commerce que le tribunal peut condamner à supporter l'insuffisance d'actif d'une société placée en liquidation judiciaire tout dirigeant de droit ou de fait responsable d'une faute de gestion, qui excède la simple négligence, ayant contribué à cette insuffisance d'actif.
En application du texte susvisé, pour que l'action initiée par la SAS [9] ès qualités puisse prospérer il faut que soient établis :
- une insuffisance d'actif
- une ou plusieurs fautes de gestion excédant la simple négligence, imputables au dirigeant
- un lien de causalité entre la ou les fautes commises et l'insuffisance d'actif
L'action en responsabilité pour insuffisance d'actif ne nécessite pas que le passif et l'actif aient été vérifiés, ni même entièrement chiffrés, mais seulement que l'insuffisance d'actif soit certaine.
Il convient de rappeler que le dirigeant peut être déclaré responsable même si la faute de gestion n'est qu'une des causes de l'insuffisance d'actif et qu'il en est de même si la faute n'est à l'origine que de l'une des parties des dettes de la société.
Le montant de l'insuffisance d'actif, après retranchement des [5] et des indemnités de résiliation, s'élève à 320'000 euros, montant qui n'est pas remis en cause par M. [O].
Celui-ci ne conteste pas le montant des rémunérations qu'il a perçues, tel que qu'énoncé dans l'assignation du liquidateur judiciaire qui figure au dossier de la cour et repris par le tribunal, rémunérations qui étaient de 78'480 euros au 30 juin 2018, puis de 119'325 euros au 30 juin 2019 et de 105'169 euros au 30 juin 2020.
Il ne remet pas non plus en cause les résultats des exercices 2018, 2019 et 2020 tels qu'ils ont été repris dans l'assignation du liquidateur judiciaire qui font ressortir pour l'exercice clos le 30 juin 2018, un chiffre d'affaires de 516'000 euros, un résultat d'exploitation de 4'127 euros et un résultat net de 3'000 euros, tandis que les exercices postérieurs sont nettement déficitaires.
En effet':
- l'exercice clos le 30 juin 2019 faisait apparaître un chiffre d'affaires de 571'000 euros, un résultat d'exploitation négatif de - 83'535 euros et un résultat net de - 86'000 euros
- l'exercice clos le 30 juin 2020 faisait apparaître un chiffre d'affaires de 276'000 euros, un résultat d'exploitation négatif de -107 132 euros et un résultat net de -197 000 euros.
Dès lors il est manifeste que les rémunérations que M. [O] s'est octroyée ont été augmentées en 2019 et 2020 dans des proportions que ne lui permettaient pas les résultats enregistrés par l'entreprise, qui ont généré, en outre, un surcroît de charges, ce point n'étant pas discuté par l'appelant.
L'activité objectivement déficitaire apparue au cours de l'exercice 2019, s'est aggravée durant l'année 2020, a manifestement été poursuivie au seul profit de l'intéressé qui, par les nombreux retraits et débits opérés sur les comptes de la société pour la période antérieure à l'ouverture de la procédure collective, a augmenté le niveau de ses rémunérations et grevé la trésorerie de l'entreprise. Nonobstant les dénégations de l'appelant qui soutient ne pas s'être enrichi personnellement, ces agissements sont constitutifs d'une faute de gestion qui a aggravé la situation financière déjà fragilisée de la société, la conduisant inévitablement à l'état de cessation des paiements puis à la liquidation judiciaire.
Ces faits ont manifestement contribué à aggraver l'insuffisance d'actif et par conséquent, engagé la responsabilité de M. [O] en sa qualité de gérant de la SARL [8], en application de l'article L.651-2 du code de commerce.
C'est donc à juste titre que le tribunal de commerce l'a condamné à contribuer à l'insuffisance d'actif de la SARL [8] à hauteur de 150'000 euros, montant représentant la part excessive des rémunérations de M. [O] perçues en 2019 et 2020 ainsi que les charges sociales y afférant. Le jugement sera par conséquent confirmé sur ce chef.
Ces mêmes agissements sont également constitutifs de la faute visée à l'article L.653-4 4°, passible d'une mesure de faillite personnelle ou de l'interdiction édictée à l'article L.653-8 du code de commerce.
Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a prononcé à l'encontre de M. [O] une mesure de faillite personnelle d'une durée de cinq ans, sanction qui paraît adaptée et proportionnée à la gravité de la faute commise par l'appelant.
M. [P] [B] [O] succombant, n'est pas fondé en ses demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,
Déclare irrecevables les conclusions déposées et notifiées le 27 juin 2024 ainsi que les pièces communiquées par la SAS [9] ès qualités';
Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille le 6 mai 2024 (n°2020J00441) en toutes ses dispositions';
Condamne M. [P] [B] [O] aux entiers dépens d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE