CA Colmar, ch. 1 a, 9 juillet 2025, n° 24/03927
COLMAR
Arrêt
Autre
MINUTE N° 309/25
Copie exécutoire à
- Me Noémie BRUNNER
- Me Joseph WETZEL
Le 09.07.2025
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 09 Juillet 2025
Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 24/03927 - N° Portalis DBVW-V-B7I-IM6G
Décision déférée à la Cour : 19 Septembre 2024 par le Juge des référés civils du Tribunal judiciaire de STRASBOURG
APPELANTE :
S.A.S. UP MEDICAL
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Noémie BRUNNER, avocat à la Cour
Avocat plaidant : Me PROBST, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
S.A.S. CORUZO INVEST
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Joseph WETZEL, avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Mai 2025, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. WALGENWITZ, Président de chambre et Mme RHODE, Conseillère, un rapport de l'affaire ayant été présenté à l'audience.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. WALGENWITZ, Président de chambre
M. ROUBLOT, Conseiller
Mme RHODE, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, cadre greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l'assignation délivrée le 3'avril 2024, par laquelle la SAS Up Médical a fait citer la SAS Coruzo Invest devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg, aux fins notamment de voir':
- ordonner la consignation entre les mains du Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Strasbourg, institué séquestre judiciaire, des loyers postérieurs au 7 février 2024 dus au titre du bail commercial du 29'septembre 2006, complété par avenant du 3 mars 2011';
par voie de conséquence,
- autoriser la SAS Up Médical à verser entre les mains du séquestre judiciaire lesdits loyers jusqu'au dépôt du rapport d'expertise judiciaire, date à laquelle il pourra, le cas échéant, être à nouveau fait droit aux fins de prorogation du séquestre ordonné ;
- condamner la SAS Coruzo Invest aux entiers dépens et à payer à la Sas Up Médical une indemnité de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'ordonnance rendue le 19'septembre 2024, à laquelle il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance et par laquelle le juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg'a statué comme suit':
'DISONS n'y avoir lieu à référés';
CONDAMNONS la Sas Up Médical à verser à la Sas Coruzo Invest la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
REJETONS la demande de la Sas Up Médical fondée sur l'article 700 du code de procédure civile';
CONDAMNONS la Sas Up Médical aux dépens';
REJETONS tous les autres chefs de demandes des parties';
RAPPELONS que la présente décision est exécutoire de droit par provision'
aux motifs, notamment, que':
'En l'espèce, la Sas Up Médical expose qu'elle loue suivant bail commercial du 29 septembre 2006 un local situé [Adresse 3] [NB': à [Localité 6]] à la Sci de la Moder ; que le local a été séparé en deux ; qu'un avenant a été signé en date du 3 mars 2011 ; que le second local a été donné à bail à la Sàrl Aas aux droits de laquelle est venue la société Sogeca, exerçant sous l'enseigne Audika ; qu'une expertise judiciaire a été ordonnée le 25'mai 2023 avec notamment pour mission de préciser si le local donné en location à la Sasu Sogeca empiète sur celui donné à bail à la Sas Up Médical; que la Sci de la Moder, bailleresse, a vendu lesdits locaux, vente attestée devant notaire le 7 février 2024.
La Sas Up Médical fonde sa demande de séquestre sur l'article 834 du code de procédure civile et l'existence d'un différend, la Sci de la Moder ayant notamment méconnu son droit de préemption.
Toutefois, les loyers ayant été acquittés par la Sas Up Médical, elle ne justifie pas de la condition d'urgence.
Par ailleurs, si la demande de séquestre a déjà été rejetée par le juge des référés par ordonnance du 25 mai 2023, la Sas Up Médical justifie de sa demande par l'existence de circonstances nouvelles en ce que le bailleur aurait méconnu son droit de préemption en vendant les locaux. Le séquestre serait ainsi destiné à éviter une répétition des loyers en cas d'annulation de la vente conclue avec la Sas Coruzo Invest.
La méconnaissance du droit de préemption est contestée par la défenderesse aux motifs que la situation entre dans l'une des exceptions de l'article L. 145-6-1 du code de commerce et que M.'Buchinger, représentant de la Sas Up Médical, était informé de la volonté du bailleur de vendre depuis 2022 et qu'aucune offre n'a été formulée.
Cependant, outre le fait que le juge des référés est incompétent pour apprécier si le droit de préemption a été méconnu dès lors qu'il s'agit d'une question de fond, la Sas Up Médical ne justifie d'aucune action engagée devant les juges du fond destinée à annuler la vente pour méconnaissance de son droit de préemption, de sorte que la condition tendant à l'existence d'un différend posée par l'article 834 du code de procédure civile ne paraît pas établie.'
Vu la déclaration d'appel formée par la SAS Up Médical contre cette ordonnance et déposée le 23'octobre 2024,
Vu la constitution d'intimée de la SAS Coruzo Invest en date du 28'novembre 2024,
Vu les dernières conclusions en date du 29'avril 2025, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties et par lesquelles la SAS Up Médical demande à la cour de':
'Vu les articles 834 et 835 du Code de procédure civile,
Vu l'ordonnance de référé du Président du Tribunal judiciaire de Strasbourg du 25 mai 2023 (RG N°23/00066) ayant ordonné une expertise judiciaire,
Vu l'ordonnance de référé du Président du Tribunal judiciaire de Strasbourg du 19'septembre 2024 dont appel,
Vu le rapport d'expertise judiciaire du 20 janvier 2025,
Vu l'assignation au fond devant le Tribunal judiciaire de Strasbourg, par actes du 25 avril 2025,
Vu les autres pièces et la jurisprudence citée,
DECLARER l'appel recevable,
DECLARER l'appel bien fondé,
INFIRMER l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :
- Dit n'y avoir lieu à référés,
- Condamné la SAS UP MEDICAL à verser à la SAS CORUZO INVEST la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Rejeté la demande de la SAS UP MEDICAL fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamné la SAS UP MEDICAL aux dépens,
- Rejeté tous les autres chefs de demandes des parties (à savoir les demandes de la SAS UP MEDICAL tendant notamment à voir ordonner la consignation entre les mains du Bâtonnier de l'Ordre des avocats de STRASBOURG, institué séquestre judiciaire, des loyers postérieurs au 7'février 2024 dus au titre du bail commercial du 29 septembre 2006 complété par avenant du 3 mars 2011, condamner la SAS CORUZO INVEST à verser entre les mains du séquestre judiciaires tous les loyers qu'elle aura perçus de la part de la SAS UP MEDICAL postérieurement au 7 février 2024, spécialement ceux qui lui ont été versés en exécution du commandement de payer qu'elle a fait délivrer à sa locataire par acte du 10 juin 2024, autoriser la SAS UP MEDICAL à verser entre les mains du séquestre judiciaire lesdits loyers jusqu'au dépôt du rapport d'expertise judiciaire, date à laquelle il pourra, le cas échéant, être à nouveau fait droit aux fins de prorogation du séquestre ordonné, condamner la SAS CORUZO INVEST aux entiers dépens ainsi qu'à lui payer une indemnité de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile),
ET STATUANT A NOUVEAU :
DIRE y avoir lieu à référés,
ORDONNER la consignation entre les mains du Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Strasbourg, institué séquestre judiciaire, des loyers postérieurs au 7 février 2024 dus au titre du bail commercial du 29 septembre 2006 (pièce n°3 a.) complété par avenant du 3 mars 2011 (pièce n°3.b),
AUTORISER la société UP MEDICAL à verser entre les mains du séquestre judiciaire lesdits loyers dans l'attente qu'il soit statué au fond sur la fraude au droit de préemption de la société UP MEDICAL et sur les réparations à réaliser pour résoudre les désordres affectant le local objet du bail,
CONDAMNER la société CORUZO INVEST à reverser entre les mains du séquestre judiciaire tous loyers qu'elle aura perçus de la part de la société UP MEDICAL entre le 7 février 2024 et le jour où la Cour statuera,
ORDONNER que la mesure conservatoire de séquestre dure jusqu'à ce soit rendue une décision exécutoire au fond ou un complet accord transactionnel entre les parties,
DEBOUTER la société CORUZO INVEST de sa demande fondée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER la société CORUZO INVEST à payer à la société UP MEDICAL une indemnité de 5.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure de 1ère instance,
CONDAMNER la société CORUZO INVEST aux entiers dépens de la procédure de 1ère instance,
DEBOUTER la société CORUZO INVEST de l'ensemble de ses demandes, moyens et prétentions,
CONDAMNER la société CORUZO INVEST à payer à la société UP MEDICAL une indemnité de 5.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,
CONDAMNER la société CORUZO INVEST aux entiers dépens de la procédure d'appel'
et ce, en invoquant, notamment':
- l'urgence née du contexte conflictuel entre la concluante locataire et la société Coruzo Invest, nouvelle bailleresse prétendue, à la suite d'une vente frauduleuse de l'immeuble intervenue le 7'février 2024, sans notification du projet au locataire, en violation de l'article L.'145-46-1 du code de commerce et donc sans purge du droit de préemption du locataire, rendant la vente nulle et justifiant l'action en justice en annulation engagée par la concluante, ce qui justifierait une mesure provisoire de séquestre judiciaire des loyers sur le fondement des articles 834 et 835 du code de procédure civile et ce, de surcroît, dans une situation d'empiétement résultant de la double mise en location d'une même partie du local au profit de la société SOGECA (anciennement AAS) depuis 2009, alors que le bail initial du 29 septembre 2006 n'a jamais été formellement modifié pour restreindre l'assiette locative de la société concluante et alors que des désordres affecteraient le local'(notamment humidité, odeurs, dégradations), qui constituent de grosses réparations incombant au bailleur en application de l'article 606 du Code civil, comme l'aurait confirmé l'expertise judiciaire remise le 20 janvier 2025,
- l'existence, en conséquence, d'un litige sérieux sur la qualité de la bailleresse et sur les obligations en découlant, ce qui justifierait la mesure de consignation des loyers postérieurs à la vente, le temps que le juge du fond statue sur la validité de la cession, la réalité de l'empiétement, la charge des réparations et les demandes indemnitaires,
- des erreurs de droit commises par le premier juge qui aurait estimé à tort que l'urgence faisait défaut parce que la société concluante avait déjà payé les loyers, oubliant que ce paiement était contraint par un commandement visant la clause résolutoire du bail et ce en l'absence de garantie de restitution des loyers indûment versés, la société intimée ayant elle-même reconnu devant le premier juge, sa dépendance aux loyers pour rembourser son emprunt, ce qui crée un risque réel de non-représentation des fonds si la vente est annulée,
- le bénéfice d'une jurisprudence constante admettant que le juge des référés peut ordonner la consignation provisoire de loyers en cas de différend, même en présence d'une contestation sérieuse et ce indépendamment d'une action au fond déjà engagée.
Vu les dernières conclusions en date du 12'mai 2025, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties et par lesquelles la SAS Coruzo Invest demande à la cour de':
'Vu l'article 145 du Code de Procédure civile ;
Vu l'article L145-6-1 alinéa 6 du code de commerce ;
Vu les pièces produites ;
DECLARER l'appel interjeté par la société UP MEDICAL mal fondé ;
En conséquence,
DEBOUTER la société UP MEDICAL de l'ensemble de ses demandes, moyens et prétentions ;
CONFIRMER l'ordonnance du Président du Tribunal Judiciaire de Strasbourg rendu en date du 19 septembre 2024 en ce qu'il a [sic]':
'DISONS n'y avoir lieu à référés ;
CONDAMNONS la Sas Up Médical à verser à la Sas Coruzo Invest la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
REJETONS la demande de la Sas Up Médical fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNONS la Sas Up Médical aux dépens ;
RAPPELONS que la présente décision est exécutoire de droit par provision'
En tout état de cause,
CONDAMNER la société UP MEDICAL à payer à la société CORUZO INVEST la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER la société UP MEDICAL aux entiers frais et dépens de la procédure'
et ce, en invoquant, notamment':
- l'absence d'urgence et l'existence d'une contestation sérieuse, dès lors que la vente intervenue le 7'février 2024 entre la SCI de la Moder et la concluante entrerait dans les exceptions prévues par l'article L.145-46-1 du code de commerce (vente globale d'un immeuble comprenant plusieurs locaux commerciaux distincts), de sorte que le droit de préemption du locataire n'aurait pas à être purgé,
- l'impossibilité pour l'appelante de se substituer à la concluante comme acquéreur, la nullité de la vente ne pouvant en aucun cas entraîner la substitution du locataire à l'acquéreur, seule une action en nullité pouvant être engagée et entraînant un retour du bien dans le patrimoine du vendeur,
- l'absence de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent, le local étant exploité normalement par la société Up Médical sans obstacle, sans avis défavorable de la commission de sécurité et sans atteinte prouvée à la jouissance paisible des lieux,
- la mauvaise foi de la société appelante qui se serait volontairement abstenue de saisir le juge du fond en nullité ou en constatation d'un trouble réel, préférant retenir unilatéralement les loyers sans autorisation judiciaire, ce qui a conduit la concluante à délivrer un commandement visant la clause résolutoire, auquel il a finalement été déféré,
- la clarté de la situation locative, actée par des baux successifs avec les deux locataires (Up Médical et SOGECA), sans empiétement sur les surfaces louées, mais uniquement sur l'enseigne extérieure, comme le confirmeraient l'expertise judiciaire et les mesurages réalisés en 2024,
- l'absence de fondement juridique à une consignation judiciaire des loyers, la cour d'appel n'étant pas saisie d'une contestation sérieuse, de nature à paralyser les droits du bailleur à percevoir les loyers, ni d'un péril menaçant les intérêts du locataire,
- l'absence de risque d'insolvabilité de la concluante qui s'est endettée pour acquérir les locaux mais qui reste propriétaire légitime, tant qu'aucune décision d'annulation de la vente n'est intervenue.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 20'mai 2025,
Vu les débats à l'audience du 26'mai 2025,
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS :
Sur la demande principale :
Aux termes de l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
L'existence de l'urgence est une condition préalable que le juge doit vérifier, au besoin d'office.
Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point. À l'inverse, sera écartée une contestation qui serait, à l'évidence, superficielle ou artificielle.
En application de l'article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer.
Le trouble manifestement illicite découle de toute perturbation résultant d'un fait qui directement, ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.
La preuve du trouble manifestement illicite incombe au demandeur (Com. 20 mars 1990, pourvoi n°'85-15.418, Bull. 1990, IV, n°'86).
Par ailleurs, l'article L.'145-46-1 du code de commerce dispose que':
'Lorsque le propriétaire d'un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Ce dernier dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer. En cas d'acceptation, le locataire dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur, d'un délai de deux mois pour la réalisation de la vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois.
Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est sans effet.
Dans le cas où le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l'acquéreur, le notaire doit, lorsque le bailleur n'y a pas préalablement procédé, notifier au locataire dans les formes prévues au premier alinéa, à peine de nullité de la vente, ces conditions et ce prix. Cette notification vaut offre de vente au profit du locataire. Cette offre de vente est valable pendant une durée d'un mois à compter de sa réception. L'offre qui n'a pas été acceptée dans ce délai est caduque.
Le locataire qui accepte l'offre ainsi notifiée dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur ou au notaire, d'un délai de deux mois pour la réalisation de l'acte de vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est sans effet.
Les dispositions des quatre premiers alinéas du présent article sont reproduites, à peine de nullité, dans chaque notification.
