CA Montpellier, ch. com., 10 juillet 2025, n° 25/03233
MONTPELLIER
Arrêt
Autre
ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 10 JUILLET 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 25/03233 - N° Portalis DBVK-V-B7J-QWNM
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du 18 JUIN 2025
TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER
N° RG 25/007814
APPELANT :
Monsieur [W] [V] Conseil en gestion
né le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Adresse 8]
ESPAGNE
Représenté sur l'audience par Me Jacques-Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES et par Me Romain BOULET, avocats au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
LE PROCUREUR GENERAL
[Adresse 10]
[Localité 4]
non représenté sur l'audience
SELARL FHBX représentée par Maître [P] [O], en qualité d'administrateur de la Société INTELLIGENCE ARTIFICIELLE APPLICATIONS, selon jugement prononçant l'ouverture d'une procédure de sauvegarde accélérée en date du 02 Mai 2025
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée sur l'audience par Me Frédéric DABIENS de la SELARL DABIENS & DEMAEGDT AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
SELARL BLEU SUD prise en la personne de Maître [X] [H], en qualité de Mandataire Judiciaire de la Société INTELLIGENCE ARTIFICIELLE APPLICATIONS, selon jugement prononçant l'ouverture d'une procédure de sauvegarde accélérée en date du 02 mai 2025
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée sur l'audience par Me Frédéric DABIENS de la SELARL DABIENS & DEMAEGDT AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
S.A.S. INTELLIGENCE ARTIFICIELLE APPLICATIONS - I2A Société par actions simplifiée immatriculée au RCS de Montpellier sous le n° 347 717 118, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 4]
Représentée sur l'audience par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 03 Juillet 2025
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 JUILLET 2025, en chambre du conseil, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Mme Danielle DEMONT, Présidente de chambre
M. Thibault GRAFFIN, Conseiller
M. Fabrice VETU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT
lors de la mise à disposition : Mme Elodie CATOIRE
Ministère public :
L'affaire a été communiquée au ministère public.
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour
les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Danielle DEMONT, Présidente de chambre, et par Mme Elodie CATOIRE, Greffière.
FAITS ET PROCEDURE :
Par ordonnance du 20 novembre 2024, le président du tribunal de commerce de Montpellier a ouvert une procédure de conciliation au bénéfice de la SAS Intelligence Artificielle Applications (I2A), et désigné la Selarl FHBX en qualité de conciliateur.
Le 2 mai 2025, le tribunal de commerce de Montpellier a placé la SAS Intelligence Artificielle Applications en sauvegarde accélérée, et désigné la SELARL FHBX, prise en la personne de M. [P] [O], en qualité d'administrateur judiciaire, et la SELARL Bleu Sud, prise en la personne de M. [X] [H], en qualité de mandataire judiciaire.
M. [W] [V], qui avait refusé de participer à la procédure de conciliation, a déclaré sa créance à la procédure pour un montant de 8 081 719 €, créance issue d'un arrêt rendu le 10 octobre 2024 par la 3e chambre civile de la cour d'appel de ce siège ayant infirmé au quantum une sentence arbitrale qui avait notamment condamné la société I2A à payer à M. [V] la somme principale 148 995,34 € élevée par la cour à 7 144 577,30 €.
Le 28 mai 2025, la société FHBX, ès qualités, a notifié aux créanciers affectés les modalités de répartition en 8 classes des créances et droits dont ils sont titulaires, ainsi que les modalités de calcul des voix au sein des classes, distance de [Localité 5] à [Localité 6] celle de M. [V] étant fixée à un montant total de 7 838 021, 79 € est affectée à la classe 6 "créances litigieuses".
M. [V] contestant son affectation à la classe 6 des parties affectées, a saisi le 10 juin 2025, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Montpellier d'une requête au visa de l'article R. 626-58-1 du code de commerce aux fins de reclassement de sa créance, considérant être éligible à figurer en classe n° 3 et/ou n°4 des « créanciers chirographaires".
Par ordonnance du 18 juin 2025, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Montpellier a :
déclaré recevable la requête en contestation formée par M. [W] [V] ;
rejeté sa demande tendant à son reclassement dans une autre classe ;
dit que la composition des classes des parties affectées telle que notifiée par l'administrateur judiciaire le 28 mai 2025 est maintenue ;
et laissé les dépens à la charge du requérant.
Par déclaration du 20 juin 2025, M. [W] [V] a relevé appel de cette ordonnance.
L'affaire a été fixée à bref délai à sa réception au greffe de la chambre commerciale.
