CA Montpellier, 2e ch. soc., 9 juillet 2025, n° 22/03744
MONTPELLIER
Arrêt
Autre
ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre sociale
ARRET DU 09 JUILLET 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/03744 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PPSB
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 MAI 2022
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 19/00517
APPELANTE :
CAISSE REGIONALE D'ASSAURANCE MUTUELLE AGRICOLE MEDITERRANEE (GROUPAMA MEDITERRANEE)
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social, sis
[Adresse 13]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Pascal ADDE de la SCP ADDE - SOUBRA AVOCATS, substitué sur l'audience par Me Vanessa MENDEZ, avocats au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
Madame [T] [EG]
née le 16 Mai 1971 à [Localité 12] (30)
de nationalité Française
[Adresse 10]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 3]
Représentée par Me Frédérique REA, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 08 Avril 2025
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 MAI 2025, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre
Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère
Madame Magali VENET, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER
ARRET :
- contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après prorogation de la date du délibéré initialement prévue le 02 juillet à celle du 09 juilet 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.
*
* *
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Suite à un contrat de professionnalisation daté du 23 avril 1992, Mme [T] [EG] a été engagée le 1er octobre 1993 par la Caisse Régionale d'Assurance Mutuelle Agricole Groupama Sud, devenue la Caisse Régionale d'Assurance Mutuelle Agricole Groupama Méditerranée (ci-après CRAMA Méditerranée), en qualité de producteur réviseur dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps complet. Au dernier état de la relation contractuelle, Mme [EG] occupait le poste de responsable de secteur commercial, statut cadre, au sein de la direction développement, marché des particuliers, secteur [Localité 9].
Convoquée le 11 avril 2019 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 24 avril suivant, reporté, par lettre du 29 avril au 9 mai 2019 en raison de l'arrêt de travail prescrit à la salariée le 11 avril, Mme [EG] a été licenciée pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception du 14 juin 2019, ainsi libellée :
« Par courrier du 11 avril 2019 nous vous avons convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement. [...]
Nous avons donc décidé de poursuivre la procédure disciplinaire engagée à votre encontre en saisissant le Conseil conformément à l'article 90-a de la Convention Collective des Sociétés d'Assurances.
Le Conseil s'est tenu le 21 mai 2019 (le procès-verbal est annexé au présent courrier).A la suite de la tenue de ce conseil, nous avons décidé de vous licencier pour le motif suivant :
' Comportement fautif inadmissible consistant en une remise en cause régulière de votre hiérarchie devant vos collègues, une attitude de défiance, d'opposition à la stratégie de l'Entreprise, une posture managériale inadaptée ;
Ce comportement, générant une dégradation des conditions de travail, une souffrance morale et psychologique de votre hiérarchie tant actuelle que de sa précédente, caractérise une faute grave.
Nous avons été alertés par Madame [O] [M], votre Responsable Hiérarchique depuis décembre 2018.
Elle nous a fait part de votre comportement déviant et répété à son égard qui lui a provoqué une souffrance morale et psychologique. Cette souffrance a été constatée par ses collègues et Mme [V] [I], sa Directrice Commerciale.
Dès la première réunion organisée en janvier 2019 avec ses Responsables de Secteur Commerciaux, dont vous faites partie, Mme [M] a dû gérer les " apartés " réguliers entre vous et avec votre collègue, Mme [H] [X].
Vous avez monopolisé la parole et interrompu la prise de parole de votre autre collègue Mme [LB] [G].
Fin janvier, lorsque Mme [M] vous a demandé par 'mail' individuel des précisions quant à la nature d'une anomalie qui a été constatée, vous lui avez répondu en mettant systématiquement en copie l'ensemble de vos collègues RSC.
Lors de la formation 'Appels sortants' des RSC, vous avez remis en question le contenu de l'Intervention de Mme [M].
Le 29 Janvier, Mme [M] vous a reçue dans le cadre de votre entretien mensuel. Une mise au point a notamment été faite afin d'améliorer votre comportement en collectif. Malgré cela, aucune amélioration n'a été constatée, et vous avez réitéré ce comportement lors d'une conférence téléphonique de lancement de semaine.
La répétition de ce comportement inadapté a amené Mme [M] à aborder, à nouveau, le sujet fin février lors de votre entretien annuel.
Le 28 mars un nouveau recadrage a été effectué par Mme [M] rappelant la nécessité de modifier les comportements des managers et une fois de plus vous avez répondu à votre responsable sur un ton condescendant.
Mme [M], en qualité de Responsable commerciale territoriale, a tout mis en oeuvre pour créer un collectif et vous avez tout fait pour anéantir ses efforts.
Les collègues de travail de Mme [M] (autres Responsables Commerciaux Territoriaux ... ) ont pu observer un changement dans l'attitude de cette dernière. À la prise de son poste, ils étaient face à un manager 'positif, dynamique, souriant', ayant la volonté de s'intégrer dans un collectif.
Au fil des mois, sa Directrice Commerciale et ses collègues ont vu une personne soucieuse, préoccupée, jusqu'au Comité de Développement qui s'est tenu début avril. Lors de ce Comité animée par Mme [I], Mme [M] a fait part de l'ambiance malsaine que vous générez sur son territoire, et ce, malgré les rappels à l'ordre dont vous avez fait l'objet.
Ceci l'a amenée à quitter la réunion en pleurs.
Ce comportement inadmissible et intolérable a conduit la Directrice Commerciale à intervenir le 4 avril 2019 afin de recadrer le comportement des RSC.
A la suite de cette alerte nous avons été amenés à échanger avec d'autres salariés (vos anciens managers, collègues de travail ...) qui nous ont confirmé le comportement décrit par Mme [M].
M. [D] [XY], votre précédent manager, nous a fait part des difficultés comportementales qui sont apparues dès sa prise de son poste, en janvier 2017. Dès le départ il a rencontré des points de blocage avec vous et notamment votre facilité à duper et à manipuler votre entourage.
Ces comportements, assimilables à des actes d'insubordination, ont consisté notamment : en la reconnaissance difficile de la hiérarchie, le non-respect de certaines consignes données par la hiérarchie, des attitudes régulièrement irrespectueuses vis-à-vis de vos pairs (retards fréquents ...), la remise en cause de la stratégie commerciale.
M. [XY] nous a indiqué que cette attitude d'opposition systématique l'a conduit à demander une mobilité professionnelle.
D'autres salariés ont fait un constat identique à celui de Mme [M] et de M. [XY] à savoir le concernant : un comportement inadapté en collectif (ex : 'constamment concentrée sur son Smartphone pendant les interventions de son manager'...), une remise en cause fréquente des orientations de l'entreprise, des réponses arrogantes à la moindre remarque.
Nous considérons, par conséquent, que ces actes intolérables et inadmissibles dont vous êtes l'auteur sont constitutifs d'une faute grave qui justifie la rupture de notre relation de travail sans préavis. Le licenciement prendra donc effet au 18 Juin 2019 au soir sans indemnité de préavis ni de licenciement. Vous êtes déliée de toute clause de non concurrence. »
Dans l'intervalle et suivant requête datée du 6 mai 2019, Mme [EG], soutenant être victime d'un harcèlement moral, a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier aux fins d'entendre prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul et condamner la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
Par jugement du 30 mai 2022, ce conseil a statué comme suit :
Dit et juge que la société Groupama Méditerranée n'a pas exécuté le contrat de travail de manière loyale,
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Groupama Méditerranée à la date du 14 juin 2019,
Dit et juge que la résiliation du contrat de travail de Mme [EG] produit les effets d'un licenciement nul,
Constate que Mme [EG] a été victime de harcèlement moral et condamne la société Groupama Méditerranée à verser la somme de 62 613,05 euros nets à titre de dommages-intérêts pour le harcèlement moral subi, assortie des intérêts au légal à compter du prononcé du jugement conformément à l'article 1231-7 du code civil,
Constate le manquement à l'obligation de sécurité de résultat et condamne la société Groupama Méditerranée à verser à Mme [EG] la somme de 31 806,52 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat, assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement conformément à l'article 1231-7 du code civil,
Déboute Mme [EG] de sa demande concernant des dommages-intérêts pour licenciement vexatoire et dit que Mme [EG] est remplie de ses droits dans les dommages-intérêts pour harcèlement moral,
Fixe le salaire de référence de Mme [EG] à la somme de 5 217,75 euros bruts,
Condamne la société Groupama Méditerranée à verser à Mme [EG] des dommages-intérêts (24 mois de salaires) pour licenciement nul d'un montant de 125 226,10 euros prise à la date de la résiliation du contrat de travail de Mme [EG], soit le 14 juin 2019, assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement conformément à l'article 1231-7 du code civil,
Condamne la société Groupama Méditerranée conformément à l'article 46 de l'accord d'entreprise en vigueur, à verser à Mme [EG] l'indemnité conventionnelle due pour licenciement nul d'un montant de 125 226,10 euros prise à la date de la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [EG], soit le 14 juin 2019, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance conformément à l'article 1231-7 du code civil.
Condamne la société Groupama Méditerranée à payer à Mme [EG] la somme de 20 871,01 euros bruts à titre d'indemnité de préavis, outre la somme de 2 087,10 euros bruts à titre de congés payés y afférents, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance conformément à l'article 1231-7 du code civil,
Ordonne la remise des documents sociaux de fin de contrat conformes à la décision à compter de la notification de la décision à intervenir,
Ordonne l'exécution provisoire de droit dans les conditions prévues aux articles R. 1454-14 et R.1454-28 du code du travail et sur la base d'un salaire mensuel moyen de 5 217, 75 euros bruts,
Ordonne au titre de l'article L. 1235-4 du code du travail le remboursement, par la société Groupama Méditerranée, aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme [EG], du jour de son licenciement au jour du jugement, dans la limite de six mois d'indemnité de chômage,
Déboute les parties de toutes autres demandes, plus amples ou contraire,
Condamne Groupama Méditerranée à payer à Mme [EG] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Le 8 juillet 2022, la société Groupama Méditerranée a relevé appel de tous les chefs de ce jugement, à l'exception de celui ayant débouté Mme [EG] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire.
Par ordonnance du 8 avril 2025, la clôture de l'instruction a été ordonnée et l'affaire fixée au 5 mai suivant.
' Aux termes de ses conclusions récapitulatives remises au greffe le 13 janvier 2025, la Caisse Régionale d'Assurance Mutuelle Agricole Méditerranée demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de débouter Mme [EG] de l'intégralité de ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance. A titre subsidiaire, la société Groupama Méditerranée demande à la cour de réduire le quantum des condamnations prononcées à son encontre à de plus justes proportions.
' Aux termes de ses conclusions responsives et récapitulatives, remises au greffe le 5 mars 2025, Mme [EG] demande à la cour 'confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré sauf à porter le montant des condamnations au titre des dommages-intérêts pour harcèlement moral, atteinte à la dignité et à l'image à la somme de 93 919,57 euros' et ceux pour licenciement nul à la somme de 187 840 euros, et de condamner la société Groupama Méditerranée à lui verser 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. A titre subsidiaire, Mme [EG] demande à la cour de dire que son licenciement pour faute grave sans cause réelle et sérieuse, et de condamner la société Groupama Méditerranée à lui verser des sommes identiques à celles prononcées en première instance, outre les demandes de revalorisation sollicitées plus haut.
A l'audience, la cour a soulevé d'office le moyen de droit tiré de la compétence du juge prud'homal pour statuer sur les demandes de dommages-intérêts formées par la salariée au titre du harcèlement moral et du manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur.
Le conseil de la salariée a fait valoir que s'agissant du harcèlement moral, l'élément de soudaineté qui caractérise l'accident du travail étant nécessairement absent dans de telles circonstances, la Cour de cassation refuse de qualifier des faits de harcèlement moral d'accident du travail (Cass. 2e civ.24-5-2005 n° 840 FS-PB, Liard c/ CPAM d'Eure-et-Loir et a. : RJS 8-9/05 n° 901) et qu'en l'espèce, le fait accidentel ayant justifié reconnaissance et prise en charge au titre accident du travail est le malaise soudain dont elle a été victime sur le lieu de travail provoqué par le choc psychologique qu'elle a subi à l'annonce téléphonique qu'elle serait licenciée faute d'accepter une rupture conventionnelle, alors que le harcèlement moral dont elle a été victime a duré 2 ans et demi et qu'elle invoque au soutien de ses demandes prud'homales, n'a pas été invoqué au soutien de la reconnaissance de son accident du travail qui résulte exclusivement de son malaise provoqué par le choc traumatique qu'elle a subi à l'annonce du refus de lui accordé un délai supplémentaire de réflexion et la mise en 'uvre immédiate de son licenciement, de sorte que sa demande de dommages-intérêts pour les préjudices subis en raison du harcèlement moral dont elle a été victime durant l'exécution de son contrat de travail et du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité à ce titre qui a conduit à la dégradation de ses conditions de travail (cf. pages 13 et suivants des conclusions d'appel) ne sont pas nés ni ne sont la conséquence de l'accident du travail qui sont distincts contrairement aux faits ayant donné lieu à l'arrêt du 14 novembre 2024 (n°22-21.809).
Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, aux conclusions sus visées.
MOTIVATION :
Sur le harcèlement moral :
En application des articles L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon les dispositions de l'article L. 1154-1 du même code, dans sa version issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, du code du travail, lorsque le salarié présente des éléments de fait, précis et concordants, constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, Mme [EG] énonce les faits suivants, constitutifs selon elle d'un harcèlement ayant débuté début 2017 par l'arrivée d'un nouveau directeur des ressources humaines :
1. Un premier rappel à l'ordre de février 2017 sur de prétendues infractions routières,
2. La convocation à un entretien préalable en septembre 2017 à nouveau accès sur son comportement routier non seulement infondés mais relevant de sa vie privée, à laquelle l'employeur n'a finalement pas donné de suite,
3. Son évaluation 2018 réalisé en 2019 lui attribuant une note de 60% sur son objectif quantitatif avec une appréciation retenue 'proche des attentes' en décalage avec ses résultats lesquels s'avéraient supérieurs à ceux du département de l' Hérault,
4. Le fait d'avoir été violemment prise à partie, ainsi que 4 de ses collègues par Mme [I], directrice commerciale et N+2, le 4 avril 2019 à l'occasion d'une assemblée générale,
5. Nonobstant la saisine du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail suite à cette altercation au titre des risques psycho-sociaux, elle était convoquée à un entretien par le directeur des ressources humaines qui lui proposait le 8 avril 2019 une rupture conventionnelle du contrat de travail en lui intimant une réponse pour le 11 avril à défaut de quoi il engagerait un licenciement pour faute grave,
6. Elle sollicitait le 11 avril un délai supplémentaire pour se positionner, qui lui était refusé, cette annonce abrupte et totalement disproportionnée et injuste lui occasionnant un sévère malaise à son bureau, accident reconnu d'origine professionnelle par la MSA.
Les faits suivants sont constants ou établis par la salariée :
1 - par correspondance du 20 février 2017, le directeur des ressources humaines, M. [L], a attiré l'attention de la salariée sur sa conduite et la nécessité réglementaire imposée dorénavant aux employeurs par les autorités de leur communiquer l'identité des conducteurs des véhicules impliqués dans des infractions routières, courrier rédigé dans les termes suivants :
'dans le cadre de vos fonctions, un véhicule est mis à disposition par Groupama. Au cours de l'année 2016, nous avons le regret de constater que vous avez commis 10 infractions routières qui ont données lieu à l'émission d'amendes.
Je souhaite attirer votre attention sur ce nombre très important d'infractions et sur les conséquences de cette situation tant pour votre sécurité personnelle que pour l'image de l'entreprise. Je vous demande à l'avenir la plus grande vigilance et je compte sur votre engagement.
De plus, compte tenu de la législation en vigueur, je vous rappelle qu'à compter du 1er janvier 2017, nous avons obligation de déclarer le conducteur au moment de l'infraction. Une circulaire va être publiée dans les prochains jours précisant les modalités pratiques de ce décret d'application. [...]'.
En revanche, Mme [EG] n'établit nullement avoir protesté à réception de ce courrier sur le nombre d'infractions routières évoquées par l'employeur, ce qu'elle n'a fait qu'à l'occasion de l'engagement de l'instance prud'homale.
L'affirmation de Mme [EG] selon laquelle la détention de 12 points à son permis en 2017 serait la preuve du caractère erroné du nombre d'infractions à la circulation routière relevée par l'employeur en 2016 est dépourvue de portée, l'employeur rappelant dans ce courrier qu'il ne lui est demandé de communiquer l'identité des conducteurs des véhicules de la société qu'à compter du 1er janvier 2017.
2- Par lettre du 27 septembre 2017, l'employeur l'a convoquée à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire, fixée au 10 octobre 2017 :
- A l'issue de cet entretien, la salariée a adressé par lettre datée du 10 octobre 2017 les observations suivantes sur les griefs qui lui avaient été faits :
' [...] ainsi que je voulais exprimer au cours de l'entretien, je souhaite vous confirmer ma plus grande surprise quant aux faits qui m'ont été reprochés et vous ont conduit à me convoqué pour prendre une sanction à mon encontre :
1. Demande de la gendarmerie afin d'avoir l'identité du conducteur du véhicule immatriculé [...] mise en cause dans une altercation sur l'autoroute entre 2 conducteurs :
pour justifier ce reproche vous m'avez rappelé le courrier adressé par vous-même le 20 février 2017 dans lequel vous attirez mon attention sur le nombre important d'infractions' et vous me demandiez à l'avenir la plus grande vigilance en me précisant compter sur mon engagement. Bien que cet événement se soit produit dans le cadre de la vie privée, je tiens à vous réitéré le contexte et la réalité de son déroulement : en effet, il y a eu une altercation sur l'autoroute entre mon conjoint qui conduisait le véhicule et un autre automobiliste. Alors que nous nous dirigions en urgence vers la clinique de [Localité 11] ou mon beau-père venait d'être admis au service réanimation pour une crise cardiaque et que son état a été jugé très grave (cf. Courrier du compte-rendu d'hospitalisation), c'est automobiliste, non seulement nous admis à plusieurs reprises en danger mais pire, nous a bloqué à l'échangeur de l'autoroute de [Localité 6]. Mon conjoint a manifesté sa désapprobation face à ce comportement irresponsable. Une altercation s'en est suivie. Pour ma part, j'étais en congé ce jour-là. La convention de mise à disposition d'un véhicule de location stipule que mon conjoint a le droit de conduire occasionnellement le véhicule mis à ma disposition [...]. aucun grief ne peut m'être reproché sur ce point.
S'agissant de l'image de l'entreprise, je vous rappelle que mon véhicule de fonction ne comporte aucun logo de l'entreprise. À aucun moment l'entreprise n'a pu être identifiée ni son image mise en cause.
Au contraire, je suis intervenu pour apaiser la situation et à cette fin, j'ai communiqué mes coordonnées téléphoniques à l'autre conducteur. J'ai moi-même appelé la gendarmerie de [Localité 7] en charge de l'échangeur de l'autoroute et envoyer un mail le 28 août afin de communiquer les coordonnées de mon conjoint pour qu'il puisse l'entendre dans le cadre de cet incident. L'audition de mon conjoint a été réalisée et la procédure est toujours en cours [...]
2. Mise en cause sur 2 infractions des 17 et 14 janvier 2017 aux [Localité 4] et à [Localité 5] entraînant 5 points de retrait du permis de conduire :
vous avez fait référence à ma mise en cause dans ces 2 infractions. Or, ainsi que je vous l'ai précisé, il s'agit d'erreurs pour lesquelles j'ai adressé une requête en contestation auprès de l'autorité compétente. Ces erreurs ont été reconnues et mon dossier a été régularisé avec l'annulation de ces infractions et l'absence de retrait. Ce grief ne peut m'être reproché.
3. Mise en cause sur une infraction le 16 février 2017 à 12h35 et sur une contravention pour dépassement de durée de stationnement.
J'ai réglé ces contraventions.
Le point qui m'avait été retiré à l'occasion du dépassement de la vitesse a été depuis récupéré. [...]
J'ai pris acte en fin d'entretien et vous en avez convenu, qu'il n'y avait pas de motif à sanction et que l'ensemble des faits ayant motivé ma convocation était basée sur de simples rumeurs, colportées sur mon époux et moi-même qui s'avère totalement fausse.
Permettez-moi de vous exprimer à nouveau tout mon mal-être face à cette situation et à l'attitude adoptée à mon égard. Après 25 années de collaboration sans le moindre problème, 25 années de pleine loyauté, de professionnalisme, j'ai fait preuve de dévouement sans faille, il m'est difficile encore d'admettre d'avoir pu ainsi être convoqué pour des faits qui n'ont pas été vérifiés au préalable et qui s'avèrent totalement infondés et non avérés, sur la base de simples rumeurs et bruits de couloir qui ont circulé et de surcroît me mettre en situation délicate tant auprès des collaborateurs et que les supérieurs pour continuer à se répandre. Si cette situation constitue bien une atteinte à l'image, il s'agit d'une atteinte à mon image. Aussi je vous remercie de bien vouloir intervenir rapidement et faire tout le nécessaire pour couper court à ces rumeurs qui me portent préjudice en communiquant officiellement. Je vous autorise à cette fin a relaté la réalité des faits au besoin en produisant les justificatifs utiles [...]'.
- l'existence de rumeurs à l'origine de cette convocation n'est étayée par aucun élément probant.
- par lettre du 13 octobre 2017, le directeur des ressources humaines a fait suite à l'entretien préalable dans les termes suivants :
« [...] Le 25 août dernier, nous avons été informés par la gendarmerie de [Localité 7] agissant sur commission rogatoire délivrée par le procureur de la république de [Localité 11], d'un événement inadmissible survenu le 18 août au péage autoroutier de [Localité 6] par le conducteur du véhicule d'entreprise mise à votre disposition.
Vous avez déclaré à cette même gendarmerie que c'était votre compagnon qui était au volant et a été impliqué dans l'incident. Ce que vous m'avez confirmé lors de l'entretien.
Comme indiqué, je vous rappelle que la conduite du véhicule mis à votre disposition n'est autorisée que de façon exceptionnelle et occasionnelle par votre conjoint sous réserve qu'il soit titulaire d'un permis de conduire valable.
J'attends de nos salariés une conduite exemplaire lorsqu'il utilise les moyens mis à leur disposition par l'entreprise. Il en va de l'image de Groupama Méditerranée et du groupement général, ce que je vous ai déjà rappelé par courrier du 20 février 2017 constatant que vous aviez commis 10 infractions routières en 2016. Par ailleurs depuis le début de l'année 2017 vous avez commis 4 infractions routières.
Là encore, et conformément à l'article 15 du règlement intérieur, je vous rappelle « tout collaborateur amené à conduire un véhicule dans le cadre de ses fonctions' s'engage à prendre toutes les mesures nécessaires à la conservation de son habilitation à la conduite. »
Compte tenu de nos échanges, les explications recueillies lors de l'entretien du 10 octobre, je vous informe que nous avons décidé de ne pas prendre de sanctions à votre encontre.
Je vous invite à faire preuve désormais de vigilance dans votre comportement routier. [...]. »
3 - Alors qu'en 2017, le N+1 avait évalué globalement la salariée comme 'conforme aux attentes', et relevé au titre de ses commentaires que '[T] a beaucoup de qualités managériales auprès des équipes notamment sur le plan humain. Cette année, son comportement a aussi favorablement changé sur l'appréhension de la stratégie et sa conduite sur le terrain. On note aussi une vraie appartenance à l'équipe, avec une forte implication, la prise en charge de ses collègues absents. Encourageant pour l'avenir et son avenir',
à l'occasion de l'évaluation 2018 son supérieur, M. [OK], l'a évaluée seulement 'proche des attentes' et ne lui a accordé, sur l'un des 5 objectifs qui lui avaient été assignés, à savoir celui d' « atteindre les objectifs en matière de collecte globale et de financement en pilotant notamment l'activité certificat mutualiste et UC et en accompagnant ses collaborateurs », qu'une évaluation de 60, pour laquelle Mme [EG] a présenté des observations dans les termes suivants :
« un taux d'atteinte à 96 % en collecte globale UC et euros et à 86 % en CM une bonne évolution des compétences sur cet indicateur.
Sur les réalisations 2018 :
'un taux d'atteinte en CM sur le secteur de [Localité 9] de 81% ' taux d'atteinte du territoire 34 : 84,13 %,
'un taux d'atteinte à 95,72 % en collecte globale sur le secteur de [Localité 9] ' taux d'atteinte du territoire 34 : 88,12 %
'un taux d'atteinte désirio de 75 % sur mon secteur ' taux d'atteinte du territoire 34:63,80 %
de 81 % [...] je ne partage pas l'évaluation à 60 % que je trouve démotivante compte tenue de l'investissement pour faire évoluer les compétences des collaborateurs en difficulté sur le long terme.
- M. [XY] a répondu aux interrogations et à l'incompréhension exprimée par la salariée, par message du 21 février 2019, sur son évaluation à 60% sur cet objectif quantitatif, et sur une évaluation 'proche des attentes' alors que son taux d'atteinte sur la plupart des indicateurs est égal ou supérieur aux années précédentes où elle était évaluée 'supérieure' aux attentes' ou 'conforme aux attentes', dans les termes suivants :
« dans la notation des objectifs assignés sur une année, il ne s'agit pas de mettre un taux d'atteinte mais une cotation. Concernant les objectifs, il ne s'agit pas de se comparer aux autres mais de savoir si on y ou pas. Ce n'est pas non plus un résultat sur objectifs en considérant que l'objectif est à zéro. Sur cet item, je considère qu'un objectif stratégique comme les CM n'y est pas et que les autres lignes non plus. Mon évaluation reste donc une note moyenne soit 60/100. Concernant l'évaluation globale, elle n'est pas sujette aux seuls résultats mais également à une posture en général pour laquelle je me suis expliqué et pour laquelle d'ailleurs je t'avais encouragé en début d'année 2018 à poursuivre des efforts ce qui n'a pas été le cas d'où mon évaluation en retrait. Tu peux bien entendu ne pas la partager et la contester, mais je garde là-dessus ma position. »
- Nonobstant ce désaccord sur cette évaluation, il ressort du compte-rendu d'entretien que la salariée n'a pas souhaité demander un entretien RH'.
4. Le 4 avril 2019, avant l'ouverture de l'assemblée générale et alors que Mme [EG] et 4 de ses collègues se trouvaient dans le hall d'accueil de la salle où devait se dérouler la réunion, Mme [I] les a violemment pris à partie : la lettre que ces cinq salariés ont adressée le 5 avril au comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail est ainsi libellée :
« [...] Dès le départ.. Le ton est virulent.
[V] [I] : « vous avez fini ' Je viens de siffler la fin de recréation ' »
Devant notre air interrogatif, elle poursuit « ah elle est belle l'équipe, elle joue bien le collectif en ce moment ' alors que [D] [XY] s'est plaint l'année dernière qui n'arrivait pas à constituer une équipe de ce groupe, là aujourd'hui, on fait des mails communs, on échange, on partage. Une vraie équipe soudée. »
Mme [I] poursuit en s'énervant « oui oui c'est tout à fait ça. Rendez-vous compte de votre image si demain [O] n'est plus là, vous serez responsables !' Vous savez ce que vous êtes de la 'merde humaine', votre niveau est vraiment bas, il est à ce niveau (elle se baisse pour montrer le niveau de la moquette) en 25 années de carrière je n'ai jamais vu ça c'est une véritable cabale. »
[LB] [G] répond : « mais Mme [I] vous pensait que c'est une conspiration ' »
[R] [W] : « 'merde humaine' c'est surprenant. »
[T] [EG] : « oui Mme [I], je crois que vous y allez un peu fort, nous traiter de « merde humaine », sans échange, est-ce que vous pensez quand même d'être au fait de la situation réelle. »
[V] [I] : « taisez-vous ! Vous [T] vous avait un problème de posture, et le mail envoyé lundi 1er avril détermine que vous êtes le leader de cette petite équipe, en mettant tout le monde en copie. Votre manager vous fait un mail de recadrage et vous vous permettez de lui répondre, et vous mettez tout le monde en copie. »
[T] [EG] : « pas du tout, c'était un mail qui était adressé à l'ensemble de l'équipe et qui faisait suite à un mail de la semaine d'avant sur les pools phoning et sur la participation à l'AG où nous étions tous concernés, et par ailleurs il parlait de dynamique collective, je m'inscrivais dans cette dynamique' »
[V] [I] : « Je vous ai dit de vous taire, vous n'avez pas droit à la parole, vous voyez que vous avez un problème de posture. Je suis au courant de tout ce qui se passe sur le département 34, je suis en copie de tous les mails, de tous les échanges, vous décidez comme cela de venir à l'AG pour 3 d'entre vous. Et je n'ai pas dit que vous étiez de la 'merde humaine', j'ai dit que votre comportement était assimilé à de la 'merde humaine', allez-y mettez-vous en arrêt travail, saisissez les délégués du personnel, si vous voulez, ou l'institutionnel vous avez une belle tribune présente ici aujourd'hui. Votre rôle est d'aider votre manager, elle est très compétente en management, je sais qu'elle passe des journées en accompagnement avec certains d'entre vous, après effectivement elle a des difficultés. »
[LB] [G] : « c'est un peu violent Mme [I] »
[AW] [B] : « oui mais justement nous proposons notre aide à [O] qui la refuse »
[K] [N] : « oui, [V], elle n'accepte pas notre aide, et peut-être que les bruits dont vous parlez viennent d'autres sources que la nôtre »
[H] [A] : « [V], on a l'impression qu'il n'y a pas de relation de confiance et c'est difficile d'avancer »
[V] [I] : « vous êtes le seul département qui n'a pas compris que ça avait changé »
[T] [EG] : « je vous assure que nous sommes impliqués et investis dans nos missions, j'ai de bons résultats sur mon secteur qui a été positif en développement au 31 décembre »
[V] [I] : « taisez-vous [T], vous voyez bien que vous avez un problème de posture, je vous demande de vous taire et vous continuez, vos résultats de l'année dernière ne sont portés que par l'auto, vous êtes en retrait de 17 % en GSA, sans les autos vous seriez en développement négatif. »
[Z] [U] vient informer [V] [I] que la réunion va commencer.
[V] [I] : « ce n'est pas la peine d'en parler à [S] [Y], il est au courant et c'est lui qui m'a demandé de vous recadrer »
nous sommes tous en état de choc, dans les propos tenus était d'une violence inimaginable, insultant et grave. Nous avons été atteints dans notre dignité, et ce d'autant plus que ces insultes ont été tenues alors qu'il y avait beaucoup de monde autour de nous, dont un représentant du personnel et de nombreux présidents. Nous sommes en état de choc.
[LB] [G] s'écroule, elle fait un malaise, choquée.
[T] [EG] et [AW] [B] essaye d'aller porter assistance à leurs collègues.
[V] [I] leurs cris d'aller dans la salle « au boulot, au travail bougez-vous je vous ai dit que la récréation était finie ».
[...]
L'agent du cinéma demande à [T] [EG] s'il doit appeler les pompiers ' [P] [G] répond que ça va et [V] [I] dit que c'est pas utile.
Nous sommes en salle de réunion, en état de choc, pleure, [...]
Nous ne pouvons tolérer qu'un supérieur hiérarchique s'adresse à nous de la sorte. Ces faits ne sont pas isolés mais apparaissent inscrire dans un mode de management délibérément adopté. »
Il ressort du compte-rendu de la réunion extraordinaire du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail en date du 26 avril 2019, à l'issue de laquelle il a été décidé de diligenter une mesure d'enquête sur les faits du 4 avril, que M. [L], directeur des ressources humaines, a exposé que 'l'intervention de Mme [I] était prévue et concertée en direction, compte tenu d'un contexte particulier, elle n'était pas sans raison [...] il s'agit d'une directrice commerciale qui s'exprime directement, son propos a été rugueux, elle a été un peu loin dans ses propos, elle-même n'était pas très satisfaite d'avoir utilisé des termes raides [...]'.
Il résulte du compte-rendu de l'enquête diligentée par le comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail les éléments suivants :
- Mme [I] reconnaît avoir eu des 'propos volontairement appuyés' en précisant qu'elle sera vigilante à l'emploi de certains termes à l'avenir, qu'il était devenu nécessaire de mettre un terme définitif à un processus d'écrasement des responsables commerciaux du 34, chacun d'entre eux ayant subi un début de RPS du fait de l'impossibilité de travailler avec ce collectif citant les cas de DT ([D] [XY], prédécesseur de Mme [M]) et compte-rendu ([O] [M]),
- tous les responsables commerciaux de secteur ont souligné le caractère descendant, violent et choquant des propos tenus par Mme [I] sans avoir la possibilité de s'exprimer [...].
Il ressort des entretiens que le mode de management déployé par [O] [M] à ses subordonnés est apparu exclusivement théorique sur une période trop longue en décalage avec leurs attendus, s'agissant de responsable de secteur expérimenté pour la plupart en attente d'un accompagnement plus en adéquation avec leurs besoins opérationnels.
- Mme [EG], en arrêt de travail, n'a pas été entendue,
- Mme [M] a indiqué ceci :
elle prend ses fonctions le 17 décembre 2018 et rencontre individuellement les RSC34. EN janvier 2019, elle fixe un cadre de fonctionnement pour établir des règles partagées par tous. Rapidement elle constate un collectif agité et dissipé. Une hiérarchie interne entre les RSC qui s'interpellent en séance. Mme [EG] apparaît comme la leader, se permet de juger et commenter les propos de ses collègues' SRB trop bavarde, SBO en retrait. En conséquence, elle a dû se positionner en arbitre au point que son assistante a mentionné 'qu'elle ne souhaitait plus assister à ce genre de réunion si cela devait continuer. Elle indique avoir fait un rappel au cadre de fonctionnement préalablement établi. Dans la méthode de travail qu'elle souhaite installer, elle constater un rejet de la méthode, a minima une opposition. 'Cela me conforte dans le constat que mes RSC ont l'habitude de faire ce qu'ils veulent quand ils le veulent'. Elle se voit opposer sa non maîtrise des outils informatiques. Ce contexte pesant devient de plus en plus difficile à supporter. Elle commence à craquer, elles est régulièrement en pleurs dans son intimité. Elle confie à BD ses difficultés qui lui propose d'intervenir à l'occasion d'une prochaine réunion. Elle décline cette proposition afin de ne pas accentuer sa fragilité aux yeux des RCS. Elle finit pas rencontrer le médecin du travail en avril 2019.
Le comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail procède à l'analyse suivante :
- la nécessité pour la DC de ne plus faire appel à des propos grossiers et insultants au risque de générer des risques psychosociaux latents,
- des RSC34 qui ont laissé leur propre collectif partir à la dérive par une attitude soit résignée soit antagoniste,
- une RCT 34 actuelle dont le management n'apparaît pas claire car pas ou peu d'adhésion de la part de ces RSC,
- une direction commerciale antérieure à l'arrivée de Mme [I] qui n'a pas soutenu son RCT34,
Il préconise :
suite à l'émotion encore forte, générée par les termes employés par Mme [I], le comité demande à la direction que cette nature de propos soit dorénavant exclue que Mme [I] puisse reconnaître le caractère excessif de ses propos à l'occasion d'une prochaine réunion de manager atteint dans leur dignité.
Concernant les RCS, le comité a bien noté la nécessité de revenir sur les fondamentaux du métier de manager mais insiste sur l'importance de laisser plus de place à la prise en compte de l'échange d'idées,
le comité souhaite que Mme [M] adapte son management de sorte à obtenir la confiance de ses managers,
le comité souhaite refaire un point avec Mme [M] et manager à partir de fin septembre 2019.
5. Si Mme [EG] affirme avoir été convoquée par le directeur des ressources humaines postérieurement à cet incident, il ressort en réalité des pièces communiquées que la salariée avait été conviée à cet entretien dès le jeudi 4 avril, veille de l' assemblée générale.
Il n'est pas discuté par l'employeur qu'à l'occasion de cet entretien, le directeur des ressources humaines a proposé à Mme [EG] une rupture conventionnelle en invitant l'intéressée à se positionner sous 48 heures, comme la salariée le précisait elle-même dans son mail du jeudi 11 avril à 10H55, aux termes duquel, d'une part, elle prenait acte de cette proposition et, d'autre part, sollicitait un délai complémentaire pour se positionner en indiquant qu'il s'agissait d'une décision trop importante pour son devenir professionnel [...]'.
6. Mme [EG] justifie d'un échange téléphonique le 11 avril à 14H43, dont elle affirme qu'il a été passé avec l'assistante du DRH, qui lui aurait annoncé qu'elle ne disposerait pas d'un délai complémentaire et que la direction engagerait donc la procédure de licenciement si elle refusait la proposition de conclure une rupture conventionnelle ;
Il est constant que la salariée a fait un malaise en début d'après-midi, dont la direction était informée par Mme [F], suivant message adressé le 11 avril à 15H36, lequel sera reconnu par la caisse de MSA comme accident du travail.
La lettre de convocation à l'entretien préalable était adressée le 11 avril.
La salariée sera placée en arrêt pour accident du travail le 11 avril 2019, lequel sera prolongé jusqu'au 12 février 2023. Elle verse aux débats diverses prescriptions médicales (sertraline, ...) et les certificats de M. [J], médecin généraliste qui atteste 'avoir examiné l'intéressée le 11 avril 2019 amenée par son mari qui présentait un état anxio dépressif majeur suite à un malaise sur son lieu de travail', et du docteur [JI], médecin psychiatre qui atteste le 5 décembre 2019 'suivre Mme [EG] depuis le 3 mai 2019, qui présente depuis le début du suivi un état de souffrance psychique avec un vécu de harcèlement moral', ainsi que des arrêts maladie non professionnels prescrits par M. [JI], psychiatre pour la période du 6 juin 2023 au 20 avril 2025.
Par ailleurs, la salariée souligne que Mme [M] a quitté l'entreprise à l'été 2018, M. [Y] directeur général de Groupama Méditerranée, exposant lors de la réunion du Comité d'entreprise du 16 juillet 2019 que 'la responsable territoriale de l' Hérault a souhaité quitter l'entreprise en accord avec la direction' le DG précisant que 'c'est quelqu'un qui venait de l'extérieur et qui ne se retrouvait donc pas forcément dans le modèle de fonctionnement de Groupama'.
' Pris dans leur ensemble, les faits précis et concordants, ci-avant identifiés comme établis, laissent supposer l'existence d'un harcèlement.
Certes, l'employeur justifie certains de ses agissements par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
C'est ainsi qu'il démontre que :
- tenant la réforme réglementaire et l'obligation imposée aux employeurs de déclarer les conducteurs des véhicules à compter du 1er janvier 2017, le seul fait que la salariée conservait en septembre 2017 (après avoir récupéré automatiquement le point qui lui avait été retiré en mars de la même année) les 12 points de son permis de conduire n'était pas de nature à remettre en question la réalité de la dizaine d'infractions routières mentionnées par l'employeur dans sa correspondance de février 2017, que l'intéressée ne justifie pas avoir contestés ni en février ni même en septembre suivant lors de l'engagement de la procédure disciplinaire ; la société Groupama exerçant une activité assurantielle et tenue, par ailleurs, d'une obligation de sécurité à l'égard de ses salariés, a pu légitimement rappelé la salariée a adopter une conduite conforme aux règles du code de la route tout en l'informant qu'à l'avenir elle serait tenue de communiquer aux autorités les conducteurs des véhicules professionnels ;
- eu égard à l'incident avéré survenu sur l'échangeur de l'autoroute entre deux automobilistes dont l'un conduisait le véhicule mis à la disposition par la société Groupama à Mme [EG], incident avéré dont pudiquement, le conseiller du salarié qui a assisté la salariée lors de l'entretien, indique que 'son conjoint est sorti du véhicule et les échanges avec le tiers ont été à la mesure de cet événement', lui avait signalé la gendarmerie nationale, l'employeur justifie par des éléments étrangers à tout harcèlement moral la convocation de la salariée à un entretien préalable à sanction ; Mme [EG] n'est pas sérieusement fondée à reprocher à la société de ne pas avoir vérifié préalablement à l'engagement de la procédure les faits, alors même que l'entretien disciplinaire a pour objet d'organiser contradictoirement un échange sur un événement susceptible d'engager la responsabilité disciplinaire de la salariée et de permettre à celle-ci de s'en expliquer, ce qu'elle a fait et ce qui a conduit l'employeur à ne pas prononcer de sanction à son encontre.
Le fait pour l'employeur de ne pas avoir donné suite à la demande formulée par la salariée de communiquer sur ce point pour faire taire des 'rumeurs' sur les circonstances de cet incident ne saurait avoir participé d'un harcèlement.
- de même la proposition faite à la salariée d'une rupture conventionnelle du contrat de travail, qui signe la volonté de l'employeur de rompre la relation de travail dans un contexte où il est reproché à la salariée une attitude d'opposition et non professionnelle de la salariée à l'égard de sa nouvelle supérieure hiérarchique récemment nommée et nouvellement engagée par la CRAMA Méditerranée, lequel est un mode légal de rupture du contrat de travail, est étrangère à tout harcèlement.
' Toutefois, alors que Mme [EG] dont les qualités professionnelles étaient reconnues, ce dont le directeur des ressources humaines a expressément convenu lors de la réunion de la commission disciplinaire, était décrite par M. [XY] à l'occasion de l'évaluation 2017 comme une responsable qui a beaucoup de qualité managériale auprès des équipes, dont le comportement a favorablement changé sur l'appréhension de la stratégie et sa conduite sur le terrain, une vraie appartenance à l'équipe, une forte implication, la prise en charge de ses collègues absents [...], qu'elle n'avait jamais fait l'objet de sanction disciplinaire, mais tout juste d'un rappel à l'ordre quant à la conduite automobile en février 2017, l'employeur ne justifie pas, par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, son changement d'appréciation sur son évaluation 2018, dans un contexte où l'intéressée, avait obtenu avec son équipe sur son secteur des résultats supérieurs à ceux obtenus au niveau du département de l' Hérault.
L'absence de congruence entre ses résultats et l'appréciation négative portée par M. [XY] sur l'un de ses 5 objectifs, ce qui a permis à son supérieur de l'évaluer comme n'étant plus 'conforme à l'attente', mais simplement 'proche des attentes', alors même qu'en réalité selon l'évaluateur la difficulté posée par la salariée était de nouveau un problème de 'posture' vis-à-vis de la politique de l'entreprise, n'est pas justifiée objectivement par des éléments étrangers à tout harcèlement.
Par ailleurs, l'attitude virulente et outrancière adoptée par Mme [I] à l'égard de Mme [EG] et de ses collègues, à l'ouverture de l'assemblée générale le 4 avril 2019, n'est nullement justifiée par des éléments étrangers à tout harcèlement, l'employeur n'alléguant même pas malgré les conclusions de l'enquête du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail avoir pris une quelconque mesure disciplinaire à l'égard de cette supérieure hiérarchique.
En effet, alors qu'il est constant que l'employeur a élaboré une note sur les 'bons réflexes en matière de droit social' à l'attention des managers, qui précise comment gérer les comportements fautifs 'mineurs' et préconise des entretiens qui dès le deuxième niveau doivent donner lieu à consignation par écrit, et alors que l'employeur soutient que le comportement adopté par la salariée posait difficulté dès avant l'arrivée de Mme [M], ce que corroborent le témoignage de M. [XY] devant la commission d'enquête, le message que ce dernier a adressé au directeur des ressources humaines et certaines observations portées sur les compte-rendus d'évaluation, il n'est justifié d'aucun entretien dit de 'recadrage', assorti d'un compte-rendu écrit.
Cette carence sera soulignée par les membres du collège salarié de la commission de discipline.
De même pour preuve de la faute grave reprochée à la salariée, force est de constater que les éléments communiqués par la CRAMA consistent pour l'essentiel en des messages aux termes desquels plusieurs collaborateurs exerçant les fonctions de Responsable commercial territorial, ont communiqué, sur l'invitation du directeur des ressources humaines, sur leur ressenti concernant l'intégration de Mme [M]. Par ces messages, ils expriment pour l'un 'que les sourires et la gaieté de [O] sont plus rares, qu'elle a quitté le CODEV du 9 avril de façon impromptue', pour une autre 'avoir vu Mme [M] très affectée par l'ambiance qui règne au sein de son équipe de managers, elle semble en souffrance, à fleur de peau au point de pleurer sur des sujets sans gravité [...]', pour un troisième qu'il 'lui a été rapporté lors d'échanges avec les RCS de men territoire (non identifiés) que (Mme [EG]) aurait adressé un SMS à son collègue [AW] [B] lors d'une conférence téléphonique en le traitant de suce boules'. Un quatrième exprime 'son ressenti concernant [O] [M], depuis quelques jours je la trouve très affectée par le comportement de certain manager de son équipe à son encontre [...]'. Il est également communiqué une attestation conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, mais dactylographiée, par laquelle Mme [E], responsable relation client indique qu' 'à son arrivée, en tant que responsable commercial territorial Mme [M] était pleine de vie, motivée avec l'envie de faire de belles choses sur son territoire afin d'aller chercher le développement. Au dernier CODEV de début avril je l'ai trouvée mal et très fragilisée'.
Certes, il est établi que la salariée a adressé à l'ensemble de ses collègues la réponse qu'elle faisait à Mme [M] après que cette dernière lui ait transmis un message qui lui était exclusivement destiné, plaçant ainsi sa supérieure, à qui elle demandait si elle voulait qu'elle prenne en charge une difficulté technique, en porte-à-faux vis-à-vis de ses subordonnés et qu'elle pouvait participer en réunion à des 'apartés et/ou bavardages'. À défaut pour l'employeur d'avoir mis en oeuvre la procédure interne d'entretien de recadrage avec compte-rendu écrit, applicable aux comportements fautifs mineurs que sont les seuls faits établis à charge de la salariée, ces derniers ne présentent pas de caractère suffisamment sérieux pour justifier d'un licenciement, de surcroît pour faute grave rendant impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise.
Par ailleurs, alors d'une part, que la salariée communique le témoignage circonstancié de M. [C], conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, qui après avoir précisé avoir été son supérieur direct de janvier 2006 à mars 2007 puis avoir travaillé avec elle en sa qualité de directeur du marché des particuliers de janvier 2015 à décembre 2016, atteste qu'au cours de ces périodes 'il n'a jamais constaté une problématique de comportement ou d'assiduité au travail', de deuxième part, que l'employeur ne verse pas aux débats d'attestation de Mme [M], directement concernée par les griefs reprochés à la salariée, laquelle a évoqué devant la commission de discipline des 'difficultés avec l'ensemble de l'équipe', ainsi qu'en témoigne M. [S], de troisième part, que le recadrage outrancier, injurieux et humiliant délivré par Mme [I] le avril 2019 visait l'ensemble de l'équipe, et, enfin, au constat que le mal-être relevé par plusieurs de ses collègues RCT lors du CODEV d'avril pouvait être également mis sur le compte d'un sentiment d'échec de sa récente intégration au sein de la CRAMA, qu'elle quittera d'un commun accord avec l'employeur au début de l'été 2019, le directeur général déclarant publiquement à cette occasion qu'il s'agissait de 'quelqu'un qui venait de l'extérieur et qui ne se retrouvait donc pas forcément dans le modèle de fonctionnement de Groupama', l'employeur ne rapporte pas la preuve du comportement fautif reproché dans la lettre de licenciement lequel serait à l'origine de la dégradation de l'état de santé psychique de sa supérieure hiérarchique.
De même, alors que Mme [EG] et quatre de ses collègues avaient saisi le comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail de l'agression verbale dont ils avaient été victimes le 4 avril par Mme [I], l'employeur ne justifie pas l'empressement avec lequel il a initié la procédure de licenciement visant la salariée, l'arrêt de travail de l'intéressée pour accident du travail en date du 11 avril, ayant conduit la commission d'enquête à ne pas l'entendre.
Faute pour l'employeur de justifier ainsi par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement l'attitude qu'il a adoptée vis-à-vis de Mme [EG] à compter de février 2019 et du compte-rendu de l'entretien d'évaluation 2018, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la salariée avait été victime de harcèlement moral, et en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, de tels agissements rendant impossible la poursuite du contrat de travail, et dit que celle-ci produisait les effets d'un licenciement nul.
Sur l'indemnisation du harcèlement moral :
A l'appui de sa demande de dommages-intérêts, Mme [EG] expose avoir subi des pressions et manoeuvres tendant à son éviction, deux ans de harcèlement dans le stress, l'anxiété qui ont conduit à son état de choc psychologique avec malaise, perte totale de voix et sa sévère dépression qui a défavorablement évolué en dépression chronique.
Il s'ensuit que Mme [EG] invoque expressément au soutien de l'indemnisation de ce poste de préjudice l'accident du travail dont elle a été victime le 11 avril 2019 à l'annonce de l'engagement par l'employeur de la procédure de licenciement et justifie de sa prise en charge d'un arrêt de travail de trois années suivi d'un arrêt pour maladie simple.
Or, aux termes de l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale, sous réserve des dispositions prévues aux articles L. 452-1 à L. 452-5, L. 454-1, L. 455-1, L. 455-1-1 et L. 455-2 aucune action en réparation des accidents et maladies mentionnés par le présent livre ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit. Si la juridiction prud'homale est seule compétente pour connaître d'un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail, relève, en revanche, de la compétence exclusive de la juridiction de sécurité sociale l'indemnisation des dommages nés d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail, qu'ils soient ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité
En l'espèce, abstraction faite de l'accident du travail et des conséquences préjudiciables qui en ont découlé, lesquelles relèvent de la compétence exclusive du juge de la sécurité sociale et de la procédure de la faute inexcusable, les agissements de harcèlement moral subis par Mme [EG] de la date de son évaluation 2018, en date de février 2019, au 10 avril 2019 justifie une indemnisation à hauteur de 15 000 euros.
Le jugement sera réformé en ce sens, la salariée étant invitée à mieux se pourvoir relativement aux conséquences de l'accident du travail.
Sur le manquement à l'obligation de sécurité :
Mme [EG] demande à la cour de confirmer le jugement déféré et 'de condamner sévèrement les agissements intolérables de l'employeur qui a mis en place un vrai stratagème d'éviction en cherchant systématiquement des fautes pouvant être reprochées à Mme [EG] et de le condamner d'autant plus sévèrement que, alors qu'il était saisi par le CHSCT de faits gravissimes commis par la Directrice commerciale qui l'a insultée, méprisée et accusée en public devant notamment d'autres collaborateurs qu'elle mettait également dans le sac, la Direction des ressources humaines est demeurée dans l'immobilisme jusqu'à devoir céder sous la pression du CHSCT pour convenir d'une enquête près d'un mois plus tard le 26 avril 2019 et que, bien pire, au lieu de diligenter immédiatement une enquête, en mesure de rétorsion à cette alerte du CHSCT dont le rapport d'enquête est criant, le DRH s'adonnait à un chantage à la rupture conventionnelle auquel n'a pas cédé l'intimée tenant l'absence de toute faute, en mettant alors à exécution ses menaces de la licencier pour faute grave dont elle était informée sans le moindre égard le 11 avril 2019, ce qui a provoqué un malaise réactionnel à l'origine de son arrêt pour accident de travail'.
De ce chef, Mme [EG] ne justifie pas, pour une première part, de l'existence d'un préjudice distinct de celui d'ores et déjà réparé au titre du harcèlement moral et invoque, pour une seconde part, expressément l'accident du travail, dont l'indemnisation relève de la compétence exclusive de la juridiction de sécurité sociale au contradictoire de la caisse de MSA.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a accueilli la réclamation de Mme [EG] de ce chef en condamnant la CRAMA Méditerranée au paiement de dommages-intérêts et Mme [EG] sera invitée à mieux se pourvoir relativement au préjudice consécutif à l'accident du travail du 11 avril 2019.
Sur l'indemnisation de la rupture produisant les effets d'un licenciement nul :
Au jour de la rupture, Mme [EG] âgée de 48 ans bénéficiait d'une ancienneté de 27 ans et 2 mois au sein de la CRAMA Méditerranée qui employait plus de dix salariés OU moins de onze salariés. Elle percevait un salaire mensuel brut de l'ordre de 5 217,75 euros.
La salariée peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, correspondant, conformément à l'article L. 1234-5 du code du travail, à la rémunération brute qu'elle aurait perçue si elle avait travaillé pendant la période du délai-congé. Au vu de la durée du préavis, fixée à quatre mois conformément aux stipulations conventionnelles, et du montant de son salaire, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la CRAMA Méditerranée à lui verser la somme de 20 871,01 euros, outre 2 087,10 au titre des congés payés afférents.
Calculée sur la base d'une ancienneté au terme du préavis auquel elle avait droit, de 27 ans et six mois, du salaire de référence, l'indemnité de licenciement à laquelle Mme [EG] peut prétendre, plafonnée à deux ans de salaire, s'établit à 125 226,10 euros. Le jugement sera confirmé sur ce point.
La salariée est fondée en sa demande d'indemnité au titre de la perte injustifiée de son emploi, qui ne peut être inférieure à six mois de salaire tenant la nullité du licenciement.
Mme [EG] justifie être toujours prise en charge par la caisse de MSA au titre désormais d'une maladie simple, affection reconnue de longue durée.
Compte tenu des éléments dont dispose la cour, et notamment de l'âge de la salariée au moment du licenciement, et des perspectives professionnelles qui en découlent, le montant de l'indemnité pour licenciement nul sera plus justement évalué à la somme de 98 000 euros.
Il suit de ce qui précède que la rupture du contrat de travail étant intervenue au mépris des dispositions de l'article L. 1152-3 et L. 1153-4 du code du travail, il sera ordonné le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.
Sur les demandes accessoires :
Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil prévoyant que les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal, à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date et à compter de chaque échéance devenue exigible, s'agissant des échéances postérieures à cette date, les créances à caractère indemnitaire produisant intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour en ce qu'il a :
- de première part, jugé que Mme [EG] avait subi un harcèlement moral,
- de deuxième part, prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et dit que celle-ci produit les effets d'un licenciement nul en application des dispositions de l'article L. 1152-3 du code du travail,
- de troisième part, condamné la société Caisse Régionale d'Assurance Mutuelle Agricole Groupama Méditerranée à verser à Mme [EG] les sommes suivantes :
' une indemnité conventionnelle de licenciement d'un montant de 125 226,10 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance conformément à l'article 1231-7 du code civil,
' la somme de 20 871,01 euros bruts à titre d'indemnité de préavis, outre la somme de 2 087,10 euros bruts à titre de congés payés afférents, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance conformément à l'article 1231-7 du code civil,
- de quatrième part, ordonné à l'employeur la remise des documents sociaux de fin de contrat conformes à la décision à compter de la notification de la décision à intervenir,
- de cinquième part, ordonné au titre de l'article L. 1235-4 du code du travail le remboursement, par la Caisse Régionale d'Assurance Mutuelle Agricole Groupama Méditerranée, aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme [EG], du jour de son licenciement au jour du jugement, dans la limite de six mois d'indemnité de chômage,
- de sixième part, condamné la Caisse Régionale d'Assurance Mutuelle Agricole Groupama Méditerranée à payer à Mme [EG] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L'infirme pour le surplus, statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne la Caisse Régionale d'Assurance Mutuelle Agricole Groupama Méditerranée à verser à Mme [EG] les sommes suivantes :
' 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis au titre du harcèlement moral de la date du 10 février au 10 avril 2019.
' 98 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul, assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement conformément à l'article 1231-7 du code civil,
Renvoie Mme [EG] à mieux se pourvoir devant la juridiction de sécurité sociale relativement aux conséquences préjudiciables de l'accident du travail,
Déboute Mme [EG] de sa demande de dommages-intérêts au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité relativement aux agissements antérieurs à la date de son accident du travail et renvoie l'intimée à mieux se pourvoir également de ce chef devant la juridiction
de sécurité sociale au titre des conséquences préjudiciables de l'accident du travail du 11 avril 2019,
y ajoutant,
Rappelle en tant que de besoin que le présent arrêt infirmatif tient lieu de titre afin d'obtenir le remboursement des sommes versées en vertu de la décision de première instance assortie de l'exécution provisoire,
Condamne la Caisse Régionale d'Assurance Mutuelle Agricole Groupama Méditerranée à verser à Mme [EG] la somme de 4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel et aux dépens d'appel,
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre sociale
ARRET DU 09 JUILLET 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/03744 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PPSB
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 MAI 2022
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 19/00517
APPELANTE :
CAISSE REGIONALE D'ASSAURANCE MUTUELLE AGRICOLE MEDITERRANEE (GROUPAMA MEDITERRANEE)
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social, sis
[Adresse 13]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Pascal ADDE de la SCP ADDE - SOUBRA AVOCATS, substitué sur l'audience par Me Vanessa MENDEZ, avocats au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
Madame [T] [EG]
née le 16 Mai 1971 à [Localité 12] (30)
de nationalité Française
[Adresse 10]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 3]
Représentée par Me Frédérique REA, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 08 Avril 2025
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 MAI 2025, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre
Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère
Madame Magali VENET, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER
ARRET :
- contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après prorogation de la date du délibéré initialement prévue le 02 juillet à celle du 09 juilet 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.
*
* *
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Suite à un contrat de professionnalisation daté du 23 avril 1992, Mme [T] [EG] a été engagée le 1er octobre 1993 par la Caisse Régionale d'Assurance Mutuelle Agricole Groupama Sud, devenue la Caisse Régionale d'Assurance Mutuelle Agricole Groupama Méditerranée (ci-après CRAMA Méditerranée), en qualité de producteur réviseur dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps complet. Au dernier état de la relation contractuelle, Mme [EG] occupait le poste de responsable de secteur commercial, statut cadre, au sein de la direction développement, marché des particuliers, secteur [Localité 9].
Convoquée le 11 avril 2019 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 24 avril suivant, reporté, par lettre du 29 avril au 9 mai 2019 en raison de l'arrêt de travail prescrit à la salariée le 11 avril, Mme [EG] a été licenciée pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception du 14 juin 2019, ainsi libellée :
« Par courrier du 11 avril 2019 nous vous avons convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement. [...]
Nous avons donc décidé de poursuivre la procédure disciplinaire engagée à votre encontre en saisissant le Conseil conformément à l'article 90-a de la Convention Collective des Sociétés d'Assurances.
Le Conseil s'est tenu le 21 mai 2019 (le procès-verbal est annexé au présent courrier).A la suite de la tenue de ce conseil, nous avons décidé de vous licencier pour le motif suivant :
' Comportement fautif inadmissible consistant en une remise en cause régulière de votre hiérarchie devant vos collègues, une attitude de défiance, d'opposition à la stratégie de l'Entreprise, une posture managériale inadaptée ;
Ce comportement, générant une dégradation des conditions de travail, une souffrance morale et psychologique de votre hiérarchie tant actuelle que de sa précédente, caractérise une faute grave.
Nous avons été alertés par Madame [O] [M], votre Responsable Hiérarchique depuis décembre 2018.
Elle nous a fait part de votre comportement déviant et répété à son égard qui lui a provoqué une souffrance morale et psychologique. Cette souffrance a été constatée par ses collègues et Mme [V] [I], sa Directrice Commerciale.
Dès la première réunion organisée en janvier 2019 avec ses Responsables de Secteur Commerciaux, dont vous faites partie, Mme [M] a dû gérer les " apartés " réguliers entre vous et avec votre collègue, Mme [H] [X].
Vous avez monopolisé la parole et interrompu la prise de parole de votre autre collègue Mme [LB] [G].
Fin janvier, lorsque Mme [M] vous a demandé par 'mail' individuel des précisions quant à la nature d'une anomalie qui a été constatée, vous lui avez répondu en mettant systématiquement en copie l'ensemble de vos collègues RSC.
Lors de la formation 'Appels sortants' des RSC, vous avez remis en question le contenu de l'Intervention de Mme [M].
Le 29 Janvier, Mme [M] vous a reçue dans le cadre de votre entretien mensuel. Une mise au point a notamment été faite afin d'améliorer votre comportement en collectif. Malgré cela, aucune amélioration n'a été constatée, et vous avez réitéré ce comportement lors d'une conférence téléphonique de lancement de semaine.
La répétition de ce comportement inadapté a amené Mme [M] à aborder, à nouveau, le sujet fin février lors de votre entretien annuel.
Le 28 mars un nouveau recadrage a été effectué par Mme [M] rappelant la nécessité de modifier les comportements des managers et une fois de plus vous avez répondu à votre responsable sur un ton condescendant.
Mme [M], en qualité de Responsable commerciale territoriale, a tout mis en oeuvre pour créer un collectif et vous avez tout fait pour anéantir ses efforts.
Les collègues de travail de Mme [M] (autres Responsables Commerciaux Territoriaux ... ) ont pu observer un changement dans l'attitude de cette dernière. À la prise de son poste, ils étaient face à un manager 'positif, dynamique, souriant', ayant la volonté de s'intégrer dans un collectif.
Au fil des mois, sa Directrice Commerciale et ses collègues ont vu une personne soucieuse, préoccupée, jusqu'au Comité de Développement qui s'est tenu début avril. Lors de ce Comité animée par Mme [I], Mme [M] a fait part de l'ambiance malsaine que vous générez sur son territoire, et ce, malgré les rappels à l'ordre dont vous avez fait l'objet.
Ceci l'a amenée à quitter la réunion en pleurs.
Ce comportement inadmissible et intolérable a conduit la Directrice Commerciale à intervenir le 4 avril 2019 afin de recadrer le comportement des RSC.
A la suite de cette alerte nous avons été amenés à échanger avec d'autres salariés (vos anciens managers, collègues de travail ...) qui nous ont confirmé le comportement décrit par Mme [M].
M. [D] [XY], votre précédent manager, nous a fait part des difficultés comportementales qui sont apparues dès sa prise de son poste, en janvier 2017. Dès le départ il a rencontré des points de blocage avec vous et notamment votre facilité à duper et à manipuler votre entourage.
Ces comportements, assimilables à des actes d'insubordination, ont consisté notamment : en la reconnaissance difficile de la hiérarchie, le non-respect de certaines consignes données par la hiérarchie, des attitudes régulièrement irrespectueuses vis-à-vis de vos pairs (retards fréquents ...), la remise en cause de la stratégie commerciale.
M. [XY] nous a indiqué que cette attitude d'opposition systématique l'a conduit à demander une mobilité professionnelle.
D'autres salariés ont fait un constat identique à celui de Mme [M] et de M. [XY] à savoir le concernant : un comportement inadapté en collectif (ex : 'constamment concentrée sur son Smartphone pendant les interventions de son manager'...), une remise en cause fréquente des orientations de l'entreprise, des réponses arrogantes à la moindre remarque.
Nous considérons, par conséquent, que ces actes intolérables et inadmissibles dont vous êtes l'auteur sont constitutifs d'une faute grave qui justifie la rupture de notre relation de travail sans préavis. Le licenciement prendra donc effet au 18 Juin 2019 au soir sans indemnité de préavis ni de licenciement. Vous êtes déliée de toute clause de non concurrence. »
Dans l'intervalle et suivant requête datée du 6 mai 2019, Mme [EG], soutenant être victime d'un harcèlement moral, a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier aux fins d'entendre prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul et condamner la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
Par jugement du 30 mai 2022, ce conseil a statué comme suit :
Dit et juge que la société Groupama Méditerranée n'a pas exécuté le contrat de travail de manière loyale,
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Groupama Méditerranée à la date du 14 juin 2019,
Dit et juge que la résiliation du contrat de travail de Mme [EG] produit les effets d'un licenciement nul,
Constate que Mme [EG] a été victime de harcèlement moral et condamne la société Groupama Méditerranée à verser la somme de 62 613,05 euros nets à titre de dommages-intérêts pour le harcèlement moral subi, assortie des intérêts au légal à compter du prononcé du jugement conformément à l'article 1231-7 du code civil,
Constate le manquement à l'obligation de sécurité de résultat et condamne la société Groupama Méditerranée à verser à Mme [EG] la somme de 31 806,52 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat, assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement conformément à l'article 1231-7 du code civil,
Déboute Mme [EG] de sa demande concernant des dommages-intérêts pour licenciement vexatoire et dit que Mme [EG] est remplie de ses droits dans les dommages-intérêts pour harcèlement moral,
Fixe le salaire de référence de Mme [EG] à la somme de 5 217,75 euros bruts,
Condamne la société Groupama Méditerranée à verser à Mme [EG] des dommages-intérêts (24 mois de salaires) pour licenciement nul d'un montant de 125 226,10 euros prise à la date de la résiliation du contrat de travail de Mme [EG], soit le 14 juin 2019, assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement conformément à l'article 1231-7 du code civil,
Condamne la société Groupama Méditerranée conformément à l'article 46 de l'accord d'entreprise en vigueur, à verser à Mme [EG] l'indemnité conventionnelle due pour licenciement nul d'un montant de 125 226,10 euros prise à la date de la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [EG], soit le 14 juin 2019, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance conformément à l'article 1231-7 du code civil.
Condamne la société Groupama Méditerranée à payer à Mme [EG] la somme de 20 871,01 euros bruts à titre d'indemnité de préavis, outre la somme de 2 087,10 euros bruts à titre de congés payés y afférents, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance conformément à l'article 1231-7 du code civil,
Ordonne la remise des documents sociaux de fin de contrat conformes à la décision à compter de la notification de la décision à intervenir,
Ordonne l'exécution provisoire de droit dans les conditions prévues aux articles R. 1454-14 et R.1454-28 du code du travail et sur la base d'un salaire mensuel moyen de 5 217, 75 euros bruts,
Ordonne au titre de l'article L. 1235-4 du code du travail le remboursement, par la société Groupama Méditerranée, aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme [EG], du jour de son licenciement au jour du jugement, dans la limite de six mois d'indemnité de chômage,
Déboute les parties de toutes autres demandes, plus amples ou contraire,
Condamne Groupama Méditerranée à payer à Mme [EG] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Le 8 juillet 2022, la société Groupama Méditerranée a relevé appel de tous les chefs de ce jugement, à l'exception de celui ayant débouté Mme [EG] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire.
Par ordonnance du 8 avril 2025, la clôture de l'instruction a été ordonnée et l'affaire fixée au 5 mai suivant.
' Aux termes de ses conclusions récapitulatives remises au greffe le 13 janvier 2025, la Caisse Régionale d'Assurance Mutuelle Agricole Méditerranée demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de débouter Mme [EG] de l'intégralité de ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance. A titre subsidiaire, la société Groupama Méditerranée demande à la cour de réduire le quantum des condamnations prononcées à son encontre à de plus justes proportions.
' Aux termes de ses conclusions responsives et récapitulatives, remises au greffe le 5 mars 2025, Mme [EG] demande à la cour 'confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré sauf à porter le montant des condamnations au titre des dommages-intérêts pour harcèlement moral, atteinte à la dignité et à l'image à la somme de 93 919,57 euros' et ceux pour licenciement nul à la somme de 187 840 euros, et de condamner la société Groupama Méditerranée à lui verser 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. A titre subsidiaire, Mme [EG] demande à la cour de dire que son licenciement pour faute grave sans cause réelle et sérieuse, et de condamner la société Groupama Méditerranée à lui verser des sommes identiques à celles prononcées en première instance, outre les demandes de revalorisation sollicitées plus haut.
A l'audience, la cour a soulevé d'office le moyen de droit tiré de la compétence du juge prud'homal pour statuer sur les demandes de dommages-intérêts formées par la salariée au titre du harcèlement moral et du manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur.
Le conseil de la salariée a fait valoir que s'agissant du harcèlement moral, l'élément de soudaineté qui caractérise l'accident du travail étant nécessairement absent dans de telles circonstances, la Cour de cassation refuse de qualifier des faits de harcèlement moral d'accident du travail (Cass. 2e civ.24-5-2005 n° 840 FS-PB, Liard c/ CPAM d'Eure-et-Loir et a. : RJS 8-9/05 n° 901) et qu'en l'espèce, le fait accidentel ayant justifié reconnaissance et prise en charge au titre accident du travail est le malaise soudain dont elle a été victime sur le lieu de travail provoqué par le choc psychologique qu'elle a subi à l'annonce téléphonique qu'elle serait licenciée faute d'accepter une rupture conventionnelle, alors que le harcèlement moral dont elle a été victime a duré 2 ans et demi et qu'elle invoque au soutien de ses demandes prud'homales, n'a pas été invoqué au soutien de la reconnaissance de son accident du travail qui résulte exclusivement de son malaise provoqué par le choc traumatique qu'elle a subi à l'annonce du refus de lui accordé un délai supplémentaire de réflexion et la mise en 'uvre immédiate de son licenciement, de sorte que sa demande de dommages-intérêts pour les préjudices subis en raison du harcèlement moral dont elle a été victime durant l'exécution de son contrat de travail et du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité à ce titre qui a conduit à la dégradation de ses conditions de travail (cf. pages 13 et suivants des conclusions d'appel) ne sont pas nés ni ne sont la conséquence de l'accident du travail qui sont distincts contrairement aux faits ayant donné lieu à l'arrêt du 14 novembre 2024 (n°22-21.809).
Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, aux conclusions sus visées.
MOTIVATION :
Sur le harcèlement moral :
En application des articles L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon les dispositions de l'article L. 1154-1 du même code, dans sa version issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, du code du travail, lorsque le salarié présente des éléments de fait, précis et concordants, constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, Mme [EG] énonce les faits suivants, constitutifs selon elle d'un harcèlement ayant débuté début 2017 par l'arrivée d'un nouveau directeur des ressources humaines :
1. Un premier rappel à l'ordre de février 2017 sur de prétendues infractions routières,
2. La convocation à un entretien préalable en septembre 2017 à nouveau accès sur son comportement routier non seulement infondés mais relevant de sa vie privée, à laquelle l'employeur n'a finalement pas donné de suite,
3. Son évaluation 2018 réalisé en 2019 lui attribuant une note de 60% sur son objectif quantitatif avec une appréciation retenue 'proche des attentes' en décalage avec ses résultats lesquels s'avéraient supérieurs à ceux du département de l' Hérault,
4. Le fait d'avoir été violemment prise à partie, ainsi que 4 de ses collègues par Mme [I], directrice commerciale et N+2, le 4 avril 2019 à l'occasion d'une assemblée générale,
5. Nonobstant la saisine du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail suite à cette altercation au titre des risques psycho-sociaux, elle était convoquée à un entretien par le directeur des ressources humaines qui lui proposait le 8 avril 2019 une rupture conventionnelle du contrat de travail en lui intimant une réponse pour le 11 avril à défaut de quoi il engagerait un licenciement pour faute grave,
6. Elle sollicitait le 11 avril un délai supplémentaire pour se positionner, qui lui était refusé, cette annonce abrupte et totalement disproportionnée et injuste lui occasionnant un sévère malaise à son bureau, accident reconnu d'origine professionnelle par la MSA.
Les faits suivants sont constants ou établis par la salariée :
1 - par correspondance du 20 février 2017, le directeur des ressources humaines, M. [L], a attiré l'attention de la salariée sur sa conduite et la nécessité réglementaire imposée dorénavant aux employeurs par les autorités de leur communiquer l'identité des conducteurs des véhicules impliqués dans des infractions routières, courrier rédigé dans les termes suivants :
'dans le cadre de vos fonctions, un véhicule est mis à disposition par Groupama. Au cours de l'année 2016, nous avons le regret de constater que vous avez commis 10 infractions routières qui ont données lieu à l'émission d'amendes.
Je souhaite attirer votre attention sur ce nombre très important d'infractions et sur les conséquences de cette situation tant pour votre sécurité personnelle que pour l'image de l'entreprise. Je vous demande à l'avenir la plus grande vigilance et je compte sur votre engagement.
De plus, compte tenu de la législation en vigueur, je vous rappelle qu'à compter du 1er janvier 2017, nous avons obligation de déclarer le conducteur au moment de l'infraction. Une circulaire va être publiée dans les prochains jours précisant les modalités pratiques de ce décret d'application. [...]'.
En revanche, Mme [EG] n'établit nullement avoir protesté à réception de ce courrier sur le nombre d'infractions routières évoquées par l'employeur, ce qu'elle n'a fait qu'à l'occasion de l'engagement de l'instance prud'homale.
L'affirmation de Mme [EG] selon laquelle la détention de 12 points à son permis en 2017 serait la preuve du caractère erroné du nombre d'infractions à la circulation routière relevée par l'employeur en 2016 est dépourvue de portée, l'employeur rappelant dans ce courrier qu'il ne lui est demandé de communiquer l'identité des conducteurs des véhicules de la société qu'à compter du 1er janvier 2017.
2- Par lettre du 27 septembre 2017, l'employeur l'a convoquée à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire, fixée au 10 octobre 2017 :
- A l'issue de cet entretien, la salariée a adressé par lettre datée du 10 octobre 2017 les observations suivantes sur les griefs qui lui avaient été faits :
' [...] ainsi que je voulais exprimer au cours de l'entretien, je souhaite vous confirmer ma plus grande surprise quant aux faits qui m'ont été reprochés et vous ont conduit à me convoqué pour prendre une sanction à mon encontre :
1. Demande de la gendarmerie afin d'avoir l'identité du conducteur du véhicule immatriculé [...] mise en cause dans une altercation sur l'autoroute entre 2 conducteurs :
pour justifier ce reproche vous m'avez rappelé le courrier adressé par vous-même le 20 février 2017 dans lequel vous attirez mon attention sur le nombre important d'infractions' et vous me demandiez à l'avenir la plus grande vigilance en me précisant compter sur mon engagement. Bien que cet événement se soit produit dans le cadre de la vie privée, je tiens à vous réitéré le contexte et la réalité de son déroulement : en effet, il y a eu une altercation sur l'autoroute entre mon conjoint qui conduisait le véhicule et un autre automobiliste. Alors que nous nous dirigions en urgence vers la clinique de [Localité 11] ou mon beau-père venait d'être admis au service réanimation pour une crise cardiaque et que son état a été jugé très grave (cf. Courrier du compte-rendu d'hospitalisation), c'est automobiliste, non seulement nous admis à plusieurs reprises en danger mais pire, nous a bloqué à l'échangeur de l'autoroute de [Localité 6]. Mon conjoint a manifesté sa désapprobation face à ce comportement irresponsable. Une altercation s'en est suivie. Pour ma part, j'étais en congé ce jour-là. La convention de mise à disposition d'un véhicule de location stipule que mon conjoint a le droit de conduire occasionnellement le véhicule mis à ma disposition [...]. aucun grief ne peut m'être reproché sur ce point.
S'agissant de l'image de l'entreprise, je vous rappelle que mon véhicule de fonction ne comporte aucun logo de l'entreprise. À aucun moment l'entreprise n'a pu être identifiée ni son image mise en cause.
Au contraire, je suis intervenu pour apaiser la situation et à cette fin, j'ai communiqué mes coordonnées téléphoniques à l'autre conducteur. J'ai moi-même appelé la gendarmerie de [Localité 7] en charge de l'échangeur de l'autoroute et envoyer un mail le 28 août afin de communiquer les coordonnées de mon conjoint pour qu'il puisse l'entendre dans le cadre de cet incident. L'audition de mon conjoint a été réalisée et la procédure est toujours en cours [...]
2. Mise en cause sur 2 infractions des 17 et 14 janvier 2017 aux [Localité 4] et à [Localité 5] entraînant 5 points de retrait du permis de conduire :
vous avez fait référence à ma mise en cause dans ces 2 infractions. Or, ainsi que je vous l'ai précisé, il s'agit d'erreurs pour lesquelles j'ai adressé une requête en contestation auprès de l'autorité compétente. Ces erreurs ont été reconnues et mon dossier a été régularisé avec l'annulation de ces infractions et l'absence de retrait. Ce grief ne peut m'être reproché.
3. Mise en cause sur une infraction le 16 février 2017 à 12h35 et sur une contravention pour dépassement de durée de stationnement.
J'ai réglé ces contraventions.
Le point qui m'avait été retiré à l'occasion du dépassement de la vitesse a été depuis récupéré. [...]
J'ai pris acte en fin d'entretien et vous en avez convenu, qu'il n'y avait pas de motif à sanction et que l'ensemble des faits ayant motivé ma convocation était basée sur de simples rumeurs, colportées sur mon époux et moi-même qui s'avère totalement fausse.
Permettez-moi de vous exprimer à nouveau tout mon mal-être face à cette situation et à l'attitude adoptée à mon égard. Après 25 années de collaboration sans le moindre problème, 25 années de pleine loyauté, de professionnalisme, j'ai fait preuve de dévouement sans faille, il m'est difficile encore d'admettre d'avoir pu ainsi être convoqué pour des faits qui n'ont pas été vérifiés au préalable et qui s'avèrent totalement infondés et non avérés, sur la base de simples rumeurs et bruits de couloir qui ont circulé et de surcroît me mettre en situation délicate tant auprès des collaborateurs et que les supérieurs pour continuer à se répandre. Si cette situation constitue bien une atteinte à l'image, il s'agit d'une atteinte à mon image. Aussi je vous remercie de bien vouloir intervenir rapidement et faire tout le nécessaire pour couper court à ces rumeurs qui me portent préjudice en communiquant officiellement. Je vous autorise à cette fin a relaté la réalité des faits au besoin en produisant les justificatifs utiles [...]'.
- l'existence de rumeurs à l'origine de cette convocation n'est étayée par aucun élément probant.
- par lettre du 13 octobre 2017, le directeur des ressources humaines a fait suite à l'entretien préalable dans les termes suivants :
« [...] Le 25 août dernier, nous avons été informés par la gendarmerie de [Localité 7] agissant sur commission rogatoire délivrée par le procureur de la république de [Localité 11], d'un événement inadmissible survenu le 18 août au péage autoroutier de [Localité 6] par le conducteur du véhicule d'entreprise mise à votre disposition.
Vous avez déclaré à cette même gendarmerie que c'était votre compagnon qui était au volant et a été impliqué dans l'incident. Ce que vous m'avez confirmé lors de l'entretien.
Comme indiqué, je vous rappelle que la conduite du véhicule mis à votre disposition n'est autorisée que de façon exceptionnelle et occasionnelle par votre conjoint sous réserve qu'il soit titulaire d'un permis de conduire valable.
J'attends de nos salariés une conduite exemplaire lorsqu'il utilise les moyens mis à leur disposition par l'entreprise. Il en va de l'image de Groupama Méditerranée et du groupement général, ce que je vous ai déjà rappelé par courrier du 20 février 2017 constatant que vous aviez commis 10 infractions routières en 2016. Par ailleurs depuis le début de l'année 2017 vous avez commis 4 infractions routières.
Là encore, et conformément à l'article 15 du règlement intérieur, je vous rappelle « tout collaborateur amené à conduire un véhicule dans le cadre de ses fonctions' s'engage à prendre toutes les mesures nécessaires à la conservation de son habilitation à la conduite. »
Compte tenu de nos échanges, les explications recueillies lors de l'entretien du 10 octobre, je vous informe que nous avons décidé de ne pas prendre de sanctions à votre encontre.
Je vous invite à faire preuve désormais de vigilance dans votre comportement routier. [...]. »
3 - Alors qu'en 2017, le N+1 avait évalué globalement la salariée comme 'conforme aux attentes', et relevé au titre de ses commentaires que '[T] a beaucoup de qualités managériales auprès des équipes notamment sur le plan humain. Cette année, son comportement a aussi favorablement changé sur l'appréhension de la stratégie et sa conduite sur le terrain. On note aussi une vraie appartenance à l'équipe, avec une forte implication, la prise en charge de ses collègues absents. Encourageant pour l'avenir et son avenir',
à l'occasion de l'évaluation 2018 son supérieur, M. [OK], l'a évaluée seulement 'proche des attentes' et ne lui a accordé, sur l'un des 5 objectifs qui lui avaient été assignés, à savoir celui d' « atteindre les objectifs en matière de collecte globale et de financement en pilotant notamment l'activité certificat mutualiste et UC et en accompagnant ses collaborateurs », qu'une évaluation de 60, pour laquelle Mme [EG] a présenté des observations dans les termes suivants :
« un taux d'atteinte à 96 % en collecte globale UC et euros et à 86 % en CM une bonne évolution des compétences sur cet indicateur.
Sur les réalisations 2018 :
'un taux d'atteinte en CM sur le secteur de [Localité 9] de 81% ' taux d'atteinte du territoire 34 : 84,13 %,
'un taux d'atteinte à 95,72 % en collecte globale sur le secteur de [Localité 9] ' taux d'atteinte du territoire 34 : 88,12 %
'un taux d'atteinte désirio de 75 % sur mon secteur ' taux d'atteinte du territoire 34:63,80 %
de 81 % [...] je ne partage pas l'évaluation à 60 % que je trouve démotivante compte tenue de l'investissement pour faire évoluer les compétences des collaborateurs en difficulté sur le long terme.
- M. [XY] a répondu aux interrogations et à l'incompréhension exprimée par la salariée, par message du 21 février 2019, sur son évaluation à 60% sur cet objectif quantitatif, et sur une évaluation 'proche des attentes' alors que son taux d'atteinte sur la plupart des indicateurs est égal ou supérieur aux années précédentes où elle était évaluée 'supérieure' aux attentes' ou 'conforme aux attentes', dans les termes suivants :
« dans la notation des objectifs assignés sur une année, il ne s'agit pas de mettre un taux d'atteinte mais une cotation. Concernant les objectifs, il ne s'agit pas de se comparer aux autres mais de savoir si on y ou pas. Ce n'est pas non plus un résultat sur objectifs en considérant que l'objectif est à zéro. Sur cet item, je considère qu'un objectif stratégique comme les CM n'y est pas et que les autres lignes non plus. Mon évaluation reste donc une note moyenne soit 60/100. Concernant l'évaluation globale, elle n'est pas sujette aux seuls résultats mais également à une posture en général pour laquelle je me suis expliqué et pour laquelle d'ailleurs je t'avais encouragé en début d'année 2018 à poursuivre des efforts ce qui n'a pas été le cas d'où mon évaluation en retrait. Tu peux bien entendu ne pas la partager et la contester, mais je garde là-dessus ma position. »
- Nonobstant ce désaccord sur cette évaluation, il ressort du compte-rendu d'entretien que la salariée n'a pas souhaité demander un entretien RH'.
4. Le 4 avril 2019, avant l'ouverture de l'assemblée générale et alors que Mme [EG] et 4 de ses collègues se trouvaient dans le hall d'accueil de la salle où devait se dérouler la réunion, Mme [I] les a violemment pris à partie : la lettre que ces cinq salariés ont adressée le 5 avril au comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail est ainsi libellée :
« [...] Dès le départ.. Le ton est virulent.
[V] [I] : « vous avez fini ' Je viens de siffler la fin de recréation ' »
Devant notre air interrogatif, elle poursuit « ah elle est belle l'équipe, elle joue bien le collectif en ce moment ' alors que [D] [XY] s'est plaint l'année dernière qui n'arrivait pas à constituer une équipe de ce groupe, là aujourd'hui, on fait des mails communs, on échange, on partage. Une vraie équipe soudée. »
Mme [I] poursuit en s'énervant « oui oui c'est tout à fait ça. Rendez-vous compte de votre image si demain [O] n'est plus là, vous serez responsables !' Vous savez ce que vous êtes de la 'merde humaine', votre niveau est vraiment bas, il est à ce niveau (elle se baisse pour montrer le niveau de la moquette) en 25 années de carrière je n'ai jamais vu ça c'est une véritable cabale. »
[LB] [G] répond : « mais Mme [I] vous pensait que c'est une conspiration ' »
[R] [W] : « 'merde humaine' c'est surprenant. »
[T] [EG] : « oui Mme [I], je crois que vous y allez un peu fort, nous traiter de « merde humaine », sans échange, est-ce que vous pensez quand même d'être au fait de la situation réelle. »
[V] [I] : « taisez-vous ! Vous [T] vous avait un problème de posture, et le mail envoyé lundi 1er avril détermine que vous êtes le leader de cette petite équipe, en mettant tout le monde en copie. Votre manager vous fait un mail de recadrage et vous vous permettez de lui répondre, et vous mettez tout le monde en copie. »
[T] [EG] : « pas du tout, c'était un mail qui était adressé à l'ensemble de l'équipe et qui faisait suite à un mail de la semaine d'avant sur les pools phoning et sur la participation à l'AG où nous étions tous concernés, et par ailleurs il parlait de dynamique collective, je m'inscrivais dans cette dynamique' »
[V] [I] : « Je vous ai dit de vous taire, vous n'avez pas droit à la parole, vous voyez que vous avez un problème de posture. Je suis au courant de tout ce qui se passe sur le département 34, je suis en copie de tous les mails, de tous les échanges, vous décidez comme cela de venir à l'AG pour 3 d'entre vous. Et je n'ai pas dit que vous étiez de la 'merde humaine', j'ai dit que votre comportement était assimilé à de la 'merde humaine', allez-y mettez-vous en arrêt travail, saisissez les délégués du personnel, si vous voulez, ou l'institutionnel vous avez une belle tribune présente ici aujourd'hui. Votre rôle est d'aider votre manager, elle est très compétente en management, je sais qu'elle passe des journées en accompagnement avec certains d'entre vous, après effectivement elle a des difficultés. »
[LB] [G] : « c'est un peu violent Mme [I] »
[AW] [B] : « oui mais justement nous proposons notre aide à [O] qui la refuse »
[K] [N] : « oui, [V], elle n'accepte pas notre aide, et peut-être que les bruits dont vous parlez viennent d'autres sources que la nôtre »
[H] [A] : « [V], on a l'impression qu'il n'y a pas de relation de confiance et c'est difficile d'avancer »
[V] [I] : « vous êtes le seul département qui n'a pas compris que ça avait changé »
[T] [EG] : « je vous assure que nous sommes impliqués et investis dans nos missions, j'ai de bons résultats sur mon secteur qui a été positif en développement au 31 décembre »
[V] [I] : « taisez-vous [T], vous voyez bien que vous avez un problème de posture, je vous demande de vous taire et vous continuez, vos résultats de l'année dernière ne sont portés que par l'auto, vous êtes en retrait de 17 % en GSA, sans les autos vous seriez en développement négatif. »
[Z] [U] vient informer [V] [I] que la réunion va commencer.
[V] [I] : « ce n'est pas la peine d'en parler à [S] [Y], il est au courant et c'est lui qui m'a demandé de vous recadrer »
nous sommes tous en état de choc, dans les propos tenus était d'une violence inimaginable, insultant et grave. Nous avons été atteints dans notre dignité, et ce d'autant plus que ces insultes ont été tenues alors qu'il y avait beaucoup de monde autour de nous, dont un représentant du personnel et de nombreux présidents. Nous sommes en état de choc.
[LB] [G] s'écroule, elle fait un malaise, choquée.
[T] [EG] et [AW] [B] essaye d'aller porter assistance à leurs collègues.
[V] [I] leurs cris d'aller dans la salle « au boulot, au travail bougez-vous je vous ai dit que la récréation était finie ».
[...]
L'agent du cinéma demande à [T] [EG] s'il doit appeler les pompiers ' [P] [G] répond que ça va et [V] [I] dit que c'est pas utile.
Nous sommes en salle de réunion, en état de choc, pleure, [...]
Nous ne pouvons tolérer qu'un supérieur hiérarchique s'adresse à nous de la sorte. Ces faits ne sont pas isolés mais apparaissent inscrire dans un mode de management délibérément adopté. »
Il ressort du compte-rendu de la réunion extraordinaire du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail en date du 26 avril 2019, à l'issue de laquelle il a été décidé de diligenter une mesure d'enquête sur les faits du 4 avril, que M. [L], directeur des ressources humaines, a exposé que 'l'intervention de Mme [I] était prévue et concertée en direction, compte tenu d'un contexte particulier, elle n'était pas sans raison [...] il s'agit d'une directrice commerciale qui s'exprime directement, son propos a été rugueux, elle a été un peu loin dans ses propos, elle-même n'était pas très satisfaite d'avoir utilisé des termes raides [...]'.
Il résulte du compte-rendu de l'enquête diligentée par le comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail les éléments suivants :
- Mme [I] reconnaît avoir eu des 'propos volontairement appuyés' en précisant qu'elle sera vigilante à l'emploi de certains termes à l'avenir, qu'il était devenu nécessaire de mettre un terme définitif à un processus d'écrasement des responsables commerciaux du 34, chacun d'entre eux ayant subi un début de RPS du fait de l'impossibilité de travailler avec ce collectif citant les cas de DT ([D] [XY], prédécesseur de Mme [M]) et compte-rendu ([O] [M]),
- tous les responsables commerciaux de secteur ont souligné le caractère descendant, violent et choquant des propos tenus par Mme [I] sans avoir la possibilité de s'exprimer [...].
Il ressort des entretiens que le mode de management déployé par [O] [M] à ses subordonnés est apparu exclusivement théorique sur une période trop longue en décalage avec leurs attendus, s'agissant de responsable de secteur expérimenté pour la plupart en attente d'un accompagnement plus en adéquation avec leurs besoins opérationnels.
- Mme [EG], en arrêt de travail, n'a pas été entendue,
- Mme [M] a indiqué ceci :
elle prend ses fonctions le 17 décembre 2018 et rencontre individuellement les RSC34. EN janvier 2019, elle fixe un cadre de fonctionnement pour établir des règles partagées par tous. Rapidement elle constate un collectif agité et dissipé. Une hiérarchie interne entre les RSC qui s'interpellent en séance. Mme [EG] apparaît comme la leader, se permet de juger et commenter les propos de ses collègues' SRB trop bavarde, SBO en retrait. En conséquence, elle a dû se positionner en arbitre au point que son assistante a mentionné 'qu'elle ne souhaitait plus assister à ce genre de réunion si cela devait continuer. Elle indique avoir fait un rappel au cadre de fonctionnement préalablement établi. Dans la méthode de travail qu'elle souhaite installer, elle constater un rejet de la méthode, a minima une opposition. 'Cela me conforte dans le constat que mes RSC ont l'habitude de faire ce qu'ils veulent quand ils le veulent'. Elle se voit opposer sa non maîtrise des outils informatiques. Ce contexte pesant devient de plus en plus difficile à supporter. Elle commence à craquer, elles est régulièrement en pleurs dans son intimité. Elle confie à BD ses difficultés qui lui propose d'intervenir à l'occasion d'une prochaine réunion. Elle décline cette proposition afin de ne pas accentuer sa fragilité aux yeux des RCS. Elle finit pas rencontrer le médecin du travail en avril 2019.
Le comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail procède à l'analyse suivante :
- la nécessité pour la DC de ne plus faire appel à des propos grossiers et insultants au risque de générer des risques psychosociaux latents,
- des RSC34 qui ont laissé leur propre collectif partir à la dérive par une attitude soit résignée soit antagoniste,
- une RCT 34 actuelle dont le management n'apparaît pas claire car pas ou peu d'adhésion de la part de ces RSC,
- une direction commerciale antérieure à l'arrivée de Mme [I] qui n'a pas soutenu son RCT34,
Il préconise :
suite à l'émotion encore forte, générée par les termes employés par Mme [I], le comité demande à la direction que cette nature de propos soit dorénavant exclue que Mme [I] puisse reconnaître le caractère excessif de ses propos à l'occasion d'une prochaine réunion de manager atteint dans leur dignité.
Concernant les RCS, le comité a bien noté la nécessité de revenir sur les fondamentaux du métier de manager mais insiste sur l'importance de laisser plus de place à la prise en compte de l'échange d'idées,
le comité souhaite que Mme [M] adapte son management de sorte à obtenir la confiance de ses managers,
le comité souhaite refaire un point avec Mme [M] et manager à partir de fin septembre 2019.
5. Si Mme [EG] affirme avoir été convoquée par le directeur des ressources humaines postérieurement à cet incident, il ressort en réalité des pièces communiquées que la salariée avait été conviée à cet entretien dès le jeudi 4 avril, veille de l' assemblée générale.
Il n'est pas discuté par l'employeur qu'à l'occasion de cet entretien, le directeur des ressources humaines a proposé à Mme [EG] une rupture conventionnelle en invitant l'intéressée à se positionner sous 48 heures, comme la salariée le précisait elle-même dans son mail du jeudi 11 avril à 10H55, aux termes duquel, d'une part, elle prenait acte de cette proposition et, d'autre part, sollicitait un délai complémentaire pour se positionner en indiquant qu'il s'agissait d'une décision trop importante pour son devenir professionnel [...]'.
6. Mme [EG] justifie d'un échange téléphonique le 11 avril à 14H43, dont elle affirme qu'il a été passé avec l'assistante du DRH, qui lui aurait annoncé qu'elle ne disposerait pas d'un délai complémentaire et que la direction engagerait donc la procédure de licenciement si elle refusait la proposition de conclure une rupture conventionnelle ;
Il est constant que la salariée a fait un malaise en début d'après-midi, dont la direction était informée par Mme [F], suivant message adressé le 11 avril à 15H36, lequel sera reconnu par la caisse de MSA comme accident du travail.
La lettre de convocation à l'entretien préalable était adressée le 11 avril.
La salariée sera placée en arrêt pour accident du travail le 11 avril 2019, lequel sera prolongé jusqu'au 12 février 2023. Elle verse aux débats diverses prescriptions médicales (sertraline, ...) et les certificats de M. [J], médecin généraliste qui atteste 'avoir examiné l'intéressée le 11 avril 2019 amenée par son mari qui présentait un état anxio dépressif majeur suite à un malaise sur son lieu de travail', et du docteur [JI], médecin psychiatre qui atteste le 5 décembre 2019 'suivre Mme [EG] depuis le 3 mai 2019, qui présente depuis le début du suivi un état de souffrance psychique avec un vécu de harcèlement moral', ainsi que des arrêts maladie non professionnels prescrits par M. [JI], psychiatre pour la période du 6 juin 2023 au 20 avril 2025.
Par ailleurs, la salariée souligne que Mme [M] a quitté l'entreprise à l'été 2018, M. [Y] directeur général de Groupama Méditerranée, exposant lors de la réunion du Comité d'entreprise du 16 juillet 2019 que 'la responsable territoriale de l' Hérault a souhaité quitter l'entreprise en accord avec la direction' le DG précisant que 'c'est quelqu'un qui venait de l'extérieur et qui ne se retrouvait donc pas forcément dans le modèle de fonctionnement de Groupama'.
' Pris dans leur ensemble, les faits précis et concordants, ci-avant identifiés comme établis, laissent supposer l'existence d'un harcèlement.
Certes, l'employeur justifie certains de ses agissements par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
C'est ainsi qu'il démontre que :
- tenant la réforme réglementaire et l'obligation imposée aux employeurs de déclarer les conducteurs des véhicules à compter du 1er janvier 2017, le seul fait que la salariée conservait en septembre 2017 (après avoir récupéré automatiquement le point qui lui avait été retiré en mars de la même année) les 12 points de son permis de conduire n'était pas de nature à remettre en question la réalité de la dizaine d'infractions routières mentionnées par l'employeur dans sa correspondance de février 2017, que l'intéressée ne justifie pas avoir contestés ni en février ni même en septembre suivant lors de l'engagement de la procédure disciplinaire ; la société Groupama exerçant une activité assurantielle et tenue, par ailleurs, d'une obligation de sécurité à l'égard de ses salariés, a pu légitimement rappelé la salariée a adopter une conduite conforme aux règles du code de la route tout en l'informant qu'à l'avenir elle serait tenue de communiquer aux autorités les conducteurs des véhicules professionnels ;
- eu égard à l'incident avéré survenu sur l'échangeur de l'autoroute entre deux automobilistes dont l'un conduisait le véhicule mis à la disposition par la société Groupama à Mme [EG], incident avéré dont pudiquement, le conseiller du salarié qui a assisté la salariée lors de l'entretien, indique que 'son conjoint est sorti du véhicule et les échanges avec le tiers ont été à la mesure de cet événement', lui avait signalé la gendarmerie nationale, l'employeur justifie par des éléments étrangers à tout harcèlement moral la convocation de la salariée à un entretien préalable à sanction ; Mme [EG] n'est pas sérieusement fondée à reprocher à la société de ne pas avoir vérifié préalablement à l'engagement de la procédure les faits, alors même que l'entretien disciplinaire a pour objet d'organiser contradictoirement un échange sur un événement susceptible d'engager la responsabilité disciplinaire de la salariée et de permettre à celle-ci de s'en expliquer, ce qu'elle a fait et ce qui a conduit l'employeur à ne pas prononcer de sanction à son encontre.
Le fait pour l'employeur de ne pas avoir donné suite à la demande formulée par la salariée de communiquer sur ce point pour faire taire des 'rumeurs' sur les circonstances de cet incident ne saurait avoir participé d'un harcèlement.
- de même la proposition faite à la salariée d'une rupture conventionnelle du contrat de travail, qui signe la volonté de l'employeur de rompre la relation de travail dans un contexte où il est reproché à la salariée une attitude d'opposition et non professionnelle de la salariée à l'égard de sa nouvelle supérieure hiérarchique récemment nommée et nouvellement engagée par la CRAMA Méditerranée, lequel est un mode légal de rupture du contrat de travail, est étrangère à tout harcèlement.
' Toutefois, alors que Mme [EG] dont les qualités professionnelles étaient reconnues, ce dont le directeur des ressources humaines a expressément convenu lors de la réunion de la commission disciplinaire, était décrite par M. [XY] à l'occasion de l'évaluation 2017 comme une responsable qui a beaucoup de qualité managériale auprès des équipes, dont le comportement a favorablement changé sur l'appréhension de la stratégie et sa conduite sur le terrain, une vraie appartenance à l'équipe, une forte implication, la prise en charge de ses collègues absents [...], qu'elle n'avait jamais fait l'objet de sanction disciplinaire, mais tout juste d'un rappel à l'ordre quant à la conduite automobile en février 2017, l'employeur ne justifie pas, par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, son changement d'appréciation sur son évaluation 2018, dans un contexte où l'intéressée, avait obtenu avec son équipe sur son secteur des résultats supérieurs à ceux obtenus au niveau du département de l' Hérault.
L'absence de congruence entre ses résultats et l'appréciation négative portée par M. [XY] sur l'un de ses 5 objectifs, ce qui a permis à son supérieur de l'évaluer comme n'étant plus 'conforme à l'attente', mais simplement 'proche des attentes', alors même qu'en réalité selon l'évaluateur la difficulté posée par la salariée était de nouveau un problème de 'posture' vis-à-vis de la politique de l'entreprise, n'est pas justifiée objectivement par des éléments étrangers à tout harcèlement.
Par ailleurs, l'attitude virulente et outrancière adoptée par Mme [I] à l'égard de Mme [EG] et de ses collègues, à l'ouverture de l'assemblée générale le 4 avril 2019, n'est nullement justifiée par des éléments étrangers à tout harcèlement, l'employeur n'alléguant même pas malgré les conclusions de l'enquête du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail avoir pris une quelconque mesure disciplinaire à l'égard de cette supérieure hiérarchique.
En effet, alors qu'il est constant que l'employeur a élaboré une note sur les 'bons réflexes en matière de droit social' à l'attention des managers, qui précise comment gérer les comportements fautifs 'mineurs' et préconise des entretiens qui dès le deuxième niveau doivent donner lieu à consignation par écrit, et alors que l'employeur soutient que le comportement adopté par la salariée posait difficulté dès avant l'arrivée de Mme [M], ce que corroborent le témoignage de M. [XY] devant la commission d'enquête, le message que ce dernier a adressé au directeur des ressources humaines et certaines observations portées sur les compte-rendus d'évaluation, il n'est justifié d'aucun entretien dit de 'recadrage', assorti d'un compte-rendu écrit.
Cette carence sera soulignée par les membres du collège salarié de la commission de discipline.
De même pour preuve de la faute grave reprochée à la salariée, force est de constater que les éléments communiqués par la CRAMA consistent pour l'essentiel en des messages aux termes desquels plusieurs collaborateurs exerçant les fonctions de Responsable commercial territorial, ont communiqué, sur l'invitation du directeur des ressources humaines, sur leur ressenti concernant l'intégration de Mme [M]. Par ces messages, ils expriment pour l'un 'que les sourires et la gaieté de [O] sont plus rares, qu'elle a quitté le CODEV du 9 avril de façon impromptue', pour une autre 'avoir vu Mme [M] très affectée par l'ambiance qui règne au sein de son équipe de managers, elle semble en souffrance, à fleur de peau au point de pleurer sur des sujets sans gravité [...]', pour un troisième qu'il 'lui a été rapporté lors d'échanges avec les RCS de men territoire (non identifiés) que (Mme [EG]) aurait adressé un SMS à son collègue [AW] [B] lors d'une conférence téléphonique en le traitant de suce boules'. Un quatrième exprime 'son ressenti concernant [O] [M], depuis quelques jours je la trouve très affectée par le comportement de certain manager de son équipe à son encontre [...]'. Il est également communiqué une attestation conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, mais dactylographiée, par laquelle Mme [E], responsable relation client indique qu' 'à son arrivée, en tant que responsable commercial territorial Mme [M] était pleine de vie, motivée avec l'envie de faire de belles choses sur son territoire afin d'aller chercher le développement. Au dernier CODEV de début avril je l'ai trouvée mal et très fragilisée'.
Certes, il est établi que la salariée a adressé à l'ensemble de ses collègues la réponse qu'elle faisait à Mme [M] après que cette dernière lui ait transmis un message qui lui était exclusivement destiné, plaçant ainsi sa supérieure, à qui elle demandait si elle voulait qu'elle prenne en charge une difficulté technique, en porte-à-faux vis-à-vis de ses subordonnés et qu'elle pouvait participer en réunion à des 'apartés et/ou bavardages'. À défaut pour l'employeur d'avoir mis en oeuvre la procédure interne d'entretien de recadrage avec compte-rendu écrit, applicable aux comportements fautifs mineurs que sont les seuls faits établis à charge de la salariée, ces derniers ne présentent pas de caractère suffisamment sérieux pour justifier d'un licenciement, de surcroît pour faute grave rendant impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise.
Par ailleurs, alors d'une part, que la salariée communique le témoignage circonstancié de M. [C], conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, qui après avoir précisé avoir été son supérieur direct de janvier 2006 à mars 2007 puis avoir travaillé avec elle en sa qualité de directeur du marché des particuliers de janvier 2015 à décembre 2016, atteste qu'au cours de ces périodes 'il n'a jamais constaté une problématique de comportement ou d'assiduité au travail', de deuxième part, que l'employeur ne verse pas aux débats d'attestation de Mme [M], directement concernée par les griefs reprochés à la salariée, laquelle a évoqué devant la commission de discipline des 'difficultés avec l'ensemble de l'équipe', ainsi qu'en témoigne M. [S], de troisième part, que le recadrage outrancier, injurieux et humiliant délivré par Mme [I] le avril 2019 visait l'ensemble de l'équipe, et, enfin, au constat que le mal-être relevé par plusieurs de ses collègues RCT lors du CODEV d'avril pouvait être également mis sur le compte d'un sentiment d'échec de sa récente intégration au sein de la CRAMA, qu'elle quittera d'un commun accord avec l'employeur au début de l'été 2019, le directeur général déclarant publiquement à cette occasion qu'il s'agissait de 'quelqu'un qui venait de l'extérieur et qui ne se retrouvait donc pas forcément dans le modèle de fonctionnement de Groupama', l'employeur ne rapporte pas la preuve du comportement fautif reproché dans la lettre de licenciement lequel serait à l'origine de la dégradation de l'état de santé psychique de sa supérieure hiérarchique.
De même, alors que Mme [EG] et quatre de ses collègues avaient saisi le comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail de l'agression verbale dont ils avaient été victimes le 4 avril par Mme [I], l'employeur ne justifie pas l'empressement avec lequel il a initié la procédure de licenciement visant la salariée, l'arrêt de travail de l'intéressée pour accident du travail en date du 11 avril, ayant conduit la commission d'enquête à ne pas l'entendre.
Faute pour l'employeur de justifier ainsi par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement l'attitude qu'il a adoptée vis-à-vis de Mme [EG] à compter de février 2019 et du compte-rendu de l'entretien d'évaluation 2018, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la salariée avait été victime de harcèlement moral, et en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, de tels agissements rendant impossible la poursuite du contrat de travail, et dit que celle-ci produisait les effets d'un licenciement nul.
Sur l'indemnisation du harcèlement moral :
A l'appui de sa demande de dommages-intérêts, Mme [EG] expose avoir subi des pressions et manoeuvres tendant à son éviction, deux ans de harcèlement dans le stress, l'anxiété qui ont conduit à son état de choc psychologique avec malaise, perte totale de voix et sa sévère dépression qui a défavorablement évolué en dépression chronique.
Il s'ensuit que Mme [EG] invoque expressément au soutien de l'indemnisation de ce poste de préjudice l'accident du travail dont elle a été victime le 11 avril 2019 à l'annonce de l'engagement par l'employeur de la procédure de licenciement et justifie de sa prise en charge d'un arrêt de travail de trois années suivi d'un arrêt pour maladie simple.
Or, aux termes de l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale, sous réserve des dispositions prévues aux articles L. 452-1 à L. 452-5, L. 454-1, L. 455-1, L. 455-1-1 et L. 455-2 aucune action en réparation des accidents et maladies mentionnés par le présent livre ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit. Si la juridiction prud'homale est seule compétente pour connaître d'un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail, relève, en revanche, de la compétence exclusive de la juridiction de sécurité sociale l'indemnisation des dommages nés d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail, qu'ils soient ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité
En l'espèce, abstraction faite de l'accident du travail et des conséquences préjudiciables qui en ont découlé, lesquelles relèvent de la compétence exclusive du juge de la sécurité sociale et de la procédure de la faute inexcusable, les agissements de harcèlement moral subis par Mme [EG] de la date de son évaluation 2018, en date de février 2019, au 10 avril 2019 justifie une indemnisation à hauteur de 15 000 euros.
Le jugement sera réformé en ce sens, la salariée étant invitée à mieux se pourvoir relativement aux conséquences de l'accident du travail.
Sur le manquement à l'obligation de sécurité :
Mme [EG] demande à la cour de confirmer le jugement déféré et 'de condamner sévèrement les agissements intolérables de l'employeur qui a mis en place un vrai stratagème d'éviction en cherchant systématiquement des fautes pouvant être reprochées à Mme [EG] et de le condamner d'autant plus sévèrement que, alors qu'il était saisi par le CHSCT de faits gravissimes commis par la Directrice commerciale qui l'a insultée, méprisée et accusée en public devant notamment d'autres collaborateurs qu'elle mettait également dans le sac, la Direction des ressources humaines est demeurée dans l'immobilisme jusqu'à devoir céder sous la pression du CHSCT pour convenir d'une enquête près d'un mois plus tard le 26 avril 2019 et que, bien pire, au lieu de diligenter immédiatement une enquête, en mesure de rétorsion à cette alerte du CHSCT dont le rapport d'enquête est criant, le DRH s'adonnait à un chantage à la rupture conventionnelle auquel n'a pas cédé l'intimée tenant l'absence de toute faute, en mettant alors à exécution ses menaces de la licencier pour faute grave dont elle était informée sans le moindre égard le 11 avril 2019, ce qui a provoqué un malaise réactionnel à l'origine de son arrêt pour accident de travail'.
De ce chef, Mme [EG] ne justifie pas, pour une première part, de l'existence d'un préjudice distinct de celui d'ores et déjà réparé au titre du harcèlement moral et invoque, pour une seconde part, expressément l'accident du travail, dont l'indemnisation relève de la compétence exclusive de la juridiction de sécurité sociale au contradictoire de la caisse de MSA.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a accueilli la réclamation de Mme [EG] de ce chef en condamnant la CRAMA Méditerranée au paiement de dommages-intérêts et Mme [EG] sera invitée à mieux se pourvoir relativement au préjudice consécutif à l'accident du travail du 11 avril 2019.
Sur l'indemnisation de la rupture produisant les effets d'un licenciement nul :
Au jour de la rupture, Mme [EG] âgée de 48 ans bénéficiait d'une ancienneté de 27 ans et 2 mois au sein de la CRAMA Méditerranée qui employait plus de dix salariés OU moins de onze salariés. Elle percevait un salaire mensuel brut de l'ordre de 5 217,75 euros.
La salariée peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, correspondant, conformément à l'article L. 1234-5 du code du travail, à la rémunération brute qu'elle aurait perçue si elle avait travaillé pendant la période du délai-congé. Au vu de la durée du préavis, fixée à quatre mois conformément aux stipulations conventionnelles, et du montant de son salaire, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la CRAMA Méditerranée à lui verser la somme de 20 871,01 euros, outre 2 087,10 au titre des congés payés afférents.
Calculée sur la base d'une ancienneté au terme du préavis auquel elle avait droit, de 27 ans et six mois, du salaire de référence, l'indemnité de licenciement à laquelle Mme [EG] peut prétendre, plafonnée à deux ans de salaire, s'établit à 125 226,10 euros. Le jugement sera confirmé sur ce point.
La salariée est fondée en sa demande d'indemnité au titre de la perte injustifiée de son emploi, qui ne peut être inférieure à six mois de salaire tenant la nullité du licenciement.
Mme [EG] justifie être toujours prise en charge par la caisse de MSA au titre désormais d'une maladie simple, affection reconnue de longue durée.
Compte tenu des éléments dont dispose la cour, et notamment de l'âge de la salariée au moment du licenciement, et des perspectives professionnelles qui en découlent, le montant de l'indemnité pour licenciement nul sera plus justement évalué à la somme de 98 000 euros.
Il suit de ce qui précède que la rupture du contrat de travail étant intervenue au mépris des dispositions de l'article L. 1152-3 et L. 1153-4 du code du travail, il sera ordonné le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.
Sur les demandes accessoires :
Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil prévoyant que les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal, à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date et à compter de chaque échéance devenue exigible, s'agissant des échéances postérieures à cette date, les créances à caractère indemnitaire produisant intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour en ce qu'il a :
- de première part, jugé que Mme [EG] avait subi un harcèlement moral,
- de deuxième part, prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et dit que celle-ci produit les effets d'un licenciement nul en application des dispositions de l'article L. 1152-3 du code du travail,
- de troisième part, condamné la société Caisse Régionale d'Assurance Mutuelle Agricole Groupama Méditerranée à verser à Mme [EG] les sommes suivantes :
' une indemnité conventionnelle de licenciement d'un montant de 125 226,10 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance conformément à l'article 1231-7 du code civil,
' la somme de 20 871,01 euros bruts à titre d'indemnité de préavis, outre la somme de 2 087,10 euros bruts à titre de congés payés afférents, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance conformément à l'article 1231-7 du code civil,
- de quatrième part, ordonné à l'employeur la remise des documents sociaux de fin de contrat conformes à la décision à compter de la notification de la décision à intervenir,
- de cinquième part, ordonné au titre de l'article L. 1235-4 du code du travail le remboursement, par la Caisse Régionale d'Assurance Mutuelle Agricole Groupama Méditerranée, aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme [EG], du jour de son licenciement au jour du jugement, dans la limite de six mois d'indemnité de chômage,
- de sixième part, condamné la Caisse Régionale d'Assurance Mutuelle Agricole Groupama Méditerranée à payer à Mme [EG] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L'infirme pour le surplus, statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne la Caisse Régionale d'Assurance Mutuelle Agricole Groupama Méditerranée à verser à Mme [EG] les sommes suivantes :
' 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis au titre du harcèlement moral de la date du 10 février au 10 avril 2019.
' 98 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul, assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement conformément à l'article 1231-7 du code civil,
Renvoie Mme [EG] à mieux se pourvoir devant la juridiction de sécurité sociale relativement aux conséquences préjudiciables de l'accident du travail,
Déboute Mme [EG] de sa demande de dommages-intérêts au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité relativement aux agissements antérieurs à la date de son accident du travail et renvoie l'intimée à mieux se pourvoir également de ce chef devant la juridiction
de sécurité sociale au titre des conséquences préjudiciables de l'accident du travail du 11 avril 2019,
y ajoutant,
Rappelle en tant que de besoin que le présent arrêt infirmatif tient lieu de titre afin d'obtenir le remboursement des sommes versées en vertu de la décision de première instance assortie de l'exécution provisoire,
Condamne la Caisse Régionale d'Assurance Mutuelle Agricole Groupama Méditerranée à verser à Mme [EG] la somme de 4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel et aux dépens d'appel,
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT