CA Paris, Pôle 6 - ch. 6, 9 juillet 2025, n° 22/00503
PARIS
Arrêt
Autre
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRET DU 09 JUILLET 2025
(N°2025/ , 14 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00503 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CE6PG
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Décembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° 20/00312
APPELANT
Monsieur [A] [W]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Arnaud GRIS, avocat au barreau de PARIS, toque : D2008
INTIMEE
S.A.S. EURO DISNEY ASSOCIES SAS prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
N° SIRET : 397 471 822
Représentée par Me Magali THORNE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0075
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 Février 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Marie-José BOU, Présidente de chambre et de la formation
M. Didier LE CORRE, Président de chambre
M. Stéphane THERME, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Didier LE CORRE dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Gisèle MBOLLO assistée de Anastasia DANIEL
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, initialement prévue le 09 avril 2025 prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre et par Gisèle MBOLLO, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Selon contrat de travail à durée indéterminée, M. [W] a été engagé en qualité de directeur produit restauration par la société Euro Disney associés (la société Euro Disney) le 1er février 2018.
Au cours de la réunion des délégués du personnel de la division restauration avec la société Euro Disney, le 16 novembre 2018, les délégués du personnel CFDT ont informé la direction que des chefs de cuisine se plaignaient de l'attitude et de propos de M. [W].
La société Euro Disney a organisé une évaluation de compétences de M. [W] qui a été confiée au cabinet de conseil Korn Ferry, lequel a remis un rapport le 20 juin 2019.
A la suite d'une enquête de satisfaction au travail réalisée en septembre et octobre 2019 au sein du secteur Food, un coaching de M. [W], confié au cabinet Hoogstoël & associés, a été décidé avec notamment l'objectif de l'aider à développer « son adaptabilité dans la gestion de la transformation et sa flexibilité dans sa relation à l'autre ».
A la suite de remontées des organisations syndicales quant au mode de communication de M. [W], une enquête interne a été menée par la société Euro Disney au cours de laquelle 29 personnes ont été reçues en entretien du 15 au 28 janvier 2020.
Par lettre du 26 février 2020, M. [W] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 9 mars suivant.
Il a été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre du 13 mars 2020.
M. [W] a saisi le 10 juin 2020 le conseil de prud'hommes de Meaux d'une contestation de son licenciement et en demandant que la société Euro Disney soit condamnée à lui payer des dommages-intérêts au titre de la rupture du contrat de travail ainsi qu'une somme au titre d'un plan de rémunération différée.
Par jugement du 23 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Meaux a rendu la décision suivante:
« DEBOUTE Monsieur [W] de l'ensemble de ses demandes.
DEBOUTE la SAS EURO DISNEY ASSOCIES de sa demande reconventionnelle.
MET les dépens éventuels à la charge de Monsieur [W]. »
M. [W] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 31 décembre 2021.
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 21 mars 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [W] demande à la cour de:
« CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société EURO DISNEY ASSOCIES de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles.
INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :
' Débouté Monsieur [W] de l'ensemble de ses demandes.
STATUANT de nouveau,
A titre principal,
JUGER que le licenciement dont Monsieur [W] a fait l'objet est sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
CONDAMNER la Société EURO DISNEY ASSOCIES S.A.S. au paiement des sommes suivantes:
' 153.753,22 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
' 76.876,61 euros à titre de dommages et intérêts en raison du caractère brutal et vexatoire du licenciement ;
En tout état de cause,
CONDAMNER la Société EURO DISNEY ASSOCIES S.A.S. à verser à Monsieur [W] la somme équivalente en euros de 108.147,00 dollars au titre du Long Terme Incentive Plan arrêté par la Société au 19 mai 2020 ;
CONDAMNER la Société EURO DISNEY ASSOCIES S.A.S. à remettre à Monsieur [W] ses documents de fins de contrats rectifiés ;
DIRE ET JUGER que l'ensemble des indemnités versées porteront intérêts au taux légal à compter de la présente saisine ;
CONDAMNER la Société EURO DISNEY ASSOCIES S.A.S. au paiement de la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER la Société aux entiers dépens. »
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 8 septembre 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société Euro Disney demande à la cour de:
« I/ CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Meaux (Section Encadrement) en date du 23 septembre 2021, ayant débouté M. [A] [W] de l'ensemble de ses demandes.
En tout état de cause,
1/ Dire que la procédure de licenciement poursuivie à l'encontre de M. [W], engagée, menée et notifiée par les représentants habilités d'Euro Disney Associes SAS est valide et produit tous ses effets.
Dire bien-fondé le licenciement pour cause réelle et sérieuse de M. [A] [W] notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 mars 2020.
Dire sans incidence, parmi les griefs valant cause réelle et sérieuse de licenciement, l'éventuel grief d'une faute disciplinaire non prescrite.
2/ Dire sans fondement la demande de dommages-intérêts de M. [A] [W], et encore moins sa prétention à un déplafonnement.
3/ Dire également que la demande de M. [A] [W] au titre du Long Term Incentive Plan est mal fondée.
Le DEBOUTER en conséquence de toutes ses demandes, fins et conclusions.
II/ INFIRMER partiellement le jugement du Conseil de Prud'hommes de Meaux (Section Encadrement) en date du 23 septembre 2021 en ce qu'il a débouté Euro Disney Associes SAS de sa demande reconventionnelle de condamnation de M. [A] [W] à la somme de 10.000 € de dommages-intérêts au titre de la procédure abusive et à 3.000 € au titre de l'article 700 CPC.
Statuant à nouveau,
CONDAMNER M. [A] [W] à la somme de 20.000 € de dommages-intérêts au titre de la procédure abusive et à 10.000 € au titre de l'article 700 CPC ainsi qu'en tous les dépens de l'instance. »
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 décembre 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la signature de la lettre de licenciement
M. [W] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse dans la mesure où le signataire de sa lettre lui est inconnu, n'est pas identifiable, ce qui ne lui permet pas de vérifier l'existence d'un mandat pour signer. Il ajoute qu'il lui est notamment impossible de vérifier que le signataire de sa lettre de licenciement était un salarié de la société Euro Disney.
L'article L.1232-6 du code du travail dispose, en son alinéa 1, que « Lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception ».
Il résulte de ce texte que la notification du licenciement devant émaner de l'employeur, l'absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.
Toutefois, il est de jurisprudence constante que dans les sociétés, aucune disposition légale n'exige que la délégation du pouvoir de licencier soit donnée par écrit ni même qu'elle ait été portée à la connaissance des salariés. La délégation du pouvoir de licencier peut être tacite et découler des fonctions du salarié qui conduit la procédure de licenciement (Soc., 11 mars 2020, pourvoi n° 18-25.999).
En outre, il est jugé que dans les sociétés, le mandat de signer la lettre de licenciement, y compris en cas de dépassement de pouvoir par le mandataire, est considéré comme ratifié par l'employeur par le simple fait que la procédure de licenciement a été menée à son terme ou que durant la procédure prud'homale l'employeur soutient la validité du licenciement (Soc., 13 mars 2013, pourvoi n° 11-23.761; Soc., 27 novembre 2019, pourvoi n° 18-16.857).
' En l'espèce, la lettre de licenciement du 13 mars 2020 a été signée pour ordre au nom de « [D] [U] » accompagné de la mention « Senior Vice-présidente Experience, Produit Synergy & Integration ». Il s'ensuit que la personne ayant signé la lettre de licenciement a agi pour ordre au nom de Mme [U].
Il ressort en outre de la lettre de convocation de M. [W] à l'entretien préalable au licenciement que cette lettre a été signée pour ordre au nom de Mme [U] par M. [V]. Ce dernier était un membre de la direction des ressources humaines de la société Euro Disney.
La société Euro Disney justifie, par les pièces produites, que Mme [U], directrice générale adjointe, était la supérieure hiérarchique de M. [W] et avait reçu le 12 décembre 2018 une délégation de pouvoirs de Mme [O], présidente de la société Euro Disney. Cette délégation était très large comme portant sur toutes questions en matière de « gestion, administration et direction du département EPSI », et précisait que Mme [U] ayant la « responsabilité directe des salariés et des stagiaires », elle recevait délégation et pouvoir « pour toutes questions relatives: à la législation applicable en matière de droit du travail et de la sécurité sociale (...)».
Mme [N], en charge des ressources humaines de la division Food de la société Euro Disney, avait également reçu le 27 novembre 2019 une délégation de pouvoirs de Mme [O], ladite délégation portant notamment sur la « gestion des ressources humaines » des divisions Affaires commerciales et EPSI (Expérience, Produit Synergie et Intégration) et incluant tous pouvoirs en ce qui concerne « la législation applicable en matière de droit du travail et de sécurité sociale ».
Or, il résulte des pièces communiquées que c'est Mme [N] qui a signé, pour ordre au nom de Mme [U], la lettre de licenciement de M. [W].
En conséquence, la lettre de licenciement a été régulièrement signée et le licenciement n'est pas dénué de cause réelle et sérieuse en raison de sa signature.
Sur le licenciement pour cause réelle et sérieuse
M. [W] soutient que les faits qui lui sont reprochés dans son licenciement, prononcé pour cause réelle et sérieuse, n'ont pas la nature d'une insuffisance professionnelle mais une nature disciplinaire et sont prescrits.
