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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 8 juillet 2025, n° 25/02393

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 25/02393

8 juillet 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 8 JUILLET 2025

(n° / 2025, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/02393 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CKYPU

Décision déférée à la Cour : Arrêt du 12 décembre 2024 -Tribunal de commerce de PARIS - RG n° 2024053094

APPELANTE

S.A.R.L. IFRACO, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 840 140 552,

Dont le siège social est situé [Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Yaya GOLOKO de la SELARL SEVEN AVOCATS, avocate au barreau de PARIS, toque D 281,

INTIMÉE

S.E.L.A.R.L. ASTEREN, ès qualités,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de DIJON sous le numéro 808 344 071,

Dont l'étude est située [Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Valérie DUTREUILH, avocate au barreau de PARIS, toque : C0479,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 juin 2025 par la cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Constance LACHEZE, conseillère,

Monsieur François VARICHON, conseiller, chargé du rapport,

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS ET PROCÉDURE

La société à responsabilité limitée Ifraco a été constituée en 2018. Elle exerce une activité de petit terrassement, maçonnerie, charpente, couverture, plomberie et électricité.

Par jugement réputé contradictoire du 12 décembre 2024, le tribunal de commerce de Paris, statuant sur assignation de l'URSSAF qui se prévalait d'une créance de cotisations sociales impayée de 28.505,60 euros, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Ifraco, nommé la société Asteren, prise en la personne de Maître [R], en qualité de liquidateur judiciaire, fixé provisoirement au 11 juillet 2024 la date de cessation des paiements compte tenu de l'ancienneté de la première inscription de privilège et dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Le 23 janvier 2025, la société Ifraco a relevé appel de ce jugement. Cette instance a été enrôlée sous le numéro de RG 25/02393. Le 12 février 2025, elle a régularisé une seconde déclaration d'appel donnant lieu à l'ouverture d'une instance distincte enrôlée sous le numéro de RG 25/02393. Les deux instances ont été jointes par la présidente de la chambre par ordonnance du 6 mai 2025.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 22 avril 2025, la société Ifraco demande à la cour de:

- infirmer la décision dont appel;

- statuant à nouveau, constater qu'elle n'est pas en état de cessation des paiements;

- rejeter la demande de liquidation judiciaire.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 20 mai 2025, la société Asteren ès qualités demande à la cour de:

- confirmer le jugement en ce qu'il a constaté l'état de cessation des paiements de la société Ifraco et a fixé sa date 18 mois avant le prononcé du jugement;

- confirmer le jugement en ce qu'il a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Ifraco;

- en toute hypothèse, condamner la société Ifraco au paiement de son droit fixe ainsi qu'au paiement de la somme de 3.000 euros ainsi qu'aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 29 avril 2025, l'URSSAF demande à la cour de:

- constater que la société Ifraco se trouve en état de cessation des paiements;

- confirmer le jugement;

- statuer ce que de droit quant aux dépens.

L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 10 juin 2025.

SUR CE,

Sur la demande d'infirmation du jugement ouvrant une procédure de liquidation judiciaire

A l'appui de sa demande, la société Ifraco fait valoir:

- qu'elle a connu des difficultés ponctuelles liées à sa réorganisation mais n'a jamais été en état de cessation des paiements;

- qu'en effet, son capital social s'élève à 50.000 euros, soit un montant supérieur à celui de sa supposée dette à l'égard de l'URSSAF, laquelle résulte davantage de dysfonctionnements passagers que d'un état avéré de cessation des paiements; que la partie adverse ne fait pas état de l'existence d'autres dettes à son passif;

- que les comptes annuels de l'exercice 2024 établis par son expert-comptable attestent d'un résultat positif; que ses carnets de commande sont remplis;

- qu'aucun élément ne corrobore l'hypothèse selon laquelle son redressement serait manifestement impossible.

La société Asteren ès qualités réplique:

- que la société Ifraco est en état de cessation des paiements;

- qu'outre la créance de l'URSSAF à l'origine de l'ouverture de la procédure qui n'a pas été déclarée, le passif déclaré de la société Ifraco comprend neuf créances d'un montant total de 58.025,63 euros;

- que l'appelante, qui n'a pas procédé aux dépôt de ses comptes annuels des exercices 2021 à 2024, ne produit aucune pièce sur sa situation financière; que dans ces conditions, il n'est pas établi que son capital social de 50.000 euros ait été entièrement libéré, rappel étant fait qu'un capital social non entièrement libéré ne peut être assimilé à un actif disponible;

- qu'à titre subsidiaire, et bien que l'appelante ne sollicite pas l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, il convient de constater que l'intéressée ne produit aucune pièce de nature à établir sa capacité à faire face à ses charges courantes avec sa trésorerie.

