Livv
Décisions

CA Montpellier, 5e ch. civ., 8 juillet 2025, n° 22/04842

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 22/04842

8 juillet 2025

ARRÊT n°2025-

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 08 JUILLET 2025

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/04842 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PRXM

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 28 JUILLET 2022

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONTPELLIER

JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE [Localité 8]

N° RG 11-21-0554

APPELANTE :

Madame [Z] [Y]

née le 23 Janvier 1981 à [Localité 9]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Héloïse PINDADO, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/011616 du 09/11/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 8])

INTIMEE :

S.C.I. NIS, immatriculée au RCS de [Localité 8] sous le n°428899 744, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 10]

[Localité 4]

Représentée par Me Bénédicte SAUVEBOIS de la SELARL CABINET D'AVOCATS SAUVEBOIS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Lise RAISSAC, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituant Me Bénédicte SAUVEBOIS, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 28 Avril 2025

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mai 2025,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Corinne STRUNK, Conseillère, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Estelle DOUBEY

ARRET :

- Contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre, et par Mme Sylvie SABATON, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat du 28 avril 2012, la SCI Nis a donné à bail d'habitation à Mme [Z] [Y] un appartement de type F2 situé au 1er étage d'un bâtiment et une place de stationnement réservée le long du bâtiment, coté habitation, le tout situé au [Adresse 1] à [Adresse 11] Gely [Adresse 6] (34).

Au rez-de-chaussée de ce bâtiment se trouve un local commercial exploité par la société de contrôle technique automobiles Control'autos GP, également locataire de la SCI Nis, qui emploie plusieurs salariés et reçoit de la clientèle.

Le 4 février 2020, la SCI Nis a fait signifier par huissier une première lettre de mise en demeure datée du 30 janvier 2020 à Mme [Z] [Y] d'avoir à respecter ses obligations de jouissance paisible en tant que locataire sous peine de lui délivrer congé, réitérée par une seconde lettre de mise en demeure adressée le 25 février 2020.

Estimant que Mme [Z] [Y] persistait à commettre de manière récurrente des infractions à son contrat de bail, la SCI Nis a fait délivrer, par exploit d'huissier du 28 juillet 2020, un congé à Mme [Z] [Y] pour motifs sérieux et légitimes de résiliation anticipée du bail.

Le 11 mars 2021, la SCI Nis a assigné Mme [Z] [Y] en validation du congé délivré par huissier et en expulsion.

Le jugement rendu le 28 juillet 2022 par le juge des contentieux de la protection de [Localité 8] :

' Prononce la nullité du congé aux fins de reprise notifié par la SCI Nis à Mme [Z] [Y] le 28 juillet 2020 ;

' Prononce au jour du jugement la résiliation du bail conclu le 28 avril 2012 entre la SCI Nis d'une part, et Mme [Z] [Y] d'autre part, relatif à l'appartement à usage d'habitation situé [Adresse 2]) aux torts de Mme [Z] [Y] ;

' Dit que les locaux devront être libérés par Mme [Z] [Y] à compter de la signification d'un commandement de quitter les lieux ;

' Ordonne en tant que de besoin l'expulsion de Mme [Z] [Y] et celle de tout occupant de leur chef, à compter de la signification de ce commandement de quitter les lieux, si nécessaire avec l'assistance de la force publique ;

' Rappelle que l'expulsion ordonnée ne peut, aux termes de l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution, avoir lieu avant l'expiration du délai de deux mois suivant le commandement d'avoir à quitter les lieux ;

' Condamne Mme [Z] [Y] à verser à la SCI Nis une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus en l'absence de résiliation du bail, à compter du présent jugement et jusqu'à la date de libération effective des lieux ;

' Condamne Mme [Z] [Y] à payer à la SCI Nis la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

' Condamne Mme [Z] [Y] à verser à la SCI Nis la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

' Condamne Mme [Z] [Y] aux dépens de la présente procédure ;

' Rappelle que l'exécution provisoire est de droit.

Le premier juge relève que les conditions de validité requises pour valider le congé litigieux ne sont pas entièrement remplies dès lors que l'ensemble des associés de la SCI Nis ne sont ni parent ou allié au sens de l'article 13 de la loi du 6 juillet 1989 à la date de délivrance du congé.

Il retient que, s'il existe effectivement une situation conflictuelle entre la SCI Nis et Mme [Z] [Y], elle est imputable à la locataire qui la laisse perdurer depuis des mois jusqu'à apparaître dangereuse pour la tranquillité de la clientèle de la société environnante, actes constituant donc des manquements suffisamment graves et répétés à l'obligation de la locataire d'user paisiblement des lieux de sorte qu'il y a lieu de retenir que Mme [Z] [Y] a causé un trouble anormal du voisinage justifiant la résiliation du bail.

Le premier juge considère enfin que l'attitude de Mme [Z] [Y], ayant plusieurs fois été vainement mise en demeure d'avoir à s'acquitter de ses obligations en qualité de locataire, a, par sa résistance abusive, créé un dommage à la SCI Nis qui doit s'acquitter de l'action en justice pour obtenir la résiliation du bail.

Mme [Z] [Y] a relevé appel de la décision par déclaration au greffe du 21 septembre 2022.

Mme [Z] [Y] a libéré les lieux le 15 mars 2023.

Dans ses dernières conclusions du 24 avril 2025, Mme [Z] [Y] demande à la cour de :

' Déclarer recevable l'appel interjeté par Mme [Z] [Y] à l'encontre du jugement rendu par le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Montpellier le 28 juillet 2022 ;

' Confirmer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Montpellier le 28 juillet 2022 en ce qu'il :

' Prononce la nullité du congé aux fins de reprise notifié par la SCI Nis à Mme [Z] [Y] le 28 juillet 2020 ;

' Infirmer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Montpellier le 28 juillet 2022 en ce qu'il :

' Prononce au jour du jugement la résiliation du bail conclu le 28 avril 2012 entre la SCI Nis d'une part, et Mme [Z] [Y] d'autre part, relatif à l'appartement à usage d'habitation situé [Adresse 2]) aux torts de Mme [Z] [Y],

' Dit que les locaux devront être libérés par Mme [Z] [Y] à compter de la signification d'un commandement de quitter les lieux,

' Ordonne en tant que de besoin l'expulsion de Mme [Z] [Y] et celle de tout occupant de leur chef, à compter de la signification de ce commandement de quitter les lieux, si nécessaire avec l'assistance de la force publique,

' Rappelle que l'expulsion ordonnée ne peut, aux termes de l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution, avoir lieu avant l'expiration du délai de deux mois suivant le commandement d'avoir à quitter les lieux,

' Condamne Mme [Z] [Y] à verser à la SCI Nis une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus en l'absence de résiliation du bail, à compter du présent jugement et jusqu'à la date de libération effective des lieux,

' Condamne Mme [Z] [Y] à payer à la SCI Nis la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

' Condamne Mme [Z] [Y] à verser à la SCI Nis la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

' Condamne Mme [Z] [Y] aux dépens de la présente procédure ;

A titre principal,

' Déclarer irrecevables les prétentions nouvelles présentées en cause d'appel par la SCI Nis visant à obtenir la condamnation de Mme [Z] [Y] au titre de la remise en état des locaux, de la perte des loyers, de l'exercice d'une activité professionnelle non autorisée et de la taxe sur les ordures ménagères ;

' Débouter en conséquence la SCI Nis de l'intégralité de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

' Débouter la SCI Nis de ses demandes car infondées, visant à obtenir la condamnation de Mme [Z] [Y] au titre de la remise en état des locaux, de la perte des loyers, de l'exercice d'une activité professionnelle non autorisée et de la taxe sur les ordures ménagères ;

En toute hypothèse,

' Dire et juger que Mme [Z] [Y] n'a commis aucun manquement, en sa qualité de locataire, constitutif d'un trouble anormal de voisinage ou d'un motif légitime et sérieux pouvant justifier la résiliation du bail et son expulsion ;

' Débouter la SCI Nis de l'intégralité de ses demandes dont sa demande de résiliation de bail et d'expulsion et ses demandes d'indemnisation ;

' Condamner la SCI Nis à verser à Mme [Z] [Y] la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;

' Condamner la SCI Nis à verser à Mme [Z] [Y] la somme de 300 euros au titre de l'article 700-1° du code de procédure civile ;

' Condamner la SCI Nis à verser à Me Héloïse [G] la somme de 1.684,80 euros au titre de l'article 700-2° du code de procédure civile et de l'article 37 al 2 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

' Condamner la SCI Nis aux entiers dépens, en ce compris ceux de première instance.