Dans les conclusions de la société Euro Disney, les développements consacrés par celle-ci au licenciement soutiennent, de la page 10 à la page 43, que le licenciement a été prononcé pour insuffisance professionnelle, l'intimée affirmant par exemple en page 10 que « La prétention de M. [W] à voir qualifier de faute à caractère disciplinaire les griefs énoncés n'est pas sérieuse et ne saurait justifier que le licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse ».
De façon ensuite très confuse sur le plan juridique, les conclusions de la société, de la page 44 à la page 46, sous l'intitulé « II.2 - Très subsidiairement, sur la faute disciplinaire », indiquent que les faits ne sont pas prescrits et tendent ainsi, sans que cela ne soit parfaitement clair, à voir dire que les faits reprochés sont susceptibles d'être disciplinaires, la société Euro Disney écrivant ainsi en page 44 que « Si même la Cour estimait devoir caractériser, au-delà de la cause réelle et sérieuse, une faute disciplinaire, elle ne pourrait que la retenir en l'espèce ».
Toutefois, s'il est de jurisprudence constante que l'employeur, à condition de respecter les règles de procédure applicables à chaque cause de licenciement, peut invoquer dans la lettre de licenciement des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, dès lors qu'il procèdent de faits distincts, et qu'un licenciement peut donc être fondé sur une faute et sur une insuffisance professionnelle lorsqu'elles relèvent de faits distincts, l'employeur ne peut invoquer pour un même fait qu'il est, à titre principal, de nature disciplinaire et, à titre subsidiaire, qu'il constitue une insuffisance professionnelle, ou inversement. La qualification que l'employeur a donné au licenciement s'impose à lui (Soc., 21 mars 2007, pourvoi n° 05-45.060, Bull. 2007, V, n° 53), de sorte qu'il ne peut invoquer qu'une seule qualification pour chaque fait reproché au salarié dans la lettre de licenciement, le juge du fond ayant ensuite à vérifier, en cas de contestation entre les parties comme c'est le cas en l'espèce, quelle qualification s'applique audit fait.
En l'occurrence, il résulte de l'article L.1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
Le motif inhérent à la personne du salarié doit reposer sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et qui lui sont imputables.
Selon l'article L.1235-1 du code du travail, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur au titre du licenciement en formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Par conséquent, la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n'incombe spécialement à aucune des parties. Mais si un doute subsiste, il profite au salarié.
L'insuffisance professionnelle ne constitue pas une faute et s'en distingue en ce qu'elle relève d'un comportement involontaire du salarié. C'est seulement lorsqu'ils procèdent d'une abstention volontaire ou d'une mauvaise volonté délibérée du salarié que les faits perdent leur caractère d'insuffisance professionnelle pour revêtir une qualification disciplinaire et présenter le caractère d'une faute.
' En l'espèce, la lettre de licenciement est rédigée dans les termes qui suivent:
« Je fais suite à l'entretien préalable à éventuel licenciement auquel vous étiez présent, non assisté, le 9 mars 2020, et au cours duquel j'ai évoqué avec vous les raisons pour lesquelles une telle mesure était envisagée à votre encontre.
En effet, exerçant depuis le 01/02/2018 les fonctions de Directeur Restauration Produits sous contrat à durée indéterminée, vous êtes chargé de définir la stratégie Produits pour nos restaurants et notre offre de restauration, ce dans le cadre du développement de nouveaux concepts/lieu de restauration, la proposition de nouveaux produits, et l'identification de nouveaux partenariats. A ce titre, vous devez vous assurez par une collaboration constante et efficace que vos propositions soient réalisables par nos directions opérationnelles et contribuent à l'attractivité de Disneyland Paris auprès de nos clients dans le respect de nos valeurs et de nos politiques.
En votre qualité de cadre exécutif, vous devez promouvoir la politique de l'entreprise et ses orientations et porter les valeurs de Disneyland Paris en matière de diversité et d'inclusion, de collaboration et d'exemplarité, tant vis-à-vis de vos collaborateurs, que de vos partenaires internes et externes.
Or, notre entreprise a été informée début janvier 2020 de comportements et propos non professionnels de votre part, non conformes à vos obligations.
Les informations ainsi communiquées à l'entreprise ont justifié qu'une enquête soit diligentée du 15 au 28 janvier 2020, des faits inacceptables et graves ayant été révélés qui vous sont directement imputables.
1. UNE COLLABORATION DIFFICILE AVEC VOS PARTENAIRES EXTERNES ET INTERNES
Votre comportement s'avère imprévisible et votre communication irrespectueuse et déstabilisante tant envers les partenaires externes qu'internes. L'image dégradée que vous donnez de Disneyland Paris n'est pas conforme à nos exigences qualitatives légitimes.
Un de nos partenaires externes a déploré, lors d'une discussion en date du 21 Janvier 2020, votre ton caustique, provocateur qui n'est pas en ligne avec les valeurs Disney. Il a évoqué des blagues déplacées, de provocation. Un autre partenaire a évoqué votre comportement et vos propos très éloignés des standards Disney, votre communication brutale, crue et dédaigneuse en vous adressant à eux.
Vos partenaires Internes, notamment Directeurs, ont témoigné de votre manque de considération se matérialisant par un premier contact compliqué en raison de votre attitude peu respectueuse, une collaboration difficile en découlant, et la nécessité de recadrage de leur part afin que la relation soit conforme aux nécessités d'avancement de l'activité.
Il vous est également reproché d'avoir tenu des propos inacceptables à l'égard de vos partenaires internes, notamment auprès de la population des chefs de cuisine de notre destination, à qui, lors des présentations des changements de cartes, vous avez indiqué :
« vous ne savez pas travailler » « vous faites du Novotel ». De même vis-à-vis des 3 chefs de cuisine référents de la division opérationnelle Food parcs, vous avez indiqué « ce sont tous des cons, ils ne servent à rien ». Plus largement, dans le cadre de la préparation d'halloween 2019, vous avez dit à un collaborateur « Tu es vraiment naïf, les opérationnels sont des débiles ».
En sus de ces propos déplacés, il est difficile pour vos interlocuteurs internes de vous rencontrer, vous refusez régulièrement certains meetings et ne vous déplacez pas pour venir à leur rencontre. Votre carence pousse vos interlocuteurs à devoir formaliser les meetings pour lesquels votre présence est nécessaire et se déplacer systématiquement à votre bureau, bâtiment Mickey Mouse.
Certains évoquent une amélioration impossible de la relation de travail, situation qui vous est entièrement imputable.
Les éléments recueillis dans le cadre de l'enquête mettent en lumière le fait que vous instituez systématiquement un rapport de force avec l'ensemble de vos contacts afin d'imposer sans concertation vos vues et vos idées. Cette démarche n'est pas conforme au mode collaboratif promu par notre entreprise afin de travailler plus efficacement et dans un environnement serein et respectueux de chacun.
2. UNE COMMUNICATION INAPPROPRIEE
L'enquête menée a également mis en lumière votre communication inappropriée et déplacée générant un malaise chez vos interlocuteurs qui, choqués, ne savent pas toujours comment réagir à vos propos.
Ainsi, vous avez tenus :
o Des propos vulgaires, en totale contradiction avec votre niveau de contribution:
- « Lors d'une présentation de la vaisselle de l'hôtel New York, vous avez dit que la vaisselle sélectionnée était pour des restaurants où se trouvaient des putes libanaises, et que vous préfériez qu'on fasse une sélection de vaisselle pour des restaurants où il y a des putes ukrainiennes. »
- Alors qu'un membre féminin de votre équipe vous présentait une assiette, vous lui avez répondu « ça c'est bien des goûts de putes libanaises ».
- A votre arrivée il y a environ 2 ans, le point de vente « Victoria » où une offre bar nouvellement lancée fonctionnait mal. Vous avez dit : « il suffit d'aller chercher 3 putes dans les pays de l'Est, de les mettre sur un tabouret et ça devrait fonctionner ! »
o Des propos à connotation xénophobe, en totale opposition avec la politique Diversité et Inclusion promue par Disneyland Paris:
- Lors d'une conversation pour le recrutement pour le New York, vous avez dit « Il y a assez de couleur dans l'entreprise, il faut aller chercher des gens à l'Est comme des putes ukrainiennes » et pour le bar du New York, pour respecter le concept Hipster, « il nous faut que des barbus. »
- Alors qu'une gamme d'assiette différente par atelier vous était présentée pour le restaurant DOWTOWN, vous avez dit « Vous croyez que les plongeurs savent faire la différence entre une assiette blanche et une assiette noire ' face à la réponse affirmative de vos interlocuteurs, vous avez répondu « Vous êtes bien naïfs. »
- Lors de la seconde présentation de vaisselle pour l'hôtel New York le 18 décembre 2019, vous avez dit à vos collaborateurs qu'ils avaient « des goûts de gitans »
- Alors qu'une salariée vous dit « j'apprécie cette personne je collabore avec elle ; vous lui avez répondu « C'est bien tu seras tondue ».
o Des propos sexistes voire insultants vis-à-vis de votre hiérarchie et des salariés/des départements de l'entreprise
- Evoquant nos dirigeantes, vous parlez du « club des blondes », ou vous dites « On est géré par des blondes » faisant référence tant à leur aspect physique que leur capacité professionnelle.
- Lors de la présentation de nouveaux produits de la saison « Marvel » (avril - mars 2019) à l'atelier des Chefs, lors de la présentation d'un nouveau burger « Captain Marvel » qui était majoritairement de couleur jaune, vous avez demandé : « pourquoi est-il jaune ' ». Il vous a été expliqué que c'était parce que Captain Marvel est blonde et vous avez alors répondu : « tu as raison elle est blonde, comme les 3 connasses qui nous dirigent »
- Lors de la dernière visite de [P] [E] en novembre - décembre 2019, vous avez dit: « Ce midi, je mange avec Mes Couilles » en faisant référence aux initiales de [P] [M] [E]. Vous avez ajouté: « bah si, M.C: [P] [E] ! ».
- Evoquant le service Marketing, vous considérez qu' : « ils sont nulles, ils ne savent pas faire. » n'hésitant pas à injurier indirectement.
L'entreprise ne peut tolérer de telles insultes, un tel manque de respect des personnes, ainsi qu'un tel manque d'exemplarité de votre part. Vos propos nuisent à l'image de notre entreprise et de ses membres encadrants.
3. COMPORTEMENT MANAGERIAL NON CONFORME AUX VALEURS DE L'ENTREPRISE
Il est également apparu que depuis votre arrivée, vous avez mis en place un style de management irrespectueux et oppressant pour votre équipe. Ce dernier est notamment caractérisé par une communication· agressive, un discours très direct, et malveillant.
Vos collaborateurs évoquent des propos et des comportements vexatoires à leur égard, et ce dès votre arrivée dans votre service. Ainsi, il est fréquent que vous fassiez des remarques à vos collaborateurs en présence de leurs collègues sur l'un de leur travail, comme un visuel que vous ne validez pas, un délai non tenu, ou un travail qui ne correspond pas à vos attentes ... Lors de la présentation de nouveaux produits, vous avez tenu les propos suivants: « c'est dégueulasse l », « tu fais de la merde », « C'est nul. », « c'est dégueulasse. Comment peux-tu me faire goûter ça ' » devant tous les collaborateurs présents. Vous pouvez également arriver avec ¿ d'heure de retard pour une dégustation, sans même vous excuser ou encore en septembre 2019 refuser tous les produits lors d'une présentation sans fournir aucune explication permettant à vos collaborateurs de comprendre votre position.
Vos avis contradictoires, notamment lors de la présentation constat buffet hôtel ont été très déstabilisants pour vos collaborateurs. En effet, alors que vous vous étiez montré élogieux sur la présentation (format, produit, etc...) à l'occasion d'une première réunion aux environs d'octobre 2019, vous aviez contre toute attente qualifié le même travail résumé lors de la présentation du 4 décembre 2019 par : « c'est de la merde ! ».
La majorité de vos collaborateurs évoque une charge de travail importante, source de stress, due notamment à votre manque d'anticipation, de clarté et de continuité dans les orientations envisagées, de lenteur dans la prise de décision sans qu'ils puissent toujours en comprendre les raisons.
4. CRITIQUES VIS-A-VIS DE LA POLITIQUE DE L'ENTREPRISE
Il ressort également de cette enquête que vous formulez des critiques envers les orientations de l'entreprise en interne alors même qu'il relève de votre prérogative de les promouvoir.
Il nous a ainsi été relaté qu'au retour d'une réunion sur la rénovation du Disneyland Hôtel, vous avez dit : « ils veulent faire un palace et ils feront tout juste un 2 étoiles ». Concernant le restaurant « Downtown » prévu dans le cadre de la rénovation de l'hôtel New York qui est un concept cosmopolite (avec 3 ateliers culinaires : 1 Italien, 1 Asiatique et 1 Américain) vous avez dit « Vous n'avez rien compris, le restaurant ne sera pas plus qu'un Flunch».
L'ensemble des témoignages recueilli au cours de cette enquête a donc permis de mettre en évidence que votre attitude avec vos collaborateurs, vos pairs, vos partenaires internes ou même externes est une source de tension permanente qui perturbe très largement l'ambiance et l'exécution du travail, outre l'image de notre entreprise. Vos réactions imprévisibles et abruptes génèrent une crainte pour vos interlocuteurs qui doivent adapter leur comportement ou leur mode de fonctionnement en votre présence pour éviter d'y être confronté.
Je ne peux accepter que votre désaccord avec les orientations de l'entreprise, le manque de respect de nos politiques d'entreprise et des personnes amenées à collaborer à vos côtés desservent l'image de votre service en interne, et l'image de Disneyland Paris en externe.
Votre incapacité à adopter un comportement conforme aux attentes légitimes de notre entreprise n'est pas admissible. Force est de constater que vous ne remplissez pas vos obligations professionnelles.
Les explications que vous nous avez fournies lors de notre entretien ne m'ont pas permis de modifier mon appréciation des faits qui vous sont reprochés.
En conséquence, j'ai décidé de procéder à votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. »
S'agissant de la 1ère série de faits visés dans la lettre de licenciement relativement à la collaboration difficile de M. [W] avec ses partenaires externes et internes, la société Euro Disney invoque une communication irrespectueuse et déstabilisante de l'appelant, des blagues déplacées et provocantes, une communication brutale, crue et dédaigneuse, un manque de considération envers les partenaires internes de M. [W] se matérialisant par une attitude peu respectueuse ayant rendu nécessaire qu'ils le recadrent, des propos inacceptables et déplacés de M. [W] à l'égard de ses partenaires internes en leur disant par exemple « ce sont tous des cons » ou « les opérationnels sont des débiles », et la mise en place d'un rapport de force avec l'ensemble de ses contacts. Tous ces faits ne relèvent pas d'un comportement involontaire de M. [W] mais d'un comportement fautif de celui-ci.
En revanche, les faits concernant la difficulté pour les interlocuteurs internes de rencontrer M. [W] qui ne se déplaçait pas vers eux ainsi que la nécessité pour eux de formaliser les meetings pour lesquels sa présence était indispensable et de se déplacer systématiquement à son bureau, constituent bien des faits d'insuffisance professionnelle.
S'agissant de la 2ème série de faits visés dans la lettre de licenciement relativement à la communication inappropriée de M. [W], la société Euro Disney invoque la tenue par celui-ci de propos vulgaires comme « putes ukrainiennes » et « putes libanaises », de propos à connotation xénophobe comme « Il y a assez de couleur dans l'entreprise » et « des goûts de gitans », des propos sexistes voire insultants comme « club des blondes » et « les 3 connasses qui nous dirigent ». L'ensemble de ces faits ne procèdent pas d'un comportement involontaire de M. [W] mais constituent des faits fautifs.
S'agissant de la 3ème série de faits visés dans la lettre de licenciement relativement au comportement managérial de M. [W] non conforme aux valeurs de l'entreprise, la société Euro Disney invoque un style de management irrespectueux avec une communication agressive et un discours malveillant, des propos et comportements vexatoires de M. [W] à l'égard de ses collaborateurs comme « tu fais de la merde » et « c'est nul », des avis très déstabilisants pour ses collaborateurs en se montrant élogieux d'abord puis en qualifiant le même travail de « c'est de la merde ». Tous ces faits ne procèdent pas d'un comportement involontaire de M. [W] mais d'un comportement fautif.
En revanche, les faits concernant l'évocation par la majorité de ses collaborateurs d'une charge de travail importante, source de stress, due notamment à son comportement de manque d'anticipation, de clarté et à sa lenteur dans la prise de décisions, constituent des faits d'insuffisance professionnelle.
S'agissant de la 4ème série de faits visés dans la lettre de licenciement relativement aux critiques de M. [W] vis-à-vis de la politique de l'entreprise, la société Euro Disney invoque des propos formulés par celui-ci qui critiquent les orientations de l'entreprise, comme la rénovation de certains établissements hôteliers et de restauration, et qui contribuent à desservir l'image du service de M. [W] en interne et l'image de Disneyland Paris en externe. L'ensemble de ces faits relèvent non d'un comportement involontaire de M. [W] mais d'un comportement fautif de ce dernier.
Il résulte de tout ce qui précède qu'à l'exception des faits qui viennent d'être qualifiés d'insuffisance professionnelle, et qui vont donc être examinés par la cour, les autres faits visés dans la lettre de licenciement ont un caractère disciplinaire, de sorte que, la société Euro Disney ayant invoqué que le licenciement était motivé par des insuffisances professionnelles de M. [W], ces faits ne peuvent fonder ce licenciement.
S'agissant des faits d'insuffisance professionnelle visés dans la lettre de licenciement concernant la difficulté pour les interlocuteurs internes de M. [W] de le rencontrer, celui-ci ne se rendant pas dans les meetings et ne se déplaçant pas pour venir à leur rencontre, cette carence poussant ses interlocuteurs à devoir formaliser les meetings pour lesquels sa présence était nécessaire et à se déplacer systématiquement à son bureau, bâtiment Mickey Mouse, M. [W] conteste leur réalité.