Le présent article n'est pas applicable en cas de cession unique de plusieurs locaux d'un ensemble commercial, de cession unique de locaux commerciaux distincts ou de cession d'un local commercial au copropriétaire d'un ensemble commercial. Il n'est pas non plus applicable à la cession globale d'un immeuble comprenant des locaux commerciaux ou à la cession d'un local au conjoint du bailleur, ou à un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint. Il n'est pas non plus applicable lorsqu'il est fait application du droit de préemption institué aux chapitres Ier et II du titre Ier du livre II du code de l'urbanisme ou à l'occasion de l'aliénation d'un bien sur le fondement de l'article L. 213-11 du même code.'
Et en vertu de l'article 1961 du code civil, la justice peut ordonner le séquestre :
1° Des meubles saisis sur un débiteur ;
2° D'un immeuble ou d'une chose mobilière dont la propriété ou la possession est litigieuse entre deux ou plusieurs personnes ;
3° Des choses qu'un débiteur offre pour sa libération.
En l'espèce, la cour rappelle tout d'abord que, par ordonnance rendue le 25'mai 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg, tout en ordonnant une expertise sur la question de la différence de superficie entre celle mentionnée à l'avenant du 3'mars 2011 et la surface effective des locaux loués par la SAS Up Médical, ainsi que sur les désordres affectant le bâtiment occupé, a rejeté la demande de consignation des loyers et charges, alors formée par la SAS Up Médical, à défaut d'invocation par cette dernière de l'une des situations d'urgence prévues par l'article 834 précité, ni d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite, conformément à l'article 835 précité, en rappelant ne pouvoir statuer sur le caractère excessif du loyer au regard de la superficie réelle des locaux, question par ailleurs soumise à expertise, outre qu'elle ne faisait état d'aucun fait qui aurait porté atteinte à la jouissance des locaux occupés.
Si la société appelante invoque, désormais, à titre de fait nouveau, la méconnaissance par la partie adverse, de son droit de préemption, susceptible d'avoir une incidence sur le droit de la partie adverse à percevoir les loyers litigieux et donc sur la préservation de son propre droit à en obtenir, le cas échéant, restitution pour le cas où la vente serait invalidée, il convient de relever que la société Up Médical ne justifie pas de la condition d'urgence, dès lors que, non seulement, comme l'a relevé le premier juge, les loyers ont été réglés, mais encore que la situation d'occupation des locaux par la société Up Médical ou la situation financière de cette dernière n'apparaissent pas compromises, la société appelante ne caractérisant, à cet égard, aucun dommage irréversible, seul étant invoqué le risque de ne pas recouvrer, par hypothèse, les loyers réglés, lequel n'est, à ce stade, nullement avéré.
En tout état de cause, cette demande est affectée d'une contestation sérieuse, tenant, au-delà même de la question de l'existence d'une fraude à l'exercice du droit de préemption - sachant que le représentant de la société UP Médical a été informé le 16 novembre 2022, que la SCI de la Moder souhaitait vendre les biens immobiliers à la société Coruzo Invest - à tout le moins à l'applicabilité de l'article L.'145-46-1 du code de commerce, s'agissant d'une vente portant sur un immeuble comprenant des locaux commerciaux distincts, en l'absence, par ailleurs, de justification au regard de l'existence d'un différend, l'introduction d'une action devant le tribunal judiciaire à la suite du dépôt du rapport d'expertise et peu avant la clôture des débats dans la présente instance ne suffisant pas à justifier la prise des mesures sollicitées, alors même que la situation n'apparaît pas porter atteinte à la jouissance des locaux par le preneur, y compris au regard des conclusions du rapport d'expertise rendu le 20'janvier 2025 qui ne relèvent pas de faits nouveaux au regard de la situation appréhendée par la précédente ordonnance.
Quant à l'existence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite, au regard de l'article 835 précité, dont l'application est bien invoquée par la partie appelante, elle n'apparaît pas caractérisée, la société Up Médical ne soutenant pas, ni en tout cas ne démontrant pas, l'imminence d'un dommage et en tout cas avec une certitude suffisante au regard de la situation présente, tandis qu'aucun trouble manifestement illicite n'apparaît établi, dans la mesure où, au-delà du fait qu'il n'appartient pas au juge des référés, comme le premier juge l'a rappelé, de se prononcer sur l'irrégularité de la vente, la juridiction du fond ayant, d'ailleurs, été saisie à cette fin, il n'en demeure pas moins que les conditions de mise en 'uvre du droit de préemption ne révèlent aucune irrégularité manifeste, au regard de l'exception invoquée par la société Coruzo Invest, telle qu'elle a été rappelée, ce qui pose sérieusement la question de son application, qu'il appartiendra au juge du fond de trancher.
Eu égard à ce qui précède, la cour confirmera donc l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
L'appelante, succombant pour l'essentiel, sera tenue des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation de l'ordonnance déférée sur cette question.
L'équité commande, en outre, de mettre à la charge de l'appelante une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 3'000 euros au profit de l'intimée, tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de cette dernière et en confirmant les dispositions de l'ordonnance déférée de ce chef.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 19'septembre 2024 par le juge des référés civils du tribunal judiciaire de Strasbourg,
Y ajoutant,
Condamne la SAS Up Médical aux dépens de l'appel,
Condamne la SAS Up Médical à payer à la SAS Coruzo Invest la somme de 3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SAS Up Médical.
