CA Douai, ch. 2 sect. 1, 3 juillet 2025, n° 24/05014
DOUAI
Arrêt
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 03/07/2025
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N° de MINUTE : 25/405
N° RG 24/05014 - N° Portalis DBVT-V-B7I-V2RT
Jugement (N° 202200364) rendu le 13 Septembre 2024 par le Tribunal de Commerce de Boulogne sur Mer
APPELANT
Monsieur [E] [T]
né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 5]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par Me Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai, assisté de Me Isabelle Poirier, avocat au barreau de Meaux, avocat plaidant
INTIMÉE
SELARL RM&A [Z] Mandataires et Associés Selarl [Z] Mandataires et Associés, intervenant par Me [B] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Stanislas Duhamel, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 07 mai 2025 tenue par Aude Bubbe magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Béatrice Capliez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Dominique Gilles, président de chambre
Pauline Mimiague, conseiller
Aude Bubbe, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2025 après prorogation du délibéré du 26 juin 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Dominique gilles, président et Béatrice capliez, adjoint administratif faisant fonction de greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EN PRESENCE DU MINISTERE PUBLIC, en la personne de Monsieur Christophe Delattre, substitut général
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 30 avril 2025
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EXPOSÉ DU LITIGE
En 2010, la SARL Sushi [T], gérée par M. [E] [T], a commencé son activité de négoce et transformation de produits de la mer.
Le 17 septembre 2019, M. [T] a saisi le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer d'une déclaration de cessation des paiements et demandé la liquidation judiciaire de la société.
Par jugement du 26 septembre 2019, la société Sushi [T] a été placée en liquidation judiciaire, la date de cessation des paiements fixée au 19 septembre 2019 et la SELARL [Z] Mandataires & Associés - RM&A, représentée par Me [B] [Z], désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Par jugement du 9 avril 2021, le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer a reporté la date de cessation des paiements au 16 avril 2019.
Par acte du 27 janvier 2022, le liquidateur judiciaire a fait citer M. [T] devant le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer afin d'obtenir sa condamnation à des sanctions de nature patrimoniale et personnelle.
Par jugement contradictoire du 13 septembre 2024, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :
- jugé recevable l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif et la demande de faillite personnelle,
- condamné M. [T] à verser au liquidateur judiciaire, ès qualités, la somme de 300 000 euros à titre de contribution du dirigeant au passif social,
- dit que le fruit de la sanction patrimoniale sera réparti au marc le franc par le liquidateur judiciaire,
- prononcé une mesure de faillite personnelle pour une durée de 10 ans à compter du jugement,
- condamné M. [T] à verser au liquidateur judiciaire, ès qualités, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'accomplissement des formalités et publicités prévues par la loi,
- prononcé l'exécution provisoire au titre des deux sanctions,
- passé les dépens en frais privilégiés de procédure.
Le jugement a été signifié à M. [T] le 11 octobre 2024.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 21 octobre 2024, M. [T] a relevé appel de l'ensemble des chefs de ce jugement aux fins d'infirmation ou d'annulation.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 25 avril 2025, M. [T] demande à la cour de :
- infirmer le jugement en l'ensemble de ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- déclarer irrecevable et mal fondée l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif et la demande de faillite personnelle dirigée contre lui,
- déclarer qu'il ne pouvait être condamné à régler au liquidateur judiciaire une quelconque somme à titre de contribution au passif social,
- déclarer qu'aucune mesure de faillite personnelle ne pouvait être prononcée à son encontre,
- déclarer qu'il ne pouvait être condamné à verser au liquidateur judiciaire une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- déclarer qu'aucune exécution provisoire tant de la sanction patrimoniale que de la sanction personnelle ne pouvait être prononcée,
Y ajoutant,
- condamner le liquidateur judiciaire, ès qualités, à lui verser la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens dont distraction au profit de Me Virginie Levasseur,
- débouter le liquidateur judiciaire de toutes ses demandes, notamment au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 25 février 2025, le liquidateur judiciaire, ès qualités, demande à la cour de :
- juger son action recevable,
- juger que M. [T] a commis des fautes de gestion qui ont contribué à l'insuffisance d'actif,
- confirmer le jugement,
En conséquence,
- condamner M. [T] à lui verser la somme de 300 000 euros à titre de sanction patrimoniale, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt avec anatocisme,
- rappeler que le fruit de la sanction sera réparti au marc le franc, en application de l'article L.651-2 al.6 du code de commerce,
- condamner M. [T] à une mesure de faillite personnelle d'une durée de 10ans,
A titre subsidiaire,
- prononcer à l'encontre de M. [T] une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler pour une durée maximale de 15 ans,
En tout état de cause,
- condamner M. [T] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance,
- ordonner que les dépens de première instance soient passés en frais privilégiés de procédure,
- ordonner les mesures de publicité prévues par la loi,
- rappeler qu'il appartient au greffe de saisir le juge commis délégué à la surveillance du RCS, qui pourra, par ordonnance notifiée, enjoindre à M. [T] de régulariser sa situation en procédant aux formalités modificatives nécessaires,
- débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes,
Y ajoutant,
- condamner M. [T] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en appel, outre les dépens, dont distraction au profit de la SELARL Opal'Juris, en application des articles 696 et 699 du code de procédure civile.
Par réquisitions du 25 avril 2025, le ministère public demande à la cour
de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [T] à une sanction patrimoniale sauf à la réduire à 200 000 euros,
- infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé une mesure de faillite personnelle,
- prononcer une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de 10 ans.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.
La clôture de l'instruction est intervenue le 30 avril 2025 et l'affaire a été renvoyée à l'audience de plaidoiries du 7 mai 2025.
