CA Versailles, ch. com. 3-2, 8 juillet 2025, n° 24/04427
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 53I
Chambre commerciale 3-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 08 JUILLET 2025
N° RG 24/04427 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WUM4
AFFAIRE :
S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE
C/
[V] [J]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Juin 2024 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 01
N° RG : 2023F01910
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Emmanuel MOREAU
Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE HUIT JUILLET DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANT :
S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE
Ayant son siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Emmanuel MOREAU de la SELARL HOCHLEX, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 147 - N° du dossier 20249266 -
Plaidant : Me Michèle SOLA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0133
****************
INTIMES :
Monsieur [V] [J]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentant : Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 005900
Plaidant : Me Sébastien COURTIER de la SELEURL ASKELL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R1505 -
Monsieur [Z] [J]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentant : Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 005900
Plaidant : Me Sébastien COURTIER de la SELEURL ASKELL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R1505 -
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Mai 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Ronan GUERLOT, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre,
Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre,
Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSE DU LITIGE
Le 27 août 2019, la société Caisse d'épargne et de prévoyance Île-de-France (la banque) a consenti un prêt à la société Gautran d'un montant de 170 000 euros, remboursable en 84 mensualités au taux annuel contractuel de 1,20 %.
Par actes du même jour, MM. [Z] et [V] [J] se sont portés cautions solidaires et indivisibles envers la banque en garantie du remboursement de ce prêt, chacun à hauteur de 25 % de l'encours et dans la limite de la somme de 55 250 euros.
Le 20 juillet 2023, le tribunal de commerce de Nanterre a placé la société Gautran en liquidation judiciaire.
Le 10 août 2023, la banque a déclaré entre les mains du mandataire judiciaire ; M. [M] [F] [B], ses créances, et notamment celle afférente au prêt susvisé pour un montant total de 97 591,60 euros.
Par actes des 14 et 28 septembre 2023, la banque a assigné MM. [Z] et [V] [J] devant le tribunal de commerce de Nanterre.
Par jugement contradictoire du 26 juin 2024, ce tribunal a :
- débouté MM. [Z] et [V] [J] de leur demande à la Caisse d'Epargne de dommages-intérêts de payer à chacun 24 397,90 euros, ainsi que les demandes afférentes ;
- débouté la Caisse d'Epargne de sa demande à l'encontre de M. [V] [J], en sa qualité de caution, de lui payer au titre du prêt n°5784346 la somme de 24 397,90 euros et les demandes afférentes ;
- condamné M. [Z] [J], en sa qualité de caution, à payer à la Caisse d'Epargne au titre du prêt n°5784346 la somme de 24 397,90 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 1,20 % majoré des pénalités de trois points, soit 4,20 % à compter du 3 août 2023 ;
- dit que M. [Z] [J] pourra s'acquitter de sa dette par le paiement de 24 versements mensuels, égaux et consécutifs, le 10 de chaque mois au plus tard, le premier devant être versé le 10 du 2ème mois suivant la signification de la décision à intervenir, le dernier étant majoré de l'ensemble des intérêts dus, mais que faute par M. [Z] [J] de payer à bonne date une seule des mensualités prévues, la totalité des sommes restant dues deviendra de plein droit immédiatement exigible après l'envoi d'une mise en demeure ;
- ordonné la capitalisation annuelle des intérêts par année entière ;
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;
- condamné M. [Z] [J] à payer à la Caisse d'Epargne 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [Z] [J] aux dépens.
Le 10 juillet 2024, la banque a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il :
- l'a déboutée de sa demande à l'encontre de M. [V] [J], en sa qualité de caution, de lui payer au titre du prêt n°5784346 la somme de 24 397,90 euros et les demandes afférentes ;
- a dit que M. [Z] [J] pourra s'acquitter de sa dette par le paiement de 24 versements mensuels, égaux et consécutifs, le 10 de chaque mois au plus tard, le premier 2ème devant être versé le 10 du mois suivant la signification de la décision à intervenir, le dernier étant majoré de l'ensemble des intérêts dus, mais que faute par M. [Z] [J] de payer à bonne date une seule des mensualités prévues, la totalité des sommes restant dues deviendra de plein droit immédiatement exigible après l'envoi d'une mise en demeure.
