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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 11, 7 juillet 2025, n° 25/03654

PARIS

Ordonnance

Autre

CA Paris n° 25/03654

7 juillet 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 11

L. 743-22 du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile

ORDONNANCE DU 07 JUILLET 2025

(1 pages)

Numéro d'inscription au numéro général et de décision : B N° RG 25/03654 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CLTEC

Décision déférée : ordonnance rendue le 05 juillet 2025, à 19h53, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris

Nous, Elise Thevenin-Scott, conseillère, à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Catherine Charles, greffier aux débats et au prononcé de l'ordonnance,

APPELANTS:

1°) LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE PRÈS LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS,

MINISTÈRE PUBLIC, en la personne de Florence Lifchitz, avocat général,

2°) LE PRÉFET DE POLICE,

représenté par Me Thibault Faugeras du groupement Tomasi, avocat au barreau de Lyon

INTIMÉ:

M. [P] [W]

né le 06 Octobre 1988 à [Localité 1], de nationalité sénégalaise

RETENU au centre de rétention de [Localité 4]

assisté de Me Ruben Garcia substituant Me David Silva Machado, avocat au barreau de Paris, présent en salle d'audience au centre de rétention administrative du [2], plaidant par visioconférence

ORDONNANCE:

- contradictoire,

- prononcée en audience publique,

Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l'application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;

Constatant qu'aucune salle d'audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n'est disponible pour l'audience de ce jour.

- Vu l'ordonnance du 05 juillet 2025, à 19h53, du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris déclarant irrecevable la requête aux fins de la troisième prolongation de la rétention réceptionnée par le greffe du juge des libertés et de la détention le 04 juillet 2025, ordonnant en conséquence la mise en liberté de l'intéressé, disant n'y avoir lieu à mesure de surveillance et de contrôle, rappelant à l'intéressé qu'il a l'obligation de quitter le territoire national ;

- Vu l'appel de ladite ordonnance interjeté le 05 juillet 2025 à 23h18 par le procureur de la République pres le tribunal judiciaire de Paris, avec demande d'effet suspensif ;

- Vu l'appel de ladite ordonnance, interjeté le 06 juillet 2025 , à 21h46 , par le préfet de police ;

- Vu l'ordonnance du 06 juillet 2025 conférant un caractère suspensif au recours du procureur de la République ;

- Vu la décision de jonction, par mention au dossier, des deux appels ;

- Vu les conclusions d'intimé reçues le 06 juillet 2025 à 21h46 ;

- Vu les observations :

- de l'avocat général tendant à l'infirmation de l'ordonnance ;

- du conseil de la préfecture lequel, s'associant à l'argumentation développée par le ministère public, nous demande d'infirmer l'ordonnance et de prolonger la rétention pour une durée de 15 jours ;

- de M. [P] [W], assisté de son conseil qui demande la confirmation de l'ordonnance ;

SUR QUOI,

Monsieur [P] [W], né le 06 octobre 1988 à [Localité 1], a été placé en rétention administrative suivant arrêté en date du 06 mai 2025.

Par ordonnance du 05 juillet 2025, le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté de Paris a déclaré irrecevable la requête aux fins de troisième prolongation de la préfecture considérant le registre insuffisamment actualisé.

Le procureur de la République et la préfecture ont interjeté appel.

L'effet suspensif a été accord au procureur de la République par ordonnance du 06 juillet 2025.

Monsieur [P] [W] demande à la cour de :

Déclarer irrecevable l'appel du procureur de la République et d'ordonner, de ce fait, sa libération immédiate, l'effet suspensif ne pouvant être accordé

Déclarer irrecevable la requête de la préfecture pour défaut de registre actualisé (absence de mention de l'ordonnance rectificative d'erreur matérielle et de l'ordonnance de la cour d'appel en date du 09 juin 2025)

Sur le fond soutient, à titre subsidiaire, que les conditions propres à une troisième prolongation ne sont pas réunies.

Réponse de la cour :

Sur la recevabilité de l'appel du procureur de la République

En application de l'article R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à peine d'irrecevabilité, la déclaration d'appel est motivée.

En l'espèce, la déclaration d'appel du procureur de la République est suffisamment motivée ne ce que, si elle ne demande pas l'infirmation de la décision, celle-ci se déduit des développements précédant, critiquant la motivation retenue et permettant de connaître le sens des demandes faites.

Sur la recevabilité de la requête de la préfecture et le défaut de pièce justificative utile au regard du registre produit

Il résulte de l'article L.744-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative, d'une part, tient à jour un registre relatif aux personnes retenues, d'autre part, tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.

Aux termes de l'article R.743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2 précité. Il est constant que ce registre doit être 'actualisé' pour être pertinent.

L'absence de production d'une copie actualisée du registre équivaut à l'absence de production du registre.

S'agissant en outre des informations devant être contenues dans le registre, il n'existe aucune liste ni dans la partie législative ni dans la partie réglementaire du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile déclinant précisément ce que recouvrent les notions susvisées tenant aux « conditions de (') placement ou de (') maintien en rétention ».

En revanche, il peut être rappelé que l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention prévu à l'article L. 553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative » (LOGICRA) en son article 2 dispose que :

« Le registre et le traitement mentionnés à l'article 1er enregistrent des données à caractère personnel et informations, figurant en annexe du présent arrêté, et relatives :

- à l'étranger placé en rétention administrative et, le cas échéant, aux enfants mineurs l'accompagnant;

- à la procédure administrative de placement en rétention administrative ;

- aux procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention ;

- à la fin de la rétention et à l'éloignement. »

et son annexe (données à caractère personnel et informations enregistrées dans les traitements) en son III prévoit que figurent « III. - Concernant les procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention :

1° Contentieux administratif : type de recours, juridiction saisie, date et heure de l'audience, décision, appel ;

2° Contentieux judiciaire : présentation devant le juge des libertés et de la détention (JLD) et saisine du JLD par le retenu, date de présentation, décision, appel, date d'audience de la cour d'appel, résultat, motif d'annulation ;

3° Demande d'asile : date et heure du dépôt de la demande, modalité d'instruction, décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et date de celle-ci, recours auprès de la Cour nationale du droit d'asile.»

Ce texte, opposable à l'administration, est clair, même s'il doit aussi être noté qu'il obéit à une autre finalité tenant au contenu du registre au regard des données autorisées à être traitées informatiquement.

En ce domaine, il appartient au juge de vérifier, in concreto et dans chaque espèce, qu'il dispose des informations utiles au contrôle qu'il doit exercer sans imposer, pour autant, un formalisme excessif à l'administration, mais aussi que le registre a été renseigné afin de répondre au second objectif tenant au contrôle d'autres instances de la privation de liberté en cours, ce qui constitue également un droit pour la personne retenue.

En l'espèce, il ressort de la lecture des pièces produites que la copie du registre communiquée au magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté mentionne la décision du 6 juin 2025, ayant ordonné la deuxième prolongation de la rétention administrative de Monsieur [P] [W], mais pas celle du 10 juin 2025, venant rectifier une « erreur matérielle » et étant la seule fixant l'échéance de cette deuxième période au 04 juillet 2025. Par ailleurs, la décision de la cour d'appel en date du 09 juin 2025 n'est pas non plus mentionnée sur le registre.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que le registre n'était pas suffisamment actualisé, la mention de la seule décision du 06 juin 2025 ne permettant pas de connaître l'échéance réelle de la mesure de rétention.

La décision sera donc confirmée.

PAR CES MOTIFS

DECLARONS recevable l'appel du procureur de la République,

CONFIRMONS l'ordonnance,

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.

Fait à [Localité 3] le 07 juillet 2025 à

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :

Pour information :

L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Le préfet ou son représentant L'intéressé L'avocat de l'intéressé L'avocat général

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