En l'occurrence, les faits en cause sont mentionnés en page 8 du rapport dressé à l'issue de l'enquête interne menée par la société Euro Disney courant janvier 2020. Toutefois, ce rapport, qui est une synthèse des entretiens tenus avec 29 personnes, indique « Personnellement, je n'arrive pas à avoir de rendez-vous avec [A] [W], il me les décline souvent », de sorte qu'un seul salarié s'est plaint d'un tel comportement de M. [W]. Le rapport indique ensuite « D'autres personnes interrogées ont partagé le fait qu'il est difficile de rencontrer [A] [W] et qu'il ne se déplace pas pour venir à leur rencontre. Si la présence de [A] [W] est souhaitée dans un meeting, il faut impérativement l'organiser au bâtiment Mickey Mouse ». Cependant, aucune précision, aucun détail ni exemple ne sont donnés quant aux circonstances de ces faits et au nombre de fois où cela s'est produit. Le nombre de personnes en ayant fait part n'est pas davantage précisé. Les comptes rendus de neuf entretiens avec des salariés sont également communiqués dont il ressort que seule Mme [K], qui par ailleurs comme les autres salariés est très précise sur les faits visés dans la lettre de licenciement qui ont été qualifiés de fautifs par la cour, fait état des faits en cause en énonçant simplement « Personnellement, je n'arrive pas à avoir de RDV avec [A] [W], il me les décline souvent ». Cette déclaration et le rapport interne ne sont pas suffisants pour établir l'existence des faits d'insuffisance professionnelle susvisés.
S'agissant ensuite des faits d'insuffisance professionnelle visés dans la lettre de licenciement concernant l'évocation par la majorité des collaborateurs de M. [W] d'une charge de travail importante, source de stress, due notamment à son manque d'anticipation, de clarté et de continuité dans les orientations envisagées, de lenteur dans la prise de décision sans qu'ils puissent toujours en comprendre les raisons, M. [W] conteste également leur réalité.
En l'occurrence, le rapport d'enquête interne mentionne en page 3 « 61% des membres de l'équipe EPSI Restauration interrogés évoquent une charge de travail importante qui peut être source de stress, dû notamment à un manque d'anticipation, de clarté et de continuité dans les orientations envisagées, de lenteur dans la prise de décision sans toujours en comprendre les raisons ». Ici encore, le rapport est imprécis en ce qu'il ne donne pas de détail ni d'exemple sur ces faits et leurs circonstances. En outre, il ne ressort pas des comptes rendus des entretiens de M. [G] et de Mme [S] que les faits de manque d'anticipation et de communication et de surcharge de travail qu'ils évoquent respectivement soient dûs de façon certaine à M. [W] ni que celui-ci soit responsable du sous-dimensionnement de certaines équipes ayant subi une surcharge de travail. Enfin, le manque de clarté de M. [W] évoqué par Mme [Z] n'est pas suffisamment circonstancié pour, ajouté au rapport d'enquête, suffire à établir l'existence des faits d'insuffisance professionnelle susvisés.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Euro Disney ne rapporte pas la preuve des faits visés dans la lettre de licenciement qui ont été qualifiés d'insuffisance professionnelle.
En conséquence, le licenciement de M. [W] est déclaré sans cause réelle et sérieuse, le jugement étant infirmé sur ce chef.
Sur les conséquences financières de la rupture
a) En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés par ce texte. Pour déterminer le montant de l'indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture, à l'exception de l'indemnité de licenciement mentionnée à l'article L. 1234-9. Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au même article.
Ces dispositions et celles des articles L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail, qui permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur, sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT).
Les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne révisée ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.
Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée.
La demande de M. [W] à ce que soit écarté le barème prévu à l'article L.1235-3 du code du travail est donc rejetée.
M. [W] dispose de 2 années complètes d'ancienneté, de sorte que le montant minimal de l'indemnité est ainsi de 3 mois de salaire brut et le montant maximal prévu est de 3,5 mois de salaire brut.
Compte tenu des pièces produites par les parties, le salaire mensuel moyen de M. [W] est fixé à 18 923,70 euros en y incluant tous les éléments de rémunération outre celle de base.
En considération des circonstances de la rupture ainsi que de la situation particulière du salarié tenant notamment à son âge, sa situation familiale et à sa capacité à retrouver un emploi, il convient de condamner la société Euro Disney à payer à M. [W] la somme de 57 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
b) En application de l'article L.1235-4 du contrat de travail, il convient d'ordonner le remboursement par la société Euro Disney à France travail des indemnités de chômage versées à M. [W] entre le jour de la rupture du contrat de travail et le jour du jugement, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.
Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral distinct
Il est de jurisprudence constante que le salarié justifiant, en raison des circonstances vexatoires ou brutales de la rupture de son contrat de travail, d'un préjudice distinct du licenciement lui-même, peut obtenir des dommages et intérêts en réparation de ce préjudice. Il peut prétendre à cette indemnité que son licenciement ait été jugé sans cause réelle et sérieuse ou fondé sur une cause réelle et sérieuse ou une faute grave.
Toutefois, en l'espèce, il ne résulte ni des pièces versées aux débats ni de la dispense de préavis la caractérisation d'un comportement fautif de la société Euro Disney, lors de la rupture, ayant causé à M. [W] un préjudice distinct de celui résultant du licenciement, étant ajouté que si la société Euro Disney s'est trompée dans le fondement juridique du licenciement, les pièces versées aux débats établissent que M. [W] avait un comportement répréhensible à l'égard de ses subordonnés qui nécessitait pour l'employeur de protéger rapidement ceux-ci après avoir légitimement procédé à une enquête interne.
Par confirmation du jugement, la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct est donc rejetée.
Sur la demande en paiement au titre du « Long term incentive plan »
La lettre d'engagement signée par l'employeur et communiquée par M. [W] (pièce n°15.1.b), laquelle diffère sur certains points du contrat de travail pourtant conclu le même jour, mentionne, contrairement à celui-ci, l'existence d'un plan de rémunération différé (article 7) dans les termes suivants: « Vous serez éligible à participer aux « Long Term Incentive Plans » de The Walt Disney Company », sans autre précision.
En page 80 de ses conclusions, M. [W] expose qu'il aurait dû percevoir la somme de 108 147 dollars au titre de ce plan arrêté au 19 mai 2020, ce total correspondant à la somme de 53 250 dollars pour l'année 2018 et de 54 897 dollars pour l'année 2019.
Toutefois, la société Euro Disney justifie que les clauses dudit plan prévoyaient que le droit à recevoir le paiement était subordonné au fait que le salarié soit resté « employé de façon continue par Disney ou une société affiliée » d'une part « dans le cas de la première tranche, jusqu'au premier anniversaire de la date d'allocation » et d'autre part « dans le cas de la deuxième tranche, jusqu'au deuxième anniversaire de la date d'allocation ».
Or, les « Relevés ad hoc » de la banque américaine Merrill (pièce 15.4 de M. [W]) mentionnent le 19 décembre 2018 comme date d'allocation des actions de la première tranche de 53 250 dollars et le 17 décembre 2019 comme date d'allocation des actions de la deuxième tranche de 54 897,60 dollars.
Il en résulte que le droit au paiement de la première tranche était subordonné à ce que M. [W] soit encore salarié de la société Euro Disney ou d'une société affiliée au premier anniversaire de la date d'allocation des actions de cette tranche. Contrairement à ce que soutient la société Euro Disney, M. [W] a dès lors droit au paiement de cette tranche puisqu'il était encore salarié le 19 décembre 2019, date du premier anniversaire de l'allocation faite le 19 décembre 2018.
En revanche, M. [W] n'était plus salarié de la société Euro Disney le 17 décembre 2021, date du deuxième anniversaire de l'allocation faite le 17 décembre 2019 de la deuxième tranche d'actions.
En conséquence, il convient de condamner la société Euro Disney à payer à M. [W] la somme équivalente en euros de 53 250 dollars au titre de la première tranche du plan d'actions LTI. Le jugement est infirmé sur ce chef.
Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive
Dans la mesure où la cour vient de faire droit à une partie des demandes formées par M. [W], cela suffit à écarter la demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive qui est formée par la société Euro Disney. Le jugement est confirmé sur ce chef.
Sur la délivrance de documents
M. [W] sollicite la remise de documents de fin de contrat rectifiés sans préciser lesquels ni le motif pour lequel chacun devrait lui être délivré avec une rectification.
Compte tenu des éléments communiqués, il est ordonné à la société Euro Disney de remettre seulement un solde de tout compte et une attestation France travail rectifiés à M. [W]. Il est ajouté au jugement à cet égard.
Sur les autres demandes
Les intérêts au taux légal courent à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes pour les créances salariales échues à cette date et à compter de leur exigibilité pour les créances salariales dues postérieurement. En revanche, les créances à caractère indemnitaire portent intérêts au taux légal à compter du jugement pour celles confirmées et à compter du présent arrêt pour les autres.
La société Euro Disney succombant, elle est condamnée aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.
Il paraît équitable de condamner la société Euro Disney à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct.
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés dans les limites de l'appel, et y ajoutant,
Dit que le licenciement de M. [W] est sans cause réelle et sérieuse.
Condamne la société Euro Disney associés à payer à M. [W]:
- la somme de 57 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
- la somme équivalente en euros de 53 250 dollars au titre de la première tranche du plan d'actions LTI.
Dit que les intérêts au taux légal courent à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes pour les créances salariales échues à cette date et à compter de leur exigibilité pour les créances salariales dues postérieurement.
Dit que les créances à caractère indemnitaire portent intérêts au taux légal à compter du jugement pour celles confirmées et à compter du présent arrêt pour les autres.
Ordonne le remboursement par la société Euro Disney associés à France travail des indemnités de chômage versées à M. [W] entre le jour de la rupture du contrat de travail et le jour du jugement, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.
Ordonne à la société Euro Disney associés de remettre à M. [W] un solde de tout compte et une attestation France travail conformes à la présente décision.
Condamne la société Euro Disney associés à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboute les parties de leurs autres demandes.