Par dernières conclusions notifiées le 19 mars 2025, elle demande à la cour de :
- la recevoir en son appel et l'y déclarer bien fondée ;
- infirmer le jugement du 26 juin 2024 en ce qu'il l'a de'boutée de sa demande a' l'encontre M. [V] [J], en sa qualité de caution, de lui payer au titre du prêt n°5784346 la somme de 24 397,90 euros, et les demandes afférentes ;
Statuant à nouveau,
- condamner M. [V] [J], en sa qualité de caution, à lui payer au titre du prêt n°5784346 la somme de 24 397,90 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 1,20% majoré des pénalités de trois points, soit 4,20%, à compter du 3 août 2023, date de la mise en demeure ;
- condamner M. [V] [J] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [V] [J] aux entiers dépens et autoriser Maître Moreau à les recouvrer conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 1er avril 2025, M. [V] [J] demande à la cour de :
- le recevoir en ses demandes et l'y déclaré bien fondé ;
- débouter la Caisse d'Epargne de la totalité de ses demandes ;
A titre principal,
- confirmer le jugement du 26 juin 2024 en toutes ses dispositions ;
A titre subsidiaire,
- lui accorder un délai de 24 mois pour s'acquitter de sa dette d'un montant de 24 397,90 euros au titre de son engagement de caution ;
En tout état de cause,
- condamner la Caisse d'Epargne à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- la condamner aux dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 3 avril 2025.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.
MOTIFS
I. Sur la demande en paiement
La banque soutient en substance que M. [V] [J] a rempli une fiche patrimoniale dont il a certifié les informations sincères et véritables et dépourvues de la moindre anomalie apparente ; qu'elle était donc en droit de se fier auxdites informations ; que la caution ne peut désormais soutenir que sa situation réelle était moins favorable que celle qu'il a déclarée.
Elle considère également que la valeur du fonds de commerce doit être prise en compte dans sa globalité et que la rayure présente dans la rubrique " patrimoine mobilier ou incorporel " ne prouve pas que M. [J] a entendu retirer ledit bien de sa fiche de renseignement.
Enfin, elle soutient que le patrimoine de M. [J], au jour où il a été appelé, lui permet de régler sa dette de manière échelonnée sur un délai de 24 mois de sorte que c'est à tort que le tribunal l'a déchargé de son engagement de caution.
M. [J] soutient quant à lui que son son engagement était disproportionné par rapport à ses biens et revenus.
Il soutient également que sa participation dans la société Trangau se limite à 8 parts et que la valeur du fonds de commerce figure dans une case barrée, car ledit bien ne lui appartient pas. À titre subsidiaire, il relève que la valeur du fonds de commerce devrait être réduite à 8/76, soit le pourcentage qu'il détient dans la société Trangau qui en est le véritable propriétaire.
Réponse de la cour
Il résulte des dispositions des articles L 332-1 et L 343-4 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable pour les contrats conclus antérieurement au 1er janvier 2022, qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
A. Sur la proportionnalité de l'engagement au jour de sa conclusion
Il appartient à la caution, qui l'invoque, de démontrer l'existence de la disproportion manifeste de son engagement, au moment de la conclusion de celui-ci (par exemple : Com. 13 septembre 2017, n° 15-20.294, publié).
La disproportion doit être appréciée en prenant en considération l'endettement global de la caution, y compris celui résultant d'engagements de caution (par exemple : Com., 22 mai 2013, n° 11-24.812). Doivent être pris en compte, les cautionnements antérieurs, mais également les nouveaux engagements litigieux (par exemple : Com. 11 mars 2020, n° 18-25.390)
Lorsque la caution a, lors de son engagement, déclaré des éléments sur sa situation financière et patrimoniale à la banque qui l'a interrogée, la banque peut, en l'absence d'anomalies apparentes et sauf exceptions, notamment liées à l'ancienneté de la fiche, se fier à de tels éléments dont elle n'a pas à vérifier l'exactitude (par exemple : Com.,13 septembre 2011, n° 10-20.959 ; Com., 7 février 2018, n° 16-19.516).
Mais doivent être pris en compte les éléments non déclarés par la caution que le créancier connaissait ou ne pouvait ignorer (par exemple : cautionnements antérieurs dont la caution prouve que le créancier en avait connaissance : Com., 27 septembre 2017).
Les parts sociales et la créance inscrite en compte courant d'associé dont est titulaire la caution au sein de la société cautionnée font partie du patrimoine devant être pris en considération pour l'appréciation de ses biens et revenus à la date de la souscription de son engagement (Com., 26 janvier 2016, n° 13-28.378 ; Com., 19 janvier 2022, n° 20-18.670).
