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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 8 juillet 2025, n° 25/00349

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 25/00349

8 juillet 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 8 JUILLET 2025

(n° / 2025, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/00349 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CKSI7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 4 décembre 2024 -Tribunal de commerce de Paris - RG n° 2024005942

APPELANTE

S.A.S. CHIPOUDEI PONCELET, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 818 472 383,

Dont le siège social est situé [Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée par Me Delphine MENGEOT, avocate au barreau de PARIS, toque : D1878,

Assistée de Me Hugo GATTERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1878,

INTIMÉS

L'URSSAF ILE DE FRANCE

Située [Adresse 3]

[Localité 10]

Représentée par Me Nathalie BOUDE, avocate au barreau de PARIS, toque : L0018,

S.E.L.A.R.L. BDR & ASSOCIES, en qualité de liquidatrice de la liquidation judiciaire de la société CHIPOUDEI PONCELET,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 844 765 487,

Dont le siège social est situé [Adresse 6]

[Localité 7]

Représentée et assistée de Me Maria-Christina GOURDAIN de la SCP SCP GOURDAIN ASSOCIES, avocate au barreau de PARIS, toque : D1205,

LE PROCUREUR GÉNÉRAL

SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 5]

[Localité 9]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 906 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Juin 2025, en audience publique, devant la cour, composée de:

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Constance LACHEZE, conseillère,

Monsieur François VARICHON, conseiller,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT dans le respect des conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS ET PROCÉDURE:

La SAS Chipoudei Poncelet, immatriculée en 2016, exploite un fonds de commerce de restauration traditionnelle. Elle est détenue depuis le 1er juin 2023 par M.[B] [J], son dirigeant.

Sur assignation de l'Urssaf invoquant une créance de 55.321,62 euros, dont 26.040,05 euros de parts salariales et par jugement réputé contradictoire du 4 décembre 2024, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Chipoudei Poncelet, désigné la SELARL BDR et Associés, prise en la personne de Me [X] en qualité de liquidateur judiciaire, fixé la date de cessation des paiements au 22 juin 2023, et dit que les dépens ainsi que les frais de publicité et de signification seront portés en frais de liquidation judiciaire.

Par déclaration du 17 décembre 2024, la société Chipoudei Poncelet a relevé appel de ce jugement en intimant la SELARL BDR et Associés, ès qualité de liquidateur judicaire, l'URSSAF Ile de France, et le ministère public.

Par jugement du 23 décembre 2024, le tribunal a autorisé la poursuite de l'activité de la société Chipoudei Poncelet pour une durée de trois mois et par ordonnance du 20 février 2025, le délégataire du premier président a arrêté l'exécution provisoire du jugement dont appel.

Dans ses dernières conclusions ( II) déposées au greffe et notifiées par RPVA le 26 mai 2025, la SAS Chipoudei Poncelet demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée en son appel, y faisant droit, infirmer le jugement en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, à titre principal, juger qu'elle dispose de perspectives de redressement, en conséquence, dire n'y avoir lieu à liquidation judiciaire, prononcer l'ouverture d'une procédure de traitement de sortie de crise à son égard, fixer la date de cessation des paiements à la date de l'arrêt à intervenir, subsidiairement, juger qu'elle dispose de perspectives de redressement, en conséquence, dire n'y avoir lieu à liquidation judiciaire, ouvrir une procédure de redressement judicaire, fixer la date de cessation des paiements à la date de l'arrêt à intervenir, en tout état de cause, condamner la société BDR et Associés aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Delphine Mengeot.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 14 avril 2025, la SELARL BDR et Associés, ès-qualité de liquidateur judiciaire, demande à la cour d'infirmer le jugement ayant ouvert une procédure de liquidation judiciaire, débouter la société Chipoudei Poncelet de sa demande visant à voir ouvrir une procédure de traitement de sortie de crise, et ouvrir à son égard une procédure de redressement judiciaire.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 2 mai 2025, l'URSSAF demande à la cour de juger la SAS Chipoudei Poncelet irrecevable en sa demande d'ouverture d'une procédure de traitement de sortie de crise comme étant une demande procédurale nouvelle, juger que la SAS Chipoudei Poncelet n'est pas éligible à cette procédure en raison de l'existence de dettes salariales et parce que ses difficultés ne sont pas dues à la crise sanitaire, constater que la SAS Chipoudei est en état de cessation des paiements, lui donner acte de ce qu'elle ne s'oppose pas à l'ouverture d'un redressement judiciaire et statuer ce que de droit quant aux dépens.

Le ministère public a visé le dossier le 27 janvier 2025 sans faire valoir d'observations.

