CA Grenoble, 1re ch., 8 juillet 2025, n° 24/01656
GRENOBLE
Ordonnance
Autre
COUR D'APPEL DE
GRENOBLE
1ère Chambre Civile
C1
N° RG 24/01656
N° Portalis DBVM-V-B7I-MHOL
N° minute :
copie exécutoire délivrée
le :
à :
la SELARL EUROPA AVOCATS
la SELARL MAGALIE BARBIER
SELARL ROBICHON & ASSOCIES
la SCP GB2LM AVOCATS
ORDONNANCE JURIDICTIONNELLE
DU MARDI 08 JUILLET 2025
Vu la procédure entre :
QBE EUROPE SA/NV société de droit belge dont le siège social est situé : [Adresse 6] - BELGIQUE, prise en sa succursale en France, dont l'établissement principal est sis [Adresse 11], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Sylvain REBOUL de la SELARL EUROPA AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et ayant pour avocat plaidant MeXavier LEBRASSEUR de la SELARL ALCHIMIE AVOCATS, avocat au barreau de Paris, substitué à l'audience par Me Julien JORAND, avocat au même barreau,
Appelante, défenderesse à l'incident
Et
M. [X] [Y]
né le 01 janvier 1980 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 2]
Mme [O] [G] épouse [Y]
née le 04 avril 1980 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Magalie BARBIER de la SELARL MAGALIE BARBIER, avocat au barreau de GRENOBLE
Intimés, demandeurs à l'incident
S.A. MAAF ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 5]
Représentée par Me Jean ROBICHON de la SELARL ROBICHON & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE
SARL O'THERMIE ayant été représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité au siège situé :
[Adresse 4]
[Localité 1],
en liquidation judiciaire depuis le 9 octobre 2024
Ayant constitué comme avocat Me Gaëlle LE MAT de la SCP GB2LM AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE
A l'audience sur incident du 17 juin 2025, Nous, Véronique Lamoine, conseiller de la mise en état, assistée de Anne Burel, greffière, avons entendu les conseils des parties.
Puis l'affaire a été mise en délibéré à ce jour, date à laquelle avons rendu l'ordonnance dont la teneur suit :
FAITS ET PROCÉDURE
En décembre 2014, les époux [X] [Y] et [O] [G] ont fait installer, par la SARL O'THERMIE, une pompe à chaleur et un ballon thermodynamique pour équiper leur maison d'habitation située à [Localité 9] (38).
Suite à des dysfonctionnements de l'installation ayant entraîné des interventions de l'installateur et un changement de la pompe à chaleur le 26 avril 2017, la société MAAF ASSURANCES, auprès de laquelle la société O'THERMIE était assurée depuis le 1er février 2016, a mis en oeuvre une expertise amiable.
En l'absence de solution pérenne aux difficultés rencontrées, les époux [Y] ont, par acte du 4 juin 2021, assigné la société O'THERMIE et la société MAAF devant le tribunal judiciaire de Grenoble pour voir engager la responsabilité de l'installateur et voir réparer leurs préjudices.
La société O'THERMIE a appelé en intervention forcée la société de droit belge QBE EUROPE SA/NV (la société QBE EUROPE) qui était son assureur entre le 1er juillet 2013 et le le 31 décembre 2015.
Par jugement du 22 février 2024, le tribunal saisi a :
dit n'y avoir lieu à statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la société O'THERMIE ;
condamné la société O'THERMIE à payer aux époux [Y] les sommes de :
19837,12 € au titre de leur préjudice financier,
4 200 € au titre de leur préjudice de jouissance,
condamné la société QBE EUROPE SA/NV à garantir toutes les condamnations prononcées à l'encontre de la société O'THERMIE au titre de l'assurance décennale,
condamné in solidum la société O'THERMIE et la société QBE EUROPE SA/NV aux entiers dépens et à payer aux époux [Y] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
rejeté pour le surplus les autres demandes des parties,
rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Par déclaration au greffe en date du 29 avril 2024, la société QBE EUROPE a interjeté appel de ce jugement.
Des conclusions d'incident prises au nom de la société O'THERMIE ont été notifiées via le RPVA le 15 octobre 2024, visant à voir prononcer l'irrecevabilité de l'appel formé par la société QBE EUROPE en raison de son caractère tardif, en faisant valoir que le jugement du 22 février 2024 avait été signifié à cette dernière par acte du 15 mars 2024. Elles contenaient aussi une demande de condamnation de la société QBE EUROPE aux dépens et à payer à la société O'THERMIE une somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par message transmis via le RPVA le 9 décembre 2024, l'avocat qui représentait la société O'THERMIE a fait savoir, en joignant un extrait du BODACC du 18 octobre 2024, que cette dernière avait fait l'objet d'une liquidation judiciaire prononcée le 9 octobre 2024.
Par "conclusions de désistement partiel" notifiées le 11 février 2025, la société QBE EUROPE a demandé qu'il lui soit donné acte de son désistement partiel d'instance à l'égard de la société O'THERMIE en raison de la mise en liquidation judiciaire immédiate de cette dernière, et que son désistement soit déclaré parfait à l'égard de cette dernière.
Par "conclusions de rétractation de désistement" (sic) notifiées le 7 avril 2025, la société QBE EUROPE nous demande de :
"faire droit à la rétractation par (elle) de son désistement d'instance à l'égard de la société O'THERMIE" (sic),
juger que les conclusions d'incident préalablement régularisées ne valent pas manifestation de volonté non équivoque de mettre fin à l'instant d'appel à l'égard des intimés,
déclarer son désistement rétracté, non avenu et de nul effet à l'égard de la société O'THERMIE et des autres intimés,
ordonner la poursuite de la mise en état entre les parties à l'instance d'appel.
Par conclusions sur incident notifiées le 9 avril 2025, les époux [Y] nous demandent de :
prononcer l'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société QBE EUROPE en raison de son caractère tardif,
prononcer l'extinction de l'instance d'appel entre d'une part la société QBE EUROPE, d'autre par la société O'THERMIE et eux-mêmes,
condamner la société QBE EUROPE aux dépens d'incident et d'appel et à leur payer une somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils se prévalent, à l'appui de ces demandes, des dispositions de l'article 529 alinéa 2 du code de procédure civile selon lesquelles, dans le cas où un jugement profite solidairement ou indivisiblement à plusieurs parties, chacune peut se prévaloir de la notification faite par l'une d'elles.
Ils soutiennent que tel est bien le cas en l'espèce, le jugement du 22 février 2024 leur profitant solidairement et indivisiblement avec la société O'THERMIE puisque la société QBE EUROPE a été condamnée à relever et garantir l'ensemble des condamnations prononcées contre cette dernière au titre de l'assurance décennale.
La société QBE EUROPE, par dernières conclusions de rétractation de désistement et de réplique sur incident (n° 2 notifiées le 3 juin 2025), contestant toute indivisibilité du litige en faisant valoir que son appel porte sur la prescription de l'action et sur les conditions de mise en oeuvre de sa garantie dans le cadre de l'action directe, nous demande :
A titre principal, de :
"faire droit à la rétractation par (elle) de son désistement d'instance à l'égard de la société O'THERMIE" (sic),
juger que les conclusions d'incident préalablement régularisées ne valent pas manifestation de volonté non équivoque de mettre fin à l'instant d'appel à l'égard des intimés,
déclarer son désistement rétracté, non avenu et de nul effet à l'égard de la société O'THERMIE et des autres intimés,
ordonner la poursuite de la mise en état entre les parties à l'instance d'appel,
débouter les époux [Y] de leur fin de non recevoir tirée du caractère tardif de l'appel,
accueillir la mise en cause des organes de la procédure collective/du mandataire ad hoc représentant la société O'THERMIE (sic),
A titre subsidiaire, de :
lui donner acte de son désistement d'instance à l'égard de la société O'THERMIE du fait de sa mise en liquidation judiciaire immédiate simplifiée par jugement du 9 octobre 2024,
débouter les époux [Y] de leur fin de non-recevoir tirée du caractère tardif de l'appel,
lui donner acte de son désistement d'instance vis-à-vis des organes de la procédure collective de la société O'THERMIE mis en cause,
ordonner la poursuite de la mise en état entre les parties demeurant à l'instance d'appel.
La société MAAF ASSURANCES a constitué avocat devant cette cour, mais n'a pas conclu dans le cadre du présent incident. Il sera statué par ordonnance contradictoire.
MOTIFS
Sur le désistement d'appel de la société QBE EUROPE
Par conclusions notifiées le 11 février 2025, la société QBE EUROPE a indiqué se désister de son appel uniquement en ce qu'il est dirigé contre la société O'THERMIE du fait de la mise en liquidation judiciaire de cette dernière par jugement du 9 octobre 2024.
L'article 401 du code de procédure civile dispose que :
'Le désistement de l'appel n'a besoin d'être accepté que s'il contient des réserves ou si la partie à l'égard de laquelle il est fait a préalablement formé un appel incident ou une demande incidente.'
En l'espèce, le désistement partiel de la société QBE EUROPE n'a été assorti d'aucune réserve, et, au jour où il a été notifié via le RPVA aux avocats des intimés le 11 février 2025, certes des conclusions au fond portant appel incident avaient été transmises et notifiées au nom de la société O'THERMIE le 15 octobre 2024, mais ces conclusions sont de plein droit irrecevables dans la mesure où il ressort des pièces produites que la société O'THERMIE avait été placée en liquidation judiciaire par jugement du 9 octobre 2024, cette décision ayant eu pour effet immédiat, à compter de sa date, de dessaisir le débiteur de l'administration de ses biens et de l'exercice des droits et actions concernant son patrimoine, seul le liquidateur désigné par la juridiction ayant prononcé cette procédure collective ayant qualité pour le représenter en justice en application des dispositions de l'article L. 641-9 du code de commerce, à l'exception des droits propres du débiteur qui ne sont pas concernés en l'espèce.
Il en résulte que, dès qu'il a été formulé, ce désistement partiel a produit plein et entier effet à l'encontre de la société O'THERMIE sans qu'il soit besoin d'être constaté par la juridiction saisie ; dès lors, la société QBE EUROPE ne pouvait ultérieurement le rétracter, la jurisprudence qu'elle invoque en ce sens n'étant pas applicable en l'espèce en ce qu'il s'agit d'arrêts rendus en matière pénale, ou bien, s'agissant du seul arrêt rendu en matière civile (28 mai 1973 n° 72-60.119), d'une espèce dans laquelle le désistement était soumis à l'acceptation de la partie envers laquelle il était formulé en ce que cette dernière avait engagé le débat au fond, s'agissant d'une procédure de première instance.
Il n'y a pas lieu d'examiner, à ce stade, l'existence ou non d'une indivisibilité du litige, dès lors qu'il n'est pas soutenu que le désistement d'appel de la société QBE EUROPE entraînerait désistement à l'encontre des autres intimés et, par conséquent, extinction totale de l'instance d'appel.
Sur les demandes aux fins d'irrecevabilité de l'appel
# demande formée au nom de la société O'THERMIE
Cette demande a été formée par conclusions notifiées le 15 octobre 2024.
Or ainsi qu'il vient d'être développé, la société O'THERMIE avait été placée en liquidation judiciaire par jugement du 9 octobre 2024, cette décision ayant eu pour effet immédiat de dessaisir, à compter de sa date, le débiteur de l'administration de ses biens et de l'exercice des droits et actions concernant son patrimoine, seul le liquidateur ayant notamment qualité pour le représenter en justice en application des dispositions de l'article L. 641-9 du code de commerce.
Il en résulte que la demande ainsi formée est irrecevable comme l'ayant été par une personne qui n'avait plus qualité pour représenter cette partie.
# demande formée au nom des époux [Y]
Les époux [Y] ont repris à leur compte l'exception d'irrecevabilité comme tardif de l'appel formé par la société QBE EUROPE, en se prévalant de la signification du jugement faite à cette dernière à l'initiative de la société O'THERMIE par acte de commissaire de justice en date du 15 mars 2024, ainsi que des dispositions de l'article 529 alinéa 2 du code de procédure civile.
Aux termes de l'article 528 du même code, le délai à l'expiration duquel un recours ne peut plus être exercé court à compter de la notification du jugement, l'application combinée de ce texte avec l'article 529 alinéa 2, selon lequel "Dans les cas où un jugement profite solidairement ou indivisiblement à plusieurs parties, chacune peut se prévaloir de la notification faite par l'une d'elles", conduisant à considérer qu'en cas de signification effectuée à des dates différentes par les parties gagnantes, la signification ne profite qu'à celui qui l'a faite hors ce cas de solidarité active ou d'indivisibilité (Civ. 2è, 23 septembre 2004, n° 99-21.000).
En l'espèce, aucune condamnation n'ayant été prononcée solidairement au bénéfice d'une part de la société O'THERMIE, d'autre part des époux [Y], et la solidarité ne se présumant pas, seule l'indivisibilité peut permettre à ces derniers de se prévaloir, le cas échéant, de la notification du jugement faite par la première.
La société QBE EUROPE soutient que tel n'est pas le cas en l'espèce, les dispositions du jugement déféré pouvant, selon elle, parfaitement être exécutées séparément au profit de la société O'THERMIE d'une part, et des époux [Y] d'autre part.
Pour appuyer cette position, elle développe des considérations d'ordre général concernant la prescription de l'action ainsi que les conditions de mobilisation de la garantie d'un assureur dans le cadre de l'action directe d'une victime, distinctes selon elle de celles de l'assuré lui-même dans le cadre des relations de nature contractuelle qui le lient au premier, pour soutenir que les actions respectives seraient parfaitement autonomes.
Or, force est de constater que, dans ses conclusions d'appelante au fond notifiées le 15 juillet 2024, la société QBE EUROPE fonde son recours sur la prescription de l'action des époux [Y] et sur l'absence de mise en oeuvre de sa garantie aux moyens que la pompe à chaleur en cause ne constitue pas un ouvrage, et que les dysfonctionnements invoqués n'ont pas rendu l'immeuble impropre à sa destination, de sorte que, selon elle, 'la responsabilité de la société O'THERMIE ne peut être recherchée sur le fondement de l'article 1792 du code civil', et 'seule la responsabilité contractuelle de l'entrepreneur (est) susceptible d'être recherchée' (sic).
Il en résulte que son recours repose, au fond, sur l'absence de réunion, des conditions de la mise en oeuvre de la responsabilité décennale de la société O'THERMIE qu'elle assure, et non pas sur les conditions propres à l'exercice de l'action directe des époux [Y] à son encontre, la prescription invoquée en découlant directement puisqu'elle se prévaut, au fond, du délai quinquennal de l'article 2224 du code civil en réfutant le délai de l'action reposant sur la responsabilité décennale des constructeurs et, partant, de celui pour agir contre leur assureur.
Dès lors, si son argumentation était retenue au fond et qu'il soit fait droit à son appel, l'arrêt qui serait rendu entrerait en contradiction avec le jugement de première instance, définitif contre la société O'THERMIE en raison du désistement de son appel contre cette dernière, jugement par lequel la responsabilité décennale de cette dernière a été consacrée et elle-même a été condamnée à garantir les conndamnations prononcées 'au titre de l'assurance décennale'.
Par conséquent, il sera considéré que le jugement de première instance profite indivisiblement à la société O'THERMIE et aux époux [Y], et que, dès lors, l'appel formé par la société QBE EUROPE est irrecevable au regard de la date de signification du jugement par la première.
Les époux [Y] et la société MAAF ASSURANCES ayant formé des appels incidents, recevables dans la mesure où la présente juridiction était encore valablement saisie de l'appel principal au moment ou ils ont été formés (Cass Civ., 13 octobre 1982, n° 81-14.430), cette cour en reste saisie.
Sur les demandes accessoires
La société QBE EUROPE, dont l'appel est irrecevable, devra supporter les dépens de l'incident ainsi que ceux découlant directement de son appel en application des articles 696 du code de procédure civile.
L'équité commande d'allouer aux époux [Y] une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Nous, Véronique LAMOINE, conseiller de la mise en état, statuant publiquement par ordonnance contradictoire mise à disposition au Greffe,
Constatons le désistement, par la société QBE EUROPE, de son appel en ce qu'il est dirigé contre la société O'THERMIE.
Disons que, ce désistement, qui n'avait pas besoin d'être accepté, a produit effet extinctif immédiat dès sa notification en application des dispositions de l'article 401 du code de procédure civile, et qu'il ne pouvait donc être ultérieurement rétracté.
Vu l'article L. 641-9 du code de commerce :
Déclarons irrecevable la demande aux fins d'irrecevabilité de l'appel principal transmise le 15 octobre 2024 au nom de la SARL O'THERMIE qui avait été placée en liquidation judiciaire le 9 octobre 2024.
Vu les articles 528 et 529 du code de procédure civile :
Disons irrecevable comme tardif l'appel formé par la société QBE EUROPE.
Disons que cette cour reste saisie des appels incidents des époux [Y] et de la société MAAF ASSURANCES.
Condamnons la société QBE EUROPE SA/NV à payer aux époux [Y] la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamnons la société QBE EUROPE SA/NV aux dépens du présent incident, et à ceux découlant directement de son appel irrecevable.
LE GREFFIER LE CONSEILLER DE LA MISE EN ETAT
GRENOBLE
1ère Chambre Civile
C1
N° RG 24/01656
N° Portalis DBVM-V-B7I-MHOL
N° minute :
copie exécutoire délivrée
le :
à :
la SELARL EUROPA AVOCATS
la SELARL MAGALIE BARBIER
SELARL ROBICHON & ASSOCIES
la SCP GB2LM AVOCATS
ORDONNANCE JURIDICTIONNELLE
DU MARDI 08 JUILLET 2025
Vu la procédure entre :
QBE EUROPE SA/NV société de droit belge dont le siège social est situé : [Adresse 6] - BELGIQUE, prise en sa succursale en France, dont l'établissement principal est sis [Adresse 11], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Sylvain REBOUL de la SELARL EUROPA AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et ayant pour avocat plaidant MeXavier LEBRASSEUR de la SELARL ALCHIMIE AVOCATS, avocat au barreau de Paris, substitué à l'audience par Me Julien JORAND, avocat au même barreau,
Appelante, défenderesse à l'incident
Et
M. [X] [Y]
né le 01 janvier 1980 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 2]
Mme [O] [G] épouse [Y]
née le 04 avril 1980 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Magalie BARBIER de la SELARL MAGALIE BARBIER, avocat au barreau de GRENOBLE
Intimés, demandeurs à l'incident
S.A. MAAF ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 5]
Représentée par Me Jean ROBICHON de la SELARL ROBICHON & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE
SARL O'THERMIE ayant été représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité au siège situé :
[Adresse 4]
[Localité 1],
en liquidation judiciaire depuis le 9 octobre 2024
Ayant constitué comme avocat Me Gaëlle LE MAT de la SCP GB2LM AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE
A l'audience sur incident du 17 juin 2025, Nous, Véronique Lamoine, conseiller de la mise en état, assistée de Anne Burel, greffière, avons entendu les conseils des parties.
Puis l'affaire a été mise en délibéré à ce jour, date à laquelle avons rendu l'ordonnance dont la teneur suit :
FAITS ET PROCÉDURE
En décembre 2014, les époux [X] [Y] et [O] [G] ont fait installer, par la SARL O'THERMIE, une pompe à chaleur et un ballon thermodynamique pour équiper leur maison d'habitation située à [Localité 9] (38).
Suite à des dysfonctionnements de l'installation ayant entraîné des interventions de l'installateur et un changement de la pompe à chaleur le 26 avril 2017, la société MAAF ASSURANCES, auprès de laquelle la société O'THERMIE était assurée depuis le 1er février 2016, a mis en oeuvre une expertise amiable.
En l'absence de solution pérenne aux difficultés rencontrées, les époux [Y] ont, par acte du 4 juin 2021, assigné la société O'THERMIE et la société MAAF devant le tribunal judiciaire de Grenoble pour voir engager la responsabilité de l'installateur et voir réparer leurs préjudices.
La société O'THERMIE a appelé en intervention forcée la société de droit belge QBE EUROPE SA/NV (la société QBE EUROPE) qui était son assureur entre le 1er juillet 2013 et le le 31 décembre 2015.
Par jugement du 22 février 2024, le tribunal saisi a :
dit n'y avoir lieu à statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la société O'THERMIE ;
condamné la société O'THERMIE à payer aux époux [Y] les sommes de :
19837,12 € au titre de leur préjudice financier,
4 200 € au titre de leur préjudice de jouissance,
condamné la société QBE EUROPE SA/NV à garantir toutes les condamnations prononcées à l'encontre de la société O'THERMIE au titre de l'assurance décennale,
condamné in solidum la société O'THERMIE et la société QBE EUROPE SA/NV aux entiers dépens et à payer aux époux [Y] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
rejeté pour le surplus les autres demandes des parties,
rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Par déclaration au greffe en date du 29 avril 2024, la société QBE EUROPE a interjeté appel de ce jugement.
Des conclusions d'incident prises au nom de la société O'THERMIE ont été notifiées via le RPVA le 15 octobre 2024, visant à voir prononcer l'irrecevabilité de l'appel formé par la société QBE EUROPE en raison de son caractère tardif, en faisant valoir que le jugement du 22 février 2024 avait été signifié à cette dernière par acte du 15 mars 2024. Elles contenaient aussi une demande de condamnation de la société QBE EUROPE aux dépens et à payer à la société O'THERMIE une somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par message transmis via le RPVA le 9 décembre 2024, l'avocat qui représentait la société O'THERMIE a fait savoir, en joignant un extrait du BODACC du 18 octobre 2024, que cette dernière avait fait l'objet d'une liquidation judiciaire prononcée le 9 octobre 2024.
Par "conclusions de désistement partiel" notifiées le 11 février 2025, la société QBE EUROPE a demandé qu'il lui soit donné acte de son désistement partiel d'instance à l'égard de la société O'THERMIE en raison de la mise en liquidation judiciaire immédiate de cette dernière, et que son désistement soit déclaré parfait à l'égard de cette dernière.
Par "conclusions de rétractation de désistement" (sic) notifiées le 7 avril 2025, la société QBE EUROPE nous demande de :
"faire droit à la rétractation par (elle) de son désistement d'instance à l'égard de la société O'THERMIE" (sic),
juger que les conclusions d'incident préalablement régularisées ne valent pas manifestation de volonté non équivoque de mettre fin à l'instant d'appel à l'égard des intimés,
déclarer son désistement rétracté, non avenu et de nul effet à l'égard de la société O'THERMIE et des autres intimés,
ordonner la poursuite de la mise en état entre les parties à l'instance d'appel.
Par conclusions sur incident notifiées le 9 avril 2025, les époux [Y] nous demandent de :
prononcer l'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société QBE EUROPE en raison de son caractère tardif,
prononcer l'extinction de l'instance d'appel entre d'une part la société QBE EUROPE, d'autre par la société O'THERMIE et eux-mêmes,
condamner la société QBE EUROPE aux dépens d'incident et d'appel et à leur payer une somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils se prévalent, à l'appui de ces demandes, des dispositions de l'article 529 alinéa 2 du code de procédure civile selon lesquelles, dans le cas où un jugement profite solidairement ou indivisiblement à plusieurs parties, chacune peut se prévaloir de la notification faite par l'une d'elles.
Ils soutiennent que tel est bien le cas en l'espèce, le jugement du 22 février 2024 leur profitant solidairement et indivisiblement avec la société O'THERMIE puisque la société QBE EUROPE a été condamnée à relever et garantir l'ensemble des condamnations prononcées contre cette dernière au titre de l'assurance décennale.
La société QBE EUROPE, par dernières conclusions de rétractation de désistement et de réplique sur incident (n° 2 notifiées le 3 juin 2025), contestant toute indivisibilité du litige en faisant valoir que son appel porte sur la prescription de l'action et sur les conditions de mise en oeuvre de sa garantie dans le cadre de l'action directe, nous demande :
A titre principal, de :
"faire droit à la rétractation par (elle) de son désistement d'instance à l'égard de la société O'THERMIE" (sic),
juger que les conclusions d'incident préalablement régularisées ne valent pas manifestation de volonté non équivoque de mettre fin à l'instant d'appel à l'égard des intimés,
déclarer son désistement rétracté, non avenu et de nul effet à l'égard de la société O'THERMIE et des autres intimés,
ordonner la poursuite de la mise en état entre les parties à l'instance d'appel,
débouter les époux [Y] de leur fin de non recevoir tirée du caractère tardif de l'appel,
accueillir la mise en cause des organes de la procédure collective/du mandataire ad hoc représentant la société O'THERMIE (sic),
A titre subsidiaire, de :
lui donner acte de son désistement d'instance à l'égard de la société O'THERMIE du fait de sa mise en liquidation judiciaire immédiate simplifiée par jugement du 9 octobre 2024,
débouter les époux [Y] de leur fin de non-recevoir tirée du caractère tardif de l'appel,
lui donner acte de son désistement d'instance vis-à-vis des organes de la procédure collective de la société O'THERMIE mis en cause,
ordonner la poursuite de la mise en état entre les parties demeurant à l'instance d'appel.
La société MAAF ASSURANCES a constitué avocat devant cette cour, mais n'a pas conclu dans le cadre du présent incident. Il sera statué par ordonnance contradictoire.
MOTIFS
Sur le désistement d'appel de la société QBE EUROPE
Par conclusions notifiées le 11 février 2025, la société QBE EUROPE a indiqué se désister de son appel uniquement en ce qu'il est dirigé contre la société O'THERMIE du fait de la mise en liquidation judiciaire de cette dernière par jugement du 9 octobre 2024.
L'article 401 du code de procédure civile dispose que :
'Le désistement de l'appel n'a besoin d'être accepté que s'il contient des réserves ou si la partie à l'égard de laquelle il est fait a préalablement formé un appel incident ou une demande incidente.'
En l'espèce, le désistement partiel de la société QBE EUROPE n'a été assorti d'aucune réserve, et, au jour où il a été notifié via le RPVA aux avocats des intimés le 11 février 2025, certes des conclusions au fond portant appel incident avaient été transmises et notifiées au nom de la société O'THERMIE le 15 octobre 2024, mais ces conclusions sont de plein droit irrecevables dans la mesure où il ressort des pièces produites que la société O'THERMIE avait été placée en liquidation judiciaire par jugement du 9 octobre 2024, cette décision ayant eu pour effet immédiat, à compter de sa date, de dessaisir le débiteur de l'administration de ses biens et de l'exercice des droits et actions concernant son patrimoine, seul le liquidateur désigné par la juridiction ayant prononcé cette procédure collective ayant qualité pour le représenter en justice en application des dispositions de l'article L. 641-9 du code de commerce, à l'exception des droits propres du débiteur qui ne sont pas concernés en l'espèce.
Il en résulte que, dès qu'il a été formulé, ce désistement partiel a produit plein et entier effet à l'encontre de la société O'THERMIE sans qu'il soit besoin d'être constaté par la juridiction saisie ; dès lors, la société QBE EUROPE ne pouvait ultérieurement le rétracter, la jurisprudence qu'elle invoque en ce sens n'étant pas applicable en l'espèce en ce qu'il s'agit d'arrêts rendus en matière pénale, ou bien, s'agissant du seul arrêt rendu en matière civile (28 mai 1973 n° 72-60.119), d'une espèce dans laquelle le désistement était soumis à l'acceptation de la partie envers laquelle il était formulé en ce que cette dernière avait engagé le débat au fond, s'agissant d'une procédure de première instance.
Il n'y a pas lieu d'examiner, à ce stade, l'existence ou non d'une indivisibilité du litige, dès lors qu'il n'est pas soutenu que le désistement d'appel de la société QBE EUROPE entraînerait désistement à l'encontre des autres intimés et, par conséquent, extinction totale de l'instance d'appel.
Sur les demandes aux fins d'irrecevabilité de l'appel
# demande formée au nom de la société O'THERMIE
Cette demande a été formée par conclusions notifiées le 15 octobre 2024.
Or ainsi qu'il vient d'être développé, la société O'THERMIE avait été placée en liquidation judiciaire par jugement du 9 octobre 2024, cette décision ayant eu pour effet immédiat de dessaisir, à compter de sa date, le débiteur de l'administration de ses biens et de l'exercice des droits et actions concernant son patrimoine, seul le liquidateur ayant notamment qualité pour le représenter en justice en application des dispositions de l'article L. 641-9 du code de commerce.
Il en résulte que la demande ainsi formée est irrecevable comme l'ayant été par une personne qui n'avait plus qualité pour représenter cette partie.
# demande formée au nom des époux [Y]
Les époux [Y] ont repris à leur compte l'exception d'irrecevabilité comme tardif de l'appel formé par la société QBE EUROPE, en se prévalant de la signification du jugement faite à cette dernière à l'initiative de la société O'THERMIE par acte de commissaire de justice en date du 15 mars 2024, ainsi que des dispositions de l'article 529 alinéa 2 du code de procédure civile.
Aux termes de l'article 528 du même code, le délai à l'expiration duquel un recours ne peut plus être exercé court à compter de la notification du jugement, l'application combinée de ce texte avec l'article 529 alinéa 2, selon lequel "Dans les cas où un jugement profite solidairement ou indivisiblement à plusieurs parties, chacune peut se prévaloir de la notification faite par l'une d'elles", conduisant à considérer qu'en cas de signification effectuée à des dates différentes par les parties gagnantes, la signification ne profite qu'à celui qui l'a faite hors ce cas de solidarité active ou d'indivisibilité (Civ. 2è, 23 septembre 2004, n° 99-21.000).
En l'espèce, aucune condamnation n'ayant été prononcée solidairement au bénéfice d'une part de la société O'THERMIE, d'autre part des époux [Y], et la solidarité ne se présumant pas, seule l'indivisibilité peut permettre à ces derniers de se prévaloir, le cas échéant, de la notification du jugement faite par la première.
La société QBE EUROPE soutient que tel n'est pas le cas en l'espèce, les dispositions du jugement déféré pouvant, selon elle, parfaitement être exécutées séparément au profit de la société O'THERMIE d'une part, et des époux [Y] d'autre part.
Pour appuyer cette position, elle développe des considérations d'ordre général concernant la prescription de l'action ainsi que les conditions de mobilisation de la garantie d'un assureur dans le cadre de l'action directe d'une victime, distinctes selon elle de celles de l'assuré lui-même dans le cadre des relations de nature contractuelle qui le lient au premier, pour soutenir que les actions respectives seraient parfaitement autonomes.
Or, force est de constater que, dans ses conclusions d'appelante au fond notifiées le 15 juillet 2024, la société QBE EUROPE fonde son recours sur la prescription de l'action des époux [Y] et sur l'absence de mise en oeuvre de sa garantie aux moyens que la pompe à chaleur en cause ne constitue pas un ouvrage, et que les dysfonctionnements invoqués n'ont pas rendu l'immeuble impropre à sa destination, de sorte que, selon elle, 'la responsabilité de la société O'THERMIE ne peut être recherchée sur le fondement de l'article 1792 du code civil', et 'seule la responsabilité contractuelle de l'entrepreneur (est) susceptible d'être recherchée' (sic).
Il en résulte que son recours repose, au fond, sur l'absence de réunion, des conditions de la mise en oeuvre de la responsabilité décennale de la société O'THERMIE qu'elle assure, et non pas sur les conditions propres à l'exercice de l'action directe des époux [Y] à son encontre, la prescription invoquée en découlant directement puisqu'elle se prévaut, au fond, du délai quinquennal de l'article 2224 du code civil en réfutant le délai de l'action reposant sur la responsabilité décennale des constructeurs et, partant, de celui pour agir contre leur assureur.
Dès lors, si son argumentation était retenue au fond et qu'il soit fait droit à son appel, l'arrêt qui serait rendu entrerait en contradiction avec le jugement de première instance, définitif contre la société O'THERMIE en raison du désistement de son appel contre cette dernière, jugement par lequel la responsabilité décennale de cette dernière a été consacrée et elle-même a été condamnée à garantir les conndamnations prononcées 'au titre de l'assurance décennale'.
Par conséquent, il sera considéré que le jugement de première instance profite indivisiblement à la société O'THERMIE et aux époux [Y], et que, dès lors, l'appel formé par la société QBE EUROPE est irrecevable au regard de la date de signification du jugement par la première.
Les époux [Y] et la société MAAF ASSURANCES ayant formé des appels incidents, recevables dans la mesure où la présente juridiction était encore valablement saisie de l'appel principal au moment ou ils ont été formés (Cass Civ., 13 octobre 1982, n° 81-14.430), cette cour en reste saisie.
Sur les demandes accessoires
La société QBE EUROPE, dont l'appel est irrecevable, devra supporter les dépens de l'incident ainsi que ceux découlant directement de son appel en application des articles 696 du code de procédure civile.
L'équité commande d'allouer aux époux [Y] une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Nous, Véronique LAMOINE, conseiller de la mise en état, statuant publiquement par ordonnance contradictoire mise à disposition au Greffe,
Constatons le désistement, par la société QBE EUROPE, de son appel en ce qu'il est dirigé contre la société O'THERMIE.
Disons que, ce désistement, qui n'avait pas besoin d'être accepté, a produit effet extinctif immédiat dès sa notification en application des dispositions de l'article 401 du code de procédure civile, et qu'il ne pouvait donc être ultérieurement rétracté.
Vu l'article L. 641-9 du code de commerce :
Déclarons irrecevable la demande aux fins d'irrecevabilité de l'appel principal transmise le 15 octobre 2024 au nom de la SARL O'THERMIE qui avait été placée en liquidation judiciaire le 9 octobre 2024.
Vu les articles 528 et 529 du code de procédure civile :
Disons irrecevable comme tardif l'appel formé par la société QBE EUROPE.
Disons que cette cour reste saisie des appels incidents des époux [Y] et de la société MAAF ASSURANCES.
Condamnons la société QBE EUROPE SA/NV à payer aux époux [Y] la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamnons la société QBE EUROPE SA/NV aux dépens du présent incident, et à ceux découlant directement de son appel irrecevable.
LE GREFFIER LE CONSEILLER DE LA MISE EN ETAT