CA Paris, Pôle 1 - ch. 11, 7 juillet 2025, n° 25/03653
PARIS
Ordonnance
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 11
L. 743-22 du Code de l'entrée et du séjour
des étrangers et du droit d'asile
ORDONNANCE DU 07 JUILLET 2025
(1 pages)
Numéro d'inscription au numéro général et de décision : B N° RG 25/03653 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CLTEB
Décision déférée : ordonnance rendue le 05 juillet 2025, à 20h18, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris
Nous, Elise Thevenin-Scott, conseillère, à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Catherine Charles, greffier aux débats et au prononcé de l'ordonnance,
APPELANTS :
1°) LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE PRÈS LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS,
MINISTÈRE PUBLIC, en la personne de Florence Lifchitz, avocat général
2°) LE PRÉFET DE POLICE,
représenté par Me Thibault Faugeras du groupement Tomasi, avocat au barreau de Lyon
INTIMÉ:
M. [E] [W]
né le 20 Octobre 1998 en Roumanie, de nationalité roumaine
RETENU au centre de rétention de [Localité 3]
assisté de Me Marianne Ansart, avocat au barreau de Paris et de Mme [D] [M] (Interprète en langue roumaine) tout au long de la procédure devant la cour et lors de la notification de la présente ordonnance, serment préalablement prêté,
ORDONNANCE :
- contradictoire,
- prononcée en audience publique,
Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l'application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;
Constatant qu'aucune salle d'audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n'est disponible pour l'audience de ce jour.
- Vu l'ordonnance du 05 juillet 2025, à 20h18, du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris déclarant recevable la requête en contestation de la légalité du placement en rétention, ordonnant la jonction des deux procédures, déclarant irrecevable la requête de l'administration aux fins de prolongation de la rétention, disant n'y avoir lieu à statuer sur la requête en contestation de la décision de placement en rétention, ordonnant en conséquence la mise en liberté de l'intéressé, disant n'y avoir lieu à mesure de surveillance et de contrôle et lui rappelant qu'il a l'obligation de quitter le territoire national;
- Vu l'appel de ladite ordonnance interjeté le 05 juillet 2025 à 23h06 par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris, avec demande d'effet suspensif ;
- Vu l'appel de ladite ordonnance, interjeté le 06 juillet 2025 , à 20h07, par le préfet de police ;
- Vu l'ordonnance du 06 juillet 2025 conférant un caractère suspensif au recours du procureur de la République ;
- Vu la décision de jonction, par mention au dossier, des deux appels ;
- Vu les conclusions d'intimé reçues le 06 juillet 2025 à 21h18 ;
- Vu la pièce de procédure transmise par le greffe du juge des libertés et de la détention de Paris le 7 juillet 2025 à 10h18 ;
- Vu les observations :
- de l'avocat général tendant à l'infirmation de l'ordonnance ;
- du conseil de la préfecture lequel, s'associant à l'argumentation développée par le ministère public, nous demande d'infirmer l'ordonnance et de prolonger la rétention pour une durée de 26jours ;
- de M. [E] [W], assisté de son conseil qui demande la confirmation de l'ordonnance ;
SUR QUOI,
Monsieur [E] [W], né le 20 octobre 1998 à [Localité 1] en Roumanie, a été placé en rétention administrative suivant arrêté en date du 1er juillet 2025, sur la base d'un arrêté préfectoral portant OQTF en date du même jour.
Par ordonnance du 05 juillet 2025, le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté de Paris a déclaré irrecevable la requête de la préfecture de police considérant que le registre produit était insuffisamment actualisé.
Le procureur de la République a interjeté appel de cette décision et sollicité que lui l'effet suspensif, lequel lui a été accordé par ordonnance du 06 juillet 2025.
Le préfet a également interjeté appel.
Ils sollicitent l'infirmation de la décision, de déclarer recevable la requête, de rejeter les moyens de nullité, d'irrecevabilité et au fond de l'intimé, et d'autoriser le maintien de la mesure de rétention.
Monsieur [E] [W] a pris des conclusions d'intimé aux termes desquelles il demande à la cour de:
- Confirmer l'ordonnance critiquée
- Subsidiairement :
oDéclarer irrecevable la requête de la préfecture pour défaut de pièce justificative utile, en l'espèce le récépissé de remise de la carte nationale d'identité de Monsieur [E] [W]
oDéclarer irrégulière la mesure de garde à vue pour absence de notification de ses droits en une langue qu'il comprend à Monsieur [E] [W]
oDéclarer irrégulier l'arrêté de placement en rétention pour défaut de motivation, disproportion, erreur manifeste d'appréciation en l'absence de toute menace à l'ordre public et au regard des garanties de représentation démontrées
oSur le fond, dire les diligences de l'administration insuffisantes
Réponse de la cour :
- Sur la recevabilité de la requête de l'administration
o Sur le défaut de registre actualisé
Il résulte de l'article L.744-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative, d'une part, tient à jour un registre relatif aux personnes retenues, d'autre part, tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.
Aux termes de l'article R.743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2 précité. Il est constant que ce registre doit être "actualisé" pour être pertinent.
L'absence de production d'une copie actualisée du registre équivaut à l'absence de production du registre.
S'agissant en outre des informations devant être contenues dans le registre, il n'existe aucune liste ni dans la partie législative ni dans la partie réglementaire du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile déclinant précisément ce que recouvrent les notions susvisées tenant aux « conditions de (') placement ou de (') maintien en rétention ».
En revanche, il peut être rappelé que l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention prévu à l'article L. 553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative » (LOGICRA) en son article 2 dispose que :
« Le registre et le traitement mentionnés à l'article 1er enregistrent des données à caractère personnel et informations, figurant en annexe du présent arrêté, et relatives :
- à l'étranger placé en rétention administrative et, le cas échéant, aux enfants mineurs l'accompagnant;
- à la procédure administrative de placement en rétention administrative ;
- aux procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention ;
- à la fin de la rétention et à l'éloignement. »
et son annexe (données à caractère personnel et informations enregistrées dans les traitements) en son III 1° prévoit que figurent « Concernant les procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention :
Contentieux administratif : type de recours, juridiction saisie, date et heure de l'audience, décision, appel».
Ce texte, opposable à l'administration, est clair, même s'il doit aussi être noté qu'il obéit à une autre finalité tenant au contenu du registre au regard des données autorisées à être traitées informatiquement.
En ce domaine, il appartient au juge de vérifier, in concreto et dans chaque espèce, qu'il dispose des informations utiles au contrôle qu'il doit exercer sans imposer, pour autant, un formalisme excessif à l'administration, mais aussi que le registre a été renseigné afin de répondre au second objectif tenant au contrôle d'autres instances de la privation de liberté en cours, ce qui constitue également un droit pour la personne retenue.
En l'espèce, il ressort de la lecture des pièces produites que la copie du registre communiquée au magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté ne fait pas état du recours exercé par Monsieur [E] [W] à l'encontre de l'OQTF et dont la réalité n'est pas contestée, recours exercé le 02 juillet 2025. Toutefois, il n'est pas démontré que ce recours a été porté à la connaissance de la préfecture, de sorte qu'il ne peut lui être reproché, compte tenu de son caractère récent, de ne pas l'avoir mentionné sur le registre. Il en est de même de la demande d'asile formée le 04 juillet 2025.
o Sur le défaut de récépissé de remise de la carte nationale d'identité
En l'espèce, il n'est pas contesté que Monsieur [E] [W] dispose d'une carte nationale d'identité roumaine en cours de validité remise à l'administration, laquelle est suffisante pour organiser un éloignement en Roumanie. Toutefois, en l'état des pièces produites, la date de la remise est impossible à déterminer.
Or, le fait qu'un étranger dispose d'un document de voyage en cours de validité influe sur les diligences de l'administration et donc sur la durée de la rétention en ce sens que les autorités consulaires ne seront saisies qu'en l'absence de document de voyage. Ainsi, la date de remise du titre de voyage permet de s'assurer que le routing a été sollicité suffisamment rapidement et que les autorités consulaires n'ont pas été saisies de façon inutile.
En l'espèce, si le récépissé a été produit après la requête, la cour observe que c'est sans influence sur le contrôle des diligences qui ont eu lieu à la fois avec une saisine des autorités roumaines, et une demande de routing.
Le moyen sera écarté.
En définitive, la décision sera infirmée et la requête de la préfecture déclarée recevable.
- Sur la régularité de la mesure de garde à vue pour absence de notification de ses droits en une langue qu'il comprend à Monsieur [E] [W]
Contrairement à ce qui est affirmé, les droits de garde à vue ont été notifié à Monsieur [E] [W] par le truchement d'un interprète en langue roumaine, contacté par téléphone, ainsi que cela est mentionné en début de procès-verbal de notification.
Le moyen sera donc écarté.
- Sur la contestation de l'arrêté de placement en rétention pour défaut de motivation, disproportion, erreur manifeste d'appréciation
En application de l'article L.741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile « L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente. »
Par ailleurs, l'article L.741-32 du même code prévoit que « Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet. »
Enfin, l'article L. 741-4 énonce que « La décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger.
Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement de l'étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention. »
Le préfet n'est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l'intéressé dès lors que les motifs positifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention. Il y a lieu de se placer à la date à laquelle le préfet a statué pour procéder à l'examen de la légalité de l'arrêté de placement en rétention.
En l'espèce, l'arrêté de placement en rétention apparaît insuffisamment motivé au regard de la situation personnelle de Monsieur [E] [W] et des exigences particulières s'agissant d'un ressortissant d'un État membre de l'Union Européenne. Ainsi, si l'arrêté préfectoral relève qu'il existe une menace à l'ordre public, il n'est pas justifié d'une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française ainsi qu'exigé par la directive 2004/38/CE du parlement européen et du conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leur famille de circuler et séjourner librement sur le territoire des États membres. S'agissant, en outre, des garanties de représentation, il est inexact d'affirmer que Monsieur [E] [W] ne dispose pas d'une adresse stable alors même qu'il a été interpellé sur son lieu de vie, [Adresse 2]. Par ailleurs, il justifie d'une activité salariée régulière, déclare ses revenus en France et démontre vivre en concubinage, sa compagne étant enceinte.
En conséquence, l'arrêté de placement en rétention est insuffisamment motivé et le moyen sera accueilli, la requête de préfecture aux fins de prolongation rejetée sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur les autres moyens.
PAR CES MOTIFS
INFIRMONS l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré irrecevable la requête de la Préfecture,
STATUANT À NOUVEAU,
DÉCLARONS recevable la requête du préfet
DÉCLARONS recevable la requête en contestation du placement en rétention, et y faisons droit,
DÉCLARONS irrégulier l'arrêté de placement en rétention,
DISONS n'y avoir lieu à prolonger la rétention de M. [E] [W],
ORDONNONS sa remise en liberté immédiate,
LUI RAPPELONS qu'il a l'obligation de quitter le territoire national,
ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.
Fait à Paris le 07 juillet 2025 à
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Le préfet ou son représentant L'intéressé L'interprète
L'avocat de l'intéressé L'avocat général
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 11
L. 743-22 du Code de l'entrée et du séjour
des étrangers et du droit d'asile
ORDONNANCE DU 07 JUILLET 2025
(1 pages)
Numéro d'inscription au numéro général et de décision : B N° RG 25/03653 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CLTEB
Décision déférée : ordonnance rendue le 05 juillet 2025, à 20h18, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris
Nous, Elise Thevenin-Scott, conseillère, à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Catherine Charles, greffier aux débats et au prononcé de l'ordonnance,
APPELANTS :
1°) LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE PRÈS LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS,
MINISTÈRE PUBLIC, en la personne de Florence Lifchitz, avocat général
2°) LE PRÉFET DE POLICE,
représenté par Me Thibault Faugeras du groupement Tomasi, avocat au barreau de Lyon
INTIMÉ:
M. [E] [W]
né le 20 Octobre 1998 en Roumanie, de nationalité roumaine
RETENU au centre de rétention de [Localité 3]
assisté de Me Marianne Ansart, avocat au barreau de Paris et de Mme [D] [M] (Interprète en langue roumaine) tout au long de la procédure devant la cour et lors de la notification de la présente ordonnance, serment préalablement prêté,
ORDONNANCE :
- contradictoire,
- prononcée en audience publique,
Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l'application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;
Constatant qu'aucune salle d'audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n'est disponible pour l'audience de ce jour.