Condamne la société Euro Disney associés aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel.
La Greffière La Présidente
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRET DU 09 JUILLET 2025
(N°2025/ , 14 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00503 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CE6PG
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Décembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° 20/00312
APPELANT
Monsieur [A] [W]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Arnaud GRIS, avocat au barreau de PARIS, toque : D2008
INTIMEE
S.A.S. EURO DISNEY ASSOCIES SAS prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
N° SIRET : 397 471 822
Représentée par Me Magali THORNE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0075
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 Février 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Marie-José BOU, Présidente de chambre et de la formation
M. Didier LE CORRE, Président de chambre
M. Stéphane THERME, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Didier LE CORRE dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Gisèle MBOLLO assistée de Anastasia DANIEL
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, initialement prévue le 09 avril 2025 prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre et par Gisèle MBOLLO, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Selon contrat de travail à durée indéterminée, M. [W] a été engagé en qualité de directeur produit restauration par la société Euro Disney associés (la société Euro Disney) le 1er février 2018.
Au cours de la réunion des délégués du personnel de la division restauration avec la société Euro Disney, le 16 novembre 2018, les délégués du personnel CFDT ont informé la direction que des chefs de cuisine se plaignaient de l'attitude et de propos de M. [W].
La société Euro Disney a organisé une évaluation de compétences de M. [W] qui a été confiée au cabinet de conseil Korn Ferry, lequel a remis un rapport le 20 juin 2019.
A la suite d'une enquête de satisfaction au travail réalisée en septembre et octobre 2019 au sein du secteur Food, un coaching de M. [W], confié au cabinet Hoogstoël & associés, a été décidé avec notamment l'objectif de l'aider à développer « son adaptabilité dans la gestion de la transformation et sa flexibilité dans sa relation à l'autre ».
A la suite de remontées des organisations syndicales quant au mode de communication de M. [W], une enquête interne a été menée par la société Euro Disney au cours de laquelle 29 personnes ont été reçues en entretien du 15 au 28 janvier 2020.
Par lettre du 26 février 2020, M. [W] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 9 mars suivant.
Il a été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre du 13 mars 2020.
M. [W] a saisi le 10 juin 2020 le conseil de prud'hommes de Meaux d'une contestation de son licenciement et en demandant que la société Euro Disney soit condamnée à lui payer des dommages-intérêts au titre de la rupture du contrat de travail ainsi qu'une somme au titre d'un plan de rémunération différée.
Par jugement du 23 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Meaux a rendu la décision suivante:
« DEBOUTE Monsieur [W] de l'ensemble de ses demandes.
DEBOUTE la SAS EURO DISNEY ASSOCIES de sa demande reconventionnelle.
MET les dépens éventuels à la charge de Monsieur [W]. »
M. [W] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 31 décembre 2021.
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 21 mars 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [W] demande à la cour de:
« CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société EURO DISNEY ASSOCIES de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles.
INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :
' Débouté Monsieur [W] de l'ensemble de ses demandes.
STATUANT de nouveau,
A titre principal,
JUGER que le licenciement dont Monsieur [W] a fait l'objet est sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
CONDAMNER la Société EURO DISNEY ASSOCIES S.A.S. au paiement des sommes suivantes:
' 153.753,22 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
' 76.876,61 euros à titre de dommages et intérêts en raison du caractère brutal et vexatoire du licenciement ;
En tout état de cause,
CONDAMNER la Société EURO DISNEY ASSOCIES S.A.S. à verser à Monsieur [W] la somme équivalente en euros de 108.147,00 dollars au titre du Long Terme Incentive Plan arrêté par la Société au 19 mai 2020 ;
CONDAMNER la Société EURO DISNEY ASSOCIES S.A.S. à remettre à Monsieur [W] ses documents de fins de contrats rectifiés ;
DIRE ET JUGER que l'ensemble des indemnités versées porteront intérêts au taux légal à compter de la présente saisine ;
CONDAMNER la Société EURO DISNEY ASSOCIES S.A.S. au paiement de la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER la Société aux entiers dépens. »
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 8 septembre 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société Euro Disney demande à la cour de:
« I/ CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Meaux (Section Encadrement) en date du 23 septembre 2021, ayant débouté M. [A] [W] de l'ensemble de ses demandes.
En tout état de cause,
1/ Dire que la procédure de licenciement poursuivie à l'encontre de M. [W], engagée, menée et notifiée par les représentants habilités d'Euro Disney Associes SAS est valide et produit tous ses effets.
Dire bien-fondé le licenciement pour cause réelle et sérieuse de M. [A] [W] notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 mars 2020.
Dire sans incidence, parmi les griefs valant cause réelle et sérieuse de licenciement, l'éventuel grief d'une faute disciplinaire non prescrite.
2/ Dire sans fondement la demande de dommages-intérêts de M. [A] [W], et encore moins sa prétention à un déplafonnement.
3/ Dire également que la demande de M. [A] [W] au titre du Long Term Incentive Plan est mal fondée.
Le DEBOUTER en conséquence de toutes ses demandes, fins et conclusions.
II/ INFIRMER partiellement le jugement du Conseil de Prud'hommes de Meaux (Section Encadrement) en date du 23 septembre 2021 en ce qu'il a débouté Euro Disney Associes SAS de sa demande reconventionnelle de condamnation de M. [A] [W] à la somme de 10.000 € de dommages-intérêts au titre de la procédure abusive et à 3.000 € au titre de l'article 700 CPC.
Statuant à nouveau,
CONDAMNER M. [A] [W] à la somme de 20.000 € de dommages-intérêts au titre de la procédure abusive et à 10.000 € au titre de l'article 700 CPC ainsi qu'en tous les dépens de l'instance. »
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 décembre 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la signature de la lettre de licenciement
M. [W] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse dans la mesure où le signataire de sa lettre lui est inconnu, n'est pas identifiable, ce qui ne lui permet pas de vérifier l'existence d'un mandat pour signer. Il ajoute qu'il lui est notamment impossible de vérifier que le signataire de sa lettre de licenciement était un salarié de la société Euro Disney.
L'article L.1232-6 du code du travail dispose, en son alinéa 1, que « Lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception ».
Il résulte de ce texte que la notification du licenciement devant émaner de l'employeur, l'absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.
Toutefois, il est de jurisprudence constante que dans les sociétés, aucune disposition légale n'exige que la délégation du pouvoir de licencier soit donnée par écrit ni même qu'elle ait été portée à la connaissance des salariés. La délégation du pouvoir de licencier peut être tacite et découler des fonctions du salarié qui conduit la procédure de licenciement (Soc., 11 mars 2020, pourvoi n° 18-25.999).
En outre, il est jugé que dans les sociétés, le mandat de signer la lettre de licenciement, y compris en cas de dépassement de pouvoir par le mandataire, est considéré comme ratifié par l'employeur par le simple fait que la procédure de licenciement a été menée à son terme ou que durant la procédure prud'homale l'employeur soutient la validité du licenciement (Soc., 13 mars 2013, pourvoi n° 11-23.761; Soc., 27 novembre 2019, pourvoi n° 18-16.857).
' En l'espèce, la lettre de licenciement du 13 mars 2020 a été signée pour ordre au nom de « [D] [U] » accompagné de la mention « Senior Vice-présidente Experience, Produit Synergy & Integration ». Il s'ensuit que la personne ayant signé la lettre de licenciement a agi pour ordre au nom de Mme [U].
Il ressort en outre de la lettre de convocation de M. [W] à l'entretien préalable au licenciement que cette lettre a été signée pour ordre au nom de Mme [U] par M. [V]. Ce dernier était un membre de la direction des ressources humaines de la société Euro Disney.
La société Euro Disney justifie, par les pièces produites, que Mme [U], directrice générale adjointe, était la supérieure hiérarchique de M. [W] et avait reçu le 12 décembre 2018 une délégation de pouvoirs de Mme [O], présidente de la société Euro Disney. Cette délégation était très large comme portant sur toutes questions en matière de « gestion, administration et direction du département EPSI », et précisait que Mme [U] ayant la « responsabilité directe des salariés et des stagiaires », elle recevait délégation et pouvoir « pour toutes questions relatives: à la législation applicable en matière de droit du travail et de la sécurité sociale (...)».
Mme [N], en charge des ressources humaines de la division Food de la société Euro Disney, avait également reçu le 27 novembre 2019 une délégation de pouvoirs de Mme [O], ladite délégation portant notamment sur la « gestion des ressources humaines » des divisions Affaires commerciales et EPSI (Expérience, Produit Synergie et Intégration) et incluant tous pouvoirs en ce qui concerne « la législation applicable en matière de droit du travail et de sécurité sociale ».
Or, il résulte des pièces communiquées que c'est Mme [N] qui a signé, pour ordre au nom de Mme [U], la lettre de licenciement de M. [W].
En conséquence, la lettre de licenciement a été régulièrement signée et le licenciement n'est pas dénué de cause réelle et sérieuse en raison de sa signature.
Sur le licenciement pour cause réelle et sérieuse
M. [W] soutient que les faits qui lui sont reprochés dans son licenciement, prononcé pour cause réelle et sérieuse, n'ont pas la nature d'une insuffisance professionnelle mais une nature disciplinaire et sont prescrits.
Dans les conclusions de la société Euro Disney, les développements consacrés par celle-ci au licenciement soutiennent, de la page 10 à la page 43, que le licenciement a été prononcé pour insuffisance professionnelle, l'intimée affirmant par exemple en page 10 que « La prétention de M. [W] à voir qualifier de faute à caractère disciplinaire les griefs énoncés n'est pas sérieuse et ne saurait justifier que le licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse ».
De façon ensuite très confuse sur le plan juridique, les conclusions de la société, de la page 44 à la page 46, sous l'intitulé « II.2 - Très subsidiairement, sur la faute disciplinaire », indiquent que les faits ne sont pas prescrits et tendent ainsi, sans que cela ne soit parfaitement clair, à voir dire que les faits reprochés sont susceptibles d'être disciplinaires, la société Euro Disney écrivant ainsi en page 44 que « Si même la Cour estimait devoir caractériser, au-delà de la cause réelle et sérieuse, une faute disciplinaire, elle ne pourrait que la retenir en l'espèce ».
Toutefois, s'il est de jurisprudence constante que l'employeur, à condition de respecter les règles de procédure applicables à chaque cause de licenciement, peut invoquer dans la lettre de licenciement des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, dès lors qu'il procèdent de faits distincts, et qu'un licenciement peut donc être fondé sur une faute et sur une insuffisance professionnelle lorsqu'elles relèvent de faits distincts, l'employeur ne peut invoquer pour un même fait qu'il est, à titre principal, de nature disciplinaire et, à titre subsidiaire, qu'il constitue une insuffisance professionnelle, ou inversement. La qualification que l'employeur a donné au licenciement s'impose à lui (Soc., 21 mars 2007, pourvoi n° 05-45.060, Bull. 2007, V, n° 53), de sorte qu'il ne peut invoquer qu'une seule qualification pour chaque fait reproché au salarié dans la lettre de licenciement, le juge du fond ayant ensuite à vérifier, en cas de contestation entre les parties comme c'est le cas en l'espèce, quelle qualification s'applique audit fait.
En l'occurrence, il résulte de l'article L.1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
Le motif inhérent à la personne du salarié doit reposer sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et qui lui sont imputables.
Selon l'article L.1235-1 du code du travail, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur au titre du licenciement en formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Par conséquent, la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n'incombe spécialement à aucune des parties. Mais si un doute subsiste, il profite au salarié.
L'insuffisance professionnelle ne constitue pas une faute et s'en distingue en ce qu'elle relève d'un comportement involontaire du salarié. C'est seulement lorsqu'ils procèdent d'une abstention volontaire ou d'une mauvaise volonté délibérée du salarié que les faits perdent leur caractère d'insuffisance professionnelle pour revêtir une qualification disciplinaire et présenter le caractère d'une faute.
' En l'espèce, la lettre de licenciement est rédigée dans les termes qui suivent:
« Je fais suite à l'entretien préalable à éventuel licenciement auquel vous étiez présent, non assisté, le 9 mars 2020, et au cours duquel j'ai évoqué avec vous les raisons pour lesquelles une telle mesure était envisagée à votre encontre.
En effet, exerçant depuis le 01/02/2018 les fonctions de Directeur Restauration Produits sous contrat à durée indéterminée, vous êtes chargé de définir la stratégie Produits pour nos restaurants et notre offre de restauration, ce dans le cadre du développement de nouveaux concepts/lieu de restauration, la proposition de nouveaux produits, et l'identification de nouveaux partenariats. A ce titre, vous devez vous assurez par une collaboration constante et efficace que vos propositions soient réalisables par nos directions opérationnelles et contribuent à l'attractivité de Disneyland Paris auprès de nos clients dans le respect de nos valeurs et de nos politiques.
En votre qualité de cadre exécutif, vous devez promouvoir la politique de l'entreprise et ses orientations et porter les valeurs de Disneyland Paris en matière de diversité et d'inclusion, de collaboration et d'exemplarité, tant vis-à-vis de vos collaborateurs, que de vos partenaires internes et externes.
Or, notre entreprise a été informée début janvier 2020 de comportements et propos non professionnels de votre part, non conformes à vos obligations.
Les informations ainsi communiquées à l'entreprise ont justifié qu'une enquête soit diligentée du 15 au 28 janvier 2020, des faits inacceptables et graves ayant été révélés qui vous sont directement imputables.
1. UNE COLLABORATION DIFFICILE AVEC VOS PARTENAIRES EXTERNES ET INTERNES
Votre comportement s'avère imprévisible et votre communication irrespectueuse et déstabilisante tant envers les partenaires externes qu'internes. L'image dégradée que vous donnez de Disneyland Paris n'est pas conforme à nos exigences qualitatives légitimes.
Un de nos partenaires externes a déploré, lors d'une discussion en date du 21 Janvier 2020, votre ton caustique, provocateur qui n'est pas en ligne avec les valeurs Disney. Il a évoqué des blagues déplacées, de provocation. Un autre partenaire a évoqué votre comportement et vos propos très éloignés des standards Disney, votre communication brutale, crue et dédaigneuse en vous adressant à eux.
Vos partenaires Internes, notamment Directeurs, ont témoigné de votre manque de considération se matérialisant par un premier contact compliqué en raison de votre attitude peu respectueuse, une collaboration difficile en découlant, et la nécessité de recadrage de leur part afin que la relation soit conforme aux nécessités d'avancement de l'activité.
Il vous est également reproché d'avoir tenu des propos inacceptables à l'égard de vos partenaires internes, notamment auprès de la population des chefs de cuisine de notre destination, à qui, lors des présentations des changements de cartes, vous avez indiqué :
« vous ne savez pas travailler » « vous faites du Novotel ». De même vis-à-vis des 3 chefs de cuisine référents de la division opérationnelle Food parcs, vous avez indiqué « ce sont tous des cons, ils ne servent à rien ». Plus largement, dans le cadre de la préparation d'halloween 2019, vous avez dit à un collaborateur « Tu es vraiment naïf, les opérationnels sont des débiles ».
En sus de ces propos déplacés, il est difficile pour vos interlocuteurs internes de vous rencontrer, vous refusez régulièrement certains meetings et ne vous déplacez pas pour venir à leur rencontre. Votre carence pousse vos interlocuteurs à devoir formaliser les meetings pour lesquels votre présence est nécessaire et se déplacer systématiquement à votre bureau, bâtiment Mickey Mouse.
Certains évoquent une amélioration impossible de la relation de travail, situation qui vous est entièrement imputable.
Les éléments recueillis dans le cadre de l'enquête mettent en lumière le fait que vous instituez systématiquement un rapport de force avec l'ensemble de vos contacts afin d'imposer sans concertation vos vues et vos idées. Cette démarche n'est pas conforme au mode collaboratif promu par notre entreprise afin de travailler plus efficacement et dans un environnement serein et respectueux de chacun.
2. UNE COMMUNICATION INAPPROPRIEE
L'enquête menée a également mis en lumière votre communication inappropriée et déplacée générant un malaise chez vos interlocuteurs qui, choqués, ne savent pas toujours comment réagir à vos propos.
Ainsi, vous avez tenus :
o Des propos vulgaires, en totale contradiction avec votre niveau de contribution:
- « Lors d'une présentation de la vaisselle de l'hôtel New York, vous avez dit que la vaisselle sélectionnée était pour des restaurants où se trouvaient des putes libanaises, et que vous préfériez qu'on fasse une sélection de vaisselle pour des restaurants où il y a des putes ukrainiennes. »
- Alors qu'un membre féminin de votre équipe vous présentait une assiette, vous lui avez répondu « ça c'est bien des goûts de putes libanaises ».
- A votre arrivée il y a environ 2 ans, le point de vente « Victoria » où une offre bar nouvellement lancée fonctionnait mal. Vous avez dit : « il suffit d'aller chercher 3 putes dans les pays de l'Est, de les mettre sur un tabouret et ça devrait fonctionner ! »
o Des propos à connotation xénophobe, en totale opposition avec la politique Diversité et Inclusion promue par Disneyland Paris:
- Lors d'une conversation pour le recrutement pour le New York, vous avez dit « Il y a assez de couleur dans l'entreprise, il faut aller chercher des gens à l'Est comme des putes ukrainiennes » et pour le bar du New York, pour respecter le concept Hipster, « il nous faut que des barbus. »
- Alors qu'une gamme d'assiette différente par atelier vous était présentée pour le restaurant DOWTOWN, vous avez dit « Vous croyez que les plongeurs savent faire la différence entre une assiette blanche et une assiette noire ' face à la réponse affirmative de vos interlocuteurs, vous avez répondu « Vous êtes bien naïfs. »
- Lors de la seconde présentation de vaisselle pour l'hôtel New York le 18 décembre 2019, vous avez dit à vos collaborateurs qu'ils avaient « des goûts de gitans »
- Alors qu'une salariée vous dit « j'apprécie cette personne je collabore avec elle ; vous lui avez répondu « C'est bien tu seras tondue ».
o Des propos sexistes voire insultants vis-à-vis de votre hiérarchie et des salariés/des départements de l'entreprise
- Evoquant nos dirigeantes, vous parlez du « club des blondes », ou vous dites « On est géré par des blondes » faisant référence tant à leur aspect physique que leur capacité professionnelle.
