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Décisions

CA Amiens, ch. économique, 3 juillet 2025, n° 24/04337

AMIENS

Arrêt

Autre

CA Amiens n° 24/04337

3 juillet 2025

ARRET



S.A.R.L. LSS

C/

Organisme URSSAF PICARDIE

S.E.L.A.R.L. [D] PECOU

Copie exécutoire

le 03 Juillet 2025

à

Me Denys

Me Remoissonnet

VD

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 03 JUILLET 2025

N° RG 24/04337 - N° Portalis DBV4-V-B7I-JGYU

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEAUVAIS DU 08 OCTOBRE 2024 (référence dossier N° RG 2024-176)

APRES COMMUNICATION DU DOSSIER ET AVIS DE LA DATE D'AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC

EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.R.L. LSS agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 4]

[Localité 6]

représentée par Me Emilie DENYS, avocat au barreau D'AMIENS

ET :

INTIMEES

Organisme URSSAF PICARDIE L'Union pour le Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales de Picardie, par abréviation URSSAF PICARDIE, Régime Général de la Sécurité Sociale, SIREN 753 663 277, dont le siège est sis [Adresse 2], agissant en la personne de sa Directrice, habilitée en vertu des dispositions de l'article L 122-1 du Code de la Sécurité Sociale, domiciliée en cette qualité audit siège :

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentée par Me Sandrine REMOISSONNET, avocat au barreau de SENLIS

S.E.L.A.R.L. [D] PECOU ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL LSS pris en la personne de Maître [D] [C]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Signifié à personne morale le 23 décembre 2024

***

DEBATS :

A l'audience publique du 22 Mai 2025 devant :

Mme Odile GREVIN, présidente de chambre,

Mme Florence MATHIEU, présidente de chambre,

et Mme Valérie DUBAELE, conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2025.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 804 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Madame Elise DHEILLY

MINISTERE PUBLIC : Mme Clélie GIBALDO, substitute générale

PRONONCE :

Le 03 Juillet 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre a signé la minute avec Elise DHEILLY, Greffière.

*

* *

DECISION

Par acte en date du 19 septembre 2024, l'URSSAF Picardie, se prévalant d'une créance de 22.967,42 euros à l'endroit de la SARL LSS, immatriculée au registre du commerce depuis le 18 décembre 2020 et exploitant un commerce d'alimentation générale, épicerie, supérette au [Adresse 5] (60), l'a assignée devant le tribunal de commerce de Beauvais en demandant à titre principal l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son égard, et à titre subsidiaire l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.

Par un jugement en date du 8 octobre 2024, le tribunal de commerce de Beauvais :

- Ouï le représentant du Ministère Public en ses réquisitions ;

- Ouvre la procédure de redressement judiciaire conformément aux articles L.631-1 et suivants du code de commerce (Livre VI) à l'égard de la SARL LSS ;

- Fixe provisoirement la date de cessation des paiements au 8 avril 2023, et ce au regard des pièces produites ;

- Fixe la durée de la période d'observation à six mois, soit jusqu'au 8 avril 2025 ;

- Dit et juge qu'un premier rapport précisant, conformément aux dispositions de l'article L.631-15 du code de commerce, si l'entreprise dispose de capacités financières suffisantes à sa poursuite d'activité, sera déposé au greffe, et fixe comparution des parties pour entendre la lecture dudit rapport et voir statuer ce que de droit sur la poursuite d'activité et le maintien de la période d'observation le 5 novembre 2024 à 14 heures ;

- Nomme en qualité de juge-commissaire Madame Alexandra Mullard, juge du siège ;

- Désigne en qualité de mandataire judiciaire la SELARL [D] Pecou, en la personne de Maître [C] [D] ;

- Dit que pour l'application de l'article L.624-1 du code de commerce, le mandataire judiciaire devra établir dans le délai de douze mois de la publication du présent jugement au BODACC, la liste des créances vérifiées, avec ses propositions d'admission, de rejet, ou de renvoi devant la juridiction compétente ;

- Commet en qualité de commissaire-priseur la SELARL [M], en la personne de Maître [W] [M] pour, en application des articles L.622-6 et R.622-4 du code de commerce, dresser inventaire, réaliser la prisée du patrimoine du "débiteur", ainsi que des garanties qui la grève, et sur les indications de l'entreprise répertorier les biens susceptibles de revendication par les tiers ;

- Dit et juge que dans les dix jours du présent jugement et à la diligence du chef d'entreprise, les salariés, devront désigner au sein de l'entreprise un représentant des salariés dans les conditions des articles L.621-4, L.621-6 et R.621-14 du code de commerce, et communiquer ses noms et adresses au greffe ;

- Ordonne que soit communiqué au greffe, à la diligence du chef d'entreprise, le nom du représentant des salariés désignés et que soit régularisé la liste des créanciers par l'entreprise ;

- Fixe le délai de déclaration des créances imparti aux créanciers à deux mois à compter de la publication au BODACC du présent jugement ;

- Fixe le délai de dépôt de la liste des créances par le mandataire à douze mois à compter de la publication au BODACC du présent jugement ;

- Ordonne les mesures de publicité prévues par la loi et le décret, l'exécution provisoire du présent jugement et l'emploi des dépens en frais privilégiés de redressement judiciaire.

Par une déclaration en date du 16 octobre 2024 signifiée par voie de commissaire de justice à la SELARL [D] Pecou le 23 décembre 2024, la SARL LSS a interjeté appel de cette décision.

Par une ordonnance en date du 19 décembre 2024, la Première Présidente de la cour d'appel d'Amiens l'a déboutée de sa demande de suspension de l'exécution provisoire du jugement attaqué.

Dans son unique jeu de conclusions en date du 17 janvier 2025 signifié par voie de commissaire de justice à la SELARL [D] Pecou le 23 janvier 2025, la SARL LSS demande à la cour de :

Vu le jugement du 8 octobre 2024 rendu par le tribunal de commerce de Beauvais, Vu les dispositions de l'article L.631-1 alinéa 1 du code de commerce, Vu les pièces versées aux débats,

- Infirmer en son intégralité la décision du 8 octobre 2024.

Et statuant à nouveau,

- Juger n'y avoir lieu au redressement judiciaire de la SARL LSS.

Dans son unique jeu de conclusions en date du 7 février 2025 signifié par voie de commissaire de justice à la SELARL [D] Pecou 14 février 2025, l'URSSAF Picardie demande à la cour de :

Vu les pièces versées aux débats, Vu l'appel diligenté, Vu le jugement déféré, Vu les dispositions des articles L.631-3 et L.640-1 du code de commerce, Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Au principal,

- Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions au besoin par substitution de motifs ;

- Débouter la société de ses demandes plus amples ou contraires ;

- Fixer au passif de la procédure de la SARL LSS la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la SARL LSS à supporter les dépens de l'instance qui seront employés en frais privilégiés de la procédure de redressement judiciaire.

A titre subsidiaire,

- Constater l'état de cessation des paiements de la SARL LSS et en fixer la date ;

- Prononcer l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ;

- Désigner tel juge-commissaire et tel mandataire qu'il plaira à la cour;

- Condamner la SARL LSS à supporter les dépens de l'instance qui seront employés en frais privilégiés de la procédure de redressement judiciaire.

A titre plus subsidiaire,

- Constater l'état de cessation des paiements de la SARL LSS et en fixer la date ;

- Prononcer l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ;

- Désigner tel juge-commissaire et tel liquidateur qu'il plaira à la cour ;

- Condamner la SARL LSS à supporter les dépens de l'instance qui seront employés en frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire.

La SELARL [D] Pecou à laquelle les actes ont été signifiés à personne morale n'a pas constitué avocat et n'a pas transmis d'observations à la cour.

Dans son avis communiqué aux parties le 3 mars 2025 par voie électronique le Ministère Public requiert la confirmation de la décision entreprise, l'appelant n'apportant aucun élément démontrant son allégation d'une société in bonis.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 3 avril 2025.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire :

La SARL LSS estime que le premier juge ne pouvait retenir l'impossibilité de faire face au passif exigible alors qu'il ne connaissait pas sa situation financière, ni son chiffre d'affaires annuel, et qu'elle était absente et non représentée à l'audience.

