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CA Montpellier, 3e ch. civ., 3 juillet 2025, n° 21/02034

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 21/02034

3 juillet 2025

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 03 JUILLET 2025

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/02034 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O524

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 09 MARS 2021

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONTPELLIER

N° RG 18/01842

APPELANTS :

Monsieur [M] [O]

né le 09 Décembre 1968 à [Localité 6] (34)

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 3]

et

Madame [S] [A] épouse [O]

née le 09 Septembre 1968 à [Localité 6] (34)

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentés par Me Denis BERTRAND, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

Monsieur [F], [T], [C] [X]

né le 24 Décembre 1974 à [Localité 6] (34)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

et

Madame [N], [P], [D] [U] épouse [X]

née le 27 Avril 1977 à [Localité 6] (34)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentés par Me Isabelle MONSENEGO, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 22 Avril 2025

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 mai 2025, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Gilles SAINATI, président de chambre

M. Thierry CARLIER, conseiller

Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Sabine MICHEL

ARRET :

- contradictoire,

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Sabine MICHEL, Greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte authentique de vente du 5 janvier 2017, Monsieur [M] [O] et Madame [S] [A] épouse [O] (les époux [O]) ont vendu à Monsieur [F] [X] et Madame [N] [U] épouse [X] (les époux [X]) une maison à usage d'habitation avec piscine et pool house sise [Adresse 2] moyennant le prix de 439 000 euros.

A partir de l'été 2017, les époux [X] se sont plaints aux vendeurs de désordres affectant la piscine.

Suite à des échanges infructueux entre les parties, les époux [X] ont, par acte d'huissier de justice du 19 mars 2018, assigné les époux [O] aux fins notamment de condamnation au paiement de la somme de 65 850 euros à titre de restitution du prix.

Par ordonnance du 1er février 2019, le juge de la mise en état a ordonné une mesure d'expertise judiciaire. Par ordonnance du 14 février 2019, Monsieur [I] [Z] a été désigné pour y procéder.

L'expert a déposé son rapport le 21 juin 2019.

Par jugement du 9 mars 2021, le tribunal judiciaire de Montpellier a :

- Rejeté la demande formée par Monsieur [F] [X] et Madame [L] [U] épouse [X] sur le fondement des vices cachés ;

- Condamné solidairement Monsieur [M] [O] et Madame [S] [A] épouse [O] à payer à Monsieur [F] [X] et Madame [L] [U] épouse [X] la somme de 30 686,30 euros sur le fondement de la garantie décennale ;

- Rejeté la demande reconventionnelle formée par Monsieur [M] [O] et Madame [S] [A] épouse [O] ;

- Condamné solidairement Monsieur [M] [O] et Madame [S] [A] épouse [O] à payer à Monsieur [F] [X] et Madame [L] [U] épouse [X] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejeté la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile par Monsieur [M] [O] et Madame [S] [A] épouse [O] ;

- Condamné solidairement Monsieur [M] [O] et Madame [S] [A] épouse [O] aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise.

Par déclaration remise au greffe le 28 mars 2021, Monsieur [M] [O] et Madame [S] [A] épouse [O] ont interjeté appel de ce jugement.

Dans leurs dernières conclusions remises au greffe le 7 décembre 2023, Monsieur [M] [O] et Madame [S] [A] épouse [O] demandent à la cour d'appel de :

- Réformer le jugement attaqué ;

- Rejeter l'ensemble des demandes des époux [X] et les débouter de leur appel incident, leur demande tendant à obtenir la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral étant irrecevable au visa de l'article 564 du code de procédure civile ;

- Si la cour s'estime insuffisamment informée, désigner un expert avec pour mission de se prononcer sur l'origine et la date d'apparition des désordres, leur qualification et les travaux de reprise à accomplir ;

- A titre reconventionnel, condamner solidairement les époux [X] à payer aux époux [O] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive outre celle de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise [Z].

Dans leurs dernières conclusions remises au greffe le 18 février 2022, Monsieur [F] [X] et Madame [N] [U] épouse [X] demandent à la cour d'appel de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité décennale sur le fondement de l'article 1792 du code civil des époux [O] et les a condamné au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise ;

- Infirmer le jugement sur le montant de dommages et intérêts;

- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté les époux [X] de leur action sur la base des vices cachés ;

- Condamner solidairement les époux [O] au paiement de la somme de 65 850 euros à titre de diminution du prix ;

- Ou, si mieux même, les condamner au paiement de la réfection à l'identique, soit 56 050 euros toutes taxes comprises ;

A titre subsidiaire, en tout état de cause :

- Condamner solidairement les époux [O] au paiement de la somme de 10 000 euros pour préjudice moral ;

- Les condamner sous la même solidarité au paiement de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens en ce compris les dépens de l'expertise.

MOTIFS DE L'ARRÊT :

Sur les vices cachés :

L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Par ailleurs, aux termes de l'article 1643 du code civil, le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.

En l'espèce, l'expert judiciaire expose que les désordres constatés, notamment la déformation des parois et les fissures dans la coque sont la conséquence d'un défaut de conception de l'ouvrage.

Il indique en effet que s'agissant d'une piscine à coque souple, le bassin aurait dû être isolé de la poussée des terres par un mur périphérique sur semelle filante, précisant que le phénomène de déformation n'est plus évolutif depuis quelques années, l'ensemble des désordres ayant atteint un extrémum depuis au moins 5 ans.

L'origine des désordres est antérieure, selon lui, à 2014, l'expert concluant que l'ouvrage présente une pathologie irréversible conduisant à la ruine de l'ouvrage, la piscine étant impropre à sa destination en considérant non seulement un risque lié à la présence de ruptures dans la coque pouvant conduire à des blessures éventuelles des utilisateurs mais aussi au défaut d'étanchéité pouvant nuire à la stabilisation de l'équilibre de l'eau par migration d'impuretés venant du milieu extérieur.

Ces conclusions sont en parties confirmées par le rapport de Madame [Y], expert en piscines et spas, mandatée par les intimés, qui relève la présence de plusieurs fissures, une déformation des deux skimmers et le tassement du terrain derrière la piscine et qui indique que l'ouverture du volet est délicate, le volet se bloquant à mi-parcours, en raison d'une déformation de la paroi qui présente un ventre de plus de 2 cm.

Elle conclut que tous les désordres constatés sont la conséquence d'un tassement de sol et d'un mauvais remblai, les désordres constatés remettant en cause la pérennité de l'ouvrage, les déformations évoluant et s'accentuant car la coque n'est plus soutenue et le remblai ne remplit plus sa fonction.

Le rapport d'expertise judiciaire et le rapport de Madame [Y] contredisent en conséquence le rapport sur pièces de Monsieur [W], mandaté par Monsieur [O], en particulier s'agissant de l'incidence de l'arrachage par les époux [X] de deux palmiers qui aurait, selon Monsieur [W], modifié le sol et destabilisé la piscine, cette affirmation n'étant confirmée ni par l'expert judiciaire, ni par Madame [Y], ni par aucun autre élément au dossier.

Par conséquent, il est établi que les désordres trouvent leur origine dans un défaut de conception de l'ouvrage, la désignation d'un nouvel expert tel que sollicité à titre subsidiaire par les appelants n'apparaissant pas en l'espèce nécessaire.

Si les époux [O] reconnaissent avoir réalisé en 2015 des réparations de fuites sur leur piscine, il n'est en revanche pas établi qu'ils avaient connaissance de l'ampleur des désordres affectant la piscine et en particulier du défaut de conception de l'ouvrage tel qu'analysé par l'expert judiciaire puisqu'il est démontré par les pièces versées aux débats que la piscine a continué à être utilisée par les vendeurs jusqu'à la vente ( attestation de Madame [V] [B], conseillère en immobilier), puis par la suite par Monsieur et Madame [X] et leurs locataires, le procès-verbal de constat d'huissier du 21 mars 2018 faisant état de captures d'écran du site de location de maison Airbnb décrivant la maison comme étant une villa avec piscine, les commentaires suite à l'occupation de la villa ne faisant état d'aucune critique concernant l'utilisation de la piscine.

Par conséquent, le tribunal a justement retenu que si les vendeurs n'avaient pas signalé les réparations effectuées en 2015, il n'est pas démontré qu'ils avaient conscience de la nature et de l'ampleur des désordres affectant l'ouvrage, la piscine ayant continué à être utilisée dans des conditions normales avant et après la vente bien que l'expert judiciaire et Madame [Y] concluent que le défaut de conception de l'ouvrage remet en cause à terme sa pérennité.

Il n'est donc pas démontré que les vendeurs connaissaient l'étendue des vices décrits par l'expert de sorte que les époux [O] peuvent se prévaloir de la clause exclusive de responsabilité figurant dans l'acte de vente dans la partie 'Etat du bien'.

La demande formée par les époux [X] au titre de la garantie des vices cachés sera donc rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la garantie décennale :

Il a été précédemment developpé que le défaut de conception de la piscine était de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination, l'expert judiciaire concluant qu'il s'agit d'une pathologie irréversible conduisant à la ruine de l'ouvrage et Madame [Y] indiquant que les désordres constatés remettent en cause sa pérennité.

Il résulte de l'acte de vente que l'acquéreur bénéficie de la garantie accordée dans le cadre de la responsabilité décennale prévue par l'article 1792 du code civil, les débiteurs de la garantie étant le vendeur-constructeur pour la totalité de la construction et les entrepreneurs ayant réalisé les travaux pour le compte du constructeur.

Il résulte de l'article 1792-1 du code civil qu'est réputé constructeur de l'ouvrage toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire de sorte que Monsieur et Madame [O] ont bien en l'espèce la qualité de constructeurs, la date de réception de la piscine étant fixée par l'expert judiciaire en 2008/2009, le délai décennal n'était donc pas expiré lors de l'assignation délivrée le 19 mars 2018 par les époux [X], ce qui n'est par ailleurs pas contesté par les appelants.

Par conséquent, les époux [O] sont responsables de plein droit des dommages affectant la piscine et sont tenus de la garantie décennale prévue à l'article 1792 du code civil, étant rappelé qu'aucune cause étrangère exonératoire de responsabilité n'est caractérisée en l'espèce.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la reprise des désordres :

D'une part , la demande sur le fondement des vices cachés ayant été rejetée, les époux [X] ne pourront qu'être déboutés de leur action en diminution du prix prévue par l'article 1644 du code civil.

L'expert judiciaire a évalué le montant des travaux à la somme de 32 371 euros avec un taux de vétusté de 40 % sans prendre en compte le terrassement et la remise en état des abords.

Par conséquent, il convient de retenir le devis ' Reflets d'ô' d'un montant de 56 050 euros, qui prévoit également le terrassement, étant relevé qu'aucun taux de vétusté ne doit être appliqué, la piscine étant à terme impropre à son usage et devant être remplacée par un ouvrage neuf.

Par conséquent, les époux [O] seront condamnés à payer aux époux [X] la somme de 56 050 euros TTC au titre des travaux de reprise de la piscine.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur le préjudice moral :

Les époux [X] sollicitent une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu'ils auraient subi du fait notamment du comportement menaçant de Monsieur [O], de ses mensonges pendant l'expertise et de sa collusion avec l'agent immobilier, Madame [B].

Monsieur et Madame [O] soulèvent l'irrecevabilité de cette demande à défaut d'avoir été formée en première instance, au visa de l'article 564 du code de procédure civile.

Aux termes de l'article 566 du code de procédure civile ' Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément '.

En l'espèce, la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral constitue bien le complément de la demande principale en réparation du préjudice matériel subi par les époux [X], de sorte que leur demande présentée à ce titre sera déclarée recevable et la fin de non recevoir soulevée par les époux [O] rejetée.

En l'espèce, la seule production aux débats de publications 'Facebook' montrant Monsieur [O] sur un stand de tir une arme à la main ne permet pas de démontrer qu'il aurait fait preuve d'un comportement menacant à l'égard de Monsieur et Madame [X].

Par ailleurs, il n'est pas davantage établi la collusion de Monsieur [O] avec l'agent immobilier ni suffisamment caractérisé un comportement mensonger de sa part lors des opérations d'expertise.

La demande de dommages et intérêts pour préjudice moral sera donc rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné solidairement Monsieur [M] [O] et Madame [S] [A] épouse [O] à payer à Monsieur [F] [X] et Madame [N] [U] épouse [X] la somme de 30 686,30 euros sur le fondement de la garantie décennale ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne solidairement Monsieur [M] [O] et Madame [S] [A] épouse [O] à payer à Monsieur [F] [X] et Madame [N] [U] épouse [X] la somme de 56 050 euros TTC au titre des travaux de reprise de la piscine sur le fondement de la garantie décennale ;

Rejette la fin de non recevoir soulevée par les époux [O] et déclare en conséquence recevable la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral formée par Monsieur et Madame [X] ;

Déboute Monsieur [F] [X] et Madame [N] [U] épouse [X] de leur demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral ;

Condamne solidairement Monsieur [M] [O] et Madame [S] [A] épouse [O] à payer à Monsieur [F] [X] et Madame [N] [U] épouse [X] la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour leurs frais engagés en appel ;

Condamne solidairement Monsieur [M] [O] et Madame [S] [A] épouse [O] aux entiers dépens d'appel.

Le greffier, Le président,

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