- Lors de la présentation de nouveaux produits de la saison « Marvel » (avril - mars 2019) à l'atelier des Chefs, lors de la présentation d'un nouveau burger « Captain Marvel » qui était majoritairement de couleur jaune, vous avez demandé : « pourquoi est-il jaune ' ». Il vous a été expliqué que c'était parce que Captain Marvel est blonde et vous avez alors répondu : « tu as raison elle est blonde, comme les 3 connasses qui nous dirigent »
- Lors de la dernière visite de [P] [E] en novembre - décembre 2019, vous avez dit: « Ce midi, je mange avec Mes Couilles » en faisant référence aux initiales de [P] [M] [E]. Vous avez ajouté: « bah si, M.C: [P] [E] ! ».
- Evoquant le service Marketing, vous considérez qu' : « ils sont nulles, ils ne savent pas faire. » n'hésitant pas à injurier indirectement.
L'entreprise ne peut tolérer de telles insultes, un tel manque de respect des personnes, ainsi qu'un tel manque d'exemplarité de votre part. Vos propos nuisent à l'image de notre entreprise et de ses membres encadrants.
3. COMPORTEMENT MANAGERIAL NON CONFORME AUX VALEURS DE L'ENTREPRISE
Il est également apparu que depuis votre arrivée, vous avez mis en place un style de management irrespectueux et oppressant pour votre équipe. Ce dernier est notamment caractérisé par une communication· agressive, un discours très direct, et malveillant.
Vos collaborateurs évoquent des propos et des comportements vexatoires à leur égard, et ce dès votre arrivée dans votre service. Ainsi, il est fréquent que vous fassiez des remarques à vos collaborateurs en présence de leurs collègues sur l'un de leur travail, comme un visuel que vous ne validez pas, un délai non tenu, ou un travail qui ne correspond pas à vos attentes ... Lors de la présentation de nouveaux produits, vous avez tenu les propos suivants: « c'est dégueulasse l », « tu fais de la merde », « C'est nul. », « c'est dégueulasse. Comment peux-tu me faire goûter ça ' » devant tous les collaborateurs présents. Vous pouvez également arriver avec ¿ d'heure de retard pour une dégustation, sans même vous excuser ou encore en septembre 2019 refuser tous les produits lors d'une présentation sans fournir aucune explication permettant à vos collaborateurs de comprendre votre position.
Vos avis contradictoires, notamment lors de la présentation constat buffet hôtel ont été très déstabilisants pour vos collaborateurs. En effet, alors que vous vous étiez montré élogieux sur la présentation (format, produit, etc...) à l'occasion d'une première réunion aux environs d'octobre 2019, vous aviez contre toute attente qualifié le même travail résumé lors de la présentation du 4 décembre 2019 par : « c'est de la merde ! ».
La majorité de vos collaborateurs évoque une charge de travail importante, source de stress, due notamment à votre manque d'anticipation, de clarté et de continuité dans les orientations envisagées, de lenteur dans la prise de décision sans qu'ils puissent toujours en comprendre les raisons.
4. CRITIQUES VIS-A-VIS DE LA POLITIQUE DE L'ENTREPRISE
Il ressort également de cette enquête que vous formulez des critiques envers les orientations de l'entreprise en interne alors même qu'il relève de votre prérogative de les promouvoir.
Il nous a ainsi été relaté qu'au retour d'une réunion sur la rénovation du Disneyland Hôtel, vous avez dit : « ils veulent faire un palace et ils feront tout juste un 2 étoiles ». Concernant le restaurant « Downtown » prévu dans le cadre de la rénovation de l'hôtel New York qui est un concept cosmopolite (avec 3 ateliers culinaires : 1 Italien, 1 Asiatique et 1 Américain) vous avez dit « Vous n'avez rien compris, le restaurant ne sera pas plus qu'un Flunch».
L'ensemble des témoignages recueilli au cours de cette enquête a donc permis de mettre en évidence que votre attitude avec vos collaborateurs, vos pairs, vos partenaires internes ou même externes est une source de tension permanente qui perturbe très largement l'ambiance et l'exécution du travail, outre l'image de notre entreprise. Vos réactions imprévisibles et abruptes génèrent une crainte pour vos interlocuteurs qui doivent adapter leur comportement ou leur mode de fonctionnement en votre présence pour éviter d'y être confronté.
Je ne peux accepter que votre désaccord avec les orientations de l'entreprise, le manque de respect de nos politiques d'entreprise et des personnes amenées à collaborer à vos côtés desservent l'image de votre service en interne, et l'image de Disneyland Paris en externe.
Votre incapacité à adopter un comportement conforme aux attentes légitimes de notre entreprise n'est pas admissible. Force est de constater que vous ne remplissez pas vos obligations professionnelles.
Les explications que vous nous avez fournies lors de notre entretien ne m'ont pas permis de modifier mon appréciation des faits qui vous sont reprochés.
En conséquence, j'ai décidé de procéder à votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. »
S'agissant de la 1ère série de faits visés dans la lettre de licenciement relativement à la collaboration difficile de M. [W] avec ses partenaires externes et internes, la société Euro Disney invoque une communication irrespectueuse et déstabilisante de l'appelant, des blagues déplacées et provocantes, une communication brutale, crue et dédaigneuse, un manque de considération envers les partenaires internes de M. [W] se matérialisant par une attitude peu respectueuse ayant rendu nécessaire qu'ils le recadrent, des propos inacceptables et déplacés de M. [W] à l'égard de ses partenaires internes en leur disant par exemple « ce sont tous des cons » ou « les opérationnels sont des débiles », et la mise en place d'un rapport de force avec l'ensemble de ses contacts. Tous ces faits ne relèvent pas d'un comportement involontaire de M. [W] mais d'un comportement fautif de celui-ci.
En revanche, les faits concernant la difficulté pour les interlocuteurs internes de rencontrer M. [W] qui ne se déplaçait pas vers eux ainsi que la nécessité pour eux de formaliser les meetings pour lesquels sa présence était indispensable et de se déplacer systématiquement à son bureau, constituent bien des faits d'insuffisance professionnelle.
S'agissant de la 2ème série de faits visés dans la lettre de licenciement relativement à la communication inappropriée de M. [W], la société Euro Disney invoque la tenue par celui-ci de propos vulgaires comme « putes ukrainiennes » et « putes libanaises », de propos à connotation xénophobe comme « Il y a assez de couleur dans l'entreprise » et « des goûts de gitans », des propos sexistes voire insultants comme « club des blondes » et « les 3 connasses qui nous dirigent ». L'ensemble de ces faits ne procèdent pas d'un comportement involontaire de M. [W] mais constituent des faits fautifs.
S'agissant de la 3ème série de faits visés dans la lettre de licenciement relativement au comportement managérial de M. [W] non conforme aux valeurs de l'entreprise, la société Euro Disney invoque un style de management irrespectueux avec une communication agressive et un discours malveillant, des propos et comportements vexatoires de M. [W] à l'égard de ses collaborateurs comme « tu fais de la merde » et « c'est nul », des avis très déstabilisants pour ses collaborateurs en se montrant élogieux d'abord puis en qualifiant le même travail de « c'est de la merde ». Tous ces faits ne procèdent pas d'un comportement involontaire de M. [W] mais d'un comportement fautif.
En revanche, les faits concernant l'évocation par la majorité de ses collaborateurs d'une charge de travail importante, source de stress, due notamment à son comportement de manque d'anticipation, de clarté et à sa lenteur dans la prise de décisions, constituent des faits d'insuffisance professionnelle.
S'agissant de la 4ème série de faits visés dans la lettre de licenciement relativement aux critiques de M. [W] vis-à-vis de la politique de l'entreprise, la société Euro Disney invoque des propos formulés par celui-ci qui critiquent les orientations de l'entreprise, comme la rénovation de certains établissements hôteliers et de restauration, et qui contribuent à desservir l'image du service de M. [W] en interne et l'image de Disneyland Paris en externe. L'ensemble de ces faits relèvent non d'un comportement involontaire de M. [W] mais d'un comportement fautif de ce dernier.
Il résulte de tout ce qui précède qu'à l'exception des faits qui viennent d'être qualifiés d'insuffisance professionnelle, et qui vont donc être examinés par la cour, les autres faits visés dans la lettre de licenciement ont un caractère disciplinaire, de sorte que, la société Euro Disney ayant invoqué que le licenciement était motivé par des insuffisances professionnelles de M. [W], ces faits ne peuvent fonder ce licenciement.
S'agissant des faits d'insuffisance professionnelle visés dans la lettre de licenciement concernant la difficulté pour les interlocuteurs internes de M. [W] de le rencontrer, celui-ci ne se rendant pas dans les meetings et ne se déplaçant pas pour venir à leur rencontre, cette carence poussant ses interlocuteurs à devoir formaliser les meetings pour lesquels sa présence était nécessaire et à se déplacer systématiquement à son bureau, bâtiment Mickey Mouse, M. [W] conteste leur réalité.
En l'occurrence, les faits en cause sont mentionnés en page 8 du rapport dressé à l'issue de l'enquête interne menée par la société Euro Disney courant janvier 2020. Toutefois, ce rapport, qui est une synthèse des entretiens tenus avec 29 personnes, indique « Personnellement, je n'arrive pas à avoir de rendez-vous avec [A] [W], il me les décline souvent », de sorte qu'un seul salarié s'est plaint d'un tel comportement de M. [W]. Le rapport indique ensuite « D'autres personnes interrogées ont partagé le fait qu'il est difficile de rencontrer [A] [W] et qu'il ne se déplace pas pour venir à leur rencontre. Si la présence de [A] [W] est souhaitée dans un meeting, il faut impérativement l'organiser au bâtiment Mickey Mouse ». Cependant, aucune précision, aucun détail ni exemple ne sont donnés quant aux circonstances de ces faits et au nombre de fois où cela s'est produit. Le nombre de personnes en ayant fait part n'est pas davantage précisé. Les comptes rendus de neuf entretiens avec des salariés sont également communiqués dont il ressort que seule Mme [K], qui par ailleurs comme les autres salariés est très précise sur les faits visés dans la lettre de licenciement qui ont été qualifiés de fautifs par la cour, fait état des faits en cause en énonçant simplement « Personnellement, je n'arrive pas à avoir de RDV avec [A] [W], il me les décline souvent ». Cette déclaration et le rapport interne ne sont pas suffisants pour établir l'existence des faits d'insuffisance professionnelle susvisés.
S'agissant ensuite des faits d'insuffisance professionnelle visés dans la lettre de licenciement concernant l'évocation par la majorité des collaborateurs de M. [W] d'une charge de travail importante, source de stress, due notamment à son manque d'anticipation, de clarté et de continuité dans les orientations envisagées, de lenteur dans la prise de décision sans qu'ils puissent toujours en comprendre les raisons, M. [W] conteste également leur réalité.
En l'occurrence, le rapport d'enquête interne mentionne en page 3 « 61% des membres de l'équipe EPSI Restauration interrogés évoquent une charge de travail importante qui peut être source de stress, dû notamment à un manque d'anticipation, de clarté et de continuité dans les orientations envisagées, de lenteur dans la prise de décision sans toujours en comprendre les raisons ». Ici encore, le rapport est imprécis en ce qu'il ne donne pas de détail ni d'exemple sur ces faits et leurs circonstances. En outre, il ne ressort pas des comptes rendus des entretiens de M. [G] et de Mme [S] que les faits de manque d'anticipation et de communication et de surcharge de travail qu'ils évoquent respectivement soient dûs de façon certaine à M. [W] ni que celui-ci soit responsable du sous-dimensionnement de certaines équipes ayant subi une surcharge de travail. Enfin, le manque de clarté de M. [W] évoqué par Mme [Z] n'est pas suffisamment circonstancié pour, ajouté au rapport d'enquête, suffire à établir l'existence des faits d'insuffisance professionnelle susvisés.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Euro Disney ne rapporte pas la preuve des faits visés dans la lettre de licenciement qui ont été qualifiés d'insuffisance professionnelle.
En conséquence, le licenciement de M. [W] est déclaré sans cause réelle et sérieuse, le jugement étant infirmé sur ce chef.
Sur les conséquences financières de la rupture
a) En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés par ce texte. Pour déterminer le montant de l'indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture, à l'exception de l'indemnité de licenciement mentionnée à l'article L. 1234-9. Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au même article.
Ces dispositions et celles des articles L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail, qui permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur, sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT).
Les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne révisée ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.
Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée.
La demande de M. [W] à ce que soit écarté le barème prévu à l'article L.1235-3 du code du travail est donc rejetée.
M. [W] dispose de 2 années complètes d'ancienneté, de sorte que le montant minimal de l'indemnité est ainsi de 3 mois de salaire brut et le montant maximal prévu est de 3,5 mois de salaire brut.
Compte tenu des pièces produites par les parties, le salaire mensuel moyen de M. [W] est fixé à 18 923,70 euros en y incluant tous les éléments de rémunération outre celle de base.
En considération des circonstances de la rupture ainsi que de la situation particulière du salarié tenant notamment à son âge, sa situation familiale et à sa capacité à retrouver un emploi, il convient de condamner la société Euro Disney à payer à M. [W] la somme de 57 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
b) En application de l'article L.1235-4 du contrat de travail, il convient d'ordonner le remboursement par la société Euro Disney à France travail des indemnités de chômage versées à M. [W] entre le jour de la rupture du contrat de travail et le jour du jugement, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.
Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral distinct
Il est de jurisprudence constante que le salarié justifiant, en raison des circonstances vexatoires ou brutales de la rupture de son contrat de travail, d'un préjudice distinct du licenciement lui-même, peut obtenir des dommages et intérêts en réparation de ce préjudice. Il peut prétendre à cette indemnité que son licenciement ait été jugé sans cause réelle et sérieuse ou fondé sur une cause réelle et sérieuse ou une faute grave.
Toutefois, en l'espèce, il ne résulte ni des pièces versées aux débats ni de la dispense de préavis la caractérisation d'un comportement fautif de la société Euro Disney, lors de la rupture, ayant causé à M. [W] un préjudice distinct de celui résultant du licenciement, étant ajouté que si la société Euro Disney s'est trompée dans le fondement juridique du licenciement, les pièces versées aux débats établissent que M. [W] avait un comportement répréhensible à l'égard de ses subordonnés qui nécessitait pour l'employeur de protéger rapidement ceux-ci après avoir légitimement procédé à une enquête interne.
Par confirmation du jugement, la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct est donc rejetée.
Sur la demande en paiement au titre du « Long term incentive plan »
La lettre d'engagement signée par l'employeur et communiquée par M. [W] (pièce n°15.1.b), laquelle diffère sur certains points du contrat de travail pourtant conclu le même jour, mentionne, contrairement à celui-ci, l'existence d'un plan de rémunération différé (article 7) dans les termes suivants: « Vous serez éligible à participer aux « Long Term Incentive Plans » de The Walt Disney Company », sans autre précision.
En page 80 de ses conclusions, M. [W] expose qu'il aurait dû percevoir la somme de 108 147 dollars au titre de ce plan arrêté au 19 mai 2020, ce total correspondant à la somme de 53 250 dollars pour l'année 2018 et de 54 897 dollars pour l'année 2019.
Toutefois, la société Euro Disney justifie que les clauses dudit plan prévoyaient que le droit à recevoir le paiement était subordonné au fait que le salarié soit resté « employé de façon continue par Disney ou une société affiliée » d'une part « dans le cas de la première tranche, jusqu'au premier anniversaire de la date d'allocation » et d'autre part « dans le cas de la deuxième tranche, jusqu'au deuxième anniversaire de la date d'allocation ».
Or, les « Relevés ad hoc » de la banque américaine Merrill (pièce 15.4 de M. [W]) mentionnent le 19 décembre 2018 comme date d'allocation des actions de la première tranche de 53 250 dollars et le 17 décembre 2019 comme date d'allocation des actions de la deuxième tranche de 54 897,60 dollars.
Il en résulte que le droit au paiement de la première tranche était subordonné à ce que M. [W] soit encore salarié de la société Euro Disney ou d'une société affiliée au premier anniversaire de la date d'allocation des actions de cette tranche. Contrairement à ce que soutient la société Euro Disney, M. [W] a dès lors droit au paiement de cette tranche puisqu'il était encore salarié le 19 décembre 2019, date du premier anniversaire de l'allocation faite le 19 décembre 2018.
En revanche, M. [W] n'était plus salarié de la société Euro Disney le 17 décembre 2021, date du deuxième anniversaire de l'allocation faite le 17 décembre 2019 de la deuxième tranche d'actions.
En conséquence, il convient de condamner la société Euro Disney à payer à M. [W] la somme équivalente en euros de 53 250 dollars au titre de la première tranche du plan d'actions LTI. Le jugement est infirmé sur ce chef.
Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive
Dans la mesure où la cour vient de faire droit à une partie des demandes formées par M. [W], cela suffit à écarter la demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive qui est formée par la société Euro Disney. Le jugement est confirmé sur ce chef.
Sur la délivrance de documents
M. [W] sollicite la remise de documents de fin de contrat rectifiés sans préciser lesquels ni le motif pour lequel chacun devrait lui être délivré avec une rectification.
Compte tenu des éléments communiqués, il est ordonné à la société Euro Disney de remettre seulement un solde de tout compte et une attestation France travail rectifiés à M. [W]. Il est ajouté au jugement à cet égard.
Sur les autres demandes
Les intérêts au taux légal courent à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes pour les créances salariales échues à cette date et à compter de leur exigibilité pour les créances salariales dues postérieurement. En revanche, les créances à caractère indemnitaire portent intérêts au taux légal à compter du jugement pour celles confirmées et à compter du présent arrêt pour les autres.
La société Euro Disney succombant, elle est condamnée aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.
Il paraît équitable de condamner la société Euro Disney à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct.
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés dans les limites de l'appel, et y ajoutant,
Dit que le licenciement de M. [W] est sans cause réelle et sérieuse.
Condamne la société Euro Disney associés à payer à M. [W]:
- la somme de 57 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
- la somme équivalente en euros de 53 250 dollars au titre de la première tranche du plan d'actions LTI.
Dit que les intérêts au taux légal courent à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes pour les créances salariales échues à cette date et à compter de leur exigibilité pour les créances salariales dues postérieurement.
Dit que les créances à caractère indemnitaire portent intérêts au taux légal à compter du jugement pour celles confirmées et à compter du présent arrêt pour les autres.
Ordonne le remboursement par la société Euro Disney associés à France travail des indemnités de chômage versées à M. [W] entre le jour de la rupture du contrat de travail et le jour du jugement, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.
Ordonne à la société Euro Disney associés de remettre à M. [W] un solde de tout compte et une attestation France travail conformes à la présente décision.
Condamne la société Euro Disney associés à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboute les parties de leurs autres demandes.
Condamne la société Euro Disney associés aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel.
La Greffière La Présidente