La disproportion de l'engagement de caution, donné par une personne physique, doit être appréciée en prenant en compte la valeur nette de son patrimoine. Si ce patrimoine comprend des parts sociales, leur valorisation est fonction des éléments d'actif et de passif de la société (par exemple : Com., 12 février 2025, n° 23-12.599).
Il résulte de la fiche patrimoniale du 3 juillet 2017 que M. [J] a indiqué :
- être célibataire (rubrique " situation de famille " et en union libre (rubrique " régime matrimonial') ;
- avoir un enfant à charge ;
- être propriétaire d'un bien immobilier évalué à 350 000 euros ;
- être débiteur de la Banque populaire au titre d'un prêt immobilier dont le capital restant dû s'élève à 315 000 euros ; de la somme de 315 000 euros à l'égard de la Banque Populaire ;
- s'être porté caution à hauteur de 102 000 euros en faveur de la Banque Populaire ;
- supporter des charges annuelles de 15 000 euros,
- être gérant depuis 12 ans ;
- Percevoir un revenu annuel de 29 000 euros ; et
- Être propriétaire d'un fonds de commerce évalué à la somme de 400 000 euros ; étant obervé que le cadre " patrimoine mobilier ou incorporel " où est apposée cette mention est barré
M. [J] soutient que doit être pris en compte dans son passif un prêt personnel d'un montant de 22 000 euros consenti par la Banque Populaire.
Toutefois, outre le fait que l'offre de prêt versée aux débats n'est ni datée, ni signée (pièce 4), en tout état de cause, celle-ci ne peut être prise en compte à défaut d'avoir été déclarée à la banque dans la fiche patrimoniale. M. [J] a certifié exactes les informations transmises et contenues dans la fiche de renseignement de sorte qu'il ne saurait aujourd'hui se prévaloir de leur inexactitude, aucune anomalie apparente ne ressortant de la fiche.
M. [J] soutient par ailleurs que l'appartement déclaré dans la fiche et financé par un emprunt consenti par la Banque populaire, a été acquis en indivision avec sa compagne et qu'il n'en est propriétaire qu'à hauteur de 50 %.
S'il a déclaré être en union libre, à aucun moment, il n'a indiqué que le bien avait été acquis en indivision.
Or, en matière de concubinage, et contrairement au PACS et au mariage, il n'existe pas d'équivalent aux articles 515-5 et 1538 du code civil qui disposent que les biens sur lesquels aucun des membres du couple " ne peut justifier d'une propriété exclusive sont réputés leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié ", de sorte qu'il ne jouissant pas d'une présomption légale d'indivision.
Aussi, M. [J] ne peut pas sérieusement soutenir que la banque était informée qu'il s'agissait d'un bien indivis dès lors qu'il s'est borné à déclarer qu'il était en union libre, sans rien préciser quant à ses droits sur l'immeuble. M. [J] ne peut donc reprocher à la banque de ne pas s'être enquise de sa quote-part de propriété.
Il n'est pas discuté que cette acquisition a été financée au moyen d'un emprunt et que selon la fiche patrimoniale, le capital restant dû s'élevait à 315 000 euros. Il en résulte que la valeur nette de l'appartement s'établissait au jour du cautionnement à 350 000 - 315 000 soit 35 000 euros.
De la même manière, la banque pouvait se fier aux déclarations de M. [J] relativement à ses revenus annuels, de sorte qu'il ne peut pas désormais se prévaloir de revenus annuels inférieurs. Le jugement sera donc approuvé en ce qu'il a retenu la somme de 29 000 euros au titre des revenus annuels.
Bien qu'il ne l'ait pas mentionné dans la fiche patrimoniale, M. [J] indique qu'au moment de la signature de son engagement, il disposait d'une épargne de 1 000 euros (livret de développement durable ouvert dans les livres de la Banque Populaire) et de huit parts sociales dans le capital de la société Trangau dont il ne propose pas d'évaluation. Il sera donc retenu leur valeur nominale soit [7 800 euros (montant du 8capital) / 78 parts] X 8 (parts détenues par la caution] = 800 euros. Cette épargne et cette participation doivent être comptabilisées dans son actif.