Par dernières conclusions du 3 juillet 2025 à 13h19 M. [V] demande à la cour, au visa des articles L.626-30 et L.626-30-1, L.628-4 et R. 626-58-1 du code de commerce, 579 du code de procédure civile, 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 1er du premier protocole additionnel à la CEDH :
' d'infirmer l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a déclaré recevable sa requête en contestation ;
statuant à nouveau
' à titre principal, d'ordonner le reclassement de sa créance d'un montant de 7 838 021,79 euros en principal selon l'arrêté de l'administrateur, de la classe 6 "créances litigieuses"vers la classe des créanciers chirographaires appropriée, à savoir soit la classe 3 "créanciers bancaires chirographaires avec court terme et avec dette sécurisée par ailleurs" soit la classe 4 "créanciers bancaires chirographaires avec court terme et sans dette sécurisée par ailleurs " ;
' à titre subsidiaire, si le juge-commissaire estimait que M. [V] ne peut intégrer des classes existantes, d'ordonner la création d'une nouvelle classe ou groupe regroupant l'ensemble des créanciers chirographaires actuellement groupés dans les classes 3 à 6 afin de respecter les exigences de communauté d'intérêt économique ;
' très subsidiairement de ventiler la créance de M. [V] entre une classe de créanciers garantis et une classe de créanciers non garantis ;
' et en tout état de cause, de condamner solidairement la SAS Intelligence Artificielle Applications (I2A) et Me [O] en qualité de mandataire judiciaire de la société Intelligence Artificielle Applications à lui payer la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Par dernières conclusions du 3 juillet 2025 à 13h37, la SAS Intelligence Artificielle Applications demande à la cour, au visa de l'article L. 626-30 du code de commerce, de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, y ajoutant, de débouter M. [V] de ses demandes, et de le condamner à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par dernières conclusions du 3 juillet 2025 à 11h18 la SELARL FHBX, en la personne de M. [P] [O], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Intelligence Artificielle Applications, et la SELARL Bleu Sud, prise en la personne de M. [X] [H], ès qualités de mandataire judiciaire de la société Intelligence Artificielle Applications demandent à la cour de confirmer l'ordonnance entreprise, de débouter l'appelant de toutes ses demandes, et de le condamner à lui payer la somme de 3600 euros chacun au titre de l'article 700 du code procédure civil outre les dépens de première instance et d'appel.
Par avis du 2 juillet 2025 communiqué aux autres parties par RPVA, le ministère public s'en rapporte à l'appréciation de la cour.
L'ordonnance de clôture est datée du 3 juillet 2025 à 14 heures.
MOTIFS :
M. [V] fait valoir au soutien de son appel les moyens suivants :
' le pourvoi en cassation ne confère pas de caractère "litigieux" à sa créance qui a été constatée par un arrêt de la cour d'appel, cette voie de recours extraordinaire n'étant pas suspensive d'exécution en application de l'article 579 du code de procédure civile, et faute de demande de suspension de l'exécution provisoire devant le premier président de la Cour de cassation ;
' si l'instance devra être reprise compte tenu de l'ouverture de la procédure de sauvegarde, la créance n'est pas pas pour autant litigieuse, M. [V] disposant d'un titre exécutoire, de sorte qu'elle est certaine, liquide et exigible ;
' la constitution d'une classe à créancier unique est irrégulière ; son isolement va à l'encontre de l'objectif de négociation collective poursuivie par la réforme, une négociation collective devenant impossible avec un créancier isolé ;
' il est un créancier chirographaire ordinaire dont les caractéristiques économiques sont identiques à celles des autres créanciers chirographaires ;
' la répartition actuelle conduit à un résultat absurde et discriminatoire : les classes 1 à 5 comprennent tous les créanciers représentant au total 2,5 millions d'euros, et la classe 6, un seul créancier représentant plus de 8 millions d'euros, alors qu'aucune différence de nature économique ne justifie ;
' l'isolement de M. [V] dans une classe séparée, qui n'a pas été justifiée par Me [O] alors que ce dernier est tenu par la réforme d'un devoir de transparence, apparaît comme une man'uvre destinée à neutraliser le pouvoir de vote de celui-ci au sein des créanciers chirographaires, l'empêcher de former une minorité de blocage, et faciliter l'adoption d'un plan extrêmement défavorable à ses intérêts ;
' l'insistance des organes de la procédure sur des considérations personnelles et relationnelles confirme cette instrumentalisation de la répartition en classes aux fins d'éviction individuelle ;
' selon l'éminent spécialiste de la procédure collective, le professeur [D], « La communauté d'intérêts implique de se placer du côté des créanciers, et non du côté du débiteur (')
Admettre un raisonnement inverse conduirait à autoriser le débiteur à composer les classes de parties affectées à sa guise, en fonction de son seul intérêt et de ses perspectives d'adoption du plan (')
Les créances chirographaires doivent donc en principe être traitées de la même manière et réunies au sein d'une même classe (')
La constitution de classes de parties affectées pourrait conduire à distinguer des créances chirographaires en différentes classes si cela sert l'adoption d'un plan permettant, in fine, un meilleur désintéressement des créanciers. Toutefois, cette scission entre créances chirographaires doit reposer sur de solides justifications » ;
' M. [V] ne bénéficie d'aucune garantie particulière et partage donc objectivement la situation économique que les autres créanciers chirographaires ;
' pour répondre aux moyens des organes de la procédure, la circonstance que M. [V] soit créancier au titre d'un contrat résilié plutôt que d'un contrat en cours ne modifie pas sa communauté d'intérêts économiques avec les autres chirographaires ;
' en définitive le maintien en classe 6 viderait de sa substance l'arrêt du 10 octobre 2024 portant atteinte à l'autorité de chose jugée et au caractère exécutoire des décisions de justice.
M. [V] ajoute à ces moyens, dans ses dernières écritures que :
' le premier président de la cour de ce siège, saisi en vue d'obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire de la sentence initiale, avait ordonné la constitution d'une garantie emportant affectation spéciale au profit de M. [V] en application de l'article 2350 du code civil, ce qui a pour effet de soustraire les fonds consignés du gage commun des créanciers ; sa créance est donc partiellement sécurisée par l'effet de cette garantie judiciaire ; il était donc indispensable de la ventiler au sein de deux classes distinctes, ce qui n'a pas été effectué ;
' par lettre du 2 juillet 2025 adressée au président d'I2A, dont copie aux organes de la procédure, M. [V] a formulé une proposition détaillée de restructuration de sa créance, montrant sa volonté de concilier ses intérêts légitimes avec les impératifs de redressement de l'entreprise : il consent à un abandon de sa créance de 35 % qui ramènerait sa créance à 5 250 000 €, contre la conversion de ce solde en obligations convertibles en actions, selon des modalités qui préservent intégralement la trésorerie de l'entreprise, et aux taux raisonnable de 4,5 % l'an avec paiement différé à échéance, devenant ainsi un partenaire aligné sur le succès futur de l'entreprise.
* L'article L. 628-1 du code de commerce dispose dans ses deux premiers alinéas :
« Il est institué une procédure de sauvegarde accélérée soumise aux règles du présent titre sous réserve des dispositions du présent chapitre. N'y sont pas applicables les dispositions du III et du IV de l'article L. 622-13 et celles des sections 3 et 4 du chapitre IV.
La procédure de sauvegarde accélérée est ouverte à la demande d'un débiteur engagé dans une procédure de conciliation qui justifie avoir élaboré un projet de plan tendant à assurer la pérennité de l'entreprise. Ce projet doit être susceptible de recueillir, de la part des parties affectées à l'égard desquelles l'ouverture de la procédure produira effet, un soutien suffisamment large pour rendre vraisemblable son adoption dans le délai prévu au premier alinéa de l'article L. 628-8. »
L'article L. 626-30 du code de commerce ajoute :
dans son III que « La composition des classes de parties affectées est déterminée au vu des créances et droits nés antérieurement à la date du jugement d'ouverture de la procédure. L'administrateur répartit, sur la base de critères objectifs, vérifiables, les parties affectées en classes représentatives d'une communauté d'intérêt économique suffisante en respectant les conditions suivantes :
1° Les créanciers titulaires de sûretés réelles portant sur les biens du débiteur, pour leurs créances garanties, et les autres créanciers sont répartis en classes distinctes ;
2° La répartition en classes respecte les accords de subordination conclus avant l'ouverture de la procédure ;
3° Les détenteurs de capital forment une ou plusieurs classes.».
dans son V que « L'administrateur soumet à chaque partie affectée les modalités de répartition en classes et de calcul des voix correspondant aux créances ou aux droits affectés leur permettant d'exprimer un vote. (...) En cas de désaccord, chaque partie affectée, le débiteur, le ministère public, le mandataire judiciaire ou l'administrateur peut saisir le juge-commissaire suivant les modalités prévues par décret en Conseil d'Etat ».
Selon l'alinéa 2 du I. de l'article R. 626-58 du même code, « Au moins vingt et un jours avant la date du vote, [l'administrateur] notifie à chaque partie affectée, sur le fondement du V de l'article L. 620-30, les modalités de répartition en classes et de calcul des voix retenues, au sein de la ou des classes auxquelles elle est affectée. Par le même acte, l'administrateur précise les critères retenus pour la composition des classes de parties affectées et dresse la liste de celles-ci. L'administrateur soumet également ces modalités de répartition et de calcul au débiteur et au mandataire judiciaire. Il en informe le ministère public. »
L'article R. 626-58-1 précise notamment, les modalités de contestation de la notification informant la partie de son affectation dans la classe de répartition considérée dans un délai de dix jours à compter de la notification prévue à l'article précédent.