MOTIFS
A titre liminaire, si M. [T] soulève l'irrecevabilité des demandes en sanction présentées par le liquidateur judiciaire, il ne présente aucun moyen au soutien de cette demande. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur la sanction patrimoniale
Après avoir déclaré recevable l'action en sanction, engagée dans le délai de trois ans suivant le jugement d'ouverture, le tribunal a rappelé que le montant du passif à retenir était celui existant à la date du jugement d'ouverture et a fixé l'insuffisance d'actif à plus de 1,7 million d'euros. Ensuite, le tribunal a retenu que M. [T] avait poursuivi une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements, constituant une faute dépassant la simple négligence, sans que la bonne foi ou l'absence d'intérêt personnel n'exonère le dirigeant de sa responsabilité. Il a relevé que les comptes déposés en 2018 ont révélé une baisse du chiffre d'affaires de près de 10%, un résultat d'exploitation négatif de 378 000 euros et des pertes exceptionnelles de 754 000 euros, qui ont absorbé la totalité des capitaux propres, qui sont devenus négatifs à - 531 000 euros. Il a ajouté que la société ne présentait plus aucune trésorerie et que le financement reposait exclusivement sur l'augmentation du crédit-fournisseurs. Il a indiqué que M. [T] était informé de cette situation alors que ses fournisseurs le relançaient depuis fin 2018 et que la société Sushi [T] a fait l'objet d'une procédure d'alerte du commissaire aux comptes en décembre 2018. Il a estimé que les efforts de M. [T] pour négocier un moratoire avec ses fournisseurs n'ont pas abouti, le rejet d'un chèque en avril 2019 marquant la fin du crédit bancaire. Il a retenu en outre la faute tirée de l'absence de déclaration de la cessation de paiements dans le délai de 45 jours. Pour fixer le montant de la sanction à 300 000 euros, le tribunal a relevé que l'actif net était négatif fin 2018 pour 531 000 euros et que l'insuffisance d'actif, 9 mois plus tard, dépassait 1,7 million d'euros, soit plus d'un million d'euros supplémentaire, avec une dette Pomona supplémentaire de 169 833 euros et une perte complémentaire de 219 981 euros.
Sur le fondement de l'article L.651-2 du code de commerce, M. [T] estime que le montant du passif à retenir est de 593 516,40 euros, après déduction des créances rejetées, du passif ayant fait l'objet d'un moratoire, du passif échu après le jugement d'ouverture et des créances fixées postérieurement au jugement d'ouverture. Il conteste avoir poursuivi une activité déficitaire, alors que le passif né après le jugement d'ouverture atteint 116 854,31 euros, dont 92 054,02 euros rendus exigibles à raison de l'ouverture de la liquidation judiciaire. Il indique ne pas avoir poursuivi l'activité dans un but personnel. Il soutient que la trésorerie de la société Sushi [T] n'était pas inexistante alors que les soldes des comptes bancaires n'étaient pas débiteurs de manière continue et ne dépassaient pas le montant du découvert autorisé. Il souligne les efforts déployés afin de régler l'ensemble des fournisseurs. Il fait valoir que la procédure d'alerte initiée par le commissaire aux comptes n'a pas conduit le président du tribunal à retenir une cessation des paiements et l'a autorisé à poursuivre l'activité pour six mois. Il fait valoir sa bonne foi, après avoir réglé sur ses deniers personnels le solde d'un billet à ordre, pour un montant de 44 578,77 euros, outre les sommes de 16 286,21 euros à titre de caution, 2 944,93 euros au titre du solde du compte courant détenu au CIC et 14 682,04 euros au titre d'un prêt professionnel, soit un total de 94 023,22 euros. Il soutient ne pas avoir aggravé l'insuffisance d'actif en augmentant le passif. Il indique avoir déclaré la cessation des paiements après le terme du délai de 6 mois et la fin des vacances judiciaires.
Au visa du même texte, le liquidateur judiciaire rappelle que M. [T] est le gérant de droit de la société Sushi [T], que l'insuffisance d'actif est supérieure à 1,7 million d'euros et que le lien de causalité entre les fautes de gestion et l'aggravation du passif est établi. Il indique que seules les dettes antérieures au jugement d'ouverture sont reprises pour le calcul de l'insuffisance d'actif et que l'ensemble du passif déclaré, échu ou à échoir, existant à cette date doit être repris. Il souligne que le passif a été vérifié et ne peut plus être contesté. Il expose que le gérant a commis deux fautes de gestion, tirées de la poursuite d'une activité déficitaire et du défaut de déclaration de la cessation des paiements dans le délai de 45 jours. Il souligne que les fournisseurs n'étaient plus réglés depuis plusieurs mois, déjà en 2018, et que M. [T] a passé de nouvelles commandes en sachant qu'elles ne pourraient être réglées, ce qui a créé une accumulation de dettes, constituant une faute de gestion. Il soutient que la déclaration de cessation des paiements aurait dû intervenir dans le délai de 45 jours suivant la cessation des paiements, soit avant le 1er juin, et que le passif s'est encore accru après le 1er juin en raison de nouvelles commandes passées après cette date.
Après avoir indiqué que l'appel était recevable, le ministère public soutient que M. [T] a poursuivi une activité déficitaire, dont la réalité ressort des bilans produits et de la poursuite des pertes de la société après la date de cessation des paiements. Il indique que le défaut de déclaration de cessation des paiements dépasse la simple négligence, alors que les charges n'étaient plus réglées. En l'absence d'éléments concernant la situation patrimoniale de M. [T], il estime que le montant de la sanction patrimoniale doit être fixé à 200 000 euros.
L'article L.651-2 al.1 du code de commerce prévoit que 'Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion.[...]Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.[...]'
Sur le montant de l'insuffisance d'actif
En application de ce texte, le montant de l'insuffisance d'actif est établi par la différence entre le montant de l'actif de la société et celui du passif antérieur au jugement d'ouverture.
En l'espèce, il ressort des éléments transmis par le liquidateur judiciaire (notamment l'état des créances définitif, pièces 5 et 5') que l'actif définitif s'établit à 90 071,82 euros, montant non contesté par M. [T], et le passif définitif antérieur au jugement d'ouverture à 1 852 375,47 euros, soit une insuffisance d'actif s'élevant à 1 762 303,65 euros.
Si M. [T] conteste le caractère exigible de certaines créances déclarées par ses fournisseurs, il ne produit aucun moratoire signé par eux mais simplement des échanges matérialisant des pourparlers à cette fin, étant rappelé que l'existence et le montant de l'insuffisance d'actif doivent être appréciés au moment où statue la juridiction saisie de l'action tendant à la faire supporter par un dirigeant social (Com. 30 janv. 1990, no 88-15.873).
Dès lors, l'existence de l'insuffisance d'actif est certaine et son montant peut être fixé à 1 762 303,65 euros.
Sur les fautes de gestion
En application de l'article L.651-2 du code de commerce, constitue une faute de gestion la poursuite volontaire et en toute connaissance de cause de l'exploitation d'un fonds de commerce déficitaire.
De plus, pour l'application de ce texte, la faute du dirigeant peut être antérieure à la date de la cessation des paiements, dès lors que le lien de causalité entre cette faute et l'insuffisance d'actif est établi.
Selon l'article L.631-4 du code de commerce, le gérant doit déclarer l'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours.