Mme [Z] [Y] conclut à l'irrecevabilité des demandes nouvelles de la SCI Nis, comme présentées pour la première fois en cause d'appel, visant à la voir condamner au paiement de plusieurs sommes au titre de la remise en état des locaux, de la perte des loyers, de l'exercice d'une activité professionnelle non autorisée et de la taxe sur les ordures ménagères. A titre subsidiaire, elle soutient que ces demandes ne sont pas justifiées.

Elle soutient que la SCI Nis n'est pas une SCI familiale dès lors qu'une personne morale comptait parmi ses associés au jour de la délivrance du congé et que la durée du bail initial devait donc être légalement fixée à 6 ans, au même titre que le bail renouvelé le 28 avril 2018 par tacite reconduction.

Elle conclut à la nullité du congé signifié le 28 juillet 2020, soutenant que le congé délivré par le bailleur ne peut prendre effet qu'à l'expiration du bail (soit, selon elle, le 28 avril 2024) et que le congé donné par la SCI Nis intervient en violation de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 puisque ce dernier était donné pour le 28 janvier 2021.

Mme [Z] [Y] conteste la résiliation du bail ainsi que son expulsion du logement, niant avoir commis des manquements suffisamment graves et répétés à son obligation d'user paisiblement des lieux. Elle affirme ainsi que les manquements allégués ne sont nullement démontrés ou ne constituent aucunement des nuisances permettant de justifier la résiliation du bail. L'appelante précise ne pas se garer sur la place de stationnement pour personnes à mobilité réduite qu'elle se contenterait de traverser, avec autorisation de la société Control'autos GP ou avoir stationné son véhicule sur les places réservées à ladite société. Elle conteste être à l'origine d'incivilités, injures, nuisances sonores ou dégradations du portail. Elle ajoute disposer d'un accord de la bailleresse pour entreposer du mobilier extérieur sur sa place de parking.

L'appelante soutient avoir subi un préjudice moral s'analysant en une prise d'anti-dépresseurs prescrite par un médecin consécutivement à la recherche constante de l'expulsion de la locataire par la SCI qui ne manquerait pas de lui envoyer de virulents courriers à cette fin.

Elle soutient être dans son bon droit en maintenant la procédure en appel dès lors qu'elle aurait uniquement libéré le logement en vertu de l'exécution provisoire dont le jugement de première instance était assorti.

Dans ses dernières conclusions du 8 avril 2025, la SCI Nis, prise en la personne de son représentant légal en exercice, demande à la cour de :

A titre principal,

' Réformer le jugement du 28 juillet 2022 en ce qu'il a prononcé la nullité du congé notifié par la SCI Nis à Mme [Z] [Y] le 28 juillet 2020 ;

' Valider le congé délivré le 28 juillet 2020 par la SCI Nis à destination de Mme [Z] [Y] ;

' Prendre acte de la résiliation au 28 janvier 2021 du bail conclu le 28 avril 2021 entre la SCI Nis d'une part, et Mme [Z] [Y] d'autre part, relatif à l'appartement à usage d'habitation situé [Adresse 2]) aux torts de Mme [Z] [Y] ;

' Acter de la libération des locaux par Mme [Z] [Y] au 15 mars 2023 ;

A titre subsidiaire,

' Confirmer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection de [Localité 8] le 28 juillet 2022 en ce qu'il :

' Prononce au jour du jugement la résiliation du bail conclu le 28 avril 2012 entre la SCI Nis d'une part, et Mme [Z] [Y] d'autre part, relatif à l'appartement à usage d'habitation situé [Adresse 1] à Saint [Adresse 7] (34980) aux torts de Mme [Z] [Y],

' Dit que les locaux devront être libérés par Mme [Z] [Y] à compter de la signification d'un commandement de quitter les lieux,

' Ordonne en tant que de besoin l'expulsion de Mme [Z] [Y] et celle de tout occupant de leur chef, à compter de la signification de ce commandement de quitter les lieux, si nécessaire avec l'assistance de la force publique,

' Rappelle que l'expulsion ordonnée ne peut, aux termes de l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution, avoir lieu avant l'expiration du délai de deux mois suivant le commandement d'avoir à quitter les lieux,

' Condamne Mme [Z] [Y] à verser à la SCI Nis une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus en l'absence de résiliation du bail, à compter du présent jugement et jusqu'à la date de libération effective des lieux,