S'agissant du fonds de commerce, la banque expose que sa valeur doit être comprise dans les actifs de M. [J] et que s'il avait voulu le retirer de ses actifs, il aurait distinctement rayé la mention du fonds ou rempli une autre fiche.
La cour relève tout d'abord que la rubrique " patrimoine mobilier ou incorporel " dans laquelle M. [R] a écrit à la suite de l'inscription préimprimée " Fonds de commerce " la mention manuscrite " SARL Bijouterie Malmaison ; ' 400 Keuros " a été barrée, tout comme a été rayée celle non renseignée intitulée " Pension alimentaire versée ".
C'est donc par des motifs pertinents que le premier juge a considéré que la banque ne pouvait pas se prévaloir du fonds de commerce dans le calcul de l'actif de la caution dès lors que la rubrique où figurait l'évaluation du fonds a été délibérément barrée.
Il résulte de ce qui précède que l'actif au jour de l'engagement litigieux est composé ainsi qu'il suit :
- 35 000 euros (valeur nette de l'appartement) ;
- 29 000 euros (revenus annuels déclarés) ;
- 1 000 euros (épargne) ;
- 800 euros (évaluation des parts sociales).
Le passif est constitué des dettes suivantes :
102 000 euros (cautionnement antérieur).
Le passif en ce compris l'engagement litigieux de 55 520 euros est donc largement supérieur à l'actif existant au jour de sa conclusion.
Par conséquent, il convient d'approuver le jugement qui a retenu le caractère manifestement disproportionné de l'engagement litigieux par rapport aux biens et revenus de M. [V] [J] au jour de son engagement de caution.
Il y a donc lieu de vérifier si la caution peut faire à son obligation en paiement au jour de l'assignation.
B. Sur la situation de la caution au moment de son appel en garantie
La banque réclame à la caution la somme de 24 397,90 euros. Elle soutient en substance que le patrimoine de M. [V] [J] lui permet, au moment où il est appelé, de régler le montant de la créance de manière échelonnée sur un délai de 24 mois.
M. [V] [J] soutient quant à lui qu'il est dans l'incapacité de faire face à ses engagements et ne peut donc régler la somme de 24 397,90 euros. À titre subsidiaire, sur le fondement de l'article 1343-5 du Code civil, il sollicite des délais de paiement.
Réponse de la cour
Il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné, lors de sa conclusion, aux biens et revenus de la caution, personne physique, d'établir qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation (par exemple : Com., 4 avril 2024, n° 22-21.880).
Le juge doit se placer au jour où la caution est assignée (Com. 1 mars 2016 n° 14-16.402, publié ; Com. 5 mai 2021 n° 19-22.688).
Dans la mesure où le caractère disproportionné du patrimoine d'une caution lors de son appel en garantie s'apprécie au jour de l'assignation, il n'y a pas lieu de tenir compte des délais de paiement qui pourraient lui être octroyés.
Il ressort de l'avis d'impôt établi en 2023 versé aux débats que M. [V] [J] a perçu en 2022 des salaires d'un montant annuel de 37 189. euros (soit environ 3 090 euros par mois).
Si M. [J] indique percevoir exclusivement des revenus provenant des sociétés Trangau et Bijouterie La Malmaison, soumises à une procédure collective depuis 2024, la cour relève toutefois qu'il y a lieu de se placer au jour de l'assignation, soit le 14 septembre 2023.
Il n'est pas discuté que M. [J] est coemprunteur des deux prêts et les parties s'accordent pour admettre que M. [J] supporte la moitié de chaque prêt soit au jour de l'assignation environ 123 643 euros.
À ce passif, il convient également d'ajouter le montant de l'engagement litigieux réclamé par la banque à savoir 24 397,90 euros.
Au regard des ces éléments, le passif étant largement supérieur à l'actif le jugement sera approuvé en ce qu'il retenu que M. [J] ne pouvait pas faire face avec son patrimoine à son obligation au jour de son assignation.
Si c'est à tort que le premier juge s'est placé au jour des procédures collectives des sociétés Trangau et Bijouterie de la Malmaison pour évaluer les actifs de la caution, le jugement sera confirmé en ce qu'il a déchargé la caution de son engagement.