En l'espèce, il ressort des bilans arrêtés au 31 décembre 2017 et 2018, du bilan intermédiaire arrêté au 31 mai 2019, de la déclaration de cessation des paiements et des déclarations de créances que :
- la société Sushi [T] présente un résultat négatif de -754 827 euros (avec un résultat d'exploitation de -378 739 euros) pour l'exercice 2018, alors que les résultats précédents étaient positifs à hauteur de 21 895 euros pour l'année 2016 et 58 487 euros pour 2017 (avec des résultats d'exploitation de 25 799 euros pour 2016 et 79 899 euros pour 2017),
- le montant du capital social augmenté des réserves s'élève à
190 930 euros et est totalement absorbé par les pertes de l'année 2018, les pertes étant très largement supérieures à la moitié du capital social,
- le résultat de l'exercice sur les cinq premiers mois de l'année 2019 est négatif à hauteur de -219 981 euros (pour un résultat d'exploitation de -214 784 euros),
- les fournisseurs sont impayés pour certains depuis juillet 2016 (société SFP), juin 2018 (la société Continental Seafood) et février 2019 (société Pomona) (pièces 8 à 10 du liquidateur judiciaire), pour des montants importants notamment : 599 604,28 euros pour la société Continental Seafood, 169 833,52 euros pour la société Pomona, 209 768,84 euros pour la société SFP, 119 521,07 euros pour la société Homard Atlantique, 253 019,42 euros pour la société Kedy Pack.
En outre, si M. [T] a entrepris des pourparlers avec certains des fournisseurs de la société Sushi [T], aucun moratoire n'a été conclu et M. [T] ne justifie d'aucune mesure qui aurait permis de restructurer les dettes de la société Sushi [T], notamment à l'égard de ses fournisseurs.
De même, si M. [T] fait valoir sa bonne foi, les premiers juges ont justement rappelé que cet élément était indifférent à la constitution d'une faute de gestion, d'autant plus que M. [T] était personnellement tenu au paiement de certaines des dettes de la société Sushi [T] et a été subrogé dans les droits des créanciers à l'encontre de la société Sushi [T] après paiement.
Par ailleurs, M. [T] ne justifie avoir mis en oeuvre aucun mécanisme de recapitalisation de la société Sushi [T] après la perte de l'ensemble des capitaux propres et il n'est justifié d'aucune mesure destinée à redresser l'entreprise après l'exercice 2018, au regard des résultats d'exploitation des exercices précédents.
Enfin, la procédure d'alerte, régie par l'article L.611-2 du code de commerce, ne prévoit que la simple possibilité pour le président du tribunal de commerce de saisir le ministère public s'il estime que les conditions d'une procédure collective sont réunies, l'absence de saisine du ministère public ne pouvant donc valoir autorisation de poursuite de l'activité, contrairement à ce qu'invoque M. [T].
Il ressort de ces éléments que M. [T] a maintenu l'activité déficitaire de la société Sushi [T], sans perspective de rétablissement alors que les bénéfices antérieurs étaient très inférieurs aux pertes nées en 2018, que la société ne parvenait plus à régler ses fournisseurs depuis de nombreux mois et qu'aucune recapitalisation n'est intervenue.
Les montants retenus et le défaut persistant de règlement de nombreux fournisseurs excluent la simple négligence.
Dès lors, M. [T], dirigeant de droit de la société Sushi [T], a commis une faute de gestion, tirée de la poursuite volontaire de l'activité déficitaire sans perspective de rétablissement, qui a contribué à l'augmentation de l'insuffisance d'actif.
Par ailleurs, l'omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours, susceptible de constituer une faute de gestion, s'apprécie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture ou dans un jugement de report.
En l'espèce, la déclaration de cessation des paiements a été fixée définitivement à la date du 16 avril 2019 et M. [T] a saisi le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer d'une demande de liquidation judiciaire par déclaration du 17 septembre 2019, soit postérieurement au 1er juin 2019, terme du délai légal pour procéder à la déclaration de cessation des paiements.
Or, M. [T] ne justifie pas de l'existence d'un délai de 6 mois qui aurait été accordé par le président du tribunal de commerce pour la poursuite de son activité lors de l'entretien réalisé à l'occasion de la procédure d'alerte en décembre 2018 et qui aurait retardé la déclaration de cessation des paiements, étant observé que ce délai se serait en tous les cas achevé en juin.
De plus, M. [T] produit des actes de commissaire de justice du 2 août 2019 portant citation de la société Sushi [T] aux fins de condamnation en paiement par deux de ses fournisseurs, pour les montants de 119 521,07 euros pour la société Homard Atlantique et 253 019,42 euros pour la société Kedy Pack, sans expliquer les raisons pour lesquelles il a encore retardé la déclaration de cessation des paiements.
Enfin, il ressort de la déclaration de cessation des paiements que de nouvelles dettes sont nées après le 1er juin 2019, notamment pour l'URSSAF et la société Humanis ainsi que les salaires d'août et septembre 2019, pour un montant total de 24 000 euros.
Ainsi, l'absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal, qui a contribué à l'aggravation de l'insuffisance d'actif, ne peut être constitutive d'une simple négligence au regard de la situation totalement obérée de la société Sushi [T] dont M. [T] avait connaissance.
Dès lors, M. [T], dirigeant de droit de la société Sushi [T], a commis une faute de gestion, tirée de l'absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal, qui a contribué à l'augmentation de l'insuffisance d'actif.
Sur le montant de la contribution à l'insuffisance d'actif
En application de l'article L.651-2 du code de commerce, le dirigeant d'une personne morale peut être déclaré responsable et condamné à contribuer à l'insuffisance d'actif, même si la faute de gestion qu'il a commise n'est que l'une des causes de l'insuffisance d'actif et il peut être condamné à supporter en totalité ou partie des dettes sociales, même si sa faute n'est à l'origine que d'une partie d'entre elles.
En l'espèce, il a été établi que la poursuite de l'activité déficitaire du 1er janvier 2019 au 31 mai 2019 a conduit à un résultat déficitaire de 219 981 euros et que le défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal a contribué à aggraver l'insuffisance d'actif d'au moins 24 000 euros.
Par ailleurs, alors que les pertes ne s'élevaient qu'à 754 827 euros au 31 décembre 2018, l'insuffisance d'actif dépasse 1,7 million d'euros en septembre 2019, soit une aggravation de près d'un million d'euros.
Dès lors, les premiers juges seront confirmés pour avoir condamné M. [T] à contribuer à hauteur de 300 000 euros à l'insuffisance d'actif de la procédure collective de la société Sushi [T], le présent arrêt précisant que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de son prononcé et que les intérêts seront capitalisés annuellement selon les modalités de l'article 1343-2 du code civil.
Les premiers juges seront également confirmés pour avoir dit que cette somme sera répartie au marc le franc entre tous les créanciers, en application de l'article L.651-2 al.6 du code de commerce.
Sur la sanction personnelle
Sur le fondement de l'article L.653-[4] 4° du code de commerce, le tribunal a retenu que M. [T] a poursuivi abusivement dans un intérêt personnel l'exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements, alors qu'il a continué à percevoir sa rémunération pendant que la société ne dégageait aucun bénéfice et que, caution personnelle auprès de deux établissements bancaires de la société Sushi [T], il a retardé l'ouverture d'une procédure collective, afin de retarder l'exercice des poursuites à son encontre.
Visant les articles L.653-4 4° et L.653-8 du code de commerce, M. [T] conteste avoir commis une faute de gestion et poursuivi une activité déficitaire dans un but personnel. Il expose que sa rémunération représentait 0,054% du chiffre d'affaires de la société Sushi [T] et qu'il n'a jamais fait l'objet d'un contrôle fiscal, s'agissant de la déduction de ses frais kilométriques et de la prise en charge de ses cotisations personnelles.
Au visa des mêmes textes, le liquidateur judiciaire soutient que la poursuite de l'activité est abusive alors que M. [T] connaissait la situation gravement obérée de la société Sushi [T]. Il expose que M. [T] avait un intérêt personnel à la poursuite de cette activité déficitaire en ce qu'il percevait un salaire mensuel fixé à 3 000 euros à compter du 1er janvier 2019, que ses cotisations personnelles étaient réglées par la société Sushi [T] pour 9 165 euros ainsi que ses indemnités kilométriques pour 4 860 euros. Il indique enfin que M. [T] était de son propre aveu caution de certains prêts de la société Sushi [T] et ne pouvait qu'être tenté de réduire ses engagements de caution.
Le ministère public rappelle qu'en retenant deux fautes de gestion dont le défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal, le tribunal ne pouvait prononcer qu'une interdiction de gérer à titre de sanction personnelle.
Selon l'article L.653-4 4° du code de commerce, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant qui a poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale.
En l'espèce, il est établi que M. [T] a poursuivi abusivement l'activité déficitaire de la société Sushi [T] après le 31 décembre 2018 alors
que :
- la société Sushi [T] présente un résultat négatif de -754 827 euros (avec un résultat d'exploitation de -378 739 euros) pour l'exercice 2018, alors que les résultats précédents étaient positifs à hauteur de 21 895 euros pour l'année 2016 et 58 487 euros pour 2017 (avec des résultats d'exploitation de 25 799 euros pour 2016 et 79 899 euros pour 2017),
- le montant du capital social augmenté des réserves s'élève à 190 930 euros et est totalement absorbé par les pertes de l'année 2018, les pertes étant très largement supérieures à la moitié du capital social,
- le résultat de l'exercice sur les cinq premiers mois de l'année 2019 est négatif à hauteur de -219 981 euros (pour un résultat d'exploitation de -214 784 euros),
- les fournisseurs sont impayés pour certains depuis juillet 2016 (société SFP), juin 2018 (la société Continental Seafood) et février 2019 (société Pomona) (pièces 8 à 10 du liquidateur judiciaire), pour des montants importants notamment : 599 604,28 euros pour la société Continental Seafood, 169 833,52 euros pour la société Pomona, 209 768,84 euros pour la société SFP, 119 521,07 euros pour la société Homard Atlantique, 253 019,42 euros pour la société Kedy Pack.
En outre, il n'est pas contesté que M. [T] a perçu une rémunération mensuelle d'un montant de 3 000 euros à compter du 1er janvier 2019, soit 24 000 euros jusqu'au 31 août 2019, ce qui constitue un intérêt personnel, même s'il a perçu 48 600 euros à ce titre en 2018, soit 4 050 euros par mois et a donc réduit son salaire en 2019.
De plus, M. [T] ne conteste pas les montants évoqués par le liquidateur judiciaire au titre du règlement de ses cotisations personnelles par la société Sushi [T] ou des indemnités kilométriques qu'elle lui verse.
Par ailleurs, en poursuivant l'activité manifestement déficitaire de la société Sushi [T], M. [T] a retardé sa mise en cause en qualité de caution, ses condamnations à ce titre n'intervenant qu'en 2020 et 2022.
Dès lors, au regard de la gravité de la faute dans la gestion de l'entreprise et de la poursuite d'un intérêt personnel, M. [S] étant en outre gérant de la société WFB, elle-même débitrice de plus de 425 000 euros de la société Sushi [T] (pièces 1 et 3 du liquidateur judiciaire), les premiers juges seront approuvés d'avoir prononcé une mesure de faillite personnelle pour une durée de 10 ans.
Enfin, compte tenu de la gravité des fautes retenues tant pour la sanction personnelle que pour la sanction patrimoniale, les premiers juges ont, à raison, retenu l'exécution provisoire de leur décision.
Sur les demandes accessoires
En application de l'article 700 du code de procédure civile, M. [T] sera condamné à verser la somme de 3 000 euros, en cause d'appel.
En application de l'article 696 du code de procédure civile, M. [T] sera condamné aux dépens, dont distraction au profit de la SELARL Opal'Juris, en application des articles 696 et 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement,
Y ajoutant,
Dit que la somme de 300 000 euros portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Dit que les intérêts seront capitalisés annuellement selon les modalités de l'article 1343-2 du code civil,
Dit que les mesures de publicité prévues par la loi, aux articles R.653-3 du code de commerce et 768 du code de procédure pénale, seront réalisées par le greffe,
Rappelle qu'en application de l'article R.123-124 1° du code de commerce, sont mentionnées d'office au RCS les mesures d'incapacité ou d'interdiction d'exercer une activité commerciale ou professionnelle, de gérer, d'administrer ou de diriger une personne morale résultant d'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée ou d'une décision administrative définitive,
Condamne M. [T] à verser à la SELARL [Z] Mandataires & Associés - RM&A, représentée par Me [B] [Z], ès qualités, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne M. [T] aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SELARL Opal'Juris, en application des articles 696 et 699 du code de procédure civile.
Le greffier
Béatrice CAPLIEZ
Le président
Dominique GILLES
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 03/07/2025
****
N° de MINUTE : 25/405
N° RG 24/05014 - N° Portalis DBVT-V-B7I-V2RT
Jugement (N° 202200364) rendu le 13 Septembre 2024 par le Tribunal de Commerce de Boulogne sur Mer
APPELANT
Monsieur [E] [T]
né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 5]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par Me Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai, assisté de Me Isabelle Poirier, avocat au barreau de Meaux, avocat plaidant
INTIMÉE
SELARL RM&A [Z] Mandataires et Associés Selarl [Z] Mandataires et Associés, intervenant par Me [B] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Stanislas Duhamel, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 07 mai 2025 tenue par Aude Bubbe magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Béatrice Capliez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Dominique Gilles, président de chambre
Pauline Mimiague, conseiller
Aude Bubbe, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2025 après prorogation du délibéré du 26 juin 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Dominique gilles, président et Béatrice capliez, adjoint administratif faisant fonction de greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EN PRESENCE DU MINISTERE PUBLIC, en la personne de Monsieur Christophe Delattre, substitut général
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 30 avril 2025
****
EXPOSÉ DU LITIGE
En 2010, la SARL Sushi [T], gérée par M. [E] [T], a commencé son activité de négoce et transformation de produits de la mer.
Le 17 septembre 2019, M. [T] a saisi le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer d'une déclaration de cessation des paiements et demandé la liquidation judiciaire de la société.
Par jugement du 26 septembre 2019, la société Sushi [T] a été placée en liquidation judiciaire, la date de cessation des paiements fixée au 19 septembre 2019 et la SELARL [Z] Mandataires & Associés - RM&A, représentée par Me [B] [Z], désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Par jugement du 9 avril 2021, le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer a reporté la date de cessation des paiements au 16 avril 2019.
Par acte du 27 janvier 2022, le liquidateur judiciaire a fait citer M. [T] devant le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer afin d'obtenir sa condamnation à des sanctions de nature patrimoniale et personnelle.
Par jugement contradictoire du 13 septembre 2024, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :
- jugé recevable l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif et la demande de faillite personnelle,
- condamné M. [T] à verser au liquidateur judiciaire, ès qualités, la somme de 300 000 euros à titre de contribution du dirigeant au passif social,
- dit que le fruit de la sanction patrimoniale sera réparti au marc le franc par le liquidateur judiciaire,
- prononcé une mesure de faillite personnelle pour une durée de 10 ans à compter du jugement,
- condamné M. [T] à verser au liquidateur judiciaire, ès qualités, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'accomplissement des formalités et publicités prévues par la loi,
- prononcé l'exécution provisoire au titre des deux sanctions,
- passé les dépens en frais privilégiés de procédure.
Le jugement a été signifié à M. [T] le 11 octobre 2024.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 21 octobre 2024, M. [T] a relevé appel de l'ensemble des chefs de ce jugement aux fins d'infirmation ou d'annulation.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 25 avril 2025, M. [T] demande à la cour de :
- infirmer le jugement en l'ensemble de ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- déclarer irrecevable et mal fondée l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif et la demande de faillite personnelle dirigée contre lui,
- déclarer qu'il ne pouvait être condamné à régler au liquidateur judiciaire une quelconque somme à titre de contribution au passif social,
- déclarer qu'aucune mesure de faillite personnelle ne pouvait être prononcée à son encontre,
- déclarer qu'il ne pouvait être condamné à verser au liquidateur judiciaire une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- déclarer qu'aucune exécution provisoire tant de la sanction patrimoniale que de la sanction personnelle ne pouvait être prononcée,
Y ajoutant,
- condamner le liquidateur judiciaire, ès qualités, à lui verser la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens dont distraction au profit de Me Virginie Levasseur,
- débouter le liquidateur judiciaire de toutes ses demandes, notamment au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 25 février 2025, le liquidateur judiciaire, ès qualités, demande à la cour de :
- juger son action recevable,
- juger que M. [T] a commis des fautes de gestion qui ont contribué à l'insuffisance d'actif,
- confirmer le jugement,
En conséquence,
- condamner M. [T] à lui verser la somme de 300 000 euros à titre de sanction patrimoniale, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt avec anatocisme,
- rappeler que le fruit de la sanction sera réparti au marc le franc, en application de l'article L.651-2 al.6 du code de commerce,
- condamner M. [T] à une mesure de faillite personnelle d'une durée de 10ans,
A titre subsidiaire,
- prononcer à l'encontre de M. [T] une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler pour une durée maximale de 15 ans,
En tout état de cause,
- condamner M. [T] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance,
- ordonner que les dépens de première instance soient passés en frais privilégiés de procédure,
- ordonner les mesures de publicité prévues par la loi,
- rappeler qu'il appartient au greffe de saisir le juge commis délégué à la surveillance du RCS, qui pourra, par ordonnance notifiée, enjoindre à M. [T] de régulariser sa situation en procédant aux formalités modificatives nécessaires,
- débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes,
Y ajoutant,
- condamner M. [T] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en appel, outre les dépens, dont distraction au profit de la SELARL Opal'Juris, en application des articles 696 et 699 du code de procédure civile.
Par réquisitions du 25 avril 2025, le ministère public demande à la cour
de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [T] à une sanction patrimoniale sauf à la réduire à 200 000 euros,
- infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé une mesure de faillite personnelle,
- prononcer une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de 10 ans.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.
La clôture de l'instruction est intervenue le 30 avril 2025 et l'affaire a été renvoyée à l'audience de plaidoiries du 7 mai 2025.
MOTIFS
A titre liminaire, si M. [T] soulève l'irrecevabilité des demandes en sanction présentées par le liquidateur judiciaire, il ne présente aucun moyen au soutien de cette demande. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur la sanction patrimoniale
Après avoir déclaré recevable l'action en sanction, engagée dans le délai de trois ans suivant le jugement d'ouverture, le tribunal a rappelé que le montant du passif à retenir était celui existant à la date du jugement d'ouverture et a fixé l'insuffisance d'actif à plus de 1,7 million d'euros. Ensuite, le tribunal a retenu que M. [T] avait poursuivi une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements, constituant une faute dépassant la simple négligence, sans que la bonne foi ou l'absence d'intérêt personnel n'exonère le dirigeant de sa responsabilité. Il a relevé que les comptes déposés en 2018 ont révélé une baisse du chiffre d'affaires de près de 10%, un résultat d'exploitation négatif de 378 000 euros et des pertes exceptionnelles de 754 000 euros, qui ont absorbé la totalité des capitaux propres, qui sont devenus négatifs à - 531 000 euros. Il a ajouté que la société ne présentait plus aucune trésorerie et que le financement reposait exclusivement sur l'augmentation du crédit-fournisseurs. Il a indiqué que M. [T] était informé de cette situation alors que ses fournisseurs le relançaient depuis fin 2018 et que la société Sushi [T] a fait l'objet d'une procédure d'alerte du commissaire aux comptes en décembre 2018. Il a estimé que les efforts de M. [T] pour négocier un moratoire avec ses fournisseurs n'ont pas abouti, le rejet d'un chèque en avril 2019 marquant la fin du crédit bancaire. Il a retenu en outre la faute tirée de l'absence de déclaration de la cessation de paiements dans le délai de 45 jours. Pour fixer le montant de la sanction à 300 000 euros, le tribunal a relevé que l'actif net était négatif fin 2018 pour 531 000 euros et que l'insuffisance d'actif, 9 mois plus tard, dépassait 1,7 million d'euros, soit plus d'un million d'euros supplémentaire, avec une dette Pomona supplémentaire de 169 833 euros et une perte complémentaire de 219 981 euros.
Sur le fondement de l'article L.651-2 du code de commerce, M. [T] estime que le montant du passif à retenir est de 593 516,40 euros, après déduction des créances rejetées, du passif ayant fait l'objet d'un moratoire, du passif échu après le jugement d'ouverture et des créances fixées postérieurement au jugement d'ouverture. Il conteste avoir poursuivi une activité déficitaire, alors que le passif né après le jugement d'ouverture atteint 116 854,31 euros, dont 92 054,02 euros rendus exigibles à raison de l'ouverture de la liquidation judiciaire. Il indique ne pas avoir poursuivi l'activité dans un but personnel. Il soutient que la trésorerie de la société Sushi [T] n'était pas inexistante alors que les soldes des comptes bancaires n'étaient pas débiteurs de manière continue et ne dépassaient pas le montant du découvert autorisé. Il souligne les efforts déployés afin de régler l'ensemble des fournisseurs. Il fait valoir que la procédure d'alerte initiée par le commissaire aux comptes n'a pas conduit le président du tribunal à retenir une cessation des paiements et l'a autorisé à poursuivre l'activité pour six mois. Il fait valoir sa bonne foi, après avoir réglé sur ses deniers personnels le solde d'un billet à ordre, pour un montant de 44 578,77 euros, outre les sommes de 16 286,21 euros à titre de caution, 2 944,93 euros au titre du solde du compte courant détenu au CIC et 14 682,04 euros au titre d'un prêt professionnel, soit un total de 94 023,22 euros. Il soutient ne pas avoir aggravé l'insuffisance d'actif en augmentant le passif. Il indique avoir déclaré la cessation des paiements après le terme du délai de 6 mois et la fin des vacances judiciaires.
Au visa du même texte, le liquidateur judiciaire rappelle que M. [T] est le gérant de droit de la société Sushi [T], que l'insuffisance d'actif est supérieure à 1,7 million d'euros et que le lien de causalité entre les fautes de gestion et l'aggravation du passif est établi. Il indique que seules les dettes antérieures au jugement d'ouverture sont reprises pour le calcul de l'insuffisance d'actif et que l'ensemble du passif déclaré, échu ou à échoir, existant à cette date doit être repris. Il souligne que le passif a été vérifié et ne peut plus être contesté. Il expose que le gérant a commis deux fautes de gestion, tirées de la poursuite d'une activité déficitaire et du défaut de déclaration de la cessation des paiements dans le délai de 45 jours. Il souligne que les fournisseurs n'étaient plus réglés depuis plusieurs mois, déjà en 2018, et que M. [T] a passé de nouvelles commandes en sachant qu'elles ne pourraient être réglées, ce qui a créé une accumulation de dettes, constituant une faute de gestion. Il soutient que la déclaration de cessation des paiements aurait dû intervenir dans le délai de 45 jours suivant la cessation des paiements, soit avant le 1er juin, et que le passif s'est encore accru après le 1er juin en raison de nouvelles commandes passées après cette date.
Après avoir indiqué que l'appel était recevable, le ministère public soutient que M. [T] a poursuivi une activité déficitaire, dont la réalité ressort des bilans produits et de la poursuite des pertes de la société après la date de cessation des paiements. Il indique que le défaut de déclaration de cessation des paiements dépasse la simple négligence, alors que les charges n'étaient plus réglées. En l'absence d'éléments concernant la situation patrimoniale de M. [T], il estime que le montant de la sanction patrimoniale doit être fixé à 200 000 euros.
L'article L.651-2 al.1 du code de commerce prévoit que 'Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion.[...]Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.[...]'
Sur le montant de l'insuffisance d'actif
En application de ce texte, le montant de l'insuffisance d'actif est établi par la différence entre le montant de l'actif de la société et celui du passif antérieur au jugement d'ouverture.
En l'espèce, il ressort des éléments transmis par le liquidateur judiciaire (notamment l'état des créances définitif, pièces 5 et 5') que l'actif définitif s'établit à 90 071,82 euros, montant non contesté par M. [T], et le passif définitif antérieur au jugement d'ouverture à 1 852 375,47 euros, soit une insuffisance d'actif s'élevant à 1 762 303,65 euros.
Si M. [T] conteste le caractère exigible de certaines créances déclarées par ses fournisseurs, il ne produit aucun moratoire signé par eux mais simplement des échanges matérialisant des pourparlers à cette fin, étant rappelé que l'existence et le montant de l'insuffisance d'actif doivent être appréciés au moment où statue la juridiction saisie de l'action tendant à la faire supporter par un dirigeant social (Com. 30 janv. 1990, no 88-15.873).
Dès lors, l'existence de l'insuffisance d'actif est certaine et son montant peut être fixé à 1 762 303,65 euros.
Sur les fautes de gestion
En application de l'article L.651-2 du code de commerce, constitue une faute de gestion la poursuite volontaire et en toute connaissance de cause de l'exploitation d'un fonds de commerce déficitaire.
De plus, pour l'application de ce texte, la faute du dirigeant peut être antérieure à la date de la cessation des paiements, dès lors que le lien de causalité entre cette faute et l'insuffisance d'actif est établi.
Selon l'article L.631-4 du code de commerce, le gérant doit déclarer l'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours.
En l'espèce, il ressort des bilans arrêtés au 31 décembre 2017 et 2018, du bilan intermédiaire arrêté au 31 mai 2019, de la déclaration de cessation des paiements et des déclarations de créances que :
- la société Sushi [T] présente un résultat négatif de -754 827 euros (avec un résultat d'exploitation de -378 739 euros) pour l'exercice 2018, alors que les résultats précédents étaient positifs à hauteur de 21 895 euros pour l'année 2016 et 58 487 euros pour 2017 (avec des résultats d'exploitation de 25 799 euros pour 2016 et 79 899 euros pour 2017),
- le montant du capital social augmenté des réserves s'élève à
190 930 euros et est totalement absorbé par les pertes de l'année 2018, les pertes étant très largement supérieures à la moitié du capital social,
- le résultat de l'exercice sur les cinq premiers mois de l'année 2019 est négatif à hauteur de -219 981 euros (pour un résultat d'exploitation de -214 784 euros),
- les fournisseurs sont impayés pour certains depuis juillet 2016 (société SFP), juin 2018 (la société Continental Seafood) et février 2019 (société Pomona) (pièces 8 à 10 du liquidateur judiciaire), pour des montants importants notamment : 599 604,28 euros pour la société Continental Seafood, 169 833,52 euros pour la société Pomona, 209 768,84 euros pour la société SFP, 119 521,07 euros pour la société Homard Atlantique, 253 019,42 euros pour la société Kedy Pack.
En outre, si M. [T] a entrepris des pourparlers avec certains des fournisseurs de la société Sushi [T], aucun moratoire n'a été conclu et M. [T] ne justifie d'aucune mesure qui aurait permis de restructurer les dettes de la société Sushi [T], notamment à l'égard de ses fournisseurs.
De même, si M. [T] fait valoir sa bonne foi, les premiers juges ont justement rappelé que cet élément était indifférent à la constitution d'une faute de gestion, d'autant plus que M. [T] était personnellement tenu au paiement de certaines des dettes de la société Sushi [T] et a été subrogé dans les droits des créanciers à l'encontre de la société Sushi [T] après paiement.
Par ailleurs, M. [T] ne justifie avoir mis en oeuvre aucun mécanisme de recapitalisation de la société Sushi [T] après la perte de l'ensemble des capitaux propres et il n'est justifié d'aucune mesure destinée à redresser l'entreprise après l'exercice 2018, au regard des résultats d'exploitation des exercices précédents.
Enfin, la procédure d'alerte, régie par l'article L.611-2 du code de commerce, ne prévoit que la simple possibilité pour le président du tribunal de commerce de saisir le ministère public s'il estime que les conditions d'une procédure collective sont réunies, l'absence de saisine du ministère public ne pouvant donc valoir autorisation de poursuite de l'activité, contrairement à ce qu'invoque M. [T].
Il ressort de ces éléments que M. [T] a maintenu l'activité déficitaire de la société Sushi [T], sans perspective de rétablissement alors que les bénéfices antérieurs étaient très inférieurs aux pertes nées en 2018, que la société ne parvenait plus à régler ses fournisseurs depuis de nombreux mois et qu'aucune recapitalisation n'est intervenue.
Les montants retenus et le défaut persistant de règlement de nombreux fournisseurs excluent la simple négligence.
Dès lors, M. [T], dirigeant de droit de la société Sushi [T], a commis une faute de gestion, tirée de la poursuite volontaire de l'activité déficitaire sans perspective de rétablissement, qui a contribué à l'augmentation de l'insuffisance d'actif.
Par ailleurs, l'omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours, susceptible de constituer une faute de gestion, s'apprécie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture ou dans un jugement de report.
En l'espèce, la déclaration de cessation des paiements a été fixée définitivement à la date du 16 avril 2019 et M. [T] a saisi le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer d'une demande de liquidation judiciaire par déclaration du 17 septembre 2019, soit postérieurement au 1er juin 2019, terme du délai légal pour procéder à la déclaration de cessation des paiements.
Or, M. [T] ne justifie pas de l'existence d'un délai de 6 mois qui aurait été accordé par le président du tribunal de commerce pour la poursuite de son activité lors de l'entretien réalisé à l'occasion de la procédure d'alerte en décembre 2018 et qui aurait retardé la déclaration de cessation des paiements, étant observé que ce délai se serait en tous les cas achevé en juin.
De plus, M. [T] produit des actes de commissaire de justice du 2 août 2019 portant citation de la société Sushi [T] aux fins de condamnation en paiement par deux de ses fournisseurs, pour les montants de 119 521,07 euros pour la société Homard Atlantique et 253 019,42 euros pour la société Kedy Pack, sans expliquer les raisons pour lesquelles il a encore retardé la déclaration de cessation des paiements.
Enfin, il ressort de la déclaration de cessation des paiements que de nouvelles dettes sont nées après le 1er juin 2019, notamment pour l'URSSAF et la société Humanis ainsi que les salaires d'août et septembre 2019, pour un montant total de 24 000 euros.
Ainsi, l'absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal, qui a contribué à l'aggravation de l'insuffisance d'actif, ne peut être constitutive d'une simple négligence au regard de la situation totalement obérée de la société Sushi [T] dont M. [T] avait connaissance.
Dès lors, M. [T], dirigeant de droit de la société Sushi [T], a commis une faute de gestion, tirée de l'absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal, qui a contribué à l'augmentation de l'insuffisance d'actif.
Sur le montant de la contribution à l'insuffisance d'actif
En application de l'article L.651-2 du code de commerce, le dirigeant d'une personne morale peut être déclaré responsable et condamné à contribuer à l'insuffisance d'actif, même si la faute de gestion qu'il a commise n'est que l'une des causes de l'insuffisance d'actif et il peut être condamné à supporter en totalité ou partie des dettes sociales, même si sa faute n'est à l'origine que d'une partie d'entre elles.
En l'espèce, il a été établi que la poursuite de l'activité déficitaire du 1er janvier 2019 au 31 mai 2019 a conduit à un résultat déficitaire de 219 981 euros et que le défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal a contribué à aggraver l'insuffisance d'actif d'au moins 24 000 euros.
Par ailleurs, alors que les pertes ne s'élevaient qu'à 754 827 euros au 31 décembre 2018, l'insuffisance d'actif dépasse 1,7 million d'euros en septembre 2019, soit une aggravation de près d'un million d'euros.
Dès lors, les premiers juges seront confirmés pour avoir condamné M. [T] à contribuer à hauteur de 300 000 euros à l'insuffisance d'actif de la procédure collective de la société Sushi [T], le présent arrêt précisant que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de son prononcé et que les intérêts seront capitalisés annuellement selon les modalités de l'article 1343-2 du code civil.
Les premiers juges seront également confirmés pour avoir dit que cette somme sera répartie au marc le franc entre tous les créanciers, en application de l'article L.651-2 al.6 du code de commerce.
Sur la sanction personnelle
Sur le fondement de l'article L.653-[4] 4° du code de commerce, le tribunal a retenu que M. [T] a poursuivi abusivement dans un intérêt personnel l'exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements, alors qu'il a continué à percevoir sa rémunération pendant que la société ne dégageait aucun bénéfice et que, caution personnelle auprès de deux établissements bancaires de la société Sushi [T], il a retardé l'ouverture d'une procédure collective, afin de retarder l'exercice des poursuites à son encontre.
Visant les articles L.653-4 4° et L.653-8 du code de commerce, M. [T] conteste avoir commis une faute de gestion et poursuivi une activité déficitaire dans un but personnel. Il expose que sa rémunération représentait 0,054% du chiffre d'affaires de la société Sushi [T] et qu'il n'a jamais fait l'objet d'un contrôle fiscal, s'agissant de la déduction de ses frais kilométriques et de la prise en charge de ses cotisations personnelles.
Au visa des mêmes textes, le liquidateur judiciaire soutient que la poursuite de l'activité est abusive alors que M. [T] connaissait la situation gravement obérée de la société Sushi [T]. Il expose que M. [T] avait un intérêt personnel à la poursuite de cette activité déficitaire en ce qu'il percevait un salaire mensuel fixé à 3 000 euros à compter du 1er janvier 2019, que ses cotisations personnelles étaient réglées par la société Sushi [T] pour 9 165 euros ainsi que ses indemnités kilométriques pour 4 860 euros. Il indique enfin que M. [T] était de son propre aveu caution de certains prêts de la société Sushi [T] et ne pouvait qu'être tenté de réduire ses engagements de caution.
Le ministère public rappelle qu'en retenant deux fautes de gestion dont le défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal, le tribunal ne pouvait prononcer qu'une interdiction de gérer à titre de sanction personnelle.
Selon l'article L.653-4 4° du code de commerce, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant qui a poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale.
En l'espèce, il est établi que M. [T] a poursuivi abusivement l'activité déficitaire de la société Sushi [T] après le 31 décembre 2018 alors
que :
- la société Sushi [T] présente un résultat négatif de -754 827 euros (avec un résultat d'exploitation de -378 739 euros) pour l'exercice 2018, alors que les résultats précédents étaient positifs à hauteur de 21 895 euros pour l'année 2016 et 58 487 euros pour 2017 (avec des résultats d'exploitation de 25 799 euros pour 2016 et 79 899 euros pour 2017),
- le montant du capital social augmenté des réserves s'élève à 190 930 euros et est totalement absorbé par les pertes de l'année 2018, les pertes étant très largement supérieures à la moitié du capital social,
- le résultat de l'exercice sur les cinq premiers mois de l'année 2019 est négatif à hauteur de -219 981 euros (pour un résultat d'exploitation de -214 784 euros),
- les fournisseurs sont impayés pour certains depuis juillet 2016 (société SFP), juin 2018 (la société Continental Seafood) et février 2019 (société Pomona) (pièces 8 à 10 du liquidateur judiciaire), pour des montants importants notamment : 599 604,28 euros pour la société Continental Seafood, 169 833,52 euros pour la société Pomona, 209 768,84 euros pour la société SFP, 119 521,07 euros pour la société Homard Atlantique, 253 019,42 euros pour la société Kedy Pack.
En outre, il n'est pas contesté que M. [T] a perçu une rémunération mensuelle d'un montant de 3 000 euros à compter du 1er janvier 2019, soit 24 000 euros jusqu'au 31 août 2019, ce qui constitue un intérêt personnel, même s'il a perçu 48 600 euros à ce titre en 2018, soit 4 050 euros par mois et a donc réduit son salaire en 2019.
De plus, M. [T] ne conteste pas les montants évoqués par le liquidateur judiciaire au titre du règlement de ses cotisations personnelles par la société Sushi [T] ou des indemnités kilométriques qu'elle lui verse.
Par ailleurs, en poursuivant l'activité manifestement déficitaire de la société Sushi [T], M. [T] a retardé sa mise en cause en qualité de caution, ses condamnations à ce titre n'intervenant qu'en 2020 et 2022.
Dès lors, au regard de la gravité de la faute dans la gestion de l'entreprise et de la poursuite d'un intérêt personnel, M. [S] étant en outre gérant de la société WFB, elle-même débitrice de plus de 425 000 euros de la société Sushi [T] (pièces 1 et 3 du liquidateur judiciaire), les premiers juges seront approuvés d'avoir prononcé une mesure de faillite personnelle pour une durée de 10 ans.
Enfin, compte tenu de la gravité des fautes retenues tant pour la sanction personnelle que pour la sanction patrimoniale, les premiers juges ont, à raison, retenu l'exécution provisoire de leur décision.
Sur les demandes accessoires
En application de l'article 700 du code de procédure civile, M. [T] sera condamné à verser la somme de 3 000 euros, en cause d'appel.
En application de l'article 696 du code de procédure civile, M. [T] sera condamné aux dépens, dont distraction au profit de la SELARL Opal'Juris, en application des articles 696 et 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement,
Y ajoutant,
Dit que la somme de 300 000 euros portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Dit que les intérêts seront capitalisés annuellement selon les modalités de l'article 1343-2 du code civil,
Dit que les mesures de publicité prévues par la loi, aux articles R.653-3 du code de commerce et 768 du code de procédure pénale, seront réalisées par le greffe,
Rappelle qu'en application de l'article R.123-124 1° du code de commerce, sont mentionnées d'office au RCS les mesures d'incapacité ou d'interdiction d'exercer une activité commerciale ou professionnelle, de gérer, d'administrer ou de diriger une personne morale résultant d'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée ou d'une décision administrative définitive,
Condamne M. [T] à verser à la SELARL [Z] Mandataires & Associés - RM&A, représentée par Me [B] [Z], ès qualités, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne M. [T] aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SELARL Opal'Juris, en application des articles 696 et 699 du code de procédure civile.
Le greffier
Béatrice CAPLIEZ
Le président
Dominique GILLES