- Vu l'ordonnance du 05 juillet 2025, à 20h18, du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris déclarant recevable la requête en contestation de la légalité du placement en rétention, ordonnant la jonction des deux procédures, déclarant irrecevable la requête de l'administration aux fins de prolongation de la rétention, disant n'y avoir lieu à statuer sur la requête en contestation de la décision de placement en rétention, ordonnant en conséquence la mise en liberté de l'intéressé, disant n'y avoir lieu à mesure de surveillance et de contrôle et lui rappelant qu'il a l'obligation de quitter le territoire national;
- Vu l'appel de ladite ordonnance interjeté le 05 juillet 2025 à 23h06 par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris, avec demande d'effet suspensif ;
- Vu l'appel de ladite ordonnance, interjeté le 06 juillet 2025 , à 20h07, par le préfet de police ;
- Vu l'ordonnance du 06 juillet 2025 conférant un caractère suspensif au recours du procureur de la République ;
- Vu la décision de jonction, par mention au dossier, des deux appels ;
- Vu les conclusions d'intimé reçues le 06 juillet 2025 à 21h18 ;
- Vu la pièce de procédure transmise par le greffe du juge des libertés et de la détention de Paris le 7 juillet 2025 à 10h18 ;
- Vu les observations :
- de l'avocat général tendant à l'infirmation de l'ordonnance ;
- du conseil de la préfecture lequel, s'associant à l'argumentation développée par le ministère public, nous demande d'infirmer l'ordonnance et de prolonger la rétention pour une durée de 26jours ;
- de M. [E] [W], assisté de son conseil qui demande la confirmation de l'ordonnance ;
SUR QUOI,
Monsieur [E] [W], né le 20 octobre 1998 à [Localité 1] en Roumanie, a été placé en rétention administrative suivant arrêté en date du 1er juillet 2025, sur la base d'un arrêté préfectoral portant OQTF en date du même jour.
Par ordonnance du 05 juillet 2025, le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté de Paris a déclaré irrecevable la requête de la préfecture de police considérant que le registre produit était insuffisamment actualisé.
Le procureur de la République a interjeté appel de cette décision et sollicité que lui l'effet suspensif, lequel lui a été accordé par ordonnance du 06 juillet 2025.
Le préfet a également interjeté appel.
Ils sollicitent l'infirmation de la décision, de déclarer recevable la requête, de rejeter les moyens de nullité, d'irrecevabilité et au fond de l'intimé, et d'autoriser le maintien de la mesure de rétention.
Monsieur [E] [W] a pris des conclusions d'intimé aux termes desquelles il demande à la cour de:
- Confirmer l'ordonnance critiquée
- Subsidiairement :
oDéclarer irrecevable la requête de la préfecture pour défaut de pièce justificative utile, en l'espèce le récépissé de remise de la carte nationale d'identité de Monsieur [E] [W]
oDéclarer irrégulière la mesure de garde à vue pour absence de notification de ses droits en une langue qu'il comprend à Monsieur [E] [W]
oDéclarer irrégulier l'arrêté de placement en rétention pour défaut de motivation, disproportion, erreur manifeste d'appréciation en l'absence de toute menace à l'ordre public et au regard des garanties de représentation démontrées
oSur le fond, dire les diligences de l'administration insuffisantes
Réponse de la cour :
- Sur la recevabilité de la requête de l'administration
o Sur le défaut de registre actualisé
Il résulte de l'article L.744-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative, d'une part, tient à jour un registre relatif aux personnes retenues, d'autre part, tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.
Aux termes de l'article R.743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2 précité. Il est constant que ce registre doit être "actualisé" pour être pertinent.
L'absence de production d'une copie actualisée du registre équivaut à l'absence de production du registre.
S'agissant en outre des informations devant être contenues dans le registre, il n'existe aucune liste ni dans la partie législative ni dans la partie réglementaire du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile déclinant précisément ce que recouvrent les notions susvisées tenant aux « conditions de (') placement ou de (') maintien en rétention ».
En revanche, il peut être rappelé que l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention prévu à l'article L. 553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative » (LOGICRA) en son article 2 dispose que :
« Le registre et le traitement mentionnés à l'article 1er enregistrent des données à caractère personnel et informations, figurant en annexe du présent arrêté, et relatives :
- à l'étranger placé en rétention administrative et, le cas échéant, aux enfants mineurs l'accompagnant;
- à la procédure administrative de placement en rétention administrative ;
- aux procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention ;
- à la fin de la rétention et à l'éloignement. »
et son annexe (données à caractère personnel et informations enregistrées dans les traitements) en son III 1° prévoit que figurent « Concernant les procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention :
Contentieux administratif : type de recours, juridiction saisie, date et heure de l'audience, décision, appel».
Ce texte, opposable à l'administration, est clair, même s'il doit aussi être noté qu'il obéit à une autre finalité tenant au contenu du registre au regard des données autorisées à être traitées informatiquement.
En ce domaine, il appartient au juge de vérifier, in concreto et dans chaque espèce, qu'il dispose des informations utiles au contrôle qu'il doit exercer sans imposer, pour autant, un formalisme excessif à l'administration, mais aussi que le registre a été renseigné afin de répondre au second objectif tenant au contrôle d'autres instances de la privation de liberté en cours, ce qui constitue également un droit pour la personne retenue.