II. Sur les demandes accessoires
L'équité commande de condamner la banque à payer à M. [J] la somme de 1 500 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Condamne la Caisse d'Épargne et de Prévoyance Île-de-France aux dépens d'appel ;
Condamne la Caisse d'Épargne et de Prévoyance Île-de-France à verser à Monsieur [V] [J] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
DE
VERSAILLES
Code nac : 53I
Chambre commerciale 3-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 08 JUILLET 2025
N° RG 24/04427 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WUM4
AFFAIRE :
S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE
C/
[V] [J]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Juin 2024 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 01
N° RG : 2023F01910
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Emmanuel MOREAU
Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE HUIT JUILLET DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANT :
S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE
Ayant son siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Emmanuel MOREAU de la SELARL HOCHLEX, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 147 - N° du dossier 20249266 -
Plaidant : Me Michèle SOLA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0133
****************
INTIMES :
Monsieur [V] [J]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentant : Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 005900
Plaidant : Me Sébastien COURTIER de la SELEURL ASKELL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R1505 -
Monsieur [Z] [J]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentant : Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 005900
Plaidant : Me Sébastien COURTIER de la SELEURL ASKELL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R1505 -
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Mai 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Ronan GUERLOT, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre,
Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre,
Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSE DU LITIGE
Le 27 août 2019, la société Caisse d'épargne et de prévoyance Île-de-France (la banque) a consenti un prêt à la société Gautran d'un montant de 170 000 euros, remboursable en 84 mensualités au taux annuel contractuel de 1,20 %.
Par actes du même jour, MM. [Z] et [V] [J] se sont portés cautions solidaires et indivisibles envers la banque en garantie du remboursement de ce prêt, chacun à hauteur de 25 % de l'encours et dans la limite de la somme de 55 250 euros.
Le 20 juillet 2023, le tribunal de commerce de Nanterre a placé la société Gautran en liquidation judiciaire.
Le 10 août 2023, la banque a déclaré entre les mains du mandataire judiciaire ; M. [M] [F] [B], ses créances, et notamment celle afférente au prêt susvisé pour un montant total de 97 591,60 euros.
Par actes des 14 et 28 septembre 2023, la banque a assigné MM. [Z] et [V] [J] devant le tribunal de commerce de Nanterre.
Par jugement contradictoire du 26 juin 2024, ce tribunal a :
- débouté MM. [Z] et [V] [J] de leur demande à la Caisse d'Epargne de dommages-intérêts de payer à chacun 24 397,90 euros, ainsi que les demandes afférentes ;
- débouté la Caisse d'Epargne de sa demande à l'encontre de M. [V] [J], en sa qualité de caution, de lui payer au titre du prêt n°5784346 la somme de 24 397,90 euros et les demandes afférentes ;
- condamné M. [Z] [J], en sa qualité de caution, à payer à la Caisse d'Epargne au titre du prêt n°5784346 la somme de 24 397,90 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 1,20 % majoré des pénalités de trois points, soit 4,20 % à compter du 3 août 2023 ;
- dit que M. [Z] [J] pourra s'acquitter de sa dette par le paiement de 24 versements mensuels, égaux et consécutifs, le 10 de chaque mois au plus tard, le premier devant être versé le 10 du 2ème mois suivant la signification de la décision à intervenir, le dernier étant majoré de l'ensemble des intérêts dus, mais que faute par M. [Z] [J] de payer à bonne date une seule des mensualités prévues, la totalité des sommes restant dues deviendra de plein droit immédiatement exigible après l'envoi d'une mise en demeure ;
- ordonné la capitalisation annuelle des intérêts par année entière ;
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;
- condamné M. [Z] [J] à payer à la Caisse d'Epargne 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [Z] [J] aux dépens.
Le 10 juillet 2024, la banque a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il :
- l'a déboutée de sa demande à l'encontre de M. [V] [J], en sa qualité de caution, de lui payer au titre du prêt n°5784346 la somme de 24 397,90 euros et les demandes afférentes ;
- a dit que M. [Z] [J] pourra s'acquitter de sa dette par le paiement de 24 versements mensuels, égaux et consécutifs, le 10 de chaque mois au plus tard, le premier 2ème devant être versé le 10 du mois suivant la signification de la décision à intervenir, le dernier étant majoré de l'ensemble des intérêts dus, mais que faute par M. [Z] [J] de payer à bonne date une seule des mensualités prévues, la totalité des sommes restant dues deviendra de plein droit immédiatement exigible après l'envoi d'une mise en demeure.
Par dernières conclusions notifiées le 19 mars 2025, elle demande à la cour de :
- la recevoir en son appel et l'y déclarer bien fondée ;
- infirmer le jugement du 26 juin 2024 en ce qu'il l'a de'boutée de sa demande a' l'encontre M. [V] [J], en sa qualité de caution, de lui payer au titre du prêt n°5784346 la somme de 24 397,90 euros, et les demandes afférentes ;
Statuant à nouveau,
- condamner M. [V] [J], en sa qualité de caution, à lui payer au titre du prêt n°5784346 la somme de 24 397,90 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 1,20% majoré des pénalités de trois points, soit 4,20%, à compter du 3 août 2023, date de la mise en demeure ;
- condamner M. [V] [J] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [V] [J] aux entiers dépens et autoriser Maître Moreau à les recouvrer conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 1er avril 2025, M. [V] [J] demande à la cour de :
- le recevoir en ses demandes et l'y déclaré bien fondé ;
- débouter la Caisse d'Epargne de la totalité de ses demandes ;
A titre principal,
- confirmer le jugement du 26 juin 2024 en toutes ses dispositions ;
A titre subsidiaire,
- lui accorder un délai de 24 mois pour s'acquitter de sa dette d'un montant de 24 397,90 euros au titre de son engagement de caution ;
En tout état de cause,
- condamner la Caisse d'Epargne à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- la condamner aux dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 3 avril 2025.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.
MOTIFS
I. Sur la demande en paiement
La banque soutient en substance que M. [V] [J] a rempli une fiche patrimoniale dont il a certifié les informations sincères et véritables et dépourvues de la moindre anomalie apparente ; qu'elle était donc en droit de se fier auxdites informations ; que la caution ne peut désormais soutenir que sa situation réelle était moins favorable que celle qu'il a déclarée.
Elle considère également que la valeur du fonds de commerce doit être prise en compte dans sa globalité et que la rayure présente dans la rubrique " patrimoine mobilier ou incorporel " ne prouve pas que M. [J] a entendu retirer ledit bien de sa fiche de renseignement.
Enfin, elle soutient que le patrimoine de M. [J], au jour où il a été appelé, lui permet de régler sa dette de manière échelonnée sur un délai de 24 mois de sorte que c'est à tort que le tribunal l'a déchargé de son engagement de caution.
M. [J] soutient quant à lui que son son engagement était disproportionné par rapport à ses biens et revenus.
Il soutient également que sa participation dans la société Trangau se limite à 8 parts et que la valeur du fonds de commerce figure dans une case barrée, car ledit bien ne lui appartient pas. À titre subsidiaire, il relève que la valeur du fonds de commerce devrait être réduite à 8/76, soit le pourcentage qu'il détient dans la société Trangau qui en est le véritable propriétaire.
Réponse de la cour
Il résulte des dispositions des articles L 332-1 et L 343-4 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable pour les contrats conclus antérieurement au 1er janvier 2022, qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
A. Sur la proportionnalité de l'engagement au jour de sa conclusion
Il appartient à la caution, qui l'invoque, de démontrer l'existence de la disproportion manifeste de son engagement, au moment de la conclusion de celui-ci (par exemple : Com. 13 septembre 2017, n° 15-20.294, publié).
La disproportion doit être appréciée en prenant en considération l'endettement global de la caution, y compris celui résultant d'engagements de caution (par exemple : Com., 22 mai 2013, n° 11-24.812). Doivent être pris en compte, les cautionnements antérieurs, mais également les nouveaux engagements litigieux (par exemple : Com. 11 mars 2020, n° 18-25.390)
Lorsque la caution a, lors de son engagement, déclaré des éléments sur sa situation financière et patrimoniale à la banque qui l'a interrogée, la banque peut, en l'absence d'anomalies apparentes et sauf exceptions, notamment liées à l'ancienneté de la fiche, se fier à de tels éléments dont elle n'a pas à vérifier l'exactitude (par exemple : Com.,13 septembre 2011, n° 10-20.959 ; Com., 7 février 2018, n° 16-19.516).
Mais doivent être pris en compte les éléments non déclarés par la caution que le créancier connaissait ou ne pouvait ignorer (par exemple : cautionnements antérieurs dont la caution prouve que le créancier en avait connaissance : Com., 27 septembre 2017).
Les parts sociales et la créance inscrite en compte courant d'associé dont est titulaire la caution au sein de la société cautionnée font partie du patrimoine devant être pris en considération pour l'appréciation de ses biens et revenus à la date de la souscription de son engagement (Com., 26 janvier 2016, n° 13-28.378 ; Com., 19 janvier 2022, n° 20-18.670).
La disproportion de l'engagement de caution, donné par une personne physique, doit être appréciée en prenant en compte la valeur nette de son patrimoine. Si ce patrimoine comprend des parts sociales, leur valorisation est fonction des éléments d'actif et de passif de la société (par exemple : Com., 12 février 2025, n° 23-12.599).
Il résulte de la fiche patrimoniale du 3 juillet 2017 que M. [J] a indiqué :
- être célibataire (rubrique " situation de famille " et en union libre (rubrique " régime matrimonial') ;
- avoir un enfant à charge ;
- être propriétaire d'un bien immobilier évalué à 350 000 euros ;
- être débiteur de la Banque populaire au titre d'un prêt immobilier dont le capital restant dû s'élève à 315 000 euros ; de la somme de 315 000 euros à l'égard de la Banque Populaire ;
- s'être porté caution à hauteur de 102 000 euros en faveur de la Banque Populaire ;
- supporter des charges annuelles de 15 000 euros,
- être gérant depuis 12 ans ;
- Percevoir un revenu annuel de 29 000 euros ; et
- Être propriétaire d'un fonds de commerce évalué à la somme de 400 000 euros ; étant obervé que le cadre " patrimoine mobilier ou incorporel " où est apposée cette mention est barré
M. [J] soutient que doit être pris en compte dans son passif un prêt personnel d'un montant de 22 000 euros consenti par la Banque Populaire.
Toutefois, outre le fait que l'offre de prêt versée aux débats n'est ni datée, ni signée (pièce 4), en tout état de cause, celle-ci ne peut être prise en compte à défaut d'avoir été déclarée à la banque dans la fiche patrimoniale. M. [J] a certifié exactes les informations transmises et contenues dans la fiche de renseignement de sorte qu'il ne saurait aujourd'hui se prévaloir de leur inexactitude, aucune anomalie apparente ne ressortant de la fiche.
M. [J] soutient par ailleurs que l'appartement déclaré dans la fiche et financé par un emprunt consenti par la Banque populaire, a été acquis en indivision avec sa compagne et qu'il n'en est propriétaire qu'à hauteur de 50 %.
S'il a déclaré être en union libre, à aucun moment, il n'a indiqué que le bien avait été acquis en indivision.
Or, en matière de concubinage, et contrairement au PACS et au mariage, il n'existe pas d'équivalent aux articles 515-5 et 1538 du code civil qui disposent que les biens sur lesquels aucun des membres du couple " ne peut justifier d'une propriété exclusive sont réputés leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié ", de sorte qu'il ne jouissant pas d'une présomption légale d'indivision.
Aussi, M. [J] ne peut pas sérieusement soutenir que la banque était informée qu'il s'agissait d'un bien indivis dès lors qu'il s'est borné à déclarer qu'il était en union libre, sans rien préciser quant à ses droits sur l'immeuble. M. [J] ne peut donc reprocher à la banque de ne pas s'être enquise de sa quote-part de propriété.
Il n'est pas discuté que cette acquisition a été financée au moyen d'un emprunt et que selon la fiche patrimoniale, le capital restant dû s'élevait à 315 000 euros. Il en résulte que la valeur nette de l'appartement s'établissait au jour du cautionnement à 350 000 - 315 000 soit 35 000 euros.
De la même manière, la banque pouvait se fier aux déclarations de M. [J] relativement à ses revenus annuels, de sorte qu'il ne peut pas désormais se prévaloir de revenus annuels inférieurs. Le jugement sera donc approuvé en ce qu'il a retenu la somme de 29 000 euros au titre des revenus annuels.
Bien qu'il ne l'ait pas mentionné dans la fiche patrimoniale, M. [J] indique qu'au moment de la signature de son engagement, il disposait d'une épargne de 1 000 euros (livret de développement durable ouvert dans les livres de la Banque Populaire) et de huit parts sociales dans le capital de la société Trangau dont il ne propose pas d'évaluation. Il sera donc retenu leur valeur nominale soit [7 800 euros (montant du 8capital) / 78 parts] X 8 (parts détenues par la caution] = 800 euros. Cette épargne et cette participation doivent être comptabilisées dans son actif.
S'agissant du fonds de commerce, la banque expose que sa valeur doit être comprise dans les actifs de M. [J] et que s'il avait voulu le retirer de ses actifs, il aurait distinctement rayé la mention du fonds ou rempli une autre fiche.
La cour relève tout d'abord que la rubrique " patrimoine mobilier ou incorporel " dans laquelle M. [R] a écrit à la suite de l'inscription préimprimée " Fonds de commerce " la mention manuscrite " SARL Bijouterie Malmaison ; ' 400 Keuros " a été barrée, tout comme a été rayée celle non renseignée intitulée " Pension alimentaire versée ".
C'est donc par des motifs pertinents que le premier juge a considéré que la banque ne pouvait pas se prévaloir du fonds de commerce dans le calcul de l'actif de la caution dès lors que la rubrique où figurait l'évaluation du fonds a été délibérément barrée.
Il résulte de ce qui précède que l'actif au jour de l'engagement litigieux est composé ainsi qu'il suit :
- 35 000 euros (valeur nette de l'appartement) ;
- 29 000 euros (revenus annuels déclarés) ;
- 1 000 euros (épargne) ;
- 800 euros (évaluation des parts sociales).
Le passif est constitué des dettes suivantes :
102 000 euros (cautionnement antérieur).
Le passif en ce compris l'engagement litigieux de 55 520 euros est donc largement supérieur à l'actif existant au jour de sa conclusion.
Par conséquent, il convient d'approuver le jugement qui a retenu le caractère manifestement disproportionné de l'engagement litigieux par rapport aux biens et revenus de M. [V] [J] au jour de son engagement de caution.
Il y a donc lieu de vérifier si la caution peut faire à son obligation en paiement au jour de l'assignation.
B. Sur la situation de la caution au moment de son appel en garantie
La banque réclame à la caution la somme de 24 397,90 euros. Elle soutient en substance que le patrimoine de M. [V] [J] lui permet, au moment où il est appelé, de régler le montant de la créance de manière échelonnée sur un délai de 24 mois.
M. [V] [J] soutient quant à lui qu'il est dans l'incapacité de faire face à ses engagements et ne peut donc régler la somme de 24 397,90 euros. À titre subsidiaire, sur le fondement de l'article 1343-5 du Code civil, il sollicite des délais de paiement.
Réponse de la cour
Il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné, lors de sa conclusion, aux biens et revenus de la caution, personne physique, d'établir qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation (par exemple : Com., 4 avril 2024, n° 22-21.880).
Le juge doit se placer au jour où la caution est assignée (Com. 1 mars 2016 n° 14-16.402, publié ; Com. 5 mai 2021 n° 19-22.688).
Dans la mesure où le caractère disproportionné du patrimoine d'une caution lors de son appel en garantie s'apprécie au jour de l'assignation, il n'y a pas lieu de tenir compte des délais de paiement qui pourraient lui être octroyés.
Il ressort de l'avis d'impôt établi en 2023 versé aux débats que M. [V] [J] a perçu en 2022 des salaires d'un montant annuel de 37 189. euros (soit environ 3 090 euros par mois).
Si M. [J] indique percevoir exclusivement des revenus provenant des sociétés Trangau et Bijouterie La Malmaison, soumises à une procédure collective depuis 2024, la cour relève toutefois qu'il y a lieu de se placer au jour de l'assignation, soit le 14 septembre 2023.
Il n'est pas discuté que M. [J] est coemprunteur des deux prêts et les parties s'accordent pour admettre que M. [J] supporte la moitié de chaque prêt soit au jour de l'assignation environ 123 643 euros.
À ce passif, il convient également d'ajouter le montant de l'engagement litigieux réclamé par la banque à savoir 24 397,90 euros.
Au regard des ces éléments, le passif étant largement supérieur à l'actif le jugement sera approuvé en ce qu'il retenu que M. [J] ne pouvait pas faire face avec son patrimoine à son obligation au jour de son assignation.
Si c'est à tort que le premier juge s'est placé au jour des procédures collectives des sociétés Trangau et Bijouterie de la Malmaison pour évaluer les actifs de la caution, le jugement sera confirmé en ce qu'il a déchargé la caution de son engagement.
II. Sur les demandes accessoires
L'équité commande de condamner la banque à payer à M. [J] la somme de 1 500 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Condamne la Caisse d'Épargne et de Prévoyance Île-de-France aux dépens d'appel ;
Condamne la Caisse d'Épargne et de Prévoyance Île-de-France à verser à Monsieur [V] [J] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT