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Décisions

CA Lyon, 6e ch., 3 juillet 2025, n° 23/05729

LYON

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Isolation France Professionnel (SARL)

Défendeur :

CA Consumer Finance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Doat

Conseillers :

Mme Allais, Mme Robin

Avocats :

Me Pouderoux, Me Pinet, Me Goncalves

T. prox. Villeurbanne, du 19 juin 2023, …

19 juin 2023

FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES:

Dans le cadre d'un démarchage à domicile, M. [N] [W] a commandé le 5 février 2021 à la société Isolation France Professionnel des travaux d'isolation des combles de sa maison située à [Localité 7] (36) moyennant le prix total de 15.900 euros toutes taxes comprises.

Le même jour, il a accepté une offre préalable de prêt d'un montant de 15.900 euros consentie par la société CA Consumer Finance sous la marque Financo afin de financer en totalité le contrat susvisé, le capital prêté étant remboursable au taux d'intérêt de 3,883 % sur une durée de 135 mois.

Par actes d'huissier de justice des 11 et 12 mai 2022, M. [W] a fait assigner la société Isolation France Professionnel et la société CA Consumer Finance.

Il sollicitait à titre principal de voir prononcer la résolution du contrat de vente et par voie de conséquence du contrat de crédit affecté, condamner la société Isolation France Professionnel à lui restituer le prix de vente ainsi qu'à lui payer des dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral et d'un préjudice de jouissance, dire qu'il restituerait le matériel vendu aux frais de la société Isolation France Professionnel, condamner la société CA Consumer Finance à lui restituer les sommes déjà réglées au titre du prêt et priver celle-ci de sa créance de restitution.

La société Isolation France Professionnel et la société CA Consumer Finance concluaient au rejet des prétentions de M. [W].

Par jugement du 19 juin 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Villeurbanne a:

- prononcé la résolution du contrat du 5 février 2021 souscrit entre la société Isolation France Professionnel et M. [W],

- condamné la société Isolation France Professionnel à restituer la somme de 15.900 euros à M. [W],

- dit que, à compter de la restitution de la somme de 15.900 euros, M. [W] était tenu de restituer le matériel vendu, à savoir la laine de verre de marque Volcalis, à charge pour la société Isolation France Professionnel de procéder à la dépose et à l'enlèvement du matériel à ses frais et selon ses propres moyens,

- condamné la société Isolation France Professionnel à payer à M. [W] la somme de 1.000 euros au titre de son préjudice moral,

- débouté M. [W] de sa demande en paiement au titre de son préjudice de jouissance,

- prononcé la résolution du contrat de crédit affecté en date du 5 février 2021 souscrit entre M. [W] et la société CA Consumer Finance,

- condamné M. [W] à payer à la société CA Consumer Finance le capital emprunté de 15.900 euros sous déduction des mensualités effectivement remboursées,

- dit que la société Isolation France Professionnel était tenue de garantir M. [W] du remboursement du prêt auprès de la société CA Consumer Finance,

- débouté M. [W] de sa demande en paiement de la somme de 3.247,72 euros dirigée contre la société CA Consumer Finance,

- rejeté la demande de délais de paiement de M. [W],

- condamné la société Isolation France Professionnel aux dépens de l'instance,

- condamné la société Isolation France Professionnel à payer à M. [W] la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les autres demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-écarté l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration du 13 juillet 2023, la société Isolation France Professionnel a interjeté appel de la décision, sauf en ce que celle-ci a écarté l'exécution provisoire.

Dans ses conclusions notifiées le 13 octobre 2023, la société Isolation France Professionnel demande à la Cour de:

- réformer le jugement dans les limites de l'appel,

- constater que M. [W] a réceptionné les travaux de pose de laine de verre de marque Volcalis sans réserve et que le produit installé présente des caractéristiques équivalentes à celles du produit de marque Isover,

- débouter la société Isolation France Professionnel de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [W] à payer à la société Isolation France Professionnel la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés dans la Cour,

- condamner M. [W] aux entiers dépens d'appel.

Dans ses conclusions notifiées le 21 décembre 2023, la société CA Consumer Finance demande à la Cour de:

- infirmer le jugement en ce qu'il a:

prononcé la résolution du contrat du 5 février 2021 souscrit entre la société Isolation France Professionnel et M. [W],

condamné la société Isolation France Professionnel à restituer la somme de 15.900 euros à M. [W],

dit que, à compter de la restitution de la somme de 15.900 euros, M. [W] était tenu de restituer le matériel vendu, à savoir la laine de verre de marque Volcalis, à charge pour la société Isolation France Professionnel de procéder à la dépose et à l'enlèvement du matériel à ses frais et selon ses propres moyens,

condamné la société Isolation France Professionnel à payer à M. [W] la somme de 1.000 euros au titre de son préjudice moral,

prononcé la résolution du contrat de crédit affecté en date du 5 février 2021 souscrit entre M. [W] et la société CA Consumer Finance,

à titre principal,

- juger que les conditions de résolution des contrats de vente et de crédit ne sont pas réunies,