La SELARL FHBX, prise en la personne de Me [P] [O], ès qualités d'administrateur de la SAS Intelligence Artificielle Applications, dans sa lettre de notification de classe datée du 28 mai 2025 (pièce n°2 des intimés, pages 2 et 3), indique :
« (')
Modalités de répartition en classes, critères retenus pour la composition des classes de parties affectées et liste des classes de parties affectées
Conformément aux dispositions de l'article L. 626-30, III du code de commerce, il m'appartient de répartir, sur la base de critères objectifs vérifiables, les parties affectées en classes représentatives d'une communauté d'intérêt économique suffisante en respectant les conditions suivantes :
Les créanciers titulaires de sûretés réelles portant sur les biens du débiteur, pour leurs créances garanties et les autres créanciers sont répartis en classes distinctes ;
La répartition en classes respecte les accords de subordination conclus avant l'ouverture de la procédure et portés à la connaissance de l'administrateur judiciaire ;
Les détenteurs de capital forment une ou plusieurs classes.
Les critères objectifs retenus pour constituer les classes ont notamment été :
La nature des créances : bancaires, publiques, litigieuses et comptes courants d'associés ;
L'existence de privilèges et de sûretés ;
La notion de communauté d'intérêt économique suffisante au sein de la classe. »
Au regard des textes applicables, notamment le III de l'article L. 626-60 du code de commerce qui impose de composer les classes en tenant compte de la nature de la créance, et dont il convient d'observer qu'il n'invite pas à prendre en compte la qualité du créancier, sans pour autant l'interdire, et surtout, eu égard aux termes de la notification qui doivent définir quels sont les critères objectifs, vérifiables, retenus pour affecter M. [V] en classe 6, il est inopérant d'en référer au « profil relationnel des créanciers n'ayant [guère] souhaité augmenter leur niveau de risque » pour prétendre justifier de la composition des classes, puis, de l'affectation de l'appelante dans la classe des « créances litigieuses ».
L'administrateur qui avait annoncé des critères objectifs, précis pour classer les créanciers, ne plaide pas utilement dans le cadre de la présente procédure que son choix de placer l'appelante dans la classe 6, serait fondé en réalité sur un défaut d'intérêt significatif de l'appelant à la restructuration.
Le tribunal dès lors ne pouvait pas retenir en ses motifs que "les créanciers membres des classes 3 et 4 consentent par ailleurs à l'entreprise des concours court-terme en vigueur à l'ouverture de la procédure, l'intérêt économique de ces créanciers résidant donc, au-delà de l'apurement de leurs créances, dans la poursuite de l'activité de la société"
En revanche la cour estime que le classement en classe 6 de la créance de M. [V] est pertinent dans la mesure où les classes 3 et 4 correspondent à des créanciers bancaires, ce qu'assurément M. [V], personne physique, n'est pas ; il s'agit d'une créance chirographaire issue d'un litige au titre d'une action en responsabilité contractuelle qui n'est pas une créance chirographaire bancaire issue d'un prêt en cours.
M. [V] ne dispose pas d'une communauté d'intérêt économique suffisante avec les créanciers bancaires.
Il existe donc un critère objectif vérifiable au classement de M. [V] en dehors des classes 3 et 4, dans une classe 6.
Il n'y a pas davantage lieu à quelque regroupement dans une classe unique de tous les créanciers chirographaires, comme il l'a sollicité à titre subsidiaire.
M. [V] figurera seul dans la classe 6, compte tenu de l'intérêt économique qui lui est propre, la débitrice plaidant utilement à cet égard que sa toute dernière proposition tendant à la conversion de sa créance en obligations convertibles, justifierait à elle seule son isolement, les créanciers d'une même classe ne pouvant souffrir un traitement inégal.
L'ordonnance déférée sera en conséquence confirmée par substitution des présents motifs à ceux du juge-commissaire, sauf à leur ajouter que l'intitulé "Créances litigieuses" sera plus justement dénommé par l'administrateur qui le soutient dans ses écritures, "Créance issue d'un litige".
