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Décisions

CA Dijon, 2 e ch. civ., 3 juillet 2025, n° 24/01367

DIJON

Arrêt

Autre

CA Dijon n° 24/01367

3 juillet 2025

S.A.S. AJI DIGITAL

C/

Société IMMO PLACEMENT

expédition et copie exécutoire

délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

2 e chambre civile

ARRÊT DU 03 JUILLET 2025

N° RG 24/01367 - N° Portalis DBVF-V-B7I-GRLN

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé du 02 octobre 2024,

rendue par le président du tribunal judiciaire de Dijon - RG : 24/00369

APPELANTE :

S.A.S. AJI DIGITAL, dûment représentée par son dirigeant en exercice

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Miléna DJAMBAZOVA de la SCP MERIENNE ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 83

substituée par Me François DUCHARME, membre de la SCP DUCHARME, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉE :

Société IMMO PLACEMENT, représentée par son représentant légal en exercice la société ATLAND VOISIN, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Emilie CAMPANAUD, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 26

assistée de Me Fabrice LEMAIRE, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 avril 2025 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre, et Michèle BRUGERE, Conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :

Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre,

Michèle BRUGERE, Conseiller,

Bénédicte KUENTZ, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 26 Juin 2025 pour être prorogée au 03 Juillet 2025,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte sous seing privé du 23 juillet 2020, la SCPI Immo Placement à donner à bail commercial à la société Aji Digital, un local à usage de bureaux situé [Adresse 3] à [Localité 6] moyennant un loyer annuel de 11.500 euros hors-taxes, une provision sur charges de 2150 euros TTC et une provision sur taxes foncières de 2900 euros, payable mensuellement et d'avance.

Par jugement du 19 décembre 2023, le tribunal de commerce de Dijon a ouvert la procédure de redressement judiciaire de la société Aji Digital et a désigné la SELARL 4R Solutions en qualité de mandataire judiciaire.

Le 7 mai 2024, la société Immo Placement a fait délivrer à sa locataire un commandement de payer visant la clause résolutoire portant sur un arriéré locatif de 3418,34 euros TTC, au titre des loyers échus postérieurement au 19 décembre 2023.

Elle a également fait délivrer ce commandement le 30 avril 2024 à la SELARL 4R Solutions en sa qualité de mandataire judiciaire.

Par acte de commissaire de justice des 26 juin et 8 juillet 2024, la société Immo Placement a fait assigner en référé la société Aji Digital et la SELARL 4R Solutions en résiliation du bail et paiement de provisions.

Par ordonnance de référé du 2 octobre 2024, la présidente du tribunal judiciaire de Dijon a :

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail entre la SCPI Immo Placement et la SAS Aji Digital à la date du 8 juin 2024 ;

- ordonné à la SAS Aji Digital et à tous occupants de son chef de libérer les locaux situés [Adresse 3] à [Localité 6] dans les meilleurs délais et au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance ;

- à défaut d'exécution de cette obligation dans ce délai, ordonné l'expulsion de la société Aji Digital, et de tous occupants de son chef, si besoin est, avec le concours de la force publique ;

- condamné la SAS Aji Digital à payer à titre provisionnel à la SCPI Immo Placement la somme de 6836,68 euros avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer du 7 mai 2024 ;

- condamné la SAS Aji Digital à payer à titre provisionnel à la SCPI Immo Placement la somme mensuelle de 1709,17 euros au titre de l'indemnité d'occupation à compter du mois de juillet 2024 jusqu'à la libération effective des lieux ;

- débouté la SCPI Immo Placement de ses autres demandes provisionnelles ;

- condamné la SAS Aji Digital à payer à titre provisionnel à la SCPI Immo Placement la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SAS Aji Digital aux entiers dépens qui comprendront notamment le coût du commandement de payer du 7 mai 2024, de l'état des inscriptions sur le fond, de l'assignation et de la signification de l'ordonnance.

Suivant déclaration au greffe du 5 novembre 2024, la société Aji Digital a relevé appel de cette décision.

Par avis du greffe en date du 9 décembre 2024, le conseil de l'appelante a été informé que l'affaire était fixée à l'audience du 17 avril 2025, en application des dispositions de l'article 906 du code de procédure civile.

Prétentions de la société Aji Digital

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 janvier 2025, la société Aji Digital demande à la cour, au visa de l'article L.622-14 du code de commerce, de :

- infirmer entièrement l'ordonnance de référé du 2 octobre 2024 ;

statuant à nouveau,

- dire et juger que le bail commercial conclu entre la société Aji Digital et la société Immo Placement a été résilié le 30 mars 2024 par application de l'article L.622-14 du code de commerce ;

- dire et juger que la société Aji Digital a régulièrement libéré les locaux le 30 mars 2024 et qu'aucun loyer n'est dû au-delà de cette date ;

- constater qu'il existe une contestation sérieuse à condamner la société Aji Digital à payer les loyers dus à la société Immo Placement au-delà du 30 mars 2024 ;

- débouter la société Immo Placement de toutes ses autres demandes y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Immo Placement à payer à la société Aji Digital une somme de 1800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Prétentions de la société Immo Placement :

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 mars 2025, la société Immo Placement entend voir :

- débouter la société Aji Digital de l'intégralité de ses demandes, fins, prétentions, moyens et arguments de défense,

- confirmer l'ordonnance de référé du 2 octobre 2024 en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

- condamner la société Aji Digital à payer à la société Immo Placement la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en plus de celle de 1.000 euros allouée en première instance,

- condamner la société Aji Digital aux entiers dépens de première instance et d'appel.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 10 avril 2025.

MOTIFS DE LA DECISION :

1°) sur la résiliation du bail :

La société Aji Digital soutient qu'en vertu de l'article L.622-14 du code de commerce, elle disposait de la faculté de ne pas poursuivre le bail ; qu'à plusieurs reprises, elle a informé sa bailleresse de sa volonté d'y mettre un terme, n'étant plus en mesure de payer le loyer, et de libérer les locaux au 30 mars 2024 et que la société Immo Placement a unilatéralement décidé de poursuivre l'exécution du bail au mépris de sa demande de résiliation.

La société Immo Placement considère que ni les échanges de courriels, ni la lettre recommandée du 30 mars 2024 ne comporte de notification au bailleur de la résiliation du bail commercial en application de l'article L.622-14 du code de commerce.

Elle relève qu'en toute hypothèse, la société Aji Digital n'a pas sollicité l'avis préalable du mandataire judiciaire conformément à l'article L. 627-2 du même code.

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En cas de redressement judiciaire du locataire, l'article L.622-14 du code de commerce prévoit que la résiliation du bail des locaux utilisés pour l'activité de l'entreprise du débiteur intervient soit au jour où le bailleur est informé de la décision de l'administrateur de ne pas continuer le bail, ou lorsque le bailleur demande la résiliation ou la fait constater pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture, le bailleur ne pouvant agir qu'au terme d'un délai de trois mois à compter de ce jugement.

Selon l'article L.627-2 du code de commerce, en l'absence d'administrateur judiciaire, le débiteur exerce, après avis conforme du mandataire judiciaire, la faculté de demander la résiliation du bail.

Le redressement judiciaire de la société Aji Digital a été ouvert par un jugement du 19 décembre 2023 qui n'a pas désigné d'administrateur judiciaire, de sorte que la débitrice pouvait exercer la faculté de ne pas continuer le bail.

Par courriels des 11 décembre 2023 et 12 mars 2024, la société Aji Digital a informé le mandataire de sa bailleresse de ses difficultés à honorer le paiement de ses loyers, de son placement en redressement judiciaire et de son intention de fermer le local avant fin mars.

Par un nouveau courriel du 21 mars suivant, la locataire rappelait qu'elle se trouvait en redressement judiciaire, qu'elle n'avait pas de trésorerie pour financer les loyers et reprochait à sa bailleresse de n'avoir rien fait pour relouer, lui indiquant qu'elle ne paierait plus rien et que les locaux seraient fermés dans une semaine.

Enfin, par courrier recommandé avec avis de réception distribué le 4 avril 2024, la société AJI Digital a informé le mandataire de sa bailleresse qu'à compter du 30 mars 2024 : «les locaux sont vidés, l'électricité et internet sont coupés et Aji Digital ne payera plus aucun loyer» et que «nous mettons à votre disposition les clefs dès que vous aurez validé la fin du bail ».

Il est par ailleurs produit par la bailleresse un procès -verbal de commissaire de justice du 30 avril 2024 constatant qu'à cette date, le nom de la société Aji Digital ne figure sur aucune boîte aux lettres à l'adresse des locaux loués, que la porte de ces locaux est dépourvu d'enseigne, qu'après avoir frappé, personne n'ouvre et que le voisinage ainsi qu'un agent de La Poste lui indiquent que la société Aji Digital n'occupe plus les lieux depuis plusieurs semaines.

Il ressort de ces éléments qu'en application de l'article L.622-14 du code de commerce, la société Aji Digital a manifestement entendu ne pas poursuivre le bail au-delà du 30 mars 2024 de sorte qu'indépendamment de la question de la validité de l'exercice de l'option, qui relève de l'office du juge du fond, il existe une contestation sérieuse à la prétention de la SCI Immo Placement de se prévaloir de l'acquisition de la clause résolutoire au 8 juin 2024 dans les suites du commandement de payer.

L'ordonnance de reféré devra en conséquence être infirmée et la cour dira n'y avoir lieu à référé sur les effets du commandement de payer et l'acquisition de la clause résolutoire du bail.

2°) sur la demande de provision :

La société Aji Digital fait valoir que les locaux ayant été tenus à la disposition du bailleur depuis le 30 mars 2024, il existe une contestation sérieuse à la réclamation portant sur les loyers postérieurs à cette date.

La SCI Immo Placement actualise sa créance au titre des indemnités d'occupation postérieures au mois de juin 2024 et augmentée des provisions pour charges et impositions calculées sur la base du budget prévisionnel 2024.

- - - - - -

La locataire ne soulève aucune contestation sur le défaut de paiement des loyers échus postérieurement à l'ouverture du redressement judiciaire jusqu'au 31 mars 2024.

Il est établi par le procès-verbal de constat du 21 octobre 2024 que les locaux n'ont été restituées à leur propriétaire qu'à cette date, de sorte que la locataire doit être considérée comme occupante au-delà du 30 mars 2024.

Au titre de cette occupation, la société Aji Digital est tenue au paiement d'indemnités d'occupation équivalente au loyer jusqu'au 21 octobre 2024, de sorte que la provision demandée par la SCI Immo Placement n'est pas sérieusement contestable en son principe, ni contestée par la locataire dans son montant.

L'ordonnance de référé sera confirmée, la SCI Immo Placement se contentant de solliciter sa confirmation alors qu'elle entend actualiser sa créance.

PAR CES MOTIFS :

Infirme l'ordonnance de référé de la présidente du tribunal judiciaire de Dijon en date du 2 octobre 2024 en ce qu'elle a :

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail entre la SCPI Immo Placement et la SAS Aji Digital à la date du 8 juin 2024 ;

- ordonné à la SAS Aji Digital et à tous occupants de son chef de libérer les locaux situés [Adresse 3] à [Localité 6] dans les meilleurs délais et au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance ;

- à défaut d'exécution de cette obligation dans ce délai, ordonné l'expulsion de la société Aji Digital, et de tous occupants de son chef, si besoin est, avec le concours de la force publique ;

statuant à nouveau sur ces chefs :

Dit n'y avoir lieu à référé sur les effets du commandement de payer et l'acquisition de la clause résolutoire du bail,

Confirme l'ordonnance pour le reste de ses dispositions,

y ajoutant,

Condamne la SAS Aji Digital aux dépens de l'instance d'appel,

Rejette les demandes de condamnation fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le présisdent,

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