CA Versailles, ch. civ. 1-3, 10 juillet 2025, n° 22/03983
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 50Z
Chambre civile 1-3
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 10 JUILLET 2025
N° RG 22/03983 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VIF2
AFFAIRE :
S.C.I. GROUPE CKC
C/
S.A. EURASIA GROUPE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Avril 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 15]
N° Chambre : 7
N° Section :
N° RG : 19/02151
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Morgane FRANCESCHI, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Sophie LEGOND de la SCP LEGOND & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX JUILLET DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.C.I. GROUPE CKC
N° SIRET : 794 799 759
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentant : Me Morgane FRANCESCHI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 570
APPELANTE
****************
S.A. EURASIA GROUPE
N° SIRET : 391 683 240
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentant : Me Sophie LEGOND de la SCP LEGOND & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 7
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 avril 2025, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence PERRET, Présidente et Madame Charlotte GIRAULT, Conseillère, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence PERRET, Présidente
Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller
Madame Charlotte GIRAULT, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme FOULON,
FAITS ET PROCEDURE
Par acte sous seing privé du 21 janvier 2014, la société Eurasia Groupe et la société Groupe CKC ont convenu de constituer une société en participation aux fins de remttre une offre d'achat pour l'acquisition des murs des immeubles dénommés [Adresse 16] situés au [Adresse 11] à [Localité 14], cadastré section I n°[Cadastre 1].
Par acte notarié du 27 juin 2014, la société Eurasia Groupe a acquis seule ledit bien immobilier, cadastré section I n°[Cadastre 1].
Par acte notarié du 12 juillet 2018, la société Eurasia Groupe a vendu ledit bien immobilier à la société E-Nova pour la somme de 9 700 000 euros.
La société Groupe CKC a considéré que la société Eurasia Groupe avait manqué à ses obligations contractuelles en se retirant du projet immobilier commun.
Par exploit d'huissier du 21 février 2019, la société Groupe CKC a assigné la société Eurasia Groupe devant le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins d'indemnisation de ses préjudices.
Par jugement du 7 avril 2022, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
- débouté la société Groupe CKC de l'intégralité de ses demandes,
- condamné la société Groupe CKC au paiement de la somme de 5 000 euros à la société Eurasia Groupe au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Groupe CKC aux entiers dépens,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.
Par acte du 16 juin 2022, la société Groupe CKC a interjeté appel et prie la cour, par dernières écritures du 3 mars 2025, de :
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il la déboute de l'intégralité de ses demandes, la condamne au paiement de la somme de 5 000 euros à la société Eurasia Groupe au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
Statuant à nouveau,
- condamner la société Eurasia Groupe à lui verser la somme de 1 725 000 euros représentant la moitié de la plus-value réalisée par la société Eurasia Groupe lors de la revente des biens situés [Adresse 9] à [Localité 13] (Section I n°[Cadastre 1]),
- condamner la société Eurasia Groupe à lui verser la somme de 20 684 263 euros, dont 6 841 717,50 euros au titre de la parcelle section I n°[Cadastre 1] sis à [Localité 13] (94), du fait de la marge perdue en raison de la renonciation par la société Eurasia Groupe au projet d'opération immobilière qu'elle avait convenue de réaliser avec la société Groupe CKC sur les parcelles situées [Adresse 10] cadastrées Section I n°[Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] à [Localité 13] (94) et, à tout le moins, sur celle des [Adresse 8] cadastrée Section I n°[Cadastre 1] à [Localité 13] (94),
- condamner la société Eurasia Groupe à lui verser une somme de 500 000 euros au titre de
la présentation des biens situés [Adresse 9] à [Localité 13] (Section I n°[Cadastre 1]) et de 500 000 euros au titre des missions effectuées postérieurement,
- condamner la société Eurasia Groupe à lui verser la somme de 200 000 euros au titre de
la brutalité de la rupture et de l'atteinte à son image,
dire que les sommes que la société Eurasia Groupe sera condamnée à lui verser seront augmentées du taux d'intérêt légal à compter du 21 février 2019, date de l'assignation, capitalisé chaque année à compter de la première année,
- condamner la société Eurasia Groupe à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de
l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens distrait au profit de l'avocat postulant,
- débouter la société Eurasia Groupe de l'ensemble de ses demandes.
A cet effet, la société Groupe CKC fait valoir que :
- d'une part, elle est fondée à solliciter le versement d'une somme équivalente à la moitié de la plus-value réalisée par celle-ci lors de la revente des biens, soit 1 725 000 euros sur le fondement de l'obligation de partage des bénéfices ou, à défaut, de la responsabilité contractuelle en raison de l'inexécution reprochée à la société Eurasia,
Elle fait valoir, sur le fondement de l'obligation contractuelle de partage des bénéfices, que l'engagement de la société Eurasia à réaliser l'acquisition commune et à mettre en commun les profits de l'opération, la rend débitrice d'une somme équivalente à la moitié de la plus-value réalisée lors de la revente des biens.
Elle soutient par ailleurs que l'acquisition en son nom propre, réalisée de sa propre initiative, à l'insu de son cocontractant et en violation de ses obligations de gérant et d'associé, constitue une faute et une violation de son obligation contractuelle de loyauté à son égard, laquelle porte atteinte à l'image de la société Groupe CKC.
- d'autre part, la marge perdue en raison de sa renonciation au projet d'opération immobilière convenu avec la société Eurasia constitue un préjudice réparable ou, à défaut, doit être indemnisée au titre de la perte de chance en raison de l'abandon du projet de pouvoir vendre l'ensemble des parcelles concernées, ou, à tout le moins, celles faisant partie de la société en participation.
Enfin, elle estime pouvoir prétendre à une indemnité ou rémunération pour avoir présenté les biens à la société Eurasia, qui les acquis seule contrairement à ce qui avait été prévu, ainsi que pour les multiples démarches effectuées pour le montage de l'opération projetée.
Par dernières conclusions du 19 mars 2025, la société Eurasia Groupe prie la cour de :
- déclarer la société Groupe CKC recevable mais mal fondée en son appel, l'en débouter,
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
- condamner la société Groupe CKC au versement de la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Groupe CKC aux entiers dépens lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
A cet effet, la société Eurasia fait valoir que :
- elle n'a ni manqué à son devoir de loyauté, ni commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité, la société en participation ayant pris fin en raison de la disparition de son objet conformément à l'article 1186 du code civil, qui était la formulation d'une offre d'achat et la création d'une SAS.
- sur la demande relative à l'intermédiation immobilière, la société Groupe CKC doit être déboutée car elle ne produit aucun élément, courriel, courrier ou autre commencement de preuve par écrit établissant qu'elle serait intervenue en tant qu'intermédiaire dans la vente. En tout état de cause, même si de tels éléments existaient, la société Eurasia soutient qu'ils ne suffiraient pas à justifier l'attribution d'une rémunération pour l'entremise entre le preneur et le vendeur.
- sur les demandes au titre des missions réalisées et au titre de la marge prétendument perdue, la société Groupe CKC ne parvient pas à établir l'existence des dommages et pertes qu'elle aurait subis du fait de la faute alléguée, qui repose uniquement sur un document dactylographié qu'elle a elle-même rédigé, soit une étude de faisabilité, dont elle conteste la valeur contractuelle entre elles.
- sur la demande relative à la plus-value réalisée lors de la revente du bien, la société Groupe CKC n'étant est ni propriétaire, ni partie à l'acte d'acquisition, ni engagée par quelque obligation que ce soit à son égard, ne peut donc prétendre à aucune somme.
- sur la brutalité de la rupture et l'atteinte à l'image de marque, la société Groupe CKC ne démontre pas la moindre faute, brutalité, ou atteinte à son image, pouvant justifier l'attribution de dommages-intérêts.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 mars 2025.
EXPOSE DES MOTIFS
Sur la responsabilité de la société Eurasia demande de condamnation de la société Eurasia à la moitié de la plus-value effectuée sur la revente des biens acquis
Le tribunal a débouté la société Groupe CKC de sa demande estimant la défaillance de la société Eurasia insuffisamment démontrée.
Aux termes de l'article 1134 ancien du code civil, applicable au présent litige « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour des causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. »
L'article 1832 du code civil définit qu'une société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice et ajoute que les associés s'engagent à contribuer aux pertes.
L'article 1844-7 du même code définit les cas où la société prend fin au rang desquels figure la réalisation ou l'extinction de son objet.
Il est constant que la société en participation suppose l'existence d'apports et que ses associés soient animés de l'affectio societatis et de la volonté de s'associer, soit l'intention de collaborer sur un pied d'égalité à la réalisation d'un projet commun et l'intention de participer aux bénéfices ou aux économies ainsi qu'aux pertes éventuelles pouvant en résulter (Cass. Civ. 1ère, 20 janv. 2010, n° 08-13.200).
Il est par ailleurs constant que la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer et ne se déduit pas de la seule inaction ou du silence de son titulaire.
En l'espèce, la création d'une société en participation a été formalisée le 21 janvier 2014 entre les parties et n'est pas contestée. Elle avait pour objet décrit dans l'article 2 de la convention : « l'élaboration de l'acquisition des murs des immeubles dénommés Technopol 20, situés : [Adresse 11] à [Localité 14], d'une contenance de 6450m², locaux d'archives 200 m² et 107 places de parking souterrain », cadastré section I n°[Cadastre 1] et pour un prix net vendeur de 6 250 000 euros. Cette convention prévoit la répartition des frais d'études préliminaires et de la commission de l'intermédiaire, des gains dans le cadre de la revente du bien, objet de la convention, « l'objectif » d'acquisition en commun et de la réalisation conjointe de l'opération immobilière développant une surface de 6450m² ainsi que « la création d'une société par action simplifiées -SAS- qui sera détenue à hauteur de 50% de son capital par la société Eurasia Groupe Bony et 50% par la SCI Groupe CKC ».
La convention prévoit également en son article 3 que « la Société prendra fin lors de l'apurement définitif de tous les comptes qui seraient la conséquence directe ou indirecte de son objet sauf décision de dissolution décidée par les associés » et l'article 7 prévoit qu'à la dissolution de la Société, il sera procédé à l'apurement des comptes par les soins des gérants qui acquitteront le passif et réaliseront l'actif.
L'acquisition de cet ensemble immobilier a cependant été effectuée par la seule société Eurasia, selon acte notarié du 27 juin 2014, soit 5 mois après la signature entre les parties de la convention de société en participation, de sorte que l'objet de la convention s'est éteint du fait de l'achat de l'ensemble immobilier pour lequel, aux termes de la convention de société en participation, seule « l'élaboration du projet d'acquisition » était prévu contractuellement entre les parties.
La société Groupe CKC soutient toutefois que cette acquisition s'est faite à son insu, et conteste l'affirmation de la société Eurasia selon laquelle elle aurait renoncé au projet d'opération immobilière.
Il appartient à celui qui allègue de cette renonciation, qu'elle soit expresse ou tacite, de démontrer que la volonté de renoncer est non équivoque, ce qui suppose des actes positifs.
Or, la société Eurasia ne démontre nullement que la société Groupe CKC a renoncé de manière non équivoque à acquérir le bien dans le cadre de la société en participation conclue en janvier 2014.
La société Eurasia ne démontre pas non plus avoir sollicité la société CKC dans le cadre des opérations immobilières ou l'avoir informée a minima qu'elle s'engageait seule, et se contente d'affirmer que « sans retour de la société Groupe CKC et sans opposition de sa part après la signature de la promesse de vente [ mars 2014] et de l'acte définitif [juin 2014], il est évident que la demanderesse avait renoncé à conclure ».
Aucune renonciation expresse au projet de la part de la société Groupe CKC.
Cependant, il convient de vérifier si les conditions de la renonciation tacite sont réunies qui résulte de circonstances établissant sans équivoque la volonté de ne pas se prévaloir de la société en participation. Or, les parties ne produisent curieusement aucun élément permettant de considérer que d'éventuels pourparlers conjointement menés portant sur la parcelle litigieuse ont eu lieu entre janvier 2014 et la mise en demeure du mois de juin 2018, ou que la SAS prévue a été créée. Il résulte pourtant d'un message du 5 février 2016 de M. [H], et d'une attestation de M. [W], urbaniste, architecte, qu'au moins un entretien entre la société Groupe CKC et un architecte s'est tenu « dans les locaux d'Eurasia », mais sans que la date ne soit précisée. Il résulte encore de courriels de M. [E], directeur immobilier de la société CKC que différents échanges ont eu lieu entre octobre 2016 et juillet 2017 au sujet d'un projet « Cora Extension », ce qui prouve que la société CKC continuait d'avoir des rapports avec la société Eurasia par ailleurs. La société Groupe CKC a poursuivi en outre des projets de promotion concernant les parcelles (18 et [Cadastre 3]) voisines de la parcelle litigieuse ([Cadastre 1]), sans aboutir à un achat, comme en témoigne le propriétaire de ces parcelles, alors que le projet d'architecte de la société Auber'archi, mené par la société Eurasia englobait les parcelles [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] en juillet 2016.
Sans autre élément produit de part et d'autre, il ne peut qu'être constaté que l'action de la société Groupe CKC est étonnamment tardive, 4 ans après l'achat par la société Eurasia et fait suite à l'échec de l'achat des parcelles I18 et I19, alors que les sociétés communiquaient et qu'aucune rupture des échanges n'est invoquée durant cette période. Dans ce contexte d'opération immobilière de grande ampleur, il ne peut sérieusement être soutenu que la société CKC n'était pas informée de l'achat effectué par la société Eurasia avant 2018, alors même qu'elle demande à se voir constater un contrat d'entremise et sa participation postérieure au projet d'aménagement du terrain.
La cour relève que l'information de l'achat de la parcelle I [Cadastre 1] n'est d'ailleurs pas datée par l'appelante, de sorte qu'il résulte des conclusions des parties une volonté de ne pas donner les éléments utiles à la juste appréciation des relations entre les parties et des étapes du projet commercial envisagé.
La société Groupe CKC a ensuite engagé la responsabilité contractuelle dans les formes prévues à la convention en cas de défaillance, prévue à l'article 9, selon lequel « la défaillance d'un associé est constituée de l'inexécution de l'une quelconque des obligations lui incombant, et ce, 15 jours après mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée par le gérant, restée infructueuse. (') », par courrier de mise en demeure réceptionnée le 15 juin 2018, soit 4 ans après la transaction, sans par ailleurs ni démontrer d'acte positif exprimant sa volonté de poursuivre l'opération immobilière par la remise effective d'une offre commune avec la société Eurasia Groupe sur la parcelle litigieuse, ni même démontrer qu'elle assurait un suivi de l'exécution de la société en participation.
Ainsi l'absence de dénonciation et d'action à l'encontre de son associée, alors même que les échanges se poursuivaient doit s'analyser comme une renonciation tacite de la société Groupe CKC à se prévaloir de la société en participation au regard des seuls éléments produits.
Il ne peut être reproché à la société Eurasia l'inexécution de la remise conjointe de l'offre d'achat, alors que l'existence-même l'offre conjointe n'est pas même justifiée par l'appelante, et alors que les parties ne précisent pas l'avoir effectivement préparée et finalisée ensemble en exécution de leur engagement. De surcroît, la convention de société en participation ne mentionne pas que les parties s'interdisent d'acquérir autrement le bien et notamment en déposant une offre indépendante le cas échéant.
La société en participation a donc pris fin par l'extinction de son objet du fait de la vente de la parcelle à la société Eurasia, faisant suite à son offre présentée indépendamment de la société Groupe CKC, sans que cette circonstance ne constitue une violation de ses engagements contractuels, dans la mesure où cette dernière avait effectivement renoncé tacitement à la société en participation. En effet, si la convention précise que « La Société Eurasia Groupe Bony et la SCI Groupe CKC ont décidé de réaliser, ensemble, l'opération immobilière, les parties se sont, à cet effet, rapprochées dans le but : D'acquérir conjointement, le bien immobilier situé sur la parcelle sis, [Adresse 12] ; De réaliser conjointement une opération immobilière développant une surface 6450 m2 », il n'en demeure pas moins que le seul objet décrit par la convention est la remise d'une offre conjointe et non l'acquisition des biens, pour laquelle une SAS devait être constituée par ailleurs
De plus, la société Groupe CKC ne démontre pas que la société Eurasia a manqué à son devoir de loyauté envers son associée, en ne l'informant pas qu'elle présentait seule une offre pourtant prévue comme conjointe, puisque les occasions d'échanges postérieurs n'ont pas manqué et qu'elle n'indique même pas dans quelles circonstances elle aurait « découvert » l'achat qui aurait été fait « à son insu » et qu'elle l'aurait contesté.
L'extinction, du fait de l'achat, de l'objet de la société en participation (à savoir la remise d'une offre commune) a entraîné de facto la caducité du contrat du fait de la disparition d'un élément essentiel de celui-ci, en application de l'article 1186 du code civil.
L'absence de remise d'offre commune en tant que telle (et non l'absence d'acquisition indivise, comme le soutient toujours en appel la société CKC) ne constitue pas une faute à la charge de la société Eurasia, la société Groupe CKC ne démontrant pas ce qu'elle a elle-même produit pour mener à bien cette entreprise commune. Il n'en demeure pas moins la nécessité de liquider de manière autonome la société en participation, conformément aux termes de l'article 3 de sa convention, selon lequel « la société prendra fin lors de l'apurement définitif de tous les comptes qui seraient la conséquence directe ou indirecte de son objet sauf décision de dissolution décidée par les associés. »
La société en participation n'a été dénoncée par aucune des parties.
Mais l'acquisition faite par la société Eurasia, d'une part n'entrait pas dans l'objet défini de la société et d'autre part a été effectuée par un associé en son nom personnel, de telle sorte que le bien acquis n'a pas pu devenir indivis, conformément aux article 1872-1 du code civil. Il n'existe en conséquence pas en l'espèce de droit au partage de bénéfices, qui seraient constitués de la plus-value sur l'achat -revente du bien immobilier visé dans la société en participation.
De même « la marge perdue en raison de la renonciation par la société Eurasia au projet d'opération immobilière qu'elle avait convenue de réaliser avec la société Groupe CKC sur les parcelles (') cadastrées Section I n°[Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] (') et, à tout le moins, sur celle (') cadastrée Section I n°[Cadastre 1] (') » n'est absolument pas démontrée, dès lors que la société en participation ne portait pas sur les parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 3], mais également parce que l'acquisition de la parcelle I14 n'était pas l'objet de ladite société en participation. Seuls les frais d'études prévus à l'article 4 de la convention peuvent faire l'objet de comptes entre les parties, mais dans la mesure où il est prévu qu'ils resteront à la charge de chaque associé, il n'y a pas lieu de les liquider.
Enfin, il est constant que la perte de chance correspond à la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable (Civ. 1ère, 21 nov. 2006, n° 05-15.674), ce qui suppose de démontrer l'existence de chances non hypothétiques de survenance de l'évènement heureux (Civ. 2e, 16 juillet 2020, n° 19-12.656). A cet égard, la perte de chance, alléguée par la société Groupe CKC, de pouvoir acheter le bien visé dans la convention de société en participation est bien indemnisable, mais encore faut-il démontrer que cette chance n'était pas hypothétique. Or en l'espèce, la société CKC ne démontre nullement un commencement de preuve de participation à la rédaction d'une offre conjointe avec la société Eurasia ni de la création de la SAS prévue pour acheter le bien. De même, elle ne démontre pas en quoi la remise de l'offre aurait permis de manière certaine l'acquisition commune de la parcelle litigieuse auprès du propriétaire.
Par ces motifs ajoutés à ceux du tribunal et que la cour adopte, la société Groupe CKC est déboutée de l'ensemble de ses demandes au titre d'une mauvaise exécution des obligations contractuelles issues de la société en participation et de sa liquidation, y compris au titre de la perte de chance.
Le jugement est donc confirmé.
Sur la demande d'indemnité pour présentation des biens
Le tribunal a débouté la société Groupe CKC de sa demande, estimant qu'il n'était pas établi que la société groupe CKC ait joué un rôle d'intermédiaire dans l'opération projetée pour la parcelle I14, ni qu'elle ait été missionnée par la société Eurasia pour quoi que ce soit pour les parcelles I18 et I19.
L'article 1147 devenu 1231-1 du code civil prévoit que « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ».
L'article 1149 devenu 1231-2 ajoute que « les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci'après » .
Par ailleurs, les prestations délivrées à un professionnel sont toujours présumées être à titre onéreux et leur prix fixé, en l'absence d'accord, par le juge.
Or, d'une part la faute contractuelle de la société Eurasia n'a pas été retenue.
D'autre part, si la société Groupe CKC affirme n'avoir reçu aucune indemnité ou rémunération pour la présentation des biens à Eurasia, elle ne démontre pas davantage en appel que devant les premiers juge qu'elle est à l'origine de la présentation du bien ni qu'elle était missionnée dans le montage de l'opération, sa présence à des réunions avec l'architecte et la mairie ne permettant pas à elle seule de démontrer un quelconque mandat d'entremise qui pourrait être indemnisé.
Aucun élément d'ordre budgétaire ou organisationnel n'est produit, ni aucun compte-rendu de réunions ou des rencontres avec les interlocuteurs du projet de promotion immobilière.
Le jugement est donc confirmé de ce chef.
Sur la demande d'indemnisation du préjudice d'image de la société Groupe CKC
La société Groupe CKC affirme que la société intimée a agi de manière déloyale en rompant sans prévenir l'opération prévue, ce qui aurait porté atteinte à son image, ce qui est contesté par la société Eurasia.
Pour autant, la société Groupe CKC indique qu'elle n'a jamais réalisé d'autres mises en relation immobilière que celle en cause et ne donne aucun élément permettant de relever une atteinte à son image, dans le cadre de ses démarches, pas même les raisons qui ont conduit à l'absence d'achat des parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 3], malgré la promesse qui avait été signée.
De même, en l'absence de faute à l'origine de ce préjudice non démontré, rien ne justifie l'attribution de dommages-intérêts de ce chef, de sorte que le jugement sera confirmé.
Sur les autres demandes
Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont confirmées.
La société Groupe CKC succombant est condamnée aux dépens ainsi qu'à verser à la société Eurasia la somme de 4 000 euros au titre de ses frais irrépétibles engagés,
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par décision contradictoire mise à disposition,
Confirme le jugement dans ses dispositions soumises à la cour ,
Y ajoutant,
Condamne la société civile immobilière Groupe CKC à verser à la société Eurasia Groupe la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société civile immobilière Groupe CKC aux dépens, lesquels seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Charlotte GIRAULT, Conseillère pour la présidente empêchée et par Madame FOULON, Greffière , auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, Pour la présidente empêchée,
DE
VERSAILLES
Code nac : 50Z
Chambre civile 1-3
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 10 JUILLET 2025
N° RG 22/03983 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VIF2
AFFAIRE :
S.C.I. GROUPE CKC
C/
S.A. EURASIA GROUPE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Avril 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 15]
N° Chambre : 7
N° Section :
N° RG : 19/02151
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Morgane FRANCESCHI, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Sophie LEGOND de la SCP LEGOND & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX JUILLET DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.C.I. GROUPE CKC
N° SIRET : 794 799 759
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentant : Me Morgane FRANCESCHI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 570
APPELANTE
****************
S.A. EURASIA GROUPE
N° SIRET : 391 683 240
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentant : Me Sophie LEGOND de la SCP LEGOND & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 7
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 avril 2025, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence PERRET, Présidente et Madame Charlotte GIRAULT, Conseillère, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence PERRET, Présidente
Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller
Madame Charlotte GIRAULT, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme FOULON,
FAITS ET PROCEDURE
Par acte sous seing privé du 21 janvier 2014, la société Eurasia Groupe et la société Groupe CKC ont convenu de constituer une société en participation aux fins de remttre une offre d'achat pour l'acquisition des murs des immeubles dénommés [Adresse 16] situés au [Adresse 11] à [Localité 14], cadastré section I n°[Cadastre 1].
Par acte notarié du 27 juin 2014, la société Eurasia Groupe a acquis seule ledit bien immobilier, cadastré section I n°[Cadastre 1].
Par acte notarié du 12 juillet 2018, la société Eurasia Groupe a vendu ledit bien immobilier à la société E-Nova pour la somme de 9 700 000 euros.
La société Groupe CKC a considéré que la société Eurasia Groupe avait manqué à ses obligations contractuelles en se retirant du projet immobilier commun.
Par exploit d'huissier du 21 février 2019, la société Groupe CKC a assigné la société Eurasia Groupe devant le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins d'indemnisation de ses préjudices.
Par jugement du 7 avril 2022, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
- débouté la société Groupe CKC de l'intégralité de ses demandes,
- condamné la société Groupe CKC au paiement de la somme de 5 000 euros à la société Eurasia Groupe au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Groupe CKC aux entiers dépens,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.
Par acte du 16 juin 2022, la société Groupe CKC a interjeté appel et prie la cour, par dernières écritures du 3 mars 2025, de :
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il la déboute de l'intégralité de ses demandes, la condamne au paiement de la somme de 5 000 euros à la société Eurasia Groupe au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
Statuant à nouveau,
- condamner la société Eurasia Groupe à lui verser la somme de 1 725 000 euros représentant la moitié de la plus-value réalisée par la société Eurasia Groupe lors de la revente des biens situés [Adresse 9] à [Localité 13] (Section I n°[Cadastre 1]),
- condamner la société Eurasia Groupe à lui verser la somme de 20 684 263 euros, dont 6 841 717,50 euros au titre de la parcelle section I n°[Cadastre 1] sis à [Localité 13] (94), du fait de la marge perdue en raison de la renonciation par la société Eurasia Groupe au projet d'opération immobilière qu'elle avait convenue de réaliser avec la société Groupe CKC sur les parcelles situées [Adresse 10] cadastrées Section I n°[Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] à [Localité 13] (94) et, à tout le moins, sur celle des [Adresse 8] cadastrée Section I n°[Cadastre 1] à [Localité 13] (94),
- condamner la société Eurasia Groupe à lui verser une somme de 500 000 euros au titre de
la présentation des biens situés [Adresse 9] à [Localité 13] (Section I n°[Cadastre 1]) et de 500 000 euros au titre des missions effectuées postérieurement,
- condamner la société Eurasia Groupe à lui verser la somme de 200 000 euros au titre de
la brutalité de la rupture et de l'atteinte à son image,
dire que les sommes que la société Eurasia Groupe sera condamnée à lui verser seront augmentées du taux d'intérêt légal à compter du 21 février 2019, date de l'assignation, capitalisé chaque année à compter de la première année,
- condamner la société Eurasia Groupe à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de
l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens distrait au profit de l'avocat postulant,
- débouter la société Eurasia Groupe de l'ensemble de ses demandes.
A cet effet, la société Groupe CKC fait valoir que :
- d'une part, elle est fondée à solliciter le versement d'une somme équivalente à la moitié de la plus-value réalisée par celle-ci lors de la revente des biens, soit 1 725 000 euros sur le fondement de l'obligation de partage des bénéfices ou, à défaut, de la responsabilité contractuelle en raison de l'inexécution reprochée à la société Eurasia,
Elle fait valoir, sur le fondement de l'obligation contractuelle de partage des bénéfices, que l'engagement de la société Eurasia à réaliser l'acquisition commune et à mettre en commun les profits de l'opération, la rend débitrice d'une somme équivalente à la moitié de la plus-value réalisée lors de la revente des biens.
Elle soutient par ailleurs que l'acquisition en son nom propre, réalisée de sa propre initiative, à l'insu de son cocontractant et en violation de ses obligations de gérant et d'associé, constitue une faute et une violation de son obligation contractuelle de loyauté à son égard, laquelle porte atteinte à l'image de la société Groupe CKC.
- d'autre part, la marge perdue en raison de sa renonciation au projet d'opération immobilière convenu avec la société Eurasia constitue un préjudice réparable ou, à défaut, doit être indemnisée au titre de la perte de chance en raison de l'abandon du projet de pouvoir vendre l'ensemble des parcelles concernées, ou, à tout le moins, celles faisant partie de la société en participation.
Enfin, elle estime pouvoir prétendre à une indemnité ou rémunération pour avoir présenté les biens à la société Eurasia, qui les acquis seule contrairement à ce qui avait été prévu, ainsi que pour les multiples démarches effectuées pour le montage de l'opération projetée.
Par dernières conclusions du 19 mars 2025, la société Eurasia Groupe prie la cour de :
- déclarer la société Groupe CKC recevable mais mal fondée en son appel, l'en débouter,
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
- condamner la société Groupe CKC au versement de la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Groupe CKC aux entiers dépens lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
A cet effet, la société Eurasia fait valoir que :
- elle n'a ni manqué à son devoir de loyauté, ni commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité, la société en participation ayant pris fin en raison de la disparition de son objet conformément à l'article 1186 du code civil, qui était la formulation d'une offre d'achat et la création d'une SAS.
- sur la demande relative à l'intermédiation immobilière, la société Groupe CKC doit être déboutée car elle ne produit aucun élément, courriel, courrier ou autre commencement de preuve par écrit établissant qu'elle serait intervenue en tant qu'intermédiaire dans la vente. En tout état de cause, même si de tels éléments existaient, la société Eurasia soutient qu'ils ne suffiraient pas à justifier l'attribution d'une rémunération pour l'entremise entre le preneur et le vendeur.
- sur les demandes au titre des missions réalisées et au titre de la marge prétendument perdue, la société Groupe CKC ne parvient pas à établir l'existence des dommages et pertes qu'elle aurait subis du fait de la faute alléguée, qui repose uniquement sur un document dactylographié qu'elle a elle-même rédigé, soit une étude de faisabilité, dont elle conteste la valeur contractuelle entre elles.
- sur la demande relative à la plus-value réalisée lors de la revente du bien, la société Groupe CKC n'étant est ni propriétaire, ni partie à l'acte d'acquisition, ni engagée par quelque obligation que ce soit à son égard, ne peut donc prétendre à aucune somme.
- sur la brutalité de la rupture et l'atteinte à l'image de marque, la société Groupe CKC ne démontre pas la moindre faute, brutalité, ou atteinte à son image, pouvant justifier l'attribution de dommages-intérêts.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 mars 2025.
EXPOSE DES MOTIFS
Sur la responsabilité de la société Eurasia demande de condamnation de la société Eurasia à la moitié de la plus-value effectuée sur la revente des biens acquis
Le tribunal a débouté la société Groupe CKC de sa demande estimant la défaillance de la société Eurasia insuffisamment démontrée.
Aux termes de l'article 1134 ancien du code civil, applicable au présent litige « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour des causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. »
L'article 1832 du code civil définit qu'une société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice et ajoute que les associés s'engagent à contribuer aux pertes.
L'article 1844-7 du même code définit les cas où la société prend fin au rang desquels figure la réalisation ou l'extinction de son objet.
Il est constant que la société en participation suppose l'existence d'apports et que ses associés soient animés de l'affectio societatis et de la volonté de s'associer, soit l'intention de collaborer sur un pied d'égalité à la réalisation d'un projet commun et l'intention de participer aux bénéfices ou aux économies ainsi qu'aux pertes éventuelles pouvant en résulter (Cass. Civ. 1ère, 20 janv. 2010, n° 08-13.200).
Il est par ailleurs constant que la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer et ne se déduit pas de la seule inaction ou du silence de son titulaire.
En l'espèce, la création d'une société en participation a été formalisée le 21 janvier 2014 entre les parties et n'est pas contestée. Elle avait pour objet décrit dans l'article 2 de la convention : « l'élaboration de l'acquisition des murs des immeubles dénommés Technopol 20, situés : [Adresse 11] à [Localité 14], d'une contenance de 6450m², locaux d'archives 200 m² et 107 places de parking souterrain », cadastré section I n°[Cadastre 1] et pour un prix net vendeur de 6 250 000 euros. Cette convention prévoit la répartition des frais d'études préliminaires et de la commission de l'intermédiaire, des gains dans le cadre de la revente du bien, objet de la convention, « l'objectif » d'acquisition en commun et de la réalisation conjointe de l'opération immobilière développant une surface de 6450m² ainsi que « la création d'une société par action simplifiées -SAS- qui sera détenue à hauteur de 50% de son capital par la société Eurasia Groupe Bony et 50% par la SCI Groupe CKC ».
La convention prévoit également en son article 3 que « la Société prendra fin lors de l'apurement définitif de tous les comptes qui seraient la conséquence directe ou indirecte de son objet sauf décision de dissolution décidée par les associés » et l'article 7 prévoit qu'à la dissolution de la Société, il sera procédé à l'apurement des comptes par les soins des gérants qui acquitteront le passif et réaliseront l'actif.
L'acquisition de cet ensemble immobilier a cependant été effectuée par la seule société Eurasia, selon acte notarié du 27 juin 2014, soit 5 mois après la signature entre les parties de la convention de société en participation, de sorte que l'objet de la convention s'est éteint du fait de l'achat de l'ensemble immobilier pour lequel, aux termes de la convention de société en participation, seule « l'élaboration du projet d'acquisition » était prévu contractuellement entre les parties.
La société Groupe CKC soutient toutefois que cette acquisition s'est faite à son insu, et conteste l'affirmation de la société Eurasia selon laquelle elle aurait renoncé au projet d'opération immobilière.
Il appartient à celui qui allègue de cette renonciation, qu'elle soit expresse ou tacite, de démontrer que la volonté de renoncer est non équivoque, ce qui suppose des actes positifs.
Or, la société Eurasia ne démontre nullement que la société Groupe CKC a renoncé de manière non équivoque à acquérir le bien dans le cadre de la société en participation conclue en janvier 2014.
La société Eurasia ne démontre pas non plus avoir sollicité la société CKC dans le cadre des opérations immobilières ou l'avoir informée a minima qu'elle s'engageait seule, et se contente d'affirmer que « sans retour de la société Groupe CKC et sans opposition de sa part après la signature de la promesse de vente [ mars 2014] et de l'acte définitif [juin 2014], il est évident que la demanderesse avait renoncé à conclure ».
Aucune renonciation expresse au projet de la part de la société Groupe CKC.
Cependant, il convient de vérifier si les conditions de la renonciation tacite sont réunies qui résulte de circonstances établissant sans équivoque la volonté de ne pas se prévaloir de la société en participation. Or, les parties ne produisent curieusement aucun élément permettant de considérer que d'éventuels pourparlers conjointement menés portant sur la parcelle litigieuse ont eu lieu entre janvier 2014 et la mise en demeure du mois de juin 2018, ou que la SAS prévue a été créée. Il résulte pourtant d'un message du 5 février 2016 de M. [H], et d'une attestation de M. [W], urbaniste, architecte, qu'au moins un entretien entre la société Groupe CKC et un architecte s'est tenu « dans les locaux d'Eurasia », mais sans que la date ne soit précisée. Il résulte encore de courriels de M. [E], directeur immobilier de la société CKC que différents échanges ont eu lieu entre octobre 2016 et juillet 2017 au sujet d'un projet « Cora Extension », ce qui prouve que la société CKC continuait d'avoir des rapports avec la société Eurasia par ailleurs. La société Groupe CKC a poursuivi en outre des projets de promotion concernant les parcelles (18 et [Cadastre 3]) voisines de la parcelle litigieuse ([Cadastre 1]), sans aboutir à un achat, comme en témoigne le propriétaire de ces parcelles, alors que le projet d'architecte de la société Auber'archi, mené par la société Eurasia englobait les parcelles [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] en juillet 2016.
Sans autre élément produit de part et d'autre, il ne peut qu'être constaté que l'action de la société Groupe CKC est étonnamment tardive, 4 ans après l'achat par la société Eurasia et fait suite à l'échec de l'achat des parcelles I18 et I19, alors que les sociétés communiquaient et qu'aucune rupture des échanges n'est invoquée durant cette période. Dans ce contexte d'opération immobilière de grande ampleur, il ne peut sérieusement être soutenu que la société CKC n'était pas informée de l'achat effectué par la société Eurasia avant 2018, alors même qu'elle demande à se voir constater un contrat d'entremise et sa participation postérieure au projet d'aménagement du terrain.
La cour relève que l'information de l'achat de la parcelle I [Cadastre 1] n'est d'ailleurs pas datée par l'appelante, de sorte qu'il résulte des conclusions des parties une volonté de ne pas donner les éléments utiles à la juste appréciation des relations entre les parties et des étapes du projet commercial envisagé.
La société Groupe CKC a ensuite engagé la responsabilité contractuelle dans les formes prévues à la convention en cas de défaillance, prévue à l'article 9, selon lequel « la défaillance d'un associé est constituée de l'inexécution de l'une quelconque des obligations lui incombant, et ce, 15 jours après mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée par le gérant, restée infructueuse. (') », par courrier de mise en demeure réceptionnée le 15 juin 2018, soit 4 ans après la transaction, sans par ailleurs ni démontrer d'acte positif exprimant sa volonté de poursuivre l'opération immobilière par la remise effective d'une offre commune avec la société Eurasia Groupe sur la parcelle litigieuse, ni même démontrer qu'elle assurait un suivi de l'exécution de la société en participation.
Ainsi l'absence de dénonciation et d'action à l'encontre de son associée, alors même que les échanges se poursuivaient doit s'analyser comme une renonciation tacite de la société Groupe CKC à se prévaloir de la société en participation au regard des seuls éléments produits.
Il ne peut être reproché à la société Eurasia l'inexécution de la remise conjointe de l'offre d'achat, alors que l'existence-même l'offre conjointe n'est pas même justifiée par l'appelante, et alors que les parties ne précisent pas l'avoir effectivement préparée et finalisée ensemble en exécution de leur engagement. De surcroît, la convention de société en participation ne mentionne pas que les parties s'interdisent d'acquérir autrement le bien et notamment en déposant une offre indépendante le cas échéant.
La société en participation a donc pris fin par l'extinction de son objet du fait de la vente de la parcelle à la société Eurasia, faisant suite à son offre présentée indépendamment de la société Groupe CKC, sans que cette circonstance ne constitue une violation de ses engagements contractuels, dans la mesure où cette dernière avait effectivement renoncé tacitement à la société en participation. En effet, si la convention précise que « La Société Eurasia Groupe Bony et la SCI Groupe CKC ont décidé de réaliser, ensemble, l'opération immobilière, les parties se sont, à cet effet, rapprochées dans le but : D'acquérir conjointement, le bien immobilier situé sur la parcelle sis, [Adresse 12] ; De réaliser conjointement une opération immobilière développant une surface 6450 m2 », il n'en demeure pas moins que le seul objet décrit par la convention est la remise d'une offre conjointe et non l'acquisition des biens, pour laquelle une SAS devait être constituée par ailleurs
De plus, la société Groupe CKC ne démontre pas que la société Eurasia a manqué à son devoir de loyauté envers son associée, en ne l'informant pas qu'elle présentait seule une offre pourtant prévue comme conjointe, puisque les occasions d'échanges postérieurs n'ont pas manqué et qu'elle n'indique même pas dans quelles circonstances elle aurait « découvert » l'achat qui aurait été fait « à son insu » et qu'elle l'aurait contesté.
L'extinction, du fait de l'achat, de l'objet de la société en participation (à savoir la remise d'une offre commune) a entraîné de facto la caducité du contrat du fait de la disparition d'un élément essentiel de celui-ci, en application de l'article 1186 du code civil.
L'absence de remise d'offre commune en tant que telle (et non l'absence d'acquisition indivise, comme le soutient toujours en appel la société CKC) ne constitue pas une faute à la charge de la société Eurasia, la société Groupe CKC ne démontrant pas ce qu'elle a elle-même produit pour mener à bien cette entreprise commune. Il n'en demeure pas moins la nécessité de liquider de manière autonome la société en participation, conformément aux termes de l'article 3 de sa convention, selon lequel « la société prendra fin lors de l'apurement définitif de tous les comptes qui seraient la conséquence directe ou indirecte de son objet sauf décision de dissolution décidée par les associés. »
La société en participation n'a été dénoncée par aucune des parties.
Mais l'acquisition faite par la société Eurasia, d'une part n'entrait pas dans l'objet défini de la société et d'autre part a été effectuée par un associé en son nom personnel, de telle sorte que le bien acquis n'a pas pu devenir indivis, conformément aux article 1872-1 du code civil. Il n'existe en conséquence pas en l'espèce de droit au partage de bénéfices, qui seraient constitués de la plus-value sur l'achat -revente du bien immobilier visé dans la société en participation.
De même « la marge perdue en raison de la renonciation par la société Eurasia au projet d'opération immobilière qu'elle avait convenue de réaliser avec la société Groupe CKC sur les parcelles (') cadastrées Section I n°[Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] (') et, à tout le moins, sur celle (') cadastrée Section I n°[Cadastre 1] (') » n'est absolument pas démontrée, dès lors que la société en participation ne portait pas sur les parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 3], mais également parce que l'acquisition de la parcelle I14 n'était pas l'objet de ladite société en participation. Seuls les frais d'études prévus à l'article 4 de la convention peuvent faire l'objet de comptes entre les parties, mais dans la mesure où il est prévu qu'ils resteront à la charge de chaque associé, il n'y a pas lieu de les liquider.
Enfin, il est constant que la perte de chance correspond à la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable (Civ. 1ère, 21 nov. 2006, n° 05-15.674), ce qui suppose de démontrer l'existence de chances non hypothétiques de survenance de l'évènement heureux (Civ. 2e, 16 juillet 2020, n° 19-12.656). A cet égard, la perte de chance, alléguée par la société Groupe CKC, de pouvoir acheter le bien visé dans la convention de société en participation est bien indemnisable, mais encore faut-il démontrer que cette chance n'était pas hypothétique. Or en l'espèce, la société CKC ne démontre nullement un commencement de preuve de participation à la rédaction d'une offre conjointe avec la société Eurasia ni de la création de la SAS prévue pour acheter le bien. De même, elle ne démontre pas en quoi la remise de l'offre aurait permis de manière certaine l'acquisition commune de la parcelle litigieuse auprès du propriétaire.
Par ces motifs ajoutés à ceux du tribunal et que la cour adopte, la société Groupe CKC est déboutée de l'ensemble de ses demandes au titre d'une mauvaise exécution des obligations contractuelles issues de la société en participation et de sa liquidation, y compris au titre de la perte de chance.
Le jugement est donc confirmé.
Sur la demande d'indemnité pour présentation des biens
Le tribunal a débouté la société Groupe CKC de sa demande, estimant qu'il n'était pas établi que la société groupe CKC ait joué un rôle d'intermédiaire dans l'opération projetée pour la parcelle I14, ni qu'elle ait été missionnée par la société Eurasia pour quoi que ce soit pour les parcelles I18 et I19.
L'article 1147 devenu 1231-1 du code civil prévoit que « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ».
L'article 1149 devenu 1231-2 ajoute que « les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci'après » .
Par ailleurs, les prestations délivrées à un professionnel sont toujours présumées être à titre onéreux et leur prix fixé, en l'absence d'accord, par le juge.
Or, d'une part la faute contractuelle de la société Eurasia n'a pas été retenue.
D'autre part, si la société Groupe CKC affirme n'avoir reçu aucune indemnité ou rémunération pour la présentation des biens à Eurasia, elle ne démontre pas davantage en appel que devant les premiers juge qu'elle est à l'origine de la présentation du bien ni qu'elle était missionnée dans le montage de l'opération, sa présence à des réunions avec l'architecte et la mairie ne permettant pas à elle seule de démontrer un quelconque mandat d'entremise qui pourrait être indemnisé.
Aucun élément d'ordre budgétaire ou organisationnel n'est produit, ni aucun compte-rendu de réunions ou des rencontres avec les interlocuteurs du projet de promotion immobilière.
Le jugement est donc confirmé de ce chef.
Sur la demande d'indemnisation du préjudice d'image de la société Groupe CKC
La société Groupe CKC affirme que la société intimée a agi de manière déloyale en rompant sans prévenir l'opération prévue, ce qui aurait porté atteinte à son image, ce qui est contesté par la société Eurasia.
Pour autant, la société Groupe CKC indique qu'elle n'a jamais réalisé d'autres mises en relation immobilière que celle en cause et ne donne aucun élément permettant de relever une atteinte à son image, dans le cadre de ses démarches, pas même les raisons qui ont conduit à l'absence d'achat des parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 3], malgré la promesse qui avait été signée.
De même, en l'absence de faute à l'origine de ce préjudice non démontré, rien ne justifie l'attribution de dommages-intérêts de ce chef, de sorte que le jugement sera confirmé.
Sur les autres demandes
Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont confirmées.
La société Groupe CKC succombant est condamnée aux dépens ainsi qu'à verser à la société Eurasia la somme de 4 000 euros au titre de ses frais irrépétibles engagés,
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par décision contradictoire mise à disposition,
Confirme le jugement dans ses dispositions soumises à la cour ,
Y ajoutant,
Condamne la société civile immobilière Groupe CKC à verser à la société Eurasia Groupe la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société civile immobilière Groupe CKC aux dépens, lesquels seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Charlotte GIRAULT, Conseillère pour la présidente empêchée et par Madame FOULON, Greffière , auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, Pour la présidente empêchée,