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Maintient la composition des classes de parties affectées arrêtée par la SELARL FHBX, prise en la personne de Me [P] [O], ès qualités d'administrateur de la SAS Intelligence Artificielle Applications :
Dit que les dépens de première instance et d'appel seront frais de la procédure de sauvegarde accélérée de la SAS Intelligence Artificielle Applications,
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 10 JUILLET 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 25/03233 - N° Portalis DBVK-V-B7J-QWNM
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du 18 JUIN 2025
TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER
N° RG 25/007814
APPELANT :
Monsieur [W] [V] Conseil en gestion
né le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Adresse 8]
ESPAGNE
Représenté sur l'audience par Me Jacques-Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES et par Me Romain BOULET, avocats au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
LE PROCUREUR GENERAL
[Adresse 10]
[Localité 4]
non représenté sur l'audience
SELARL FHBX représentée par Maître [P] [O], en qualité d'administrateur de la Société INTELLIGENCE ARTIFICIELLE APPLICATIONS, selon jugement prononçant l'ouverture d'une procédure de sauvegarde accélérée en date du 02 Mai 2025
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée sur l'audience par Me Frédéric DABIENS de la SELARL DABIENS & DEMAEGDT AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
SELARL BLEU SUD prise en la personne de Maître [X] [H], en qualité de Mandataire Judiciaire de la Société INTELLIGENCE ARTIFICIELLE APPLICATIONS, selon jugement prononçant l'ouverture d'une procédure de sauvegarde accélérée en date du 02 mai 2025
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée sur l'audience par Me Frédéric DABIENS de la SELARL DABIENS & DEMAEGDT AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
S.A.S. INTELLIGENCE ARTIFICIELLE APPLICATIONS - I2A Société par actions simplifiée immatriculée au RCS de Montpellier sous le n° 347 717 118, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 4]
Représentée sur l'audience par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 03 Juillet 2025
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 JUILLET 2025, en chambre du conseil, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Mme Danielle DEMONT, Présidente de chambre
M. Thibault GRAFFIN, Conseiller
M. Fabrice VETU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT
lors de la mise à disposition : Mme Elodie CATOIRE
Ministère public :
L'affaire a été communiquée au ministère public.
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour
les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Danielle DEMONT, Présidente de chambre, et par Mme Elodie CATOIRE, Greffière.
FAITS ET PROCEDURE :
Par ordonnance du 20 novembre 2024, le président du tribunal de commerce de Montpellier a ouvert une procédure de conciliation au bénéfice de la SAS Intelligence Artificielle Applications (I2A), et désigné la Selarl FHBX en qualité de conciliateur.
Le 2 mai 2025, le tribunal de commerce de Montpellier a placé la SAS Intelligence Artificielle Applications en sauvegarde accélérée, et désigné la SELARL FHBX, prise en la personne de M. [P] [O], en qualité d'administrateur judiciaire, et la SELARL Bleu Sud, prise en la personne de M. [X] [H], en qualité de mandataire judiciaire.
M. [W] [V], qui avait refusé de participer à la procédure de conciliation, a déclaré sa créance à la procédure pour un montant de 8 081 719 €, créance issue d'un arrêt rendu le 10 octobre 2024 par la 3e chambre civile de la cour d'appel de ce siège ayant infirmé au quantum une sentence arbitrale qui avait notamment condamné la société I2A à payer à M. [V] la somme principale 148 995,34 € élevée par la cour à 7 144 577,30 €.
Le 28 mai 2025, la société FHBX, ès qualités, a notifié aux créanciers affectés les modalités de répartition en 8 classes des créances et droits dont ils sont titulaires, ainsi que les modalités de calcul des voix au sein des classes, distance de [Localité 5] à [Localité 6] celle de M. [V] étant fixée à un montant total de 7 838 021, 79 € est affectée à la classe 6 "créances litigieuses".
M. [V] contestant son affectation à la classe 6 des parties affectées, a saisi le 10 juin 2025, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Montpellier d'une requête au visa de l'article R. 626-58-1 du code de commerce aux fins de reclassement de sa créance, considérant être éligible à figurer en classe n° 3 et/ou n°4 des « créanciers chirographaires".
Par ordonnance du 18 juin 2025, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Montpellier a :
déclaré recevable la requête en contestation formée par M. [W] [V] ;
rejeté sa demande tendant à son reclassement dans une autre classe ;
dit que la composition des classes des parties affectées telle que notifiée par l'administrateur judiciaire le 28 mai 2025 est maintenue ;
et laissé les dépens à la charge du requérant.
Par déclaration du 20 juin 2025, M. [W] [V] a relevé appel de cette ordonnance.
L'affaire a été fixée à bref délai à sa réception au greffe de la chambre commerciale.