En l'espèce, il ressort de la lecture des pièces produites que la copie du registre communiquée au magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté ne fait pas état du recours exercé par Monsieur [E] [W] à l'encontre de l'OQTF et dont la réalité n'est pas contestée, recours exercé le 02 juillet 2025. Toutefois, il n'est pas démontré que ce recours a été porté à la connaissance de la préfecture, de sorte qu'il ne peut lui être reproché, compte tenu de son caractère récent, de ne pas l'avoir mentionné sur le registre. Il en est de même de la demande d'asile formée le 04 juillet 2025.
o Sur le défaut de récépissé de remise de la carte nationale d'identité
En l'espèce, il n'est pas contesté que Monsieur [E] [W] dispose d'une carte nationale d'identité roumaine en cours de validité remise à l'administration, laquelle est suffisante pour organiser un éloignement en Roumanie. Toutefois, en l'état des pièces produites, la date de la remise est impossible à déterminer.
Or, le fait qu'un étranger dispose d'un document de voyage en cours de validité influe sur les diligences de l'administration et donc sur la durée de la rétention en ce sens que les autorités consulaires ne seront saisies qu'en l'absence de document de voyage. Ainsi, la date de remise du titre de voyage permet de s'assurer que le routing a été sollicité suffisamment rapidement et que les autorités consulaires n'ont pas été saisies de façon inutile.
En l'espèce, si le récépissé a été produit après la requête, la cour observe que c'est sans influence sur le contrôle des diligences qui ont eu lieu à la fois avec une saisine des autorités roumaines, et une demande de routing.
Le moyen sera écarté.
En définitive, la décision sera infirmée et la requête de la préfecture déclarée recevable.
- Sur la régularité de la mesure de garde à vue pour absence de notification de ses droits en une langue qu'il comprend à Monsieur [E] [W]
Contrairement à ce qui est affirmé, les droits de garde à vue ont été notifié à Monsieur [E] [W] par le truchement d'un interprète en langue roumaine, contacté par téléphone, ainsi que cela est mentionné en début de procès-verbal de notification.
Le moyen sera donc écarté.
- Sur la contestation de l'arrêté de placement en rétention pour défaut de motivation, disproportion, erreur manifeste d'appréciation
En application de l'article L.741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile « L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente. »
Par ailleurs, l'article L.741-32 du même code prévoit que « Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet. »
Enfin, l'article L. 741-4 énonce que « La décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger.
Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement de l'étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention. »
Le préfet n'est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l'intéressé dès lors que les motifs positifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention. Il y a lieu de se placer à la date à laquelle le préfet a statué pour procéder à l'examen de la légalité de l'arrêté de placement en rétention.
En l'espèce, l'arrêté de placement en rétention apparaît insuffisamment motivé au regard de la situation personnelle de Monsieur [E] [W] et des exigences particulières s'agissant d'un ressortissant d'un État membre de l'Union Européenne. Ainsi, si l'arrêté préfectoral relève qu'il existe une menace à l'ordre public, il n'est pas justifié d'une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française ainsi qu'exigé par la directive 2004/38/CE du parlement européen et du conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leur famille de circuler et séjourner librement sur le territoire des États membres. S'agissant, en outre, des garanties de représentation, il est inexact d'affirmer que Monsieur [E] [W] ne dispose pas d'une adresse stable alors même qu'il a été interpellé sur son lieu de vie, [Adresse 2]. Par ailleurs, il justifie d'une activité salariée régulière, déclare ses revenus en France et démontre vivre en concubinage, sa compagne étant enceinte.
En conséquence, l'arrêté de placement en rétention est insuffisamment motivé et le moyen sera accueilli, la requête de préfecture aux fins de prolongation rejetée sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur les autres moyens.
PAR CES MOTIFS
INFIRMONS l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré irrecevable la requête de la Préfecture,
STATUANT À NOUVEAU,
DÉCLARONS recevable la requête du préfet
DÉCLARONS recevable la requête en contestation du placement en rétention, et y faisons droit,
DÉCLARONS irrégulier l'arrêté de placement en rétention,
DISONS n'y avoir lieu à prolonger la rétention de M. [E] [W],
ORDONNONS sa remise en liberté immédiate,
LUI RAPPELONS qu'il a l'obligation de quitter le territoire national,
ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.
Fait à Paris le 07 juillet 2025 à
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Le préfet ou son représentant L'intéressé L'interprète
L'avocat de l'intéressé L'avocat général