Elle fait valoir que l'URSSAF Picardie n'a jamais apporté la preuve de cette impossibilité d'honorer les sommes dues.

De ce fait, l'état de cessation des paiements n'a pas été caractérisé, tandis que les conséquences de l'ouverture d'une procédure collective sont excessives et disproportionnées au regard du montant de la dette et du caractère in bonis de la SARL LSS.

L'URSSAF Picardie fait valoir qu'à ce jour, la dette de la SARL LSS, qui est aujourd'hui de 7.469,96 euros suite à une régularisation des taxations d'office après l'ouverture de la procédure collective, n'a toujours pas été réglée, et ce malgré l'engagement de le faire de la société débitrice.

Elle ajoute que tout a été mis en oeuvre pour récupérer cette créance en vain et que la SARL LSS pourtant régulièrement convoquée à l'audience d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, ne s'y est pas présentée.

Elle fait en outre état du fait qu'il y a pour la SARL LSS une absence de trésorerie et/ou d'actif disponible depuis 2023, puisqu'au cours de cette année :

- la banque a rejeté le titre de paiement de la société;

- les télépaiements associés aux déclarations sont revenus impayés sur la période d'août 2023 à novembre 2023 ;

- La SARL LSS a cessé toute déclaration sur la période de décembre 2023 à juin 2024.

Elle ajoute avoir tenté une procédure de voie d'exécution, qui a révélé que le compte bancaire de la société était négatif à la suite d'une procédure de saisie-attribution par un autre créancier et que la société pratique la rétention de précompte salarial pour une somme de 4.266 euros.

Elle fait valoir que l'état de cessation des paiements est ainsi caractérisé, et que rien ne permet d'affirmer que la SARL LSS est in bonis.

La cour rappelle qu'aux termes de l'article L.631-1 du code de commerce, il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L.631-2 ou L.631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.

La procédure de redressement est destinée à permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. Elle donne lieu à un plan arrêté par jugement à l'issue d'une période d'observation et, le cas échéant, à la constitution de deux comités de créanciers, conformément aux dispositions des articles L.626-29 et L.626-30.

L'état de cessation des paiements s'apprécie le jour où le juge statue.

Il est admis que la charge de la preuve que le débiteur est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec l'actif disponible incombe au créancier qui demande l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.

Pour caractériser l'impossibilité récurrente de la société LSS à faire face à ses cotisations sociales l'Urssaf de Picardie produit notamment:

- plusieurs contraintes signifiées : du 18 septembre 2023 à la suite des rejets de plusieurs titres de paiement, des 5 décembre 2023, 16 janvier 2024, 5 mars 2024, 16 mai 2024, 3 juillet 2024, 4 septembre 2024, des mises en demeure de payer, des taxations d'office pour non déclaration de salaires, des saisies-attributions qui sont restées vaines du fait de compte-courant bancaire débiteur ou d'autres saisies;

- le dernier décompte du 4 février 2025 des cotisations sociales salariales et patronales restées impayées par la société LSS comme employeur de personnel salarié depuis octobre 2021jusqu'en décembre 2024, fait état d'un montant total de 7469,96 euros,

La société qui se borne à produire des liasses fiscales des exercices 2021, 2022 et 2023, faisant apparaître déjà au 31 décembre 2023 au bilan des disponibilités de 11.217 euros pour des dettes fiscales et sociales de 18.911 euros, ne verse aucun document actualisé notamment aucun relevé de compte courant permettant de justifier que son actif disponible lui permettrait d'ores et déjà de régulariser au-moins cet arriéré de cotisations en sus de ses charges courantes comme les salaires.

Dès lors l'état de cessation des paiements est bien caractérisé et le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens d'appel et l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel :

La société LSS succombant en appel sera condamnée à en supporter les dépens qui seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

Les circonstances justifient de débouter l'URSSAF de Picardie de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire et publiquement par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et Y ajoutant,

Déboute l'Urssaf de Picardie de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel;

Condamne la SARL LSS à supporter les dépens d'appel qui seront employés en frais privilégiés de la procédure de redressement judiciaire.

La Greffière La Présidente

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