Par dernières conclusions du 3 juillet 2025 à 13h19 M. [V] demande à la cour, au visa des articles L.626-30 et L.626-30-1, L.628-4 et R. 626-58-1 du code de commerce, 579 du code de procédure civile, 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 1er du premier protocole additionnel à la CEDH :
' d'infirmer l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a déclaré recevable sa requête en contestation ;
statuant à nouveau
' à titre principal, d'ordonner le reclassement de sa créance d'un montant de 7 838 021,79 euros en principal selon l'arrêté de l'administrateur, de la classe 6 "créances litigieuses"vers la classe des créanciers chirographaires appropriée, à savoir soit la classe 3 "créanciers bancaires chirographaires avec court terme et avec dette sécurisée par ailleurs" soit la classe 4 "créanciers bancaires chirographaires avec court terme et sans dette sécurisée par ailleurs " ;
' à titre subsidiaire, si le juge-commissaire estimait que M. [V] ne peut intégrer des classes existantes, d'ordonner la création d'une nouvelle classe ou groupe regroupant l'ensemble des créanciers chirographaires actuellement groupés dans les classes 3 à 6 afin de respecter les exigences de communauté d'intérêt économique ;
' très subsidiairement de ventiler la créance de M. [V] entre une classe de créanciers garantis et une classe de créanciers non garantis ;
' et en tout état de cause, de condamner solidairement la SAS Intelligence Artificielle Applications (I2A) et Me [O] en qualité de mandataire judiciaire de la société Intelligence Artificielle Applications à lui payer la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Par dernières conclusions du 3 juillet 2025 à 13h37, la SAS Intelligence Artificielle Applications demande à la cour, au visa de l'article L. 626-30 du code de commerce, de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, y ajoutant, de débouter M. [V] de ses demandes, et de le condamner à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par dernières conclusions du 3 juillet 2025 à 11h18 la SELARL FHBX, en la personne de M. [P] [O], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Intelligence Artificielle Applications, et la SELARL Bleu Sud, prise en la personne de M. [X] [H], ès qualités de mandataire judiciaire de la société Intelligence Artificielle Applications demandent à la cour de confirmer l'ordonnance entreprise, de débouter l'appelant de toutes ses demandes, et de le condamner à lui payer la somme de 3600 euros chacun au titre de l'article 700 du code procédure civil outre les dépens de première instance et d'appel.
Par avis du 2 juillet 2025 communiqué aux autres parties par RPVA, le ministère public s'en rapporte à l'appréciation de la cour.
L'ordonnance de clôture est datée du 3 juillet 2025 à 14 heures.
MOTIFS :
M. [V] fait valoir au soutien de son appel les moyens suivants :
' le pourvoi en cassation ne confère pas de caractère "litigieux" à sa créance qui a été constatée par un arrêt de la cour d'appel, cette voie de recours extraordinaire n'étant pas suspensive d'exécution en application de l'article 579 du code de procédure civile, et faute de demande de suspension de l'exécution provisoire devant le premier président de la Cour de cassation ;
' si l'instance devra être reprise compte tenu de l'ouverture de la procédure de sauvegarde, la créance n'est pas pas pour autant litigieuse, M. [V] disposant d'un titre exécutoire, de sorte qu'elle est certaine, liquide et exigible ;
' la constitution d'une classe à créancier unique est irrégulière ; son isolement va à l'encontre de l'objectif de négociation collective poursuivie par la réforme, une négociation collective devenant impossible avec un créancier isolé ;
' il est un créancier chirographaire ordinaire dont les caractéristiques économiques sont identiques à celles des autres créanciers chirographaires ;
' la répartition actuelle conduit à un résultat absurde et discriminatoire : les classes 1 à 5 comprennent tous les créanciers représentant au total 2,5 millions d'euros, et la classe 6, un seul créancier représentant plus de 8 millions d'euros, alors qu'aucune différence de nature économique ne justifie ;
' l'isolement de M. [V] dans une classe séparée, qui n'a pas été justifiée par Me [O] alors que ce dernier est tenu par la réforme d'un devoir de transparence, apparaît comme une man'uvre destinée à neutraliser le pouvoir de vote de celui-ci au sein des créanciers chirographaires, l'empêcher de former une minorité de blocage, et faciliter l'adoption d'un plan extrêmement défavorable à ses intérêts ;
' l'insistance des organes de la procédure sur des considérations personnelles et relationnelles confirme cette instrumentalisation de la répartition en classes aux fins d'éviction individuelle ;
' selon l'éminent spécialiste de la procédure collective, le professeur [D], « La communauté d'intérêts implique de se placer du côté des créanciers, et non du côté du débiteur (')
Admettre un raisonnement inverse conduirait à autoriser le débiteur à composer les classes de parties affectées à sa guise, en fonction de son seul intérêt et de ses perspectives d'adoption du plan (')
Les créances chirographaires doivent donc en principe être traitées de la même manière et réunies au sein d'une même classe (')
La constitution de classes de parties affectées pourrait conduire à distinguer des créances chirographaires en différentes classes si cela sert l'adoption d'un plan permettant, in fine, un meilleur désintéressement des créanciers. Toutefois, cette scission entre créances chirographaires doit reposer sur de solides justifications » ;
' M. [V] ne bénéficie d'aucune garantie particulière et partage donc objectivement la situation économique que les autres créanciers chirographaires ;
' pour répondre aux moyens des organes de la procédure, la circonstance que M. [V] soit créancier au titre d'un contrat résilié plutôt que d'un contrat en cours ne modifie pas sa communauté d'intérêts économiques avec les autres chirographaires ;
' en définitive le maintien en classe 6 viderait de sa substance l'arrêt du 10 octobre 2024 portant atteinte à l'autorité de chose jugée et au caractère exécutoire des décisions de justice.
