Cass. 1re civ., 9 juillet 2025, n° 23-19.668
COUR DE CASSATION
Autre
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Sitbon automobiles (SAS)
Défendeur :
WKDA France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Champalaune
Rapporteur :
Mme Tréard
Avocats :
SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Sitbon automobiles du désistement partiel de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [W].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 13 juin 2023), le 29 décembre 2016, la société Sitbon automobiles, exerçant sous l'enseigne « garage de l'Olympe » (le garagiste) a vendu à M. [W] (l'acquéreur) un véhicule automobile d'occasion qu'elle avait elle-même acquis le 10 mai 2016 auprès de la société WKDA France (le vendeur), laquelle l'avait acheté le 4 mai 2016 à une autre société.
3. À la suite d'une immobilisation du véhicule, l'assureur de l'acquéreur a désigné un cabinet aux fins d'expertise, lequel a conclu, au contradictoire du garagiste, à l'existence de nombreux désordres affectant des éléments de sécurité.
4. L'acquéreur a assigné le garagiste en résolution de la vente conclue le 29 décembre 2016 sur le fondement de la garantie légale des vices cachés. Le garagiste a appelé en garantie le vendeur et demandé la résolution de la vente conclue le 10 mai 2016 sur le même fondement.
Sur le troisième moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le garagiste fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement et, après avoir prononcé la résolution de la vente du véhicule BMW conclue le 29 décembre 2016, de le condamner à restituer à l'acquéreur la somme de 61 000 euros avec intérêts au taux légal capitalisés à compter du 12 novembre 2018, alors :
« 1°/ que l'acquéreur d'un bien qui doit le restituer à la suite de la résolution de la vente doit en restituer les fruits et la valeur de la jouissance que la chose lui a procurée, évaluée par le juge au jour où il se prononce ; qu'en jugeant qu'« il est de principe que la résolution de la vente fondée sur la garantie légale des vices cachés doit conduire à la restitution de l'intégralité du prix payé par l'acquéreur, peu important que le véhicule ait été utilisé » et en déboutant l'exposante de sa demande tendant à la prise en compte de la jouissance qu'en avait tirée l'acquéreur, la cour d'appel a violé l'article 1352-3 du code civil ;
2°/ que la restitution inclut les fruits et la valeur de la jouissance que la chose a procurée, évaluée par le juge au jour où il se prononce ; qu'en jugeant que celui qui restitue la chose en nature ne répond que des dégradations et détériorations dues à sa faute, et non pas de sa jouissance, la cour d'appel a violé l'article 1352-1 du code civil par fausse application et l'article 1352-3 du code civil par refus d'application. »
Réponse de la Cour
7. Le désistement du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'acquéreur emporte désistement de ce moyen, dont l'objet concerne exclusivement le litige opposant l'acquéreur et le garagiste. Son examen est devenu sans objet.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. Le garagiste fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de résolution de la vente intervenue le 10 mai 2016 fondée sur la garantie des vices cachés, ainsi que de sa demande de garantie formée à l'encontre du vendeur, alors « que les juges ne peuvent se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, peu important qu'elle l'ait été en présence des autres parties ; qu'en se bornant, en l'espèce, pour juger que le vice affectant le véhicule n'était pas caché pour la société Garage de l'Olympe-Sitbon Automobiles, à se référer aux constatations de l'expert mandaté par l'assureur de protection juridique de l'acquéreur, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
9. Aux termes de ce texte, le juge doit faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
10. Il en résulte que, hormis les cas où la loi en dispose autrement, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties.
11. Pour confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de résolution de la vente du 10 mai 2016, l'arrêt se fonde sur la seule expertise réalisée à la demande de l'assureur de protection juridique de l'acquéreur, au contradictoire du garagiste.
12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il déboute la société garage de l'Olympe-Sitbon automobiles de sa demande de résolution de la vente intervenue entre elle-même et la société WKDA France le 10 mai 2016 fondée sur la garantie des vices cachés, ainsi que de sa demande de garantie, l'arrêt rendu le 13 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne la société WKDA France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société WKDA France et la condamne à payer à la société garage de l'Olympe-Sitbon automobiles la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le neuf juillet deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.