' Condamne Mme [Z] [Y] à payer à la SCI Nis la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

' Condamne Mme [Z] [Y] à verser à la SCI Nis la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Condamne Mme [Z] [Y] aux dépens de la présente procédure ;

En tout état de cause,

' Débouter Mme [Z] [Y] de ses demandes au surplus ;

' Condamner Mme [Z] [Y] à payer à la SCI Nis la somme de 5.421,98 euros au titre de la remise en état des locaux ;

' Condamner Mme [Z] [Y] à verser à la SCI Nis la somme de 7.366,25 euros au titre de la perte des loyers ;

' Condamner Mme [Z] [Y] à verser à la SCI Nis la somme de 2.000 euros au titre de l'exercice d'une activité professionnelle non autorisé ;

' Condamner Mme [Z] [Y] à verser à la SCI Nis la somme de 103,12 euros au titre de la taxe sur les ordures ménagères ;

' Condamner Mme [Z] [Y] à verser à la SCI Nis la somme de 2.000 euros au titre du maintien de la procédure d'appel alors même que le logement a été libéré ;

' Condamner Mme [Z] [Y] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Condamner Mme [Z] [Y] au règlement des entiers dépens au titre des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

La SCI Nis conclut à la validité du congé en ce que le congé n'a pas été délivré aux fins de reprise mais pour motif légitime et sérieux, excluant donc la condition d'un bailleur SCI familiale. Elle ajoute que, si le bail initial avait été convenu pour 6 ans, le premier renouvellement tacite ne l'était que pour une période de 3 ans et se terminait donc le 28 avril 2021. Au demeurant, la SCI précise être une SCI familiale, les associés étant les époux [D] ainsi que la SARL Euro Contrôle qui est détenue à 100% par les époux [D].

La SCI Nis conclut également à la résiliation du bail aux torts de Mme [Z] [Y], affirmant qu'elle a, de façon répétée, tardé à payer la taxe d'ordures ménagères, résiste à transmettre ses attestations d'assurance, adopte une attitude agressive envers le voisinage, notamment la SAS Control'auto GP, se trouve à l'origine de nuisances sonores et transforme sa place de parking sans l'autorisation de la bailleresse.

L'intimée sollicite la remise en état des locaux qui n'ont, selon elle, pas été entretenus par la locataire conformément à son obligation ainsi qu'une indemnisation consécutive à la perte de loyers tenant à l'impossibilité de relouer immédiatement le logement afin de le remettre en état, à la domiciliation et l'exercice illicite d'une activité commerciale et le paiement de la taxe sur les ordures ménagères.

Elle conteste avoir causé un préjudice moral à Mme [Z] [Y], faisant valoir que cette dernière n'en rapporte pas la preuve et soutient que c'est l'appelante qui ferait preuve d'une résistance abusive, notamment en demeurant dans les lieux après le jugement de première instance et causerait un préjudice à la SCI qui a risqué de voir son second locataire, la SARL Control'auto GP, quitter le local.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 28 avril 2025.

MOTIFS

1/ Sur les demandes nouvelles :

Bien qu'ayant uniquement sollicité en première instance la validation du congé délivré par huissier ainsi que l'expulsion du preneur outre sa condamnation à des dommages et intérêts, l'intimé a formé en appel de nouvelles demandes tendant à voir :

' Condamner Mme [Z] [Y] à payer à la SCI Nis la somme de 5.421,98 euros au titre de la remise en état des locaux ;

' Condamner Mme [Z] [Y] à verser à la SCI Nis la somme de 7.366,25 euros au titre de la perte des loyers ;

' Condamner Mme [Z] [Y] à verser à la SCI Nis la somme de 2.000 euros au titre de l'exercice d'une activité professionnelle non autorisée ;

' Condamner Mme [Z] [Y] à verser à la SCI Nis la somme de 103,12 euros au titre de la taxe sur les ordures ménagères ;

' Condamner Mme [Z] [Y] à verser à la SCI Nis la somme de 2.000 euros au titre du maintien de la procédure d'appel alors même que le logement a été libéré ;

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

De plus, l'article 566 dispose encore que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaires.

Il n'est nullement contesté par les parties que Mme [Z] [Y] a libéré les lieux le 15 mars 2023. Ce départ constitue indiscutablement un fait nouveau au sens de l'article 564 du code sus visé, justifiant sa demande indemnitaire.

Les demandes présentées par la SCI Nis sont en conséquence parfaitement recevables en cause d'appel.

2/ Sur la nullité du congé

Le premier juge a prononcé la nullité du congé au visa de l'article 13 de la loi du 6 juillet 1989 considérant que la SCI NIS n'apporte pas la preuve qu'il s'agisse d'une SCI familiale. Il précise que l'assemblée générale extraordinaire du 20 décembre 2013 a acté de l'apport de parts sociales de la part de la société Euro Contrôle, nouvel associé de la SCI faisant ainsi perdre à cette dernière la qualité de SCI familiale à la date de délivrance du congé intervenue le 28 juillet 2020 et à celle de son effet le 28 janvier 2021.

La société NIS conteste cette nullité soutenant que le congé a été délivré non pour une reprise à son profit mais en raison d'un motif légitime et sérieux pour lequel l'existence d'une SCI familiale n'est nullement requise.

La cour observe que selon l'article 13 susvisé, les dispositions de l'article 11 et de l'article 15 peuvent être invoquées :

a) lorsque le bailleur est une SCI constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu'au 4ème degrés inclus par la société au profit de l'un des associés ;

b) lorsque le logement est en indivision par tout membre de l'indivision.

Il s'ensuit que les dispositions de l'article 13 a) ne sont applicables que pour un congé pour reprise et non un congé pour motif et légitime et sérieux comme le soutient à bon droit l'intimée.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré sur ce point.

Pour le surplus, la validité du congé est conditionnée par le respect du délai de préavis ainsi que par la justification d'un motif légitime et sérieux.

Sur ces points, la cour observe que le contrat initial a été conclu le 28 avril 2012 pour une durée initiale de 6 ans avec un renouvellement du bail tous les 3 ans comme cela est stipulé dans le bail en page 3.

Ainsi, en présence d'un congé délivré le 28 juillet 2020 par voie d'huissier, le bailleur justifie avoir respecté un délai de préavis de 6 mois avant l'échéance du contrat intervenant le 28 avril 2021 de sorte qu'aucun irrégularité ne peut être opposée.

S'agissant du bien-fondé des motifs allégués par le SCI NIS, il résulte du congé délivré le 28 juillet 2020 qu'il est fait reproche à la preneuse de ne pas avoir donné une suite favorable aux différentes mises en demeure adressées à neuf reprises à la locataire du 9 janvier 2015 au 15 janvier 2020 aux termes desquelles le bailleur rappelait à Mme [Y] l'obligation de respecter certaines obligations à savoir :

- respecter les infrastructures mises à sa disposition par le contrat de bail entre autres le portail, les conteneurs poubelles, la salle de bains, les wc, le parking réserve le long du bâtiment côté habitation ;

- respecter le voisin du dessous, la société Control Auto GP, prise en la personne de son gérant, de ses employés et clients en cessant les troubles de voisinage, provocation et injures dont il se plaint de manière répétée ;

- respecter la bailleresse en cessant les calomnies mensongères et propos injurieux à son encontre ;

- payer en temps et en heure la TOM et fournir l'attestation d'assurance multirisques habitation

Il est ainsi fait grief à Mme [Y] d'emprunter la place handicapée privant ainsi le locataire du dessous de l'utilisation de cette place au risque de perdre son agrément par la commission d'accessibilité, ainsi que d'occuper avec « ses invités » les places privées réservées à la société Control Auto GP qui ne peut donc accueillir sa clientèle.

Le bailleur lui reproche encore d'escalader le portail, de dégrader les gâches, de rouler à une vitesse excessive sur le parking ou écouter la musique à un niveau sonore élevé, de transformer la place de parking en solarium sans autorisation au vu de la clientèle, des employés et du gérant de la société Control Auto GP.

Au soutien de son congé, l'intimée produit :

- les courriers adressés les 27 mars et 2 novembre 2019 ainsi que 11 janvier 2020 aux termes desquels le gérant fait état des propos injurieux tenus par Mme [Y] à son égard ainsi que l'occupation illégale de places de parking destinées à sa clientèle outre les nuisances sonores et une utilisation inappropriée du portail ;

- le procès-verbal de constat dressé le 8 novembre 2019 par Me [F], commissaire de justice, qui fait état de l'installation à l'extérieur d'une terrasse avec matériel et une cheminée sans autorisation, de la présence de voitures appartenant à des personnes hébergées par la locataire ainsi que l'occupation de la place handicapée ;

- divers courriers de relance pour le paiement de la taxe d'ordures ménagères non payée;

- des courriers de rappel pour le bon usage des toilettes et notamment l'interdiction de jeter certains objets pour éviter de les boucher, ainsi que le bon usage des containers ;

- des courriers de rappel pour la transmission de l'attestation d'assurance du logement ;

- une affichette posée sur la lunette arrière du véhicule de la locataire laquelle revendique le « droit de bronzer seins nus » ;

Mme [Y] conteste pour l'essentiel l'effectivité des faits énoncés ainsi que leur caractère sérieux tout en se prévalant de l'autorisation du gérant de la société Auto Control GP donnée pour traverser par la place handicapée ou celle du bailleur pour aménager une terrasse sur l'extérieur. Elle produit l'attestation de ses parents pour attester des autorisations données. Cela étant, ces derniers intervenant au bail en qualité de cautions , la cour considère que leur témoignage manque d'objectivité, ces derniers ayant un intérêt direct au rejet des demandes présentées par le bailleur. S'agissant de l'attestation produite par le voisin direct des parties, celui-ci n'atteste que de l'absence de conflit avec la locataire ce qui n'établit en rien la qualité des relations entre les parties.

Force est cependant de constater que la preneuse ne justifie d'aucune autorisation et que si les griefs, dont il est fait état, pris isolément ne sauraient justifier une résiliation du contrat de bail, tel n'est pas le cas en l'espèce s'agissant de faits établis notamment par les nombreux courriers de la société Auto Control GP ainsi que par le constat d'huissier dont la répétition dans le temps, en dépit de nombreux rappels, génère des troubles dont le sérieux motive qu'il soit fait droit à la demande de résiliation du bail en application du congé valablement délivré le 28 juillet 2020.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de résiliation du bail aux torts de la preneuse sauf pour la cour à préciser que par l'effet du congé, la résiliation sera prononcée à la date du 28 avril 2021, échéance du contrat de bail.

Le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a autorisé la mesure d'expulsion et condamné la preneuse au paiement d'une indemnité d'occupation étant privé de tout droit et titre.

3/ Sur les demandes de dommages et intérêts présentées par la SCI NIS:

Le premier juge a accordé à l'intimée une somme de 500 euros pour sanctionner le préjudice né de la résistance abusive manifestée par Mme [Y] quant au respect des obligations incombant au locataire.

Cette disposition sera infirmée par la cour dans la mesure où la SCI NIS ne rapporte pas la preuve d'un préjudice moral subi du fait du non-respect par sa locataire des diverses obligations découlant du contrat de bail.

Cette demande sera donc rejetée et le jugement déféré infirmé sur ce point.

Par ailleurs, la SCI NIS réclame la somme de 2.000 euros justifiée par le maintien de la procédure d'appel par Mme [Y] alors même qu'elle a quitté les lieux.

Cependant, Mme [Y] justifie en appel d'un intérêt à agir pour voir éventuellement reconnaître le caractère infondé et illégitime du congé délivré le 28 juillet 2020 et ainsi obtenir le cas échéant l'allocation de dommages et intérêts.

Ainsi, le maintien de la procédure d'appel en dépit du départ des lieux présente un intérêt et il ne peut caractériser un abus de procédure de sa part ou une faute ouvrant droit à des dommages et intérêts. La SCI NIS qui sera donc déboutée de cette demande.

Enfin, l'intimée sollicite la somme de 2.000 euros justifiée par l'exercice d'une profession non autorisée dans le logement mis à sa disposition. Elle expose que l'état des lieux établi le 2 mai 2023 met en évidence l'exercice par Mme [Y] d'une activité de coiffeur au sein de son domicile comme en témoigne l'étiquette figurant sur la boite aux lettres.

Cet élément ne peut suffire à établir l'effectivité de l'exercice d'une telle profession étant relevé que le bailleur n'a jamais fait état d'une telle situation et n'a jamais mis en demeure sa locataire de cesser toute activité professionnelle au sein du logement.

Faute d'éléments de preuve suffisants, cette demande sera rejetée.

4/ Sur les réparations locatives et la perte de loyers:

L'intimée réclame une somme de 5.421,98 euros au titre de la remise en état du logement ainsi qu'une somme de 7.366,25 euros au titre de la perte de loyers consécutive aux dégradations dénoncées.

Elle dénonce l'état déplorable dans lequel le logement a été restitué par la preneuse et souligne ainsi la présence de:

- tâches et résidus sur les murs ; absence de ménage (poussière, toiles d'araignée, coulures, traces de calcaire) ; moustiquaires arrachées, traces d'adhésif cachant des fissurations dans la salle de bains ; grossière réfection du joint autour des menuiseries ; trace de gras sur la hotte aspirante ; traces de moisissures dans la salle de bains ; détecteur de fumée hors d'usage ; boite aux lettres abîmée.

Il résulte en l'état du procès-verbal de constat établi le 2 mai 2023 au contradictoire des parties que le logement, et notamment les murs comme le plafond, sont décrits comme étant en état d'usage avec quelques traces éparses, traces de frottement, quelques résidus de traces Pattex, traces de meubles, qui correspondent à des traces de vétusté légitime après neuf années d'occupation et non en une véritable dégradation justifiant la remise à neuf de la peinture comme le réclame la SCI NIS.

De même, le constat ne met nullement en évidence un état de saleté du logement justifiant le recours à une société de nettoyage de sorte que la demande présentée à ce titre sera rejetée. De plus, la dégradation du détecteur de fumée n'est nullement justifiée par ce constat. S'agissant de l'entretien des espaces verts, cela n'est nullement justifié, le contrat de bail n'évoquant que la mise à disposition d'un appartement et ne prévoyant aucune charge à ce titre devant être supportée par la locataire. De même, rien ne justifie que la dégradation de la hotte soit imputable à la preneuse et ne résulte pas de l'usure de cet équipement.

La cour considère de plus que rien ne justifie pas la mise en 'uvre d'un contrôle électrique ni qu'il soit supporté par la locataire, et encore que le changement du treuil du volet roulant soit supporté par l'appelante en l'absence d'élément permettant de retenir à son encontre une quelconque responsabilité.

Les dégradations mises en évidence sont relatives à la moustiquaire équipant une des fenêtres du coin séjour, au rideau de douche qui présente des traces de moisissures ainsi qu'un joint grossier avec moisissures qui peuvent justifier l'allocation de la somme de 24,90 euros pour le rideau et 99,80 euros pour la moustiquaire.

L'appelante sera donc condamnée au paiement de la somme de 124,70 euros.

Pour le surplus, la perte de loyers n'est nullement démontrée. Si le logement a pu être relouée qu'à compter du 9 avril 2024, rien ne justifie que cela soit en lien avec les dégradations mineures du logement.

La SCI NIS sera donc déboutée de cette prétention.

5/ Sur le paiement de la TOM :

La SCI NIS réclame en appel la somme de 103,12 euros au titre de la taxe sur les ordures ménagères et produit l'avis d'imposition.

Mme [Y] produit en pièce 33 un relevé actualisé des charges démontrant qu'aucune somme n'est due à ce titre étant précisé que s'il est fait état d'un solde débiteur de 108,36 euros, celui-ci comprend au titre des sommes dues par la locataire les dommages et intérêts arrêtés par le premier juge à la somme de 500 euros, montant qui a été infirmé par la cour d'appel.

Il convient en conséquence de débouter la SCI NIS de cette demande.

6/ Sur la demande de dommages et intérêts présentée par Mme [Y] :

L'appelante, qui succombe dans l'essentiel de ses demandes, n'est fondée à solliciter la réparation d'un préjudice moral en l'absence de faute imputable à l'intimée.

Elle sera donc déboutée de sa prétention.

7/ Sur les demandes accessoires :

Le jugement sera également confirmé en ce qui concerne les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [Y], qui succombe en son appel, sera condamnée aux entiers dépens de l'appel. L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 28 juillet 2022 par le juge des contentieux et de la protection de [Localité 8] sauf en ce qu'il a :

- prononcé la nullité du congé délivré le 28 juillet 2020,

- prononcé la résiliation du bail au jour du jugement,

- alloué à la SCI NIS une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le congé délivré le 28 juillet 2020 est valide,

Prononce la résiliation du contrat de bail conclu le 28 avril 2012 avec effet au 28 avril 2021,

Condamne Mme [Z] [Y] à verser à la SCI Nis au paiement de la somme de 124,70 euros au titre des dégradations locatives,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [Z] [Y] aux entiers dépens de l'appel.

Le Greffier La Présidente

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site