L'URSSAF fait valoir:

- que la société Ifraco est en état de cessation des paiements;

- qu'elle a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire le 20 décembre 2024; qu'en son dernier état, sa créance s'élève à 31.633,62 euros dont 6.125,74 euros de parts salariales;

- qu'elle a vainement fait signifier des contraintes à la société Ifraco et a fait pratiquer à son encontre une saisie-attribution le 28 juillet 2023 qui n'a permis d'obtenir le paiement que d'une somme de 2.484,26 euros.

Aux termes de l'article L. 640-1 du code de commerce, il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.

L'article L. 631-1 du code de commerce définit la cessation des paiements comme l'impossibilité pour le débiteur de faire face au passif exigible avec son actif disponible. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.

La preuve de l'état de cessation des paiements doit être rapportée par celui qui demande l'ouverture de la procédure alors que la preuve de l'existence de réserves de crédit ou de moratoires lui permettant de faire face à son passif exigible incombe au débiteur.

En cas d'appel, l'état de cessation des paiements s'apprécie au jour où la cour statue.

Sur l'état de cessation de paiements

Il ressort des pièces produites par la société Asteren ès qualités que le montant total des créances déclarées au passif de la société Ifraco à la date du 9 avril 2025 s'élève à la somme de 58.025,63 euros, en ce non compris la créance de l'URSSAF à l'origine de la procédure, dont 41.140 euros à titre privilégié correspondant à une créance locative.

La société Ifraco n'articule aucune contestation au sujet de l'existence et du montant des créances déclarées entre les mains du liquidateur.

S'agissant de la créance invoquée par l'URSSAF, cette dernière et la société Asteren ès qualités différent quant à l'existence d'une déclaration formalisée par l'organisme auprès du liquidateur.

Compte tenu de la contestation soulevée sur ce point par la société Garnier-Guillouët ès qualités, le montant du passif exigible sera arrêté à la somme de 58.025,63 euros correspondant au montant des créances figurant sur la liste des créances déclarées établie par le liquidateur.

En ce qui concerne l'actif disponible, il n'est pas fait état de la détention de quelconques liquidités par la société Ifraco. Les résultats bénéficiaires allégués par cette dernière au titre de l'exercice 2024, au demeurant non justifiés par la production des comptes afférents, ne constituent pas un élément d'actif disponible, de même que les paiements attendus en vertu de commandes de clients, dont l'existence n'est au demeurant pas davantage établie. Par ailleurs, à défaut de production de toute pièce comptable par la société Ifraco, il n'est pas démontré que son capital social de 50.000 euros a été entièrement libéré, rappel étant fait qu'un capital social non entièrement libéré ne peut être assimilé à un actif disponible mais constitue une créance de la société à l'égard de ses associés.

Il résulte de ces éléments qu'aucun actif disponible n'est identifié.

Le passif exigible étant supérieur au passif exigible, la société Ifraco est en état de cessation des paiements et relève d'une procédure collective.

Sur les possibilités de redressement de l'entreprise

La société Ifraco ne fournit aucune explication ni pièce, notamment aucun compte ni prévisionnel d'activité, sur les conditions matérielles et financières dans lesquelles elle entend poursuivre son exploitation en générant un revenu lui permettant d'apurer son passif et de payer ses charges nouvelles.

Dans ces conditions, le redressement de l'appelante apparaît manifestement impossible. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a ouvert à son égard une procédure de liquidation judiciaire.

Sur la date de cessation des paiements

Le tribunal a fixé la date de la cessation des paiements au 11 juillet 2024 au regard de l'ancienneté de la première inscription de privilège par l'URSSAF. Compte tenu de la contestation soulevée par la société Garnier-Guillouët ès qualités au sujet de l'existence d'une déclaration de créance formalisée par l'organisme auprès du liquidateur, qui conduit la cour à écarter ladite créance pour la détermination du passif exigible de l'entreprise, la date de la cessation des paiements sera fixée au 12 décembre 2024, date du jugement d'ouverture de la procédure collective. Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile. La société Asteren ès qualités sera donc déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a fixé la date de cessation des paiements au 11 juillet 2024,

Et, statuant à nouveau et y ajoutant,

Fixe provisoirement la date de la cessation des paiements de la société Ifraco au 12 décembre 2024,

Déboute la société Asteren ès qualités de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Liselotte FENOUIL

Greffière

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

Présidente

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