M. [V] ajoute à ces moyens, dans ses dernières écritures que :
' le premier président de la cour de ce siège, saisi en vue d'obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire de la sentence initiale, avait ordonné la constitution d'une garantie emportant affectation spéciale au profit de M. [V] en application de l'article 2350 du code civil, ce qui a pour effet de soustraire les fonds consignés du gage commun des créanciers ; sa créance est donc partiellement sécurisée par l'effet de cette garantie judiciaire ; il était donc indispensable de la ventiler au sein de deux classes distinctes, ce qui n'a pas été effectué ;
' par lettre du 2 juillet 2025 adressée au président d'I2A, dont copie aux organes de la procédure, M. [V] a formulé une proposition détaillée de restructuration de sa créance, montrant sa volonté de concilier ses intérêts légitimes avec les impératifs de redressement de l'entreprise : il consent à un abandon de sa créance de 35 % qui ramènerait sa créance à 5 250 000 €, contre la conversion de ce solde en obligations convertibles en actions, selon des modalités qui préservent intégralement la trésorerie de l'entreprise, et aux taux raisonnable de 4,5 % l'an avec paiement différé à échéance, devenant ainsi un partenaire aligné sur le succès futur de l'entreprise.
* L'article L. 628-1 du code de commerce dispose dans ses deux premiers alinéas :
« Il est institué une procédure de sauvegarde accélérée soumise aux règles du présent titre sous réserve des dispositions du présent chapitre. N'y sont pas applicables les dispositions du III et du IV de l'article L. 622-13 et celles des sections 3 et 4 du chapitre IV.
La procédure de sauvegarde accélérée est ouverte à la demande d'un débiteur engagé dans une procédure de conciliation qui justifie avoir élaboré un projet de plan tendant à assurer la pérennité de l'entreprise. Ce projet doit être susceptible de recueillir, de la part des parties affectées à l'égard desquelles l'ouverture de la procédure produira effet, un soutien suffisamment large pour rendre vraisemblable son adoption dans le délai prévu au premier alinéa de l'article L. 628-8. »
L'article L. 626-30 du code de commerce ajoute :
dans son III que « La composition des classes de parties affectées est déterminée au vu des créances et droits nés antérieurement à la date du jugement d'ouverture de la procédure. L'administrateur répartit, sur la base de critères objectifs, vérifiables, les parties affectées en classes représentatives d'une communauté d'intérêt économique suffisante en respectant les conditions suivantes :
1° Les créanciers titulaires de sûretés réelles portant sur les biens du débiteur, pour leurs créances garanties, et les autres créanciers sont répartis en classes distinctes ;
2° La répartition en classes respecte les accords de subordination conclus avant l'ouverture de la procédure ;
3° Les détenteurs de capital forment une ou plusieurs classes.».
dans son V que « L'administrateur soumet à chaque partie affectée les modalités de répartition en classes et de calcul des voix correspondant aux créances ou aux droits affectés leur permettant d'exprimer un vote. (...) En cas de désaccord, chaque partie affectée, le débiteur, le ministère public, le mandataire judiciaire ou l'administrateur peut saisir le juge-commissaire suivant les modalités prévues par décret en Conseil d'Etat ».
Selon l'alinéa 2 du I. de l'article R. 626-58 du même code, « Au moins vingt et un jours avant la date du vote, [l'administrateur] notifie à chaque partie affectée, sur le fondement du V de l'article L. 620-30, les modalités de répartition en classes et de calcul des voix retenues, au sein de la ou des classes auxquelles elle est affectée. Par le même acte, l'administrateur précise les critères retenus pour la composition des classes de parties affectées et dresse la liste de celles-ci. L'administrateur soumet également ces modalités de répartition et de calcul au débiteur et au mandataire judiciaire. Il en informe le ministère public. »
L'article R. 626-58-1 précise notamment, les modalités de contestation de la notification informant la partie de son affectation dans la classe de répartition considérée dans un délai de dix jours à compter de la notification prévue à l'article précédent.
La SELARL FHBX, prise en la personne de Me [P] [O], ès qualités d'administrateur de la SAS Intelligence Artificielle Applications, dans sa lettre de notification de classe datée du 28 mai 2025 (pièce n°2 des intimés, pages 2 et 3), indique :
« (')
Modalités de répartition en classes, critères retenus pour la composition des classes de parties affectées et liste des classes de parties affectées
Conformément aux dispositions de l'article L. 626-30, III du code de commerce, il m'appartient de répartir, sur la base de critères objectifs vérifiables, les parties affectées en classes représentatives d'une communauté d'intérêt économique suffisante en respectant les conditions suivantes :
Les créanciers titulaires de sûretés réelles portant sur les biens du débiteur, pour leurs créances garanties et les autres créanciers sont répartis en classes distinctes ;
La répartition en classes respecte les accords de subordination conclus avant l'ouverture de la procédure et portés à la connaissance de l'administrateur judiciaire ;
Les détenteurs de capital forment une ou plusieurs classes.
Les critères objectifs retenus pour constituer les classes ont notamment été :
La nature des créances : bancaires, publiques, litigieuses et comptes courants d'associés ;
L'existence de privilèges et de sûretés ;
La notion de communauté d'intérêt économique suffisante au sein de la classe. »
Au regard des textes applicables, notamment le III de l'article L. 626-60 du code de commerce qui impose de composer les classes en tenant compte de la nature de la créance, et dont il convient d'observer qu'il n'invite pas à prendre en compte la qualité du créancier, sans pour autant l'interdire, et surtout, eu égard aux termes de la notification qui doivent définir quels sont les critères objectifs, vérifiables, retenus pour affecter M. [V] en classe 6, il est inopérant d'en référer au « profil relationnel des créanciers n'ayant [guère] souhaité augmenter leur niveau de risque » pour prétendre justifier de la composition des classes, puis, de l'affectation de l'appelante dans la classe des « créances litigieuses ».
L'administrateur qui avait annoncé des critères objectifs, précis pour classer les créanciers, ne plaide pas utilement dans le cadre de la présente procédure que son choix de placer l'appelante dans la classe 6, serait fondé en réalité sur un défaut d'intérêt significatif de l'appelant à la restructuration.
Le tribunal dès lors ne pouvait pas retenir en ses motifs que "les créanciers membres des classes 3 et 4 consentent par ailleurs à l'entreprise des concours court-terme en vigueur à l'ouverture de la procédure, l'intérêt économique de ces créanciers résidant donc, au-delà de l'apurement de leurs créances, dans la poursuite de l'activité de la société"
En revanche la cour estime que le classement en classe 6 de la créance de M. [V] est pertinent dans la mesure où les classes 3 et 4 correspondent à des créanciers bancaires, ce qu'assurément M. [V], personne physique, n'est pas ; il s'agit d'une créance chirographaire issue d'un litige au titre d'une action en responsabilité contractuelle qui n'est pas une créance chirographaire bancaire issue d'un prêt en cours.
M. [V] ne dispose pas d'une communauté d'intérêt économique suffisante avec les créanciers bancaires.
Il existe donc un critère objectif vérifiable au classement de M. [V] en dehors des classes 3 et 4, dans une classe 6.
Il n'y a pas davantage lieu à quelque regroupement dans une classe unique de tous les créanciers chirographaires, comme il l'a sollicité à titre subsidiaire.
M. [V] figurera seul dans la classe 6, compte tenu de l'intérêt économique qui lui est propre, la débitrice plaidant utilement à cet égard que sa toute dernière proposition tendant à la conversion de sa créance en obligations convertibles, justifierait à elle seule son isolement, les créanciers d'une même classe ne pouvant souffrir un traitement inégal.
L'ordonnance déférée sera en conséquence confirmée par substitution des présents motifs à ceux du juge-commissaire, sauf à leur ajouter que l'intitulé "Créances litigieuses" sera plus justement dénommé par l'administrateur qui le soutient dans ses écritures, "Créance issue d'un litige".
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Maintient la composition des classes de parties affectées arrêtée par la SELARL FHBX, prise en la personne de Me [P] [O], ès qualités d'administrateur de la SAS Intelligence Artificielle Applications :
Dit que les dépens de première instance et d'appel seront frais de la procédure de sauvegarde accélérée de la SAS Intelligence Artificielle Applications,
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente