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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 9 juillet 2025, n° 23/14326

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

GIP #France 2023

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Douillet

Vice-président :

Mme Salord

Conseiller :

Mme Bohee

Avocats :

Me De La Taille, Me Augustin, Me Fajgenbaum, Me Lachacinski

TJ Paris, du 6 juill. 2023, n° 23/02177

6 juillet 2023

***

Vu le jugement rendu le 6 juillet 2023 par le tribunal judiciaire de Paris dans une instance opposant le groupement d'intérêt public (GIP) # FRANCE 2023 (ci-après, le GIP) à la société de droit suisse [R] et à la société de droit américain [R] ENTERTAINMENT (ci-après, les sociétés [R]), concernant notamment la violation du droit exclusif du GIP sur l'organisation de la Coupe du monde de rugby 2023, la contrefaçon d'une marque semi-figurative de l'Union européenne dont ce dernier est le licencié exclusif et la responsabilité délictuelle des sociétés [R] ;

Vu l'appel interjeté le 11 août 2023 contre ce jugement par les sociétés [R] ;

Vu les conclusions d'incident transmises le 15 novembre 2024 par les sociétés [R] aux fins de demander au conseiller de la mise en état :

- d'ordonner un sursis à statuer dans l'attente de la décision que rendra le tribunal de première instance de Bruxelles, sur saisine de la société TICOMBO, sur la question d'adresser à la Cour de Justice de l'Union européenne trois questions préjudicielles,

- de débouter le GIP France de toute demande contraire,

- de réserver les dépens ;

Vu l'ordonnance rendue le 3 décembre 2024 par le conseiller de la mise en état sur cet incident qui a notamment :

- rejeté la demande de sursis à statuer formulée par les sociétés [R],

- condamné in solidum les sociétés [R] à verser au GIP une somme de 5 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum les sociétés [R] aux dépens de l'incident,

- rappelé que l'affaire est fixée à plaider pour l'audience du 6 mai 2025 ;

Vu la requête en déféré aux fins de déféré transmise par les sociétés [R] le 17 décembre 2024 ;

Vu l'arrêt rendu par cette cour le 18 juin 2025 qui a rejeté le déféré formé par les sociétés [R] contre l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 3 décembre 2004 et condamné in solidum ces sociétés aux dépens du déféré et au paiement au GIP de la somme de 8 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les nouvelles conclusions d'incident transmises le 20 décembre 2024, puis le 21 mars 2025, par les sociétés [R] aux fins de demander au conseiller de la mise en état, notamment :

- de déclarer irrecevable l'appel incident formé par le GIP #FRANCE 2023 par conclusions du 9 avril 2024, faute de demande d'infirmation du jugement dans son PAR CES MOTIFS,

- de déclarer irrecevables les conclusions notifiées le 10 décembre 2024 par le GIP #FRANCE 2023 en ce qu'elles comportent un appel incident formé hors délai,

- de débouter le GIP #FRANCE 2023 de ses demandes ;

Vu l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 8 avril 2025 qui a :

- rejeté les demandes des sociétés [R] ;

- rejeté la demande de dommages-intérêts du GIP #FRANCE 2023 ;

- condamné les sociétés [R] aux dépens de l'incident et au paiement in solidum au GIP #FRANCE 2023 de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu la requête aux fins de déféré et les conclusions transmises respectivement les 18 avril et 26 mai 2025 par les sociétés [R] pour demander à la cour :

Vu l'article 916 du code de procédure civile,

Vu les articles 789, 907, 909, 914 et 954 du code de procédure civile dans leur version applicable au litige,

- de déclarer les sociétés [R] recevables et bien fondées en leur requête aux fins de déféré,

- de réformer l'ordonnance rendue le 8 avril 2025 par le conseiller de la mise en état,

- de débouter le GIP # France 2023 de ses demandes,

- statuant à nouveau :

- de déclarer irrecevable l'appel incident formé par le GIP # France 2023 par conclusions du 9 avril 2024, faute de demande d'infirmation du jugement dans son dispositif,

- de déclarer irrecevables les conclusions notifiées le 10 décembre 2024 par le GIP # France 2023 en ce qu'elles comportent un appel incident formé hors délai,

- de débouter le GIP # France 2023 de toute demande contraire,

- de condamner la société GIP #France 2023 à payer aux sociétés [R] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'incident,

- de réserver les dépens (sic) ;

Vu les dernières conclusions en réponse sur le déféré transmises par le GIP le 26 mai 2025 pour demander à la cour :

Vu les articles 32-1, 123, 699, 700 et 954 du code de procédure civile (dans sa version applicable au litige),

- de confirmer l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état en ce qu'elle a :

- rejeté les demandes des sociétés [R] ;

- condamné les sociétés [R] à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'incident ;

- de réformer l'ordonnance en ce qu'elle a débouté le GIP de ses demandes à raison du caractère dilatoire de l'incident ;

- en statuant à nouveau :

- de débouter les sociétés [R] de l'ensemble de leurs demandes ;

- de condamner les sociétés [R] à verser, chacune, la somme de 5.000 euros au GIP à titre de dommages-intérêts à raison du caractère tardif et dilatoire du présent incident ;

- de condamner les sociétés [R] à verser solidairement la somme de 10.000 euros au GIP au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de déféré, ainsi qu'au règlement des dépens ;

MOTIFS DE L'ARRÊT

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur le bien-fondé du déféré

Les sociétés [R] soutiennent que l'appel incident du GIP, formé par conclusions du 9 avril 2024, est irrecevable faute de contenir une demande expresse d'infirmation du jugement, que les conclusions d'appel n° 2 du GIP, notifiées le 10 décembre 2024, sont également irrecevables en ce qu'elles comportent un appel incident formé tardivement, et que le raisonnement adopté par le conseiller de la mise en état, selon lequel la demande d'infirmation pourrait être déduite du dispositif, est en contradiction avec l'article 954 du code de procédure civile, dans sa version applicable au litige, et avec la jurisprudence établie en la matière, notamment de la Cour de Cassation, rappelée à de multiples reprises. Elles font valoir que l'article 954 impose une structuration précise des conclusions d'appel, dont notamment une formulation expresse des prétentions dans le dispositif, lequel détermine strictement l'objet du litige porté devant la cour d'appel, cette exigence visant à garantir la sécurité juridique, la lisibilité du litige et la délimitation claire du périmètre d'appel ; qu'en précisant que « La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif », l'article 954 exclut toute interprétation supplétive ou implicite ; que l'article 954 impose aux parties de faire figurer leurs prétentions au dispositif et à la cour d'appel de ne statuer que sur le dispositif récapitulant les prétentions, les prétentions situées dans le corps des conclusions ne saisissant pas la cour ; qu'en retenant que la demande d'infirmation pouvait « résulter implicitement mais directement des prétentions exprimées », le conseiller de la mise en état méconnait le caractère impératif de l'exigence d'une formulation explicite au sein du dispositif ; que son raisonnement contredit directement le texte de l'article 954 en vertu duquel la cour ne peut être valablement saisie d'un appel principal ou d'un appel incident que si l'appelant principal ou incident sollicite expressément l'infirmation du jugement dans le dispositif de ses conclusions ; que par ailleurs, la position du conseiller de la mise est en contradiction avec l'évolution normative, le décret n°2023-1391 du 29 décembre 2023, non applicable à la présente instance introduite le 11 août 2023, qui a modifié l'article 954, n'ayant fait que codifier cette exigence reprise et développée par la jurisprudence, sans en modifier le fond ; qu'en outre, le conseiller de la mise a fait abstraction de la jurisprudence établie en la matière qui ne cesse d'exiger que les demandes d'infirmation soient explicitement intégrées au dispositif, sous peine d'irrecevabilité de la prétention concernée ; que la jurisprudence impose l'emploi du mot « infirmation » ou « annulation » dans le dispositif des conclusions de l'appelant ou de l'appelant incident (Cour de cassation, Civ. 2ème, 17 septembre 2020, n° 18-23.626 ; 1er juillet 2021, n° 20-10.694) ; que la Cour de cassation a confirmé récemment (Civ. 2ème, 28 novembre 2024, n°22-23.643, repris par la chambre sociale 9 avril 2025, n°23-21.637) que cette exigence reste applicable à tous les appels incidents dans les instances ouvertes après le 17 septembre 2020 (cette date étant celle de l'arrêt de la Cour de cassation ayant énoncé cette règle pour la première fois dans un arrêt publié), ce qui est le cas en l'espèce ; que ce principe est repris très régulièrement par les cours d'appel ; que ce formalisme n'est pas contraire au principe de l'accès au juge (Cass 2ème civ, 5 décembre 2019, n° 18-14.112) ; que les conclusions n° 2 du GIP notifiées le 10 décembre 2024, demandant cette fois expressément dans le dispositif l'infirmation du jugement, sont irrecevables faute d'avoir été transmises dans le délai de trois mois prescrit par l'article 909 du code de procédure civile pour former appel incident.

Le GIP soutient que le déféré n'est pas fondé. Il fait valoir que les dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, dans leur version applicable au litige, ne requièrent nullement la présence formelle de la mention "infirmation" au sein du dispositif, ni ne prévoient aucune sanction ; que les sociétés [R] ne peuvent prétendre opposer la sanction de l'irrecevabilité à l'appel incident en ajoutant à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas ; que selon l'article 954 dans sa version applicable, il suffit que la demande d'infirmation résulte implicitement mais directement des prétentions exprimées dans le dispositif, comme jugé par l'ordonnance du 8 avril 2025 ; que suivant ce même raisonnement, constatant que l'article 954 n'exige pas que les prétentions et les moyens contenus dans les conclusions d'appel figurent formellement sous un paragraphe intitulé "discussion", la Cour de cassation a censuré l'arrêt de cour d'appel qui avait considéré qu'elle n'avait pas à répondre à un moyen qui n'était pas invoqué dans une partie « discussion » des écritures (Civ. 2ème, 8 septembre 2022, n° 21-12.736) ; que suivant un même raisonnement, la Cour de cassation a encore jugé que l'absence de la mention "réformation", "annulation" ou "confirmation" dans le dispositif d'une décision rendue par une cour d'appel ne viole pas ces dispositions de l'article 542 du code de procédure civile qui n'impose pas une telle obligation (Com., 27 novembre 2024, n° 22-14.250) ; qu'en l'espèce, par les conclusions d'intimé et d'appelant incident du GIP régularisées le 9 avril 2024, la cour est saisie de ses prétentions expressément mentionnées dans le dispositif conformément à l'article 954 dans sa version applicable, qui emportent expressément demande d'infirmation du jugement sur plusieurs points ; que les sociétés [R] étaient donc parfaitement informées de ses demandes et en mesure d'y répondre ; que la Cour européenne des droits de l'Homme condamne régulièrement l'Etat français pour formalisme excessif, notamment lorsque les juridictions internes sanctionnent des obligations procédurales non prévues par un texte ; que le fait de juger irrecevable l'appel incident du GIP au seul motif de la non-présence d'une mention (le terme "infirmer" / "infirmation" / "réformer" / "réformation") au sein du dispositif, alors qu'elle n'est pas exigée par les textes, et alors même que ledit dispositif permet parfaitement de comprendre ses prétentions, constituerait un formalisme excessif et porterait une atteinte disproportionnée à l'article 6 §1 de la CEDH ; que [R] est mal fondée à solliciter l'application par anticipation de la réforme de l'article 954 précité, introduite par le décret n°2023-1391 du 29 décembre 2023.

Ceci étant exposé, selon l'article 954 du code de procédure civile, dans son ancienne version applicable au litige, issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017,

« Les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. (')

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

(')

La partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance (') ».

Comme l'a justement retenu le conseiller de la mise en état, ce texte, ni aucune autre disposition applicable aux faits de l'espèce, n'exige que le dispositif des conclusions d'appelant incident contienne expressément les termes « infirmation » ou « infirmer » dès lors que cela résulte implicitement mais directement des prétentions exprimées.

Le GIP invoque pertinemment l'arrêt par lequel la Cour de cassation a jugé que l'absence d'un paragraphe intitulé formellement « Discussion » au sein de conclusions d'appelant ne peut être sanctionnée, quand bien même l'alinéa 2 de l'article 954 du code de procédure civile prévoit que les conclusions doivent comporter « distinctement », outre un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués et un dispositif récapitulant les prétentions, « une discussion des prétentions et des moyens », la Cour considérant que la cour d'appel en exigeant une telle présentation formelle, alors que les conclusions regroupaient dans une partie intitulée « En droit », les prétentions de la partie, avait ajouté au texte une condition qu'il ne prévoyait pas (Civ. 2ème, 8 septembre 2022, n° 21-12.736).

Il sera ajouté que la Cour de cassation a également jugé que le 4° de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 (« La déclaration d'appel est faite par acte contenant (') 4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible »), n'imposait pas à l'appelant d'indiquer dans sa déclaration d'appel s'il souhaitait obtenir l'infirmation, l'annulation ou la réformation du jugement et que l'effet dévolutif de l'appel devait s'opérer même en l'absence de cette mention, dès lors que l'appelant avait énuméré dans sa déclaration d'appel les chefs du jugement critiqués (Civ. 2ème, 25 mai 2023, n° 21-15.842).

Elle a jugé également, plus récemment, que l'énumération des chefs de jugement critiqués dans la déclaration d'appel, exigée par le 4° de l'article 901 du code de procédure civile, se déduit nécessairement de la déclaration d'appel qui précise son objet en distinguant les chefs de dispositif de la décision dont l'appelant sollicite la confirmation du « surplus » des autres chefs dont il sollicite l'infirmation, quand bien même ces autres chefs pour lesquels l'infirmation est demandée ne sont pas précisément énumérés. La Cour de cassation a considéré qu'il se déduisait nécessairement de l'acte d'appel l'énumération des chefs de jugement critiqués (2e civ 27 mars 2025 n°22-21.602).A la lumière de ces décisions, il est constaté qu'en l'espèce, dans le dispositif de ses conclusions d'intimé et d'appelant incident transmises le 9 avril 2024, le GIP demande à la cour d'appel de confirmer le jugement du 6 juillet 2013 sur différents points et, « statuant à nouveau », de le déclarer recevable et bien fondé en son action et ses demandes, celles-ci, énoncées sur près de deux pages, tendant notamment (i) à la majoration des indemnités allouées par le tribunal en réparation de ses préjudices résultant de l'atteinte portée à son monopole d'exploitation sur la Coupe du monde de rugby 2023 et de la contrefaçon de sa marque semi-figurative de l'Union européenne « RUGBY WORLD CUP France 2023 », (ii) à la condamnation des sociétés [R] pour parasitisme, (iii) à la condamnation des sociétés [R] pour complicité de la violation contractuelle commise par les revendeurs de billets pour les épreuves de la Coupe du monde de rugby 2023, et (iv) à la condamnation des sociétés [R] pour pratiques commerciales trompeuses, ces trois dernières demandes ayant été rejetées par le tribunal.

Cette présentation satisfait aux exigences de l'article 954, dans sa version applicable, dès lors que l'intimé formule ainsi expressément ses prétentions, énonce implicitement mais clairement les chefs de jugement critiqués, présente une discussion de ses prétentions et moyens, ainsi qu'un dispositif récapitulant lesdites prétentions. Il en ressort une demande claire du GIP tendant à l'infirmation partielle du jugement qui met en mesure tant la cour que les appelantes, intimées à titre incident, d'appréhender les chefs du jugement critiqués et ainsi le périmètre de l'effet dévolutif de l'appel.

En outre, la mention « Statuant à nouveau » suivie de « En conséquence », l'indication, dès l'introduction des conclusions (pages 4 et 12), qu'est formé « un appel incident notamment en ce que le Tribunal l'a débouté de ses demandes au titre du parasitisme, de la complicité de violation contractuelle et de pratiques commerciales trompeuses et a limité le montant des condamnations » et que « le GIP sollicite (') de la Cour qu'elle veuille bien faire droit aux demandes rejetées par le Tribunal et réévalue le montant des dommages et intérêts prononcés », de même que le visa des articles L. 121-2 du code de la consommation et des articles 1240 et 1242 du code civil en en-tête du dispositif des écritures, sont de nature à exclure toute ambiguïté ou équivocité sur le fait qu'une infirmation partielle du jugement était poursuivie par le GIP dans le cadre d'un appel incident. Aucun élément ne vient au demeurant témoigner de ce que les sociétés [R] se seraient méprises sur ce point ou n'auraient pas été en mesure de répondre aux conclusions du GIP transmises le 9 avril 2024.

Dans ces conditions, alors que la version applicable de l'article 954 n'exige pas la formulation expresse d'une demande d'« infirmation » du jugement, ce qui n'a été imposé que par le décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023 portant simplification de la procédure d'appel en matière civile, applicable aux instances d'appel introduites à compter du 1er septembre 2024, le fait de juger irrecevable l'appel incident du GIP au seul motif que le dispositif de ses conclusions ne comporte pas une demande expresse d'infirmation du jugement, constituerait, en l'état du texte applicable, un formalisme excessif et porterait une atteinte disproportionnée au droit du GIP d'accès au juge en appel tel qu'il est garanti par l'article 6 §1 de la CEDH.

L'appel incident formé par le GIP par conclusions du 9 avril 2024 n'étant pas irrecevable, ne sont pas plus irrecevables ses conclusions postérieures transmises le 10 novembre 2024 en ce qu'elles comporteraient un appel incident formé hors délai.

Le déféré doit donc être rejeté.

Sur la demande indemnitaire du GIP fondée sur le caractère tardif et dilatoire de l'incident

Le GIP soutient, au visa des articles 32-1 et 123 du code de procédure civile, que l'incident soulevé par [R] est tardif et dilatoire ; qu'en effet, l'incident de procédure ayant donné lieu à l'ordonnance déférée a été soulevé par [R] par des conclusions régularisées le 20 décembre 2024 alors que ses conclusions d'intimé et d'appel incident contestées avaient été notifiées dès avril 2024 ; que [R] a donc attendu près de 8 mois, et régularisé entre temps des conclusions au fond en septembre 2024, avant de saisir le conseiller de la mise en état du présent incident, alors que selon avis de fixation émis le 30 avril 2024, la date de clôture avait été fixée au 7 janvier 2025 pour des plaidoiries au 6 mai 2025 ; que la régularisation tardive de l'incident n'avait pour objectif que d'obtenir un report de la clôture, voire de la date des plaidoiries, [R] ayant pour habitude d'élever systématiquement un déféré à l'encontre des décisions du conseiller de la mise en état, et de retarder une condamnation définitive remettant en question son modèle économique.

Les sociétés [R] opposent qu'elles ont soulevé au fond devant la cour, dès le 6 septembre 2024 et conformément au calendrier de procédure fixé, l'irrecevabilité des demandes du GIP relatives à un appel incident irrégulièrement formé ; que ce n'est qu'à la suite des conclusions d'appel n°2 du GIP du 10 décembre 2024 qu'un incident a été formé, le 19 décembre 2024, afin de voir déclarer ces conclusions irrecevables en ce qu'elles comportent un appel incident tardif et, partant, de voir déclarer irrecevable l'appel incident du GIP formé par conclusions d'appel n°1 ; que l'incident ne pouvait donc pas être formé plus tôt, [R] ayant saisi le conseiller de la mise en état en moins de neuf jours.

Ceci étant exposé, selon l'article 123 du code de procédure civile, « Les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt ». Et l'article 32-1 du même code prévoit que « Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés ».

Le caractère dilatoire de l'incident n'étant pas démontré, l'ordonnance n'encourt pas de critique en ce qu'elle a rejeté la demande indemnitaire du GIP.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les sociétés [R], parties perdantes, seront condamnées in solidum aux dépens du déféré et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés à l'occasion de la présente procédure, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles par l'ordonnance déférée étant confirmées.

La somme qui doit être mise à la charge des sociétés [R] in solidum au titre des frais non compris dans les dépens exposés par le GIP peut être équitablement fixée à 8 000 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Rejette le déféré formé par les sociétés [R] contre l'ordonnance du conseiller de la mise en état rendue le 8 avril 2025,

Condamne in solidum les sociétés [R] aux dépens du déféré et au paiement au GIP # FRANCE 2023 de la somme de 8 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que l'affaire est fixée pour être clôturée le 2 septembre et plaidée au fond le 8 octobre 2025.

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