Le cadre greffier : le Président :
Copie exécutoire à
- Me Noémie BRUNNER
- Me Joseph WETZEL
Le 09.07.2025
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 09 Juillet 2025
Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 24/03927 - N° Portalis DBVW-V-B7I-IM6G
Décision déférée à la Cour : 19 Septembre 2024 par le Juge des référés civils du Tribunal judiciaire de STRASBOURG
APPELANTE :
S.A.S. UP MEDICAL
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Noémie BRUNNER, avocat à la Cour
Avocat plaidant : Me PROBST, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
S.A.S. CORUZO INVEST
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Joseph WETZEL, avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Mai 2025, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. WALGENWITZ, Président de chambre et Mme RHODE, Conseillère, un rapport de l'affaire ayant été présenté à l'audience.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. WALGENWITZ, Président de chambre
M. ROUBLOT, Conseiller
Mme RHODE, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, cadre greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l'assignation délivrée le 3'avril 2024, par laquelle la SAS Up Médical a fait citer la SAS Coruzo Invest devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg, aux fins notamment de voir':
- ordonner la consignation entre les mains du Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Strasbourg, institué séquestre judiciaire, des loyers postérieurs au 7 février 2024 dus au titre du bail commercial du 29'septembre 2006, complété par avenant du 3 mars 2011';
par voie de conséquence,
- autoriser la SAS Up Médical à verser entre les mains du séquestre judiciaire lesdits loyers jusqu'au dépôt du rapport d'expertise judiciaire, date à laquelle il pourra, le cas échéant, être à nouveau fait droit aux fins de prorogation du séquestre ordonné ;
- condamner la SAS Coruzo Invest aux entiers dépens et à payer à la Sas Up Médical une indemnité de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'ordonnance rendue le 19'septembre 2024, à laquelle il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance et par laquelle le juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg'a statué comme suit':
'DISONS n'y avoir lieu à référés';
CONDAMNONS la Sas Up Médical à verser à la Sas Coruzo Invest la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
REJETONS la demande de la Sas Up Médical fondée sur l'article 700 du code de procédure civile';
CONDAMNONS la Sas Up Médical aux dépens';
REJETONS tous les autres chefs de demandes des parties';
RAPPELONS que la présente décision est exécutoire de droit par provision'
aux motifs, notamment, que':
'En l'espèce, la Sas Up Médical expose qu'elle loue suivant bail commercial du 29 septembre 2006 un local situé [Adresse 3] [NB': à [Localité 6]] à la Sci de la Moder ; que le local a été séparé en deux ; qu'un avenant a été signé en date du 3 mars 2011 ; que le second local a été donné à bail à la Sàrl Aas aux droits de laquelle est venue la société Sogeca, exerçant sous l'enseigne Audika ; qu'une expertise judiciaire a été ordonnée le 25'mai 2023 avec notamment pour mission de préciser si le local donné en location à la Sasu Sogeca empiète sur celui donné à bail à la Sas Up Médical; que la Sci de la Moder, bailleresse, a vendu lesdits locaux, vente attestée devant notaire le 7 février 2024.
La Sas Up Médical fonde sa demande de séquestre sur l'article 834 du code de procédure civile et l'existence d'un différend, la Sci de la Moder ayant notamment méconnu son droit de préemption.
Toutefois, les loyers ayant été acquittés par la Sas Up Médical, elle ne justifie pas de la condition d'urgence.
Par ailleurs, si la demande de séquestre a déjà été rejetée par le juge des référés par ordonnance du 25 mai 2023, la Sas Up Médical justifie de sa demande par l'existence de circonstances nouvelles en ce que le bailleur aurait méconnu son droit de préemption en vendant les locaux. Le séquestre serait ainsi destiné à éviter une répétition des loyers en cas d'annulation de la vente conclue avec la Sas Coruzo Invest.
La méconnaissance du droit de préemption est contestée par la défenderesse aux motifs que la situation entre dans l'une des exceptions de l'article L. 145-6-1 du code de commerce et que M.'Buchinger, représentant de la Sas Up Médical, était informé de la volonté du bailleur de vendre depuis 2022 et qu'aucune offre n'a été formulée.
Cependant, outre le fait que le juge des référés est incompétent pour apprécier si le droit de préemption a été méconnu dès lors qu'il s'agit d'une question de fond, la Sas Up Médical ne justifie d'aucune action engagée devant les juges du fond destinée à annuler la vente pour méconnaissance de son droit de préemption, de sorte que la condition tendant à l'existence d'un différend posée par l'article 834 du code de procédure civile ne paraît pas établie.'
Vu la déclaration d'appel formée par la SAS Up Médical contre cette ordonnance et déposée le 23'octobre 2024,
Vu la constitution d'intimée de la SAS Coruzo Invest en date du 28'novembre 2024,
Vu les dernières conclusions en date du 29'avril 2025, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties et par lesquelles la SAS Up Médical demande à la cour de':
'Vu les articles 834 et 835 du Code de procédure civile,
Vu l'ordonnance de référé du Président du Tribunal judiciaire de Strasbourg du 25 mai 2023 (RG N°23/00066) ayant ordonné une expertise judiciaire,
Vu l'ordonnance de référé du Président du Tribunal judiciaire de Strasbourg du 19'septembre 2024 dont appel,
Vu le rapport d'expertise judiciaire du 20 janvier 2025,
Vu l'assignation au fond devant le Tribunal judiciaire de Strasbourg, par actes du 25 avril 2025,
Vu les autres pièces et la jurisprudence citée,
DECLARER l'appel recevable,
DECLARER l'appel bien fondé,
INFIRMER l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :
- Dit n'y avoir lieu à référés,
- Condamné la SAS UP MEDICAL à verser à la SAS CORUZO INVEST la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Rejeté la demande de la SAS UP MEDICAL fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamné la SAS UP MEDICAL aux dépens,
- Rejeté tous les autres chefs de demandes des parties (à savoir les demandes de la SAS UP MEDICAL tendant notamment à voir ordonner la consignation entre les mains du Bâtonnier de l'Ordre des avocats de STRASBOURG, institué séquestre judiciaire, des loyers postérieurs au 7'février 2024 dus au titre du bail commercial du 29 septembre 2006 complété par avenant du 3 mars 2011, condamner la SAS CORUZO INVEST à verser entre les mains du séquestre judiciaires tous les loyers qu'elle aura perçus de la part de la SAS UP MEDICAL postérieurement au 7 février 2024, spécialement ceux qui lui ont été versés en exécution du commandement de payer qu'elle a fait délivrer à sa locataire par acte du 10 juin 2024, autoriser la SAS UP MEDICAL à verser entre les mains du séquestre judiciaire lesdits loyers jusqu'au dépôt du rapport d'expertise judiciaire, date à laquelle il pourra, le cas échéant, être à nouveau fait droit aux fins de prorogation du séquestre ordonné, condamner la SAS CORUZO INVEST aux entiers dépens ainsi qu'à lui payer une indemnité de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile),
ET STATUANT A NOUVEAU :
DIRE y avoir lieu à référés,
ORDONNER la consignation entre les mains du Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Strasbourg, institué séquestre judiciaire, des loyers postérieurs au 7 février 2024 dus au titre du bail commercial du 29 septembre 2006 (pièce n°3 a.) complété par avenant du 3 mars 2011 (pièce n°3.b),
AUTORISER la société UP MEDICAL à verser entre les mains du séquestre judiciaire lesdits loyers dans l'attente qu'il soit statué au fond sur la fraude au droit de préemption de la société UP MEDICAL et sur les réparations à réaliser pour résoudre les désordres affectant le local objet du bail,
CONDAMNER la société CORUZO INVEST à reverser entre les mains du séquestre judiciaire tous loyers qu'elle aura perçus de la part de la société UP MEDICAL entre le 7 février 2024 et le jour où la Cour statuera,
ORDONNER que la mesure conservatoire de séquestre dure jusqu'à ce soit rendue une décision exécutoire au fond ou un complet accord transactionnel entre les parties,
DEBOUTER la société CORUZO INVEST de sa demande fondée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER la société CORUZO INVEST à payer à la société UP MEDICAL une indemnité de 5.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure de 1ère instance,
CONDAMNER la société CORUZO INVEST aux entiers dépens de la procédure de 1ère instance,
DEBOUTER la société CORUZO INVEST de l'ensemble de ses demandes, moyens et prétentions,
CONDAMNER la société CORUZO INVEST à payer à la société UP MEDICAL une indemnité de 5.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,
CONDAMNER la société CORUZO INVEST aux entiers dépens de la procédure d'appel'
et ce, en invoquant, notamment':
- l'urgence née du contexte conflictuel entre la concluante locataire et la société Coruzo Invest, nouvelle bailleresse prétendue, à la suite d'une vente frauduleuse de l'immeuble intervenue le 7'février 2024, sans notification du projet au locataire, en violation de l'article L.'145-46-1 du code de commerce et donc sans purge du droit de préemption du locataire, rendant la vente nulle et justifiant l'action en justice en annulation engagée par la concluante, ce qui justifierait une mesure provisoire de séquestre judiciaire des loyers sur le fondement des articles 834 et 835 du code de procédure civile et ce, de surcroît, dans une situation d'empiétement résultant de la double mise en location d'une même partie du local au profit de la société SOGECA (anciennement AAS) depuis 2009, alors que le bail initial du 29 septembre 2006 n'a jamais été formellement modifié pour restreindre l'assiette locative de la société concluante et alors que des désordres affecteraient le local'(notamment humidité, odeurs, dégradations), qui constituent de grosses réparations incombant au bailleur en application de l'article 606 du Code civil, comme l'aurait confirmé l'expertise judiciaire remise le 20 janvier 2025,
- l'existence, en conséquence, d'un litige sérieux sur la qualité de la bailleresse et sur les obligations en découlant, ce qui justifierait la mesure de consignation des loyers postérieurs à la vente, le temps que le juge du fond statue sur la validité de la cession, la réalité de l'empiétement, la charge des réparations et les demandes indemnitaires,
- des erreurs de droit commises par le premier juge qui aurait estimé à tort que l'urgence faisait défaut parce que la société concluante avait déjà payé les loyers, oubliant que ce paiement était contraint par un commandement visant la clause résolutoire du bail et ce en l'absence de garantie de restitution des loyers indûment versés, la société intimée ayant elle-même reconnu devant le premier juge, sa dépendance aux loyers pour rembourser son emprunt, ce qui crée un risque réel de non-représentation des fonds si la vente est annulée,
- le bénéfice d'une jurisprudence constante admettant que le juge des référés peut ordonner la consignation provisoire de loyers en cas de différend, même en présence d'une contestation sérieuse et ce indépendamment d'une action au fond déjà engagée.
Vu les dernières conclusions en date du 12'mai 2025, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties et par lesquelles la SAS Coruzo Invest demande à la cour de':
'Vu l'article 145 du Code de Procédure civile ;
Vu l'article L145-6-1 alinéa 6 du code de commerce ;
Vu les pièces produites ;
DECLARER l'appel interjeté par la société UP MEDICAL mal fondé ;
En conséquence,
DEBOUTER la société UP MEDICAL de l'ensemble de ses demandes, moyens et prétentions ;
CONFIRMER l'ordonnance du Président du Tribunal Judiciaire de Strasbourg rendu en date du 19 septembre 2024 en ce qu'il a [sic]':
'DISONS n'y avoir lieu à référés ;
CONDAMNONS la Sas Up Médical à verser à la Sas Coruzo Invest la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
REJETONS la demande de la Sas Up Médical fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNONS la Sas Up Médical aux dépens ;
RAPPELONS que la présente décision est exécutoire de droit par provision'
En tout état de cause,
CONDAMNER la société UP MEDICAL à payer à la société CORUZO INVEST la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER la société UP MEDICAL aux entiers frais et dépens de la procédure'
et ce, en invoquant, notamment':
- l'absence d'urgence et l'existence d'une contestation sérieuse, dès lors que la vente intervenue le 7'février 2024 entre la SCI de la Moder et la concluante entrerait dans les exceptions prévues par l'article L.145-46-1 du code de commerce (vente globale d'un immeuble comprenant plusieurs locaux commerciaux distincts), de sorte que le droit de préemption du locataire n'aurait pas à être purgé,
- l'impossibilité pour l'appelante de se substituer à la concluante comme acquéreur, la nullité de la vente ne pouvant en aucun cas entraîner la substitution du locataire à l'acquéreur, seule une action en nullité pouvant être engagée et entraînant un retour du bien dans le patrimoine du vendeur,
- l'absence de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent, le local étant exploité normalement par la société Up Médical sans obstacle, sans avis défavorable de la commission de sécurité et sans atteinte prouvée à la jouissance paisible des lieux,
- la mauvaise foi de la société appelante qui se serait volontairement abstenue de saisir le juge du fond en nullité ou en constatation d'un trouble réel, préférant retenir unilatéralement les loyers sans autorisation judiciaire, ce qui a conduit la concluante à délivrer un commandement visant la clause résolutoire, auquel il a finalement été déféré,
- la clarté de la situation locative, actée par des baux successifs avec les deux locataires (Up Médical et SOGECA), sans empiétement sur les surfaces louées, mais uniquement sur l'enseigne extérieure, comme le confirmeraient l'expertise judiciaire et les mesurages réalisés en 2024,
- l'absence de fondement juridique à une consignation judiciaire des loyers, la cour d'appel n'étant pas saisie d'une contestation sérieuse, de nature à paralyser les droits du bailleur à percevoir les loyers, ni d'un péril menaçant les intérêts du locataire,
- l'absence de risque d'insolvabilité de la concluante qui s'est endettée pour acquérir les locaux mais qui reste propriétaire légitime, tant qu'aucune décision d'annulation de la vente n'est intervenue.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 20'mai 2025,
Vu les débats à l'audience du 26'mai 2025,
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS :
Sur la demande principale :
Aux termes de l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
L'existence de l'urgence est une condition préalable que le juge doit vérifier, au besoin d'office.
Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point. À l'inverse, sera écartée une contestation qui serait, à l'évidence, superficielle ou artificielle.
En application de l'article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer.
Le trouble manifestement illicite découle de toute perturbation résultant d'un fait qui directement, ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.
La preuve du trouble manifestement illicite incombe au demandeur (Com. 20 mars 1990, pourvoi n°'85-15.418, Bull. 1990, IV, n°'86).
Par ailleurs, l'article L.'145-46-1 du code de commerce dispose que':
'Lorsque le propriétaire d'un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Ce dernier dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer. En cas d'acceptation, le locataire dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur, d'un délai de deux mois pour la réalisation de la vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois.
Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est sans effet.
Dans le cas où le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l'acquéreur, le notaire doit, lorsque le bailleur n'y a pas préalablement procédé, notifier au locataire dans les formes prévues au premier alinéa, à peine de nullité de la vente, ces conditions et ce prix. Cette notification vaut offre de vente au profit du locataire. Cette offre de vente est valable pendant une durée d'un mois à compter de sa réception. L'offre qui n'a pas été acceptée dans ce délai est caduque.
Le locataire qui accepte l'offre ainsi notifiée dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur ou au notaire, d'un délai de deux mois pour la réalisation de l'acte de vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est sans effet.
Les dispositions des quatre premiers alinéas du présent article sont reproduites, à peine de nullité, dans chaque notification.
Le présent article n'est pas applicable en cas de cession unique de plusieurs locaux d'un ensemble commercial, de cession unique de locaux commerciaux distincts ou de cession d'un local commercial au copropriétaire d'un ensemble commercial. Il n'est pas non plus applicable à la cession globale d'un immeuble comprenant des locaux commerciaux ou à la cession d'un local au conjoint du bailleur, ou à un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint. Il n'est pas non plus applicable lorsqu'il est fait application du droit de préemption institué aux chapitres Ier et II du titre Ier du livre II du code de l'urbanisme ou à l'occasion de l'aliénation d'un bien sur le fondement de l'article L. 213-11 du même code.'
Et en vertu de l'article 1961 du code civil, la justice peut ordonner le séquestre :
1° Des meubles saisis sur un débiteur ;
2° D'un immeuble ou d'une chose mobilière dont la propriété ou la possession est litigieuse entre deux ou plusieurs personnes ;
3° Des choses qu'un débiteur offre pour sa libération.
En l'espèce, la cour rappelle tout d'abord que, par ordonnance rendue le 25'mai 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg, tout en ordonnant une expertise sur la question de la différence de superficie entre celle mentionnée à l'avenant du 3'mars 2011 et la surface effective des locaux loués par la SAS Up Médical, ainsi que sur les désordres affectant le bâtiment occupé, a rejeté la demande de consignation des loyers et charges, alors formée par la SAS Up Médical, à défaut d'invocation par cette dernière de l'une des situations d'urgence prévues par l'article 834 précité, ni d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite, conformément à l'article 835 précité, en rappelant ne pouvoir statuer sur le caractère excessif du loyer au regard de la superficie réelle des locaux, question par ailleurs soumise à expertise, outre qu'elle ne faisait état d'aucun fait qui aurait porté atteinte à la jouissance des locaux occupés.
Si la société appelante invoque, désormais, à titre de fait nouveau, la méconnaissance par la partie adverse, de son droit de préemption, susceptible d'avoir une incidence sur le droit de la partie adverse à percevoir les loyers litigieux et donc sur la préservation de son propre droit à en obtenir, le cas échéant, restitution pour le cas où la vente serait invalidée, il convient de relever que la société Up Médical ne justifie pas de la condition d'urgence, dès lors que, non seulement, comme l'a relevé le premier juge, les loyers ont été réglés, mais encore que la situation d'occupation des locaux par la société Up Médical ou la situation financière de cette dernière n'apparaissent pas compromises, la société appelante ne caractérisant, à cet égard, aucun dommage irréversible, seul étant invoqué le risque de ne pas recouvrer, par hypothèse, les loyers réglés, lequel n'est, à ce stade, nullement avéré.
En tout état de cause, cette demande est affectée d'une contestation sérieuse, tenant, au-delà même de la question de l'existence d'une fraude à l'exercice du droit de préemption - sachant que le représentant de la société UP Médical a été informé le 16 novembre 2022, que la SCI de la Moder souhaitait vendre les biens immobiliers à la société Coruzo Invest - à tout le moins à l'applicabilité de l'article L.'145-46-1 du code de commerce, s'agissant d'une vente portant sur un immeuble comprenant des locaux commerciaux distincts, en l'absence, par ailleurs, de justification au regard de l'existence d'un différend, l'introduction d'une action devant le tribunal judiciaire à la suite du dépôt du rapport d'expertise et peu avant la clôture des débats dans la présente instance ne suffisant pas à justifier la prise des mesures sollicitées, alors même que la situation n'apparaît pas porter atteinte à la jouissance des locaux par le preneur, y compris au regard des conclusions du rapport d'expertise rendu le 20'janvier 2025 qui ne relèvent pas de faits nouveaux au regard de la situation appréhendée par la précédente ordonnance.
Quant à l'existence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite, au regard de l'article 835 précité, dont l'application est bien invoquée par la partie appelante, elle n'apparaît pas caractérisée, la société Up Médical ne soutenant pas, ni en tout cas ne démontrant pas, l'imminence d'un dommage et en tout cas avec une certitude suffisante au regard de la situation présente, tandis qu'aucun trouble manifestement illicite n'apparaît établi, dans la mesure où, au-delà du fait qu'il n'appartient pas au juge des référés, comme le premier juge l'a rappelé, de se prononcer sur l'irrégularité de la vente, la juridiction du fond ayant, d'ailleurs, été saisie à cette fin, il n'en demeure pas moins que les conditions de mise en 'uvre du droit de préemption ne révèlent aucune irrégularité manifeste, au regard de l'exception invoquée par la société Coruzo Invest, telle qu'elle a été rappelée, ce qui pose sérieusement la question de son application, qu'il appartiendra au juge du fond de trancher.
Eu égard à ce qui précède, la cour confirmera donc l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
L'appelante, succombant pour l'essentiel, sera tenue des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation de l'ordonnance déférée sur cette question.
L'équité commande, en outre, de mettre à la charge de l'appelante une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 3'000 euros au profit de l'intimée, tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de cette dernière et en confirmant les dispositions de l'ordonnance déférée de ce chef.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 19'septembre 2024 par le juge des référés civils du tribunal judiciaire de Strasbourg,
Y ajoutant,
Condamne la SAS Up Médical aux dépens de l'appel,
Condamne la SAS Up Médical à payer à la SAS Coruzo Invest la somme de 3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SAS Up Médical.
Le cadre greffier : le Président :