SUR CE,

La société Chipoudei Poncelet ne conteste pas être en cessation des paiements dès lors que des créances d'un montant de 713.822 euros ont été déclarées au passif de la liquidation judiciaire et que son actif disponible s'élève au 21 mai 2025 à la somme de 42.717,51 euros. Toutefois, elle soutient qu'elle ne relève pas d'une liquidation judiciaire compte tenu de sa capacité à se redresser rapidement, mais d'une procédure de traitement de sortie de crise ou subsidiairement de redressement judiciaire.

Le liquidateur fait état d'un passif déclaré de 713.822 euros, le principal créancier étant la Caisse d'Épargne pour un montant de 392.047 euros.

L'URSSAF retient également que la société Chipoudei Poncelet est en état de cessation des paiements. Elle précise avoir régulièrement déclaré sa créance qui s'élevait à 78 287,05 euros au 30 janvier 2025.

L'état de cessation des paiements étant caractérisé, il convient de rechercher si la société Chipoudei Poncelet peut bénéficier d'une procédure de traitement de sortie de crise ou subsidiairement de redressement judiciaire.

- Sur la demande d'ouverture d'une procédure de traitement de sortie de crise

La procédure de traitement de sortie de crise créée par la loi du 31 mai 2021 relativement à la gestion de la sortie de crise sanitaire, initialement pour une durée de deux ans, a été prolongée par la loi du 20 novembre 2023 (article 46) jusqu'au 21 novembre 2025.

Il ressort de l'article 13 de la loi du 31 mai 2021 que pour être éligible à cette procédure, le débiteur mentionné à l'article L.620-2 du code de commerce doit répondre aux conditions suivantes:

- être en état de cessation des paiements,

- disposer des fonds pour payer les créances salariales,

- justifier être en capacité d'élaborer en 3 mois un projet de plan tendant à assurer la pérennité de l'entreprise,

- compter moins de 20 salariés à la date de la demande d'ouverture de la procédure,

- avoir un total de bilan inférieur à 3 millions d'euros de passif déclaré hors capitaux propres à la date de clôture du dernier exercice comptable,

- présenter des comptes apparaissant réguliers, sincères et aptes à donner une image fidèle de la situation financière de l'entreprise.

L'Urssaf soulève l'irrecevabilité de cette demande, arguant d'une part, que les débats en première instance, en l'absence de la société Chipoudei Poncelet, étaient circonscrits à sa demande d'ouverture d'une liquidation judiciaire ou subsidiairement d'un redressement judiciaire, cette demande nouvelle présentée pour la première fois à hauteur d'appel se heurtant aux dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, d'autre part, que la société n'apparait pas éligible à cette procédure qui a été créée pour régler rapidement les difficultés spécifiques nées de la période de crise sanitaire, alors que les difficultés invoquées en l'espèce découlent de l'exécution de travaux ayant empêché l'exploitation du commerce.

Le liquidateur fait valoir que la société Chipoudei Poncelet n'est pas éligible à cette procédure dès lors qu'il faudrait qu'elle soit en mesure de régler les créances salariales en l'absence de garantie de l'AGS et qu'en l'occurrence Mme [L] sollicite la fixation de très importantes créances salariales au passif de la société.

La société Chipoudei Poncelet objecte qu'elle n'accusera in fine aucune dette salariale, car le litige avec Mme [L], pendant devant la cour d'appel, est couvert par la garantie de passif octroyée par les cessionnaires à M.[J].

L'article 1er du décret du 16 octobre 2021 prévoit que ' La demande d'ouverture d'une procédure de traitement de sortie de crise est déposée par le représentant légal de la personne morale ou par le débiteur personne physique au greffe du tribunal compétent.[....]

A cette demande sont jointes, outre les comptes annuels du dernier exercice, les pièces suivantes: 1° L'état du passif exigible et de l'actif disponible ainsi qu'une déclaration de cessation des paiements, [ 2°..... 14°]'

Il en résulte que seul le débiteur peut présenter au tribunal compétent une demande d'ouverture d'une procédure de traitement de sortie de crise et qu'il doit à cet effet établir une déclaration de cessation des paiements.

Or dans la présente instance la cour est appelée à statuer sur l'appel d'un jugement qui a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à la suite non pas d'une saisine de la société Chipoudei Poncelet mais de l'URSSAF en ouverture d'une liquidation judiciaire ou subsidiairement d'un redressement judiciaire. La société Chipoudei Poncelet, qui n'a pas comparu en première instance à l'audience au cours de laquelle l'affaire avait été retenue, n'a pas, parallèlement à l'assignation de l'URSSAF, saisi le tribunal d'une demande d'ouverture d'une procédure de traitement de crise accompagnée d'une déclaration de cessation des paiements.

Il s'ensuit que la demande d'ouverture d'une procédure de traitement de sortie de crise n'est pas recevable .

- Sur l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire

Il est établi par les pièces du dossier, qu'alors que M.[J] avait acquis en juin 2023 les titres de la société Chipoudei Poncelet, d'importants travaux ont du être entrepris par la copropriété dans laquelle est exploité le fonds de commerce, afin de renforcer la structure du bâtiment affectée de corrosion et de remédier à l'affaissement du plancher du rez-de-chaussée. Ces travaux ont été votés lors des assemblées générales de la copropriété des 26 septembre 2023 et 14 mars 2024. Le fonds de commerce n'a pu être exploité durant la réalisation des travaux, l'activité n'ayant réellement pu redémarrer qu'en octobre/ novembre 2024. Ainsi, les difficultés rencontrées par la société Chipoudei Poncelet s'expliquent par des éléments conjoncturels, qui ne mettent pas directement en cause le modèle économique de la société.

Le prévisionnel d'activité versé aux débats prend pour hypothèse un chiffre d'affaires de 1.105.000 euros en 2025, de 1.250.000 euros en 2026, puis progressant chaque année pour atteindre en 2034 1.300.000 euros, et des résultats d'exploitation de l'ordre de 200.000 euros chaque année.

Avant la cession, la société ADB Poncelet (devenue Chipoudei Poncelet en 2023) avait réalisé un chiffre d'affaires de 596.556 euros et un résultat d'exploitation négatif de -91.600 euros.

Si le prévisionnel d'activité est fort optimiste par rapport aux résultats antérieurs, sa faisabilité n'est pas à ce stade remise en cause par le liquidateur et il est possible que le changement de direction intervenu en 2023 à la suite de la cession redynamise l'activité, la société Chipoudei Poncelet soutenant que son restaurant rencontre un vif succès depuis sa réouverture.

En outre, la société Chipoudei Poncelet dispose d'une trésorerie et son expert-comptable, la sociétéFiduciaire Monceau, atteste que sa trésorerie lui permet de faire face à ses charges d'exploitation courantes et qu'il n'a pas été constitué un nouveau passif.

Ainsi à ce stade, tout redressement n'apparaît pas impossible et il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a ouvert une procédure de liquidation judiciaire et statuant à nouveau d'ouvrir une procédure de redressement judiciaire.

S'agissant de la date de cessation des paiements, le tribunal l'avait fixée au 22 juin 2023 par référence à la date de la première inscription de privilège. La société Chipoudei Poncelet demande à la cour de la fixer à la date du présent arrêt.

En exécution d'une contrainte du 5 juillet 2023, l'Urssaf a fait pratiquer une saisie- attribution le 1er septembre 2023 sur les deux comptes de la société dans les livres de la Caisse d'épargne, qui s'est révélée totalement infructueuse, le compte courant de l'entreprise étant débiteur de -9999,85 euros.Au regard de ces éléments, la date de cessation des paiements sera fixée au 8 janvier 2024 soit dans le limite du report de 18 mois à compter du présent arrêt ouvrant le redressement judiciaire.

Le chiffre d'affaires et le nombre de salariés de la société Chipoudei Poncelet étant inférieurs aux seuils prévus aux articles L621-4 et R621-11 du code de commerce, il n'y a pas lieu d'user de la faculté offerte par le premier de ces textes de désigner néanmoins un administrateur judiciaire.

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande d'ouverture d'une procédure de traitement de sortie de crise,

Ouvre une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL Chipoudei Poncelet, [Adresse 2], immatriculée au RCS de [Localité 11] sous le numéro 818 472 383,

Fixe la durée de la période d'observation à six mois à compter du présent arrêt,

Fixe provisoirement la date de cessation des paiements au 8 janvier 2024,

Désigne la SELARL BDR et Associés en la personne de Maître [U] [X], en qualité de mandataire judiciaire,

Désigne la société Morand & Morand, commissaire-priseur judiciaire, [Adresse 4] aux fins de réaliser, s'il y a lieu, l'inventaire prévu par l'article L622-6 du code de commerce et la prisée de l'actif du débiteur,

Fixe à six mois à compter de la publication de l'arrêt au BODACC le délai pour établir la liste des créances mentionnée à l'article L 624-1 du code de commerce,

Fixe le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être examinée à 12 mois,

Invite les délégués du personnel ou les salariés s'il en existe à désigner un représentant dans les conditions prévues par les articles L 621-4 et L 621-6 du code de commerce et à en communiquer le nom et l'adresse au greffe du tribunal de commerce de Paris,

Renvoie l'affaire devant le tribunal de commerce de Paris pour la poursuite de la procédure et la désignation du juge-commissaire,

Rappelle que le greffe du tribunal de commerce de Paris devra procéder aux mentions et publicités prévues par la loi,

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

Liselotte FENOUIL

Greffière

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

Présidente

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