- juger que M. [W] ne peut plus invoquer la nullité du contrat de vente, et donc du contrat de prêt du fait de l'exécution volontaire des contrats, de sorte que l'action est irrecevable en application de l'article 1182 du code civil,

- juger que les manquements invoqués au soutien d'une demande de résolution judiciaire du contrat de vente, et donc du contrat de crédit, ne sont pas justifiés et ne constituent en toute hypothèse pas un motif de résolution de contrat,

- juger que la société CA Consumer Finance n'a commis aucune faute,

- débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes,

- juger que M. [W] sera tenu d'exécuter les contrats jusqu'au terme,

à titre subsidiaire et dans l'hypothèse où 'la nullité des contrats' serait prononcée,

- juger que l'absence de faute de l'établissement de crédit laisse perdurer les obligations de restitutions réciproques,

- condamner M. [W] à lui payer la somme de 14.397,18 euros (capital déduction à faire des règlements), somme à parfaire au jour de l'audience,

- condamner le vendeur à garantir les emprunteurs de la condamnation prononcée à leur encontre au titre de la restitution du capital,

en tout état de cause,

- condamner M. [W] à lui payer une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [W] aux dépens de la procédure d'appel qui seront recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile par maître Amélie Goncalves, avocat, qui en fera la demande.

Dans ses conclusions notifiées le 11 janvier 2024, M. [W] demande à la Cour de:

- confirmer purement et simplement le jugement,

- débouter les sociétés Isolation France Professionnel et CA Consumer Finance de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner les sociétés Isolation France Professionnel et CA Consumer Finance à lui verser chacune la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les sociétés Isolation France Professionnel et CA Consumer Finance aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 avril 2025.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions écrites susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION:

Le premier juge a prononcé la résolution du contrat conclu le 5 février 2021 entre la société Isolation France Professionnel et M. [W] au motif que celle-ci avait manqué à son obligation de conformité en ne posant pas les matériaux de la marque prévue au contrat et en ne démontrant pas que la performance des matériaux posés était identique à celle de ceux prévus au contrat. Il a relevé en outre que la main d'oeuvre facturée était manifestement excessive, n'ayant pas nécessité les 112,58 heures prévues au contrat.

La société Isolation France Professionnel, qui conteste avoir antidaté le contrat principal, fait valoir que:

- la laine de verre Volcalis installée chez M. [W] a des caractéristiques similaires, voire supérieures pour certaines, à celles de la laine de verre Isover,

- M. [W] a accepté l'ouvrage sans réserve, étant observé qu'il pouvait facilement se rendre compte de ce que la laine de verre posée était d'une marque différente de celle convenue; aussi, il ne peut fonder sa demande de résolution du contrat en raison de la différence de marque des matériaux, alors qu'il a accepté de recevoir les travaux en l'état.

M. [W] réplique que:

- le bon de commande a été signé le 24 février 2021 mais antidaté au 5 février 2021 afin de permettre à la société Isolation France Professionnel d'éluder le délai de rétractation applicable,

- le premier juge a qualifié le contrat le liant à la société Isolation France Professionnel de contrat de vente alors que lui-même avait considéré qu'il s'agissait d'un contrat d'entreprise, eu égard au nombre d'heures de travail facturées,

- si le contrat principal est qualifié de contrat d'entreprise, la société Isolation France Professionnel a manqué à son obligation de résultat en ce que celle-ci a posé de la laine de verre Volcalis, dont les caractéristiques techniques, notamment en matière d'isolation, sont bien moindres que celles de la laine de verre Isover; la société Isolation France Professionnel a également manqué à son obligation de conseil à son égard quant à l'usage des matériaux finalement posés; il a signé le procès-verbal de réception des travaux, sans avoir été en mesure de constater la modification de la marque de la laine de verre prévue au contrat, de telle sorte que ce document ne traduit aucun accord de sa part sur le changement des matériaux considérés; M. [W] a été trompé sur le matériel posé, ce qui justifie sa demande en réparation d'un préjudice moral,

- si le contrat principal est qualifié de contrat de vente, la société Isolation France Professionnel a manqué à son obligation de conformité ainsi qu'à son devoir de conseil, étant rappelé qu'il n'a jamais donné son accord quant à une modification de la marque des matériaux achetés,

- il ne soutient plus que la société CA Consumer Finance a commis une faute, en débloquant les fonds prêtés sans avoir vérifié la bonne exécution du contrat principal, le premier juge ayant retenu que la modification de la marque des matériaux n'était pas apparente en l'espèce.

La société CA Consumer Finance conclut au rejet de la résolution du contrat principal pour les mêmes motifs que ceux développés par la société Isolation France Professionnel. A titre subsidiaire, elle fait valoir que M. [W] a exécuté volontairement le contrat principal, de telle sorte qu'il ne peut plus en demander l'annulation.

M. [W] concluant à la confirmation du jugement, il ne critique pas celui-ci en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat conclu hors établissement le 5 février 2021 entre la société Isolation France Professionnel et lui-même. Aussi, il n'y a pas lieu d'examiner si le contrat considéré a été antidaté ou non.

Les dispositions du code de la consommation et du code civil applicables à ce contrat et au contrat de prêt sont donc celles en vigueur au 5 février 2021.

Aux termes de l'article L.221-1 du code de la consommation, le contrat ayant pour objet à la fois la fourniture de prestation de services et la livraison de biens est assimilé à un contrat de vente.

Le bon de commande du 5 février 2021, qui porte à la fois sur la réalisation de travaux pour un montant de 11.258 euros et la livraison de biens pour un montant de 4.642 euros, est constitutif d'un contrat de vente. En conséquence, c'est à juste titre que le premier juge a examiné le défaut d'exécution de ce contrat au regard des obligations à la charge de la société Isolation France Professionnel en qualité de vendeur.

Un rapport de la société SL2C du 14 février 2022 ainsi qu'un procès-verbal de constat du 22 mars 2022 révèlent que la société Isolation France Professionnel a posé en sous rampants de toiture de la laine minérale Volcalis au lieu de la laine minérale de verre haute performance, en rouleaux de marque Isover, modèle Isoconfort/GR 32, d'une épaisseur de 200 mm, prévue dans le bon de commande.

La société Isolation France Professionnel est d'accord pour reconnaître ce fait, précisant que la laine minérale Volcalis posée avait la même épaisseur que celle commandée. Elle a manqué dès lors à son obligation de conformité en livrant un bien d'une marque différente de celle convenue entre les parties. Au surplus, la comparaison entre les fiches techniques des laines considérées montre que nonobstant la contestation de la société Isolation France Professionnel sur ce point, la laine minérale Isover était de nature à mieux isoler la toiture de M. [W] que la laine minérale Volcalis, ayant des caractéristiques techniques supérieures, à savoir une résistance thermique de 6,25 m².K/W au lieu de 5 m².K/W et une conductivité thermique de 0,032 w/m.k au lieu de 0,040 W/m.k.

Le procès-verbal de constat du 22 mars 2022 fait apparaître que la dénomination Volcalis est visible à de nombreux endroits sur les plaques d'isolation posées par la société Isolation France Professionnel. Par ailleurs, suivant procès-verbal de réception des travaux du 26 février 2021, M. [W] a déclaré que la réception définitive des travaux était prononcée sans réserve, ceux-ci ayant été réalisés conformément à sa commande.

Néanmoins, l'accès aux combles de la maison d'habitation, où ont eu lieu les travaux, se fait par une trappe, de telle sorte qu'il est difficile. Aussi, il n'est pas avéré que M. [W] avait connaissance du manquement de la société Isolation France Professionnel à son obligation de conformité lors de la signature du procès-verbal de réception des travaux. En outre, ce procès-verbal de réception des travaux ne contient aucune renonciation de M. [W] à se prévaloir d'un éventuel défaut de conformité du matériel commandé. Enfin, M. [W] ayant sollicité la résolution du contrat de vente du 5 février 2021 et non la nullité de celui-ci, l'article 1182 du code civil afférent à la confirmation d'un acte nul, invoqué par la société CA Consumer Finance, n'est pas applicable en l'espèce.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat de vente du 5 février 2021 pour manquement de la société Isolation France Professionnel à son obligation de conformité ainsi que la résolution du contrat de crédit en application de l'article L.312-55 du code de la consommation.

Le jugement a condamné M. [W] à payer à la société CA Consumer Finance le capital emprunté de 15.900 euros sous déduction des mensualités effectivement remboursées. Au vu du décompte produit par le prêteur et non contesté par M. [W], il convient de préciser que celui-ci sera condamné à payer à la société CA Consumer Finance la somme de 14.397,18 euros en remboursement du capital prêté, après déduction des mensualités déjà réglées. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Les autres chefs du jugement, à l'exception de ceux afférents à l'article 700 du code de procédure civile, seront confirmés, n'étant pas remis en cause par les parties.

Compte tenu de la solution apportée au litige, le jugement sera confirmé quant aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile. La société Isolation France Professionnel , partie perdante dans le cadre du recours, sera condamnée aux dépens d'appel, avec le droit pour Maître Amélie Goncalves, avocate, de recouvrer directement ceux dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu provision en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. La société Isolation France Professionnel conservera en outre la charge de ses frais irrépétibles d'appel et sera condamnée à payer à M. [W] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en sus de la somme déjà allouée par le jugement. Les autres demandes formées par M. [W] ou la société CA Consumer Finance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel seront rejetées.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

statuant dans la limite des dispositions qui lui sont soumises;

Confirme le jugement, sauf à préciser le montant de la somme à rembourser par M. [W] à la société CA Consumer Finance au titre du capital prêté, après déduction des mensualités déjà réglées;

Infirme le jugement de ce chef;

STATUANT A NOUVEAU,

Condamne M. [W] à payer à la société CA Consumer Finance la somme de 14.397,18 euros en remboursement du capital prêté, après déduction des mensualités réglées au titre du prêt;

Condamne la société Isolation France Professionnel aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct de ceux-ci au profit de Maître Amélie Goncalves, avocate, en application de l'article 699 du code de procédure civile;

Condamne la société Isolation France Professionnel à payer à M. [W] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel;

Rejette les autres demandes des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

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