CA Paris, Pôle 4 - ch. 10, 10 juillet 2025, n° 22/06656
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRAN'AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 10
ARRÊT DU 10 JUILLET 2025
(n° , 21 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06656 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFSKF
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Décembre 2020 - Tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 18/04736
APPELANTE
Madame [EW] [HV]
née le [Date naissance 8] 1980 à [Localité 17]
[Adresse 15]
[Localité 1] - ESPAGNE
Représentée et assistée à l'audience par Me Philippe Rudyard BESSIS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0391
INTIMÉS
Monsieur [RY] [S]
né le [Date naissance 4] 1958 à [Localité 14] (ALGÉRIE)
[Adresse 7]
[Localité 9]
Représenté par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
Assisté par Me Dahlia ARFI ELKAIM, avocat au barreau de PARIS, toque : C1294, substitué à l'audience par Me Benjamin TAIEB, avocat au barreau de PARIS
S.A. ALLIANZ IARD, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 2]
[Localité 11]
Représentée et assistée par Me Diane ROUSSEAU de la SELARL FABRE & ASSOCIEES, Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0124, substitué à l'audience par Me Camille ROUÉ, de la SELARL FABRE & ASSOCIEES, Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS
RÉGIME SOCIAL DES INDÉPENDANTS (RSI IDF OUEST)
[Adresse 3]
[Localité 12]
Défaillante, régulièrement avisée le 18 octobre 2022 par procès-verbal de remise à personne morale
INTERVENANTS
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (CPAM) DE [Localité 17], venant au droit de RÉGIME SOCIAL DES INDÉPENDANTS (RSI IDF OUEST)
[Adresse 5]
[Localité 10]
Défaillante, régulièrement avisée le 04 avril 2023 par procès-verbal de remise à personne morale
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (CPAM) DU VAL D'OISE, venant au droit de RÉGIME SOCIAL DES INDÉPENDANTS (RSI IDF OUEST)
[Adresse 6]
[Localité 13]
Défaillante, régulièrement avisée le 04 avril 2023 par procès-verbal de remise à personne morale
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie MORLET, conseillère, faisant fonction de Présidente, chargée du rapport et Madame Anne ZYSMAN, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme Marie-Odile DEVILLERS, Présidente
Mme Valérie MORLET, Conseillère
Mme Anne ZYSMAN, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Catherine SILVAN
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Odile DEVILLERS, Présidente et par Joëlle COULMANCE, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
Faits et procédure
Mme [EW] [HV], née le [Date naissance 8] 1980, a le 9 juillet 2012, en raison d'un abcès dentaire, consulté le Dr [RY] [S], chirurgien-dentiste, qui lui a proposé des traitements prothétiques et chirurgicaux et lui a le même jour présenté deux devis.
Le Dr [S] a le 16 juillet 2012 procédé à l'extraction des dents 14, 15 et 16 et à la pose d'un appareil amovible provisoire. Il a le 29 octobre 2012 réalisé un comblement de sinus et a posé les trois implants sur les trois dents.
Il a le 11 février 2013 effectué une prise d'empreintes des dents du haut pour réaliser un bridge et a le 4 mars suivant procédé au scellement des trois couronnes en céramique.
Se plaignant de douleurs, Mme [HV] a le 19 juillet 2013 consulté le Dr [L] [O], qui a effectué un examen clinique et un scanner (Cone Beam Computer Tomography - CBCT) et constaté qu'il semblait ne pas y avoir d'os autour des implants 14 et 15.
Le Dr [C] [V], chirurgien-dentiste à [Localité 18] (Etats-Unis) a le 11 août 2013 procédé à la dépose des implants 14, 15 et 16 et du bridge les recouvrant. Il a ensuite procédé à des travaux de reprise.
* Arguant de fautes médicales, Mme [HV] a par acte du 24 octobre 2013 assigné le Dr [S] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris aux fins d'expertise. Elle a ensuite par acte du 8 novembre 2013 assigné la SA Allianz IARD, assureur du chirurgien-dentiste, devant le même juge. Les affaires ont été jointes et le professeur [X] [I] désigné en qualité d'expert par ordonnance en date du 24 janvier 2014.
L'expert s'est adjoint les services d'un sapiteur psychiatre, le Dr [F] [T], et a clos et déposé son rapport le 24 mars 2016.
Mme [HV] a au vu de ce rapport et par actes des 4, 11 et 19 avril 2018 assigné le Dr [S], la société Allianz et le Régime Social des Indépendants (RSI) d'Ile de France Ouest en responsabilité et indemnisation devant le tribunal de grande instance de Paris. Le RSI, régulièrement assigné, a écrit au tribunal qu'il n'avait pas de créance à faire valoir et n'a pas constitué avocat devant le tribunal.
Le tribunal, devenu tribunal judiciaire, a par jugement du 14 décembre 2020 réputé contradictoire :
- déclaré le Dr [S] responsable des conséquences dommageables des soins dentaires fautifs pratiqués sur Mme [HV],
- condamné en conséquence le Dr [S] à payer à Mme [HV] les sommes suivantes en réparation de son préjudice :
. 30.516,11 euros au titre des dépenses de santé actuelles,
. 1.295,79 euros au titre des frais divers,
. 1.537,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
. 6.000 euros au titre des souffrances endurées,
. 1.800 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,
- rejeté les demandes de Mme [HV] au titre de la perte de gains professionnels, de l'assistance par tierce personne, du préjudice sexuel et du préjudice moral,
- condamné la société Allianz à garantir le Dr [S] des condamnations prononcées à son encontre dans les limites du contrat d'assurance n°46139633,
- déclaré le jugement commun au RSI d'Ile-de-France,
- débouté le Dr [S] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et de l'atteinte à sa réputation,
- condamné le Dr [S] à payer à Mme [HV] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné le Dr [S] et la société Allianz aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision,
- rejeté le surplus des demandes, plus amples ou contraires.
Les premiers juges ont considéré que le Dr [S] avait présenté à Mme [HV] un tableau exagéré de son état parondontal, ne respectant ainsi pas son devoir d'information, mais ont constaté que la patiente ne formulait aucune demande spécifique indépendante de la liquidation de son préjudice corporel au titre de cette cause de responsabilité autonome.
Ils ont ensuite observé que si Mme [HV] faisait valoir un abus de confiance et de faiblesse et les dangers des soins pratiqués pendant la grossesse, elle ne présentait aucune demande particulière sur la base de ce fondement, qui serait distincte de la liquidation de son préjudice fondée sur la responsabilité.
Ils ont ensuite considéré que le Dr [S] avait commis une première faute consistant en une erreur de diagnostic liée à un manque d'exploration du terrain à traiter qui a abouti à l'extraction non justifiée de trois dents et une seconde faute dans la mauvaise réalisation de la pose des implants. Aussi ont-ils estimé que le chirurgien-dentiste n'avait pas donné à sa patiente des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science et que sa responsabilité était engagée de ce chef.
Ils ont liquidé les préjudices de Mme [HV], poste par poste, rejetant certaines demandes.
Ils ont enfin rejeté la demande reconventionnelle de dommages et intérêts du Dr [S].
Mme [HV] a par acte du 30 mars 2022 interjeté appel de ce jugement, intimant le Dr [S], la société Allianz et le RSI devant la Cour.
Elle a par acte du 4 avril 2023 assigné la CPAM de [Localité 17] en intervention forcée devant la Cour (en lieu et place du RSI).
* Mme [HV], dans ses dernières conclusions signifiées le 5 mars 2025, demande à la Cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son action,
- infirmer partiellement le jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes indemnitaires au titre de la perte de gains professionnels, de l'assistance par tierce personne, du préjudice sexuel et du préjudice moral ainsi que sur les sommes octroyées,
En conséquence,
- déclarer le Dr [S] responsable de l'entier dommage qu'elle a subi,
- condamner le Dr [S], sous la garantie de son assureur la société Allianz, à réparer l'intégralité des dommages qu'elle a subis et à lui verser la somme de 673.637,15 euros, sous déduction de la provision versée de 44.149,40 euros, se décomposant ainsi :
. au titre des préjudices patrimoniaux,
. 12.567,78 euros au titre du remboursement des honoraires acquittés au Dr [S],
. 40.000 euros au titre du remboursement des honoraires acquittés au Dr [V],
. 26.500 euros au titre du remboursement des honoraires de réparation,
. 214.000 euros au titre de la perte de gains professionnels,
. 9.000 euros au titre du remboursement de l'aide temporaire d'une tierce personne,
. 4.548,62 euros au titre du remboursement des frais de transport acquittés pour les besoins de l'expertise judiciaire,
. 340 euros au titre du remboursement des frais de traduction acquittés pour les besoins de l'expertise judiciaire,
. au titre des préjudices extrapatrimoniaux temporaires,
. 1.680,75 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
. 55.000 euros au titre des souffrances endurées,
. 40.000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,
. 30.000 euros au titre du préjudice sexuel temporaire,
. au titre des préjudices extrapatrimoniaux permanents,
. 60.000 euros (soit 20.000 euros par dent) au titre de son préjudice moral,
. 100.000,00 euros au titre du défaut d'information,
. 50.000,00 euros au titre de l'abus de confiance et de faiblesse et les dangers des soins pratiqués pendant la grossesse,
- condamner le Dr [S], sous la garantie de son assureur la société Allianz, à lui payer la somme de 30.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
soit un montant global de 673.637,15 euros, sous déduction de la provision versée de 44.149,40 euros.
- dire que ces sommes porteront intérêt à compter du jour de l'assignation en référé expertise,
- dire le jugement commun à la CPAM de [Localité 17],
- débouter le Dr [S] de toutes ses demandes et prétentions.
Mme [HV] rappelle que le seul fait de quantifier financièrement les postes de préjudice ne modifie en rien la recevabilité de ses prétentions.
Elle fait au fond valoir un ensemble de fautes commises par le Dr [S]. Elle estime ainsi qu'il a manqué à son devoir d'information, qu'il a abusé de sa confiance et de sa faiblesse et a violé le code de déontologie médicale, qu'il n'a pas tenu compte des dangers résultant de soins pratiqués pendant sa grossesse (qu'il ne pouvait pas ignorer au regard de son état, certes non visible lors de la première intervention, mais visible ensuite). Elle argue également de fautes médicales et thérapeutiques par une pratique de la dentisterie holistique non reconnue scientifiquement, par non-respect du protocole en matière de pose d'implants et reprend les termes du rapport de l'expert judiciaire ainsi que d'autres avis médicaux critiques.
Elle présente ensuite ses demandes indemnitaires, poste par poste.
Elle s'oppose enfin à la demande reconventionnelle « inconsidérée » du Dr [S], la publication n'étant que « le ressenti vrai et sans ambages de ce qui a été réellement vécu ».
Le Dr [S], dans ses dernières conclusions n°2 signifiées le 16 décembre 2022, demande à la Cour de :
A titre liminaire,
- déclarer irrecevables les nouvelles demandes indemnitaires formulées par Mme [HV] pour la première fois en cause d'appel sur le défaut d'information, l'abus de confiance et la peur de perdre son enfant,
- le recevoir en son appel incident et l'y dire bien fondé,
- le déclarer bien-fondé dans l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Y faisant droit,
- infirmer le jugement en ce qu'il :
. l'a déclaré responsable des conséquences dommageables des soins dentaires fautifs pratiqués sur Mme [HV],
. l'a condamné à payer à Mme [HV] les sommes suivantes en réparation de son préjudice :
. 30.516,11 euros au titre des dépenses de santé actuelles,
. 1.295,79 euros au titre des frais divers,
. 6.000 euros au titre des souffrances endurées,
. 1.800 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,
. l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et de l'atteinte à sa réputation,
. l'a condamné à payer à Mme [HV] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
. l'a condamné avec la société Allianz aux dépens,
. a rejeté le surplus des demandes, plus amples ou contraires,
Dès lors et statuant de nouveau,
- juger n'y avoir lieu à responsabilité de sa part,
- débouter Mme [HV] de l'ensemble des demandes dirigées contre lui,
Subsidiairement,
- retenir sa responsabilité dans de plus justes proportions,
- fixer l'indemnisation au titre des dépenses de santé actuelles à la somme maximale de 6.625 euros, soit la moitié de la somme retenue par l'expert,
- fixer l'indemnisation des souffrances endurées à la somme de 2.000 euros,
- fixer l'indemnisation au titre du préjudice esthétique à la somme de 1.500 euros,
- débouter Mme [HV] de sa demande de remboursement de soins à défaut par elle d'avoir pu établir la créance certaine des frais réellement engagés,
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation de Mme [HV] au titre de la perte de gains professionnels ainsi que de sa demande formulée au titre des préjudices moral et sexuel,
En tout état de cause,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Allianz à le garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre, dans les limites de la police d'assurance souscrite,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande reconventionnelle,
Et dès lors,
- condamner Mme [HV] à lui régler la somme de 25.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
- condamner Mme [HV] au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du « CPC »,
- rejeter toute demande formée à son encontre,
- condamner Mme [HV] aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du « CPC ».
Le Dr [S] fait à titre liminaire valoir l'irrecevabilité des nouvelles demandes de Mme [HV] en cause d'appel, relative au défaut d'information, à l'abus de confiance et à l'angoisse de perdre son enfant.
Il conteste en tout état de cause sa responsabilité du fait d'un manquement à l'obligation d'information et abus de confiance, affirmant notamment qu'il ne connaissait pas l'état de grossesse de Mme [HV]. Il sollicite en tout état de cause la garantie de son assureur.
Il discute ensuite les demandes indemnitaires de Mme [HV], poste par poste.
Il fait enfin valoir une publication sur le site Doctissimo, contenant un lien hypertexte vers un site créé à son insu et le concernant, émanant de Mme [HV], et portant atteinte à son honneur et sa considération, qui ont entraîné une baisse de fréquentation de son cabinet. Il sollicite une indemnisation à ce titre.
La société Allianz, assureur du Dr [S], dans ses dernières conclusions signifiées le 19 septembre 2022, demande à la Cour de :
- juger irrecevables car nouvelles en cause d'appel les demandes formulées par Mme [HV] au titre du préjudice lié au défaut d'information, à l'abus de confiance, à l'angoisse de perdre son enfant et frais d'assistance à expertise,
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
. rejeté les demandes de Mme [HV] au titre de la perte de gains professionnels, de l'assistance par tierce personne, du préjudice sexuel et du préjudice moral,
. alloué à Mme [HV] les sommes suivantes :
. frais divers : 1.295,79 euros,
. déficit fonctionnel temporaire : 1.537,50 euros,
. préjudice esthétique temporaire : 1.800 euros,
- infirmer le jugement en ce qu'il a alloué diverses sommes à Mme [HV] au titre des dépenses de santé actuelles, des souffrances endurées et des frais irrépétibles,
Statuant à nouveau,
- rejeter les demandes formulées au titre des dépenses de santé actuelles,
- rejeter les demandes formulées au titre du remboursement des frais d'assistance à expertise, préjudice né du prétendu défaut d'information, préjudice né du prétendu abus de confiance et frais d'assistance par médecin conseil dans l'hypothèse où elles seraient jugées recevables,
- fixer l'indemnisation des souffrances endurées à la somme de 2.000 euros,
- rejeter toute demande plus ample ou contraire de Mme [HV] et du RSI IdF Ouest,
- condamner Mme [HV] aux entiers dépens, avec distraction au profit de la SELARL Fabre & associés.
La société Allianz fait également valoir, à titre liminaire, l'irrecevabilité des demandes de Mme [HV] concernant les sommes sollicitées au titre du défaut d'information, de l'abus de confiance, de l'angoisse de perdre son enfant et des frais d'assistance à expertise, nouvelles en cause d'appel.
Elle ne conteste pas toute responsabilité du Dr [S] et discute les demandes indemnitaires de Mme [HV].
Le RSI, qui a eu connaissance de la déclaration d'appel qui lui a été signifiée par acte du 18 octobre 2022 remis à personne habilitée à le recevoir, n'a pas constitué avocat devant la Cour.
Les Caisses Primaires d'Assurance Maladie (CPAM) d'Ile de France et du Val d'Oise, venant aux droits du RSI d'Ile de France, auxquelles les déclarations d'appel a été signifiée par actes remis le 4 avril 2023 à personnes habilitées à les recevoir, n'ont pas non plus constitué avocat devant la Cour.
L'arrêt sera en conséquence réputé contradictoire en application de l'article 474 du code de procédure civile.
* La clôture de la mise en état du dossier a été ordonnée le 26 mars 2025, l'affaire plaidée le 6 mai 2025 et mise en délibéré au 10 juillet 2025.
Motifs
Le RSI d'Ile de France, régulièrement assigné et intimé, aux droits duquel vient désormais la CPAM de [Localité 17], régulièrement assignée devant la présente Cour, sont parties à l'instance. L'arrêt leur est en conséquence opposable sans nécessité d'une mention particulière en ce sens.
Sur la recevabilité des demandes nouvelles
L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
L'article 565 du même code précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent et l'article 566 que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
Mme [HV] présente certes pour la première fois en cause d'appel des demandes indemnitaires de 100.000 euros au titre du défaut d'information et de 50.000 euros au titre de l'abus de confiance et de faiblesse et des dangers des soins pratiqués pendant la grossesse.
Ces demandes se rattachent cependant à des postes de préjudices évoqués par l'intéressée en première instance, mais alors non chiffrés. Elles tendent aux mêmes fins que les prétentions formulées en première instance, à savoir l'indemnisation intégrale des préjudices de Mme [HV].
Ces demandes seront en conséquence déclarées recevables devant la Cour.
Au fond sur la responsabilité du Dr [S]
Le Dr [S] n'est aux termes de l'article L1142-1 du code de la santé publique responsable des conséquences dommageables des actes de prévention, de diagnostic ou de soins réalisés sur Mme [HV] qu'en cas de faute.
1. sur le non-respect du devoir d'information
L'article L1111-2 du code de la santé publique, tel qu'applicable du 23 juillet 2009 au 28 janvier 2016 et au moment de l'intervention critiquées du Dr [S] en 2012, énonce que toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé, que cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus et que lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver (alinéa 1er). Il est ajouté que cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables (alinéa 2), que seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser (alinéa 3), que cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel (alinéa 4). Il est précisé qu'en cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve, par tout moyen, que l'information a été délivrée à l'intéressé (alinéa 7).
Il ressort par ailleurs des dispositions de l'article R4127-236 du code de la santé publique, dans le cadre du code de déontologie des chirurgiens-dentistes, que le consentement de la personne examinée ou soignée est recherché dans tous les cas et que lorsque le patient, en état d'exprimer sa volonté, refuse les investigations ou le traitement proposés, le chirurgien-dentiste doit respecter ce refus après l'avoir informé de ses conséquences.
Les radiographies communiquées par le Dr [S] (sa pièce n°7) ne portent aucune mention de l'identité de la personne concernée et ne permettent pas d'identifier Mme [HV]. Elles ne sont par ailleurs pas datées et ne démontrent pas que le chirurgien-dentiste a pris le soin de faire réaliser ces examens avant de proposer à l'intéressée un plan de traitement.
Le dessin particulièrement sommaire de cinq dents sur une feuille blanche non datée ni signée, ne portant aucune explication, ne peut bien entendu valoir preuve d'une information donnée par le Dr [S] à Mme [HV] concernant les traitements envisagés pour elle. Il ne peut cependant pas non plus, pour les mêmes raisons, permettre à l'expert, dont les conclusions ne lient pas la Cour selon l'article 246 du code de procédure civile, de conclure que le Dr [S] a présenté à la patiente « une explication exagérée de perte osseuse sur une molaire avec "furcation" (perte d'os entre les racines d'une molaire), ce qui ne correspond pas aux images radiologiques » (caractères italiques et soulignés du rapport). Ainsi, la teneur exacte des renseignements donnés par le chirurgien-dentiste à la patiente n'est aucunement établie.
Mme [HV] a le 9 juillet 2012, jour de sa première consultation chez le Dr [S], signé deux formulaires de consentement éclairé :
- le premier pour la pose d'implants ou un traitement chirurgical, confirmant avoir été informée d'un risque d'échec de l'intervention, de la possibilité d'une nécessité d'une modification ou d'extension de celle-ci, de la possibilité de survenance d'une gêne, sensibilité, douleur et/ou inflammation, de la possibilité de traitement par prothèses fixes ou amovibles, de la nécessité de contrôles réguliers en suite de l'intervention, de la dépose sans frais mais sans remboursement de l'implant en cas d'échec, de l'absence de prise en charge de l'intervention par la sécurité sociale,
- le second par lequel elle indique avoir été informée du plan de traitement la concernant, des risques thérapeutiques, de l'absence de prise en charge par la sécurité sociale de certains traitements, des risques encourus en cas d'abstention thérapeutique ou d'arrêt du traitement.
Mme [HV] a en outre le même jour, sans délai de réflexion, signé deux devis pour un pivot et une couronne, pour la somme de 1.050 euros et pour trois implants, trois pivots et trois couronnes pour 5.910 euros. Les deux devis portent une mention selon laquelle « le patient reconnaît avoir eu la possibilité du choix de son traitement » (caractères italiques des documents).
Ces seuls documents ne suffisent pas à démontrer que Mme [HV] a reçu une information claire, précise et utile sur l'état de sa dentition, les divers traitements possibles, le traitement envisagé, ses inconvénients et risques, le déroulement précis des interventions prévues nécessité d'extraction de dents, d'une greffe osseuse, etc., et de leurs suites. Par ailleurs, signés le jour même de la première consultation, ils laissent apparaître que l'intéressée n'a bénéficié d'aucun temps de réflexion, alors que les interventions envisagées ne présentaient aucune urgence.
Le Dr [S] a ensuite multiplié les devis présentés à Mme [HV] (devis du 18 février 2013 pour des Inlays de céramique pour 780 euros / devis du 27 août 2012 pour une couronne en céramique pour 740 euros / devis du 3 septembre 2012 pour trois Inlays de céramique pour 1.170 euros / devis du 11 septembre 2012 pour un comblement osseux du sinus droit pour 1.900 euros). Ces devis sont certes signés par Mme [HV] pour acceptation, mais le chirurgien-dentiste ne justifie d'aucune explication donnée à la patiente concernant les interventions en cause, leur déroulement, leurs suites, etc. Il n'établit ainsi pas qu'elle a consenti aux interventions dûment informée et en toute connaissance de cause.
Il ressort de ces éléments que le Dr [S], auquel incombe cette preuve, ne démontre pas avoir donné à Mme [HV] une information suffisante et adaptée sur les divers traitements possibles de ses problèmes dentaires, sur les traitements choisis, leur déroulement exact et leurs suites et sur les risques encourus, pour lui permettre de lui donner un consentement éclairé. Mme [HV], mal et insuffisamment informée, n'a pas été correctement préparée aux soins du Dr [S] et à ses conséquences.
Si Mme [HV] ne dénomme pas ce préjudice qui découle pour elle de ce défaut d'information, c'est bien celui qu'elle caractérise et dont elle demande réparation.
Ajoutant au jugement, la Cour condamnera le Dr [S] à payer la somme de 5.000 euros à Mme [HV] en réparation de ce préjudice d'impréparation, somme qui portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, conformément aux termes de l'article 1231-7 du code civil.
2. sur l'abus de confiance, l'abus de faiblesse et la violation du code de déontologie
Mme [HV] invoque ensuite des infractions pénales commises par le Dr [S] et cite d'ailleurs l'article 223-15-2 du code pénal punissant notamment l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due notamment à son état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur, pour la conduire à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.
Mme [HV] a le 9 juillet 2012, jour de sa première consultation avec le Dr [S], rempli et signé un questionnaire concernant l'historique de son état de santé général et dentaire, les traitements en cours, etc. Elle a ce jour signalé des problèmes de sinus et une fatigue, et à la question « Etes-vous enceinte ' » a répondu « non ». Ceci ne peut lui être reproché puisqu'à cette date, elle pouvait ne suspecter aucune grossesse, son gynécologue ayant placé le début de celle-ci seulement le 12 juillet.
Elle a cependant en signant ce questionnaire accepté de « [signaler], immédiatement, toute modification concernant [son] état de santé et [ses] prescriptions médicales » (caractères gras du document, mention située au-dessus de la signature) et ne justifie aucunement avoir signalé sa grossesse au Dr [S] dès que celle-ci a été connue.
Il n'est pas établi que celle-ci ait été visible lors de sa première intervention chirurgicale du 29 octobre 2012 (à trois mois de grossesse) ni lors des examens, notamment radiologiques, ultérieurs. Il n'est pas démontré que le chirurgien-dentiste ait pu connaître l'état de grossesse de Mme [HV] avant la finalisation de son plan de traitement chirurgical. Mme [H] [B], assistance du Dr [S], certifie sur l'honneur que Mme [HV] « a indiqué sa grossesse au cours de l'année 2013, environ 1er trimestre 2013 » et qu'il a été noté le 11 février 2013 sur son dossier « qu'elle était enceinte (') comme elle nous l'a annoncé » (attestation non datée).
Mme [HV] affirme, mais n'établit pas, avoir été « profondément traumatisée » par ses précédentes grossesses (incluant une fausse couche), point qu'elle n'a pas abordé avec le chirurgien-dentiste. Si elle a légitimement pu choisir le cabinet du Dr [S] qui indiquait pratiquer une médecine dentaire douce et holistique, elle procède également par allégations sans preuve lorsqu'elle fait état de man'uvres et manipulations (et notamment de manipulation mentale) de la part du chirurgien-dentiste pour la convaincre de la nécessité des interventions (dont elle ne prouve par ailleurs pas le danger pour une femme enceinte), lui prête des propos qu'elle n'établit pas, évoque sans preuve la fausseté d'une attestation produite aux débats par le chirurgien-dentiste, lui reproche de ne pas lui avoir prescrit d'antibiotiques sans établir leur nécessité et la possibilité d'un tel traitement sur une femme enceinte.
Les erreurs de diagnostic et l'absence de justification des traitements entrepris par le Dr [S] peuvent engager sa responsabilité ni au titre d'un abus de faiblesse ou de confiance, ni au titre d'une violation de ses obligations déontologiques.
Mme [HV], enfin, ne justifie d'aucun préjudice des abus de confiance ou de faiblesse seulement allégués, étant rappelé que le paiement de dommages et intérêts ne peut être ordonné qu'en réparation d'un préjudice démontré mais jamais à titre de sanction.
Ajoutant au jugement, la Cour déboutera en conséquence Mme [HV] de sa demande de dommages et intérêts présentée au titre d'un abus de confiance et de faiblesse non établi et d'un préjudice non prouvé.
3. sur les fautes médicales et thérapeutiques
L'article R4127-233 du code de la santé publique prévoit, au titre du code de déontologie des chirurgiens-dentistes, que celui qui a accepté de donner des soins à un patient s'oblige à lui assurer des soins éclairés et conformes aux données acquises de la science, soit personnellement, soit lorsque sa conscience le lui commande en faisant appel à un autre chirurgien-dentiste ou à un médecin (1°) ou encore à agir toujours avec correction et aménité envers le patient et à se montrer compatissant envers lui (2°).
Mme [HV], qui expose avoir « intentionnellement choisi de consulter un chirurgien-dentiste pratiquant la médecine dentaire holistique » ne démontre aucunement que le Dr [S] a pratiqué sur elle des actes de dentisterie pénalement condamnables ni même aucun acte interdit par les données acquises de la science médicale ou encore par l'ordre des chirurgiens-dentistes. Elle affirme ensuite, sans étayer ses propos d'aucune preuve, que le Dr [S] n'a pas respecté le « protocole » en matière de pose d'implant, sans même citer les obligations du chirurgien-dentiste qui n'auraient pas été respectées dans ce cadre.
L'expert judiciaire a en revanche mis en lumière les manquements du Dr [S] au titre du diagnostic et des soins apportés à Mme [HV]. Il indique, au vu du rapport du Dr [V], qui a suivi Mme [HV] aux Etats-Unis postérieurement à l'intervention du chirurgien-dentiste français, que ses douleurs sont dues à l'articulation temporo mandibulaire et à l'impossibilité d'assurer une hygiène correcte « compte tenu de l'architecture du bridge construit sur [les] implants ». Il estime que le chirurgien-dentiste a pris la décision d'extraire trois dents prématurément, sans réaliser de radiographies complémentaires précises et selon des justifications non pertinentes, qu'il a procédé à un diagnostic erroné en l'absence de fêlures, caries ou foyer infectieux, et qu'il a procédé à des traitements non justifiés ni conformes aux données acquises de la science médicale, estimant que l'état parondontal de Mme [HV] était « traitable par des moyens simples ». Il observe enfin que les implants n'ont été que partiellement implantés dans l'os, qu'ils sont de dimension et d'implantation « trop palatine », incorrectes.
L'expert, en conséquence, considère que les traitements réalisés par le Dr [S], « n'étaient pas justifiés et [procédaient] d'un diagnostic erroné de l'origine des douleurs de la demanderesse ».
Seule la construction prothétique sur un implant existant au droit de la dent 36 n'est pas critiquée par l'expert.
Le Dr [S] ne conteste pas le rapport de l'expert sur ces points et n'apporte aucun élément permettant de contrarier ces conclusions.
Les premiers juges ont ainsi à juste titre retenu une première faute du Dr [S] au titre d'un diagnostic erroné du fait d'un manque d'exploration du terrain à traiter, qui a entraîné l'extraction non justifiée de trois dents saines, et une seconde faute dans la mauvaise réalisation de la pose des implants. Ils ont en conséquence à bon droit retenu la responsabilité du chirurgien-dentiste qui n'a pas donné à Mme [HV] des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science médicale dentaire.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité du chirurgien-dentiste à l'origine de préjudices pour Mme [HV]. Il sera confirmé de ce chef.
Le Dr [S] est donc tenu à indemnisation intégrale des préjudices de Mme [HV], en lien avec ses manquements.
Sur l'indemnisation des préjudices de Mme [HV]
L'expert a fixé la consolidation de l'état de santé de Mme [HV] au 22 décembre 2015, point qui n'est discuté d'aucune part.
1. sur les préjudices patrimoniaux
Mme [HV] ne présente pas de demande au titre de préjudices patrimoniaux permanents.
(1) sur les dépenses de santé actuelles
Les premiers juges ont alloué à Mme [HV] la somme de 10.000 + (25.645,14 - 20%) = 30.516,11 euros au titre des dépenses de santé actuelles, en remboursement de soins fautifs et des soins de réhabilitation.
Mme [HV] réclame l'allocation des sommes de 12.567,78 euros en remboursement des honoraires versés au Dr [S], de 40.000 euros au titre des honoraires versés au Dr [V] aux Etats-Unis et de 26.500 euros au titre des honoraires de réparation.
Le Dr [S], constatant que Mme [HV] ne justifiait pas des remboursements des organismes sociaux, conclut au rejet de sa demande de remboursement de soins. Il estime ensuite que les honoraires de réparation doivent être cantonnés à la somme maximale de 6.625 euros. Il s'oppose à la prise en charge des honoraires de réparation en sus des honoraires du Dr [V].
La société Allianz conclut au rejet des demandes de Mme [HV] de ces chefs, alors qu'elle ne justifie pas des remboursements des organismes sociaux et ne peut à la fois réclamer le remboursement des soins fautifs et le remboursement des frais de réparation. A titre subsidiaire, elle propose l'allocation de la seule somme de 13.250 euros au titre des frais de réfection estimés par l'expert.
Sur ce,
Les honoraires totaux facturés par le Dr [S] à la charge de Mme [HV] se sont élevés à la somme totale de 13.617,78 euros.
La responsabilité du Dr [S] n'étant pas retenue du chef de la construction prothétique sur un implant existant au droit de la dent 36 de Mme [HV], les frais correspondants doivent être laissés à la charge de celle-ci, à hauteur de 1.050 euros selon le devis du chirurgien-dentiste du 9 juillet 2012.
Alors que le diagnostic du Dr [S] s'est avéré erroné et a conduit à la mise en place de traitements injustifiés (en outre incorrectement réalisés), les premiers juges ont à juste titre considéré que le préjudice de Mme [HV] était constitué à la fois du coût des soins inadaptés et du coût des prestations de reprise.
Mme [HV], cependant et malgré les observations en ce sens du Dr [S] et de son assureur ainsi que des premiers juges, ne justifie pas avoir gardé la charge de l'intégralité du solde des honoraires du chirurgien-dentiste de 13.617,78 - 1.050 = 12.567,78 euros, n'établissant pas le montant pris en charge par sa mutuelle. En l'absence d'élément, les premiers juges ont à tort appliqué une décote de 20% sur ce solde, ne correspondant à aucun élément du dossier. Mme [HV] ne justifiant pas non plus devant la Cour de la part des frais du chirurgien-dentiste effectivement restés à sa charge après remboursement de sa mutuelle française, dont elle ne conteste pas l'existence, sera déboutée de toute demande de remboursement à ce premier titre.
Elle ne saurait, ensuite, réclamer à la fois le remboursement des honoraires réglés entre les mains du Dr [V] aux Etats-Unis et le coût des prestations de reprise tel qu'évalué par l'expert, sauf à obtenir une double indemnisation de son préjudice.
Il ne peut donc être fait droit à sa demande présentée au titre des honoraires du médecin américain, dont elle ne justifie au demeurant ni du montant exact (d'« environ 40.000 euros »), ni du lien certain avec les manquements du Dr [S] (sa pièce n°67, datée du 16 octobre 2015, n'est pas signée, ne permet pas d'identifier les soins et n'a aucune force probante).
Les honoraires de réparation des troubles causés par les manquements du Dr [S] ont été évalués par l'expert, retenant le traitement proposé par les Drs [R] [K] et [G] aux Etats-Unis pour la dépose des implants et sinus lift d'un montant de 13.000 dollars et la mise en place de nouveaux implants, prothèses sur implants et inlay-core d'un montant de 16.950 dollars, soit une somme de 29.950 dollars, ou encore 25.645,14 euros (taux de change non contesté). Les premiers juges ont à juste titre refusé d'appliquer une décote de 50% au motif de soins plus chers aux Etats-Unis qu'en France, le principe de la réparation intégrale imposant une indemnisation des sommes effectivement payées. Il n'y a pas lieu non plus d'appliquer à cette somme une décote de 20% pour tenir compte de remboursements d'une mutuelle américaine, à laquelle Mme [HV] n'a pas souscrit. La somme totale de 25.645,14 euros doit être allouée à l'intéressée en indemnisation des frais de reprise des troubles causés par les interventions du Dr [S].
(2) sur les pertes de gains professionnels actuels
Les premiers juges, considérant que Mme [HV] ne démontrait pas la réalité de pertes de revenus, l'ont déboutée de sa demande d'indemnisation de ce chef.
Mme [HV] fait état de l'impact significatif des fautes du Dr [S] sur son activité professionnelle et sollicite, en indemnisation, l'allocation de la somme de 214.000 euros.
Le Dr [S] et la société Allianz concluent à la confirmation du jugement sur ce point.
Sur ce,
L'expert judiciaire s'est adjoint les services d'un psychiatre. Celui-ci, dans un certificat du 22 octobre 2022 intégré au rapport d'expertise, affirme après une discussion médico-légale qu'il ne retrouve pas d'élément en faveur d'une dépression organisée et qu'il n'y a à ce jour « pas de répercussions sur la trajectoire professionnelle de l'intéressée qui puisse être mise en relation directe et certaine avec l'affaire en cours ». L'expert exclut tout lien entre la dépression alléguée de Mme [HV] et les soins fautifs du Dr [S].
Mme [HV] ne justifie d'aucun arrêt de travail en suite des soins du Dr [S].
Elle énumère ses diplômes et produit son curriculum vitae et indique qu'elle travaillait à l'époque des faits dans la communication et le conseil dans le milieu de la mode, dans lequel l'aspect esthétique est capital, et affirme qu'elle ne pouvait après les soins du Dr [S] ni sourire ni parler ouvertement, n'osait plus rencontrer ses partenaires ni prospecter des clients, ce qui est confirmé par son mari (attestation de M. [N] [J] du 12 octobre 2018). Ces affirmations ne suffisent pas à caractériser la réalité de pertes de revenus.
Si elle a refusé deux offres d'emploi au mois d'octobre 2014, les courriers de M. [A] [P] du 8 octobre 2014 et de Mme [Z] [ZF] du 19 octobre 2014 n'établissent pas que ces refus aient été motivés par son aspect physique, mais laissent apparaître qu'ils découlent de choix familiaux.
Mme [HV] évalue enfin ses pertes de revenus à 80.000 dollars par an, soit 240.000 dollars ou encore 214.000 euros, sans s'appuyer sur aucun élément venant corroborer cette évaluation.
Affirmer n'est pas prouver et, en l'absence de tout élément sur la réalité et le montant de pertes de gains professionnels actuels, les premiers juges ont à juste titre débouté Mme [HV] de sa demande indemnitaire de ce chef.
(3) sur l'assistance d'une tierce personne
Les premiers juges ont rejeté la demande d'indemnisation de Mme [HV] au titre de l'assistance d'une tierce personne.
Mme [HV] réclame l'octroi de la somme de 9.000 euros au titre de ses besoins d'assistance d'une tierce personne.
Le Dr [S] et la société Allianz concluent à la confirmation du jugement de ce chef.
Sur ce,
L'expert estime que Mme [HV] n'a pas été dans l'incapacité, même partielle, de poursuivre ses activités personnelles habituelles.
L'intéressée ne prouve par aucun moyen avoir été dans l'incapacité, du faits des manquements du Dr [S], d'accomplir les tâches quotidiennes de la vie courante. Elle affirme, avec son mari (attestation de M. [J] du 12 octobre 2018 déjà citée), s'être retrouvée dans un « état dramatique » et avoir dû engager une aide à domicile à plein temps pendant six mois, dont elle estime le coût total à 9.000 euros, sans apporter au soutien de sa demande aucune pièce justificative (contrat, feuilles de paie, etc.).
En l'absence de tout élément sur la réalité et le montant des besoins de Mme [HV] au titre de l'assistance d'une tierce personne, les premiers juges ont justement rejeté sa demande indemnitaire de ce chef.
(4) sur les frais divers
Les premiers juges ont alloué la somme de 1.295,79 euros à Mme [HV] au titre des frais divers (frais de traduction et de transport pour les réunions d'expertise).
Mme [HV] sollicite l'allocation de 4.548,62 euros en indemnisation de ses frais de transport et de 340 euros pour des frais de traduction.
Le Dr [S] conclut par erreur à la confirmation du rejet de la demande de Mme [HV] au titre des pertes de gains professionnels actuels au terme d'un paragraphe concernant les frais divers. Il apparaît qu'il s'oppose à toute indemnisation à ce titre.
La société Allianz conclut à la confirmation du jugement en ses dispositions relatives aux frais de transport et de traduction, mais au rejet de la demande relative aux frais d'assistance par un médecin conseil.
Sur ce,
Plusieurs réunions d'expertise ont rendu la présence de Mme [HV] nécessaire, entraînant pour elle des frais de transport, indemnisables.
Elle justifie de frais d'avion de 3.437,10 dollars pour quatre personnes entre [Localité 18] et [Localité 17], au titre d'un séjour en France entre le 21 mars et 6 avril 2014, pour assister à la réunion d'expertise du 1er avril. Si elle indique qu'elle avait à cette époque besoin du soutien de sa famille, le coût des billets d'avion de son conjoint et de ses enfants ne peut être mis à la charge du Dr [S] et de son assureur. Les premiers juges ont justement retenu, à la charge du médecin et de son assureur, les frais d'avion pour une seule personne, soit 3.437,10 ÷ 4 = 859,28 dollars, soit encore 738,82 euros (taux de conversion au jour du jugement, non contesté).
Elle ne justifie pas de frais pour se rendre à la réunion du 24 juin 2014.
Elle justifie de frais d'avion de 97,70 dollars (soit 84 euros) pour une personne entre [Localité 18] et [Localité 17], au titre d'un séjour en France du 21 au 25 septembre 2014, pour assister à la réunion du 23 septembre. Ces frais, outre les frais de location de voiture du 22 au 25 septembre 2014 pour un montant de 132,97 euros (facture de la société Sixt du 12 septembre 2014) doivent donc être mis à la charge du Dr [S] et de son assureur à hauteur de 84 + 132,97 = 216,97 euros.
Elle justifie enfin de frais d'avion de 789,86 dollars entre [Localité 18] et [Localité 17], pour un séjour en France du 29 septembre au 8 octobre 2016, pour assister à la réunion d'expertise du 6 octobre. Ces frais correspondent cependant à un voyage prévu pour une autre raison. Son conseil a en effet, par courrier du 12 septembre 2016, indiqué à l'expert qu'elle se trouverait en France pendant cette période, raison pour laquelle l'expert a prévu une réunion à ce moment. Les premiers juges ont donc justement débouté l'intéressée de toute demande indemnitaire de ce chef.
Mme [HV] justifie enfin de frais de traduction de ses pièces médicales américaines en français pour leur production dans le cadre de l'expertise judiciaire, à hauteur de la somme totale de 340 euros (factures de Mme [Y] [E] des 27 octobre 2014 et 17 août 2016). Ces frais constituent un préjudice indemnisable, justement mis à la charge du Dr [S] et de son assureur.
Mme [HV] ne présente aucune demande d'indemnisation de frais d'assistance à expertise d'un médecin-conseil. Il en est pris acte.
Le préjudice indemnisable de Mme [HV] au titre des frais divers s'élève donc à la somme totale de 738,82 + 216,97 + 340 = 1.295,79 euros justement allouée par le tribunal.
2. sur les préjudices extrapatrimoniaux temporaires
(1) sur le déficit fonctionnel temporaire
Les premiers juges, sur la base d'un tarif journalier de 25 euros, ont accordé à Mme [HV] la somme de 1.537,50 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire.
Mme [HV], sur la base d'un tarif journalier de 27 euros, réclame l'octroi de la somme de 1.680,75 euros à ce titre.
Le Dr [S] et la société Allianz concluent à la confirmation du jugement sur ce point.
Sur ce,
L'expert judiciaire estime que le déficit fonctionnel temporaire de Mme [HV] a été de 5% entre le 16 juillet 2012, date des premiers soins du Dr [S], et le 22 décembre 2015, date de la consolidation de l'état de santé de l'intéressée, sur une période de trois ans et cinq mois, soit 1.230 jours.
Les premiers juges ont, au vu de ces éléments, justement retenu un tarif journalier de 25 euros et accordé à Mme [HV], au titre de ce déficit, la somme de 25 X 1.230 X 5% = 1.537,50 euros.
(2) sur les souffrances endurées
Les premiers juges ont alloué la somme de 6.000 euros à Mme [HV] en réparation des souffrances qu'elle a endurées du fait du Dr [S].
Mme [HV] réclame l'octroi de la somme de 55.000 euros à ce titre.
Le Dr [S] et la société Allianz proposent l'allocation de la somme de 2.000 euros.
Sur ce,
L'expert a évalué les souffrances endurées par Mme [HV] à 2/7 (légères) au regard des douleurs de l'articulation temporo-mandibulaire non traitées, des extractions injustifiées et des remplacements de dents problématiques, ensuite déposées.
Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, cette évaluation ne tient pas compte des douleurs subies plus tard, liées aux travaux de reprise, ni des souffrances morales, liées notamment à une perte de confiance en soi de l'intéressée qui travaillait dans la communication dans le milieu de la mode et qui était attachée à son apparence physique, atteinte en l'espèce. La demande de Mme [HV] apparaît cependant disproportionnée et injustifiée au regard de l'ensemble des éléments dont il doit être tenu compte. C'est ainsi à juste titre que les premiers juges ont accordé à Mme [HV] la somme de 6.000 euros en réparation de ces souffrances.
(3) sur le préjudice esthétique temporaire
Les premiers juges ont accordé à Mme [HV] la somme de 1.800 euros en indemnisation de son préjudice esthétique temporaire.
Mme [HV] sollicite l'allocation de la somme de 40.000 euros à ce titre.
Le Dr [S] propose l'octroi de la somme de 1.500 euros.
La société Allianz conclut à la confirmation du jugement sur ce point.
Sur ce,
Le Dr [S] a le 16 juillet 2012 extrait trois dents (dents 14, 15 et 16, prémolaires et molaires supérieures droites), mais a posé le même jour un appareil amovible provisoire, sans préjudice esthétique pour Mme [HV].
Les implants ensuite posés à ces trois emplacements ont été retirés pas le Dr [V] aux Etats-Unis le 11 août 2013.
L'expert a évalué le préjudice esthétique temporaire de Mme [HV], résultant de l'absence de ces trois dents, à 1/7 du mois d'août 2013 jusqu'à la pose des prothèses provisoires. La lecture de l'expertise et des conclusions des parties ne permet pas de dater précisément cette pose de prothèses provisoires. Le Dr [G] a mis en place des implants définitifs au mois d'octobre 2014.
Le sourire de Mme [HV] a été affecté par la perte de ces trois dents, mais le préjudice doit être relativisé, aucune dent de devant n'étant concernée. La durée exacte de ce préjudice, à partir du mois d'août 2013 et non jusqu'à la pose d'implants définitifs mais jusqu'à la pose de prothèses provisoires, n'est pas renseignée.
Mme [HV] affirme ensuite avoir accusé une forte baisse de poids suivie d'une forte prise de poids du fait de la modification de son alimentation, sans pourtant en justifier autrement que par le témoignage de son mari (attestation déjà citée). Il n'est pas établi que ces modifications aient négativement affecté son apparence physique.
La demande de Mme [HV] apparaît disproportionnée au regard de ces éléments, que les premiers juges ont correctement pris en considération pour à juste titre évaluer le préjudice esthétique de Mme [HV] à hauteur de 1.800 euros.
(4) sur le préjudice sexuel
Les premiers juges ont rejeté la demande d'indemnisation d'un préjudice sexuel présentée par Mme [HV], estimant que ce poste de préjudice avant la consolidation était intégré dans le déficit fonctionnel temporaire.
Mme [HV] fait état d'un préjudice morphologique et d'un préjudice lié à l'acte sexuel lui-même, qui a duré cinq ans, pour solliciter, en réparation, la somme de 30.000 euros.
Le Dr [S] et la société Allianz concluent à la confirmation du jugement à ce titre.
Sur ce,
Avant consolidation de l'état de santé du patient, le retentissement des actes médicaux fautifs sur les activités sexuelles de Mme [HV] est inclus dans l'évaluation de son déficit fonctionnel temporaire. Le préjudice sexuel est un poste de préjudice à caractère permanent.
Il apparaît cependant que si Mme [HV] présente sa demande d'indemnisation au titre des préjudices extrapatrimoniaux temporaires, elle fait état d'un préjudice sexuel subi au-delà de la consolidation de son état de santé.
Ce poste de préjudice n'a pas été abordé en expertise.
Les interventions litigieuses du Dr [S] et les opérations de reprise subséquentes ont affecté la dentition de Mme [HV], sa bouche, considérée comme un organe sexuel secondaire et Mme [HV] a de ce fait subi un préjudice morphologique, qui, ajoutant au jugement, sera indemnisé par l'octroi de la somme de 1.500 euros.
Mme [HV] affirme ensuite avoir subi un préjudice sexuel lié à l'acte lui-même, alors qu'elle se sentait « laide » et « pas attirante » et que sa libido était touchée. Son époux (attestation précitée) confirme en effet l'absence de vie sexuelle du couple jusqu'en 2017. Ce préjudice peut également être retenu et sera indemnisé par l'allocation d'une somme de 1.500 euros, s'ajoutant à la première.
3. sur les préjudices extrapatrimoniaux permanents
(1) sur le préjudice moral
Les premiers juges ont rejeté la demande de Mme [HV] en réparation d'un préjudice moral.
Mme [HV] fait état d'une dépression et réclame l'allocation de 20.000 euros « par dent », soit la somme de 60.000 euros en réparation d'un préjudice moral.
Le Dr [S] et la société Allianz concluent à la confirmation du jugement de ce chef.
Sur ce,
Mme [HV] s'est vue extraire trois dents saines, désormais remplacées par des prothèses, et a ensuite subi de multiples interventions de reprise.
Elle justifie d'un préjudice moral, confirmé par son mari (attestation déjà citée), qui évoque son changement de comportement, le développement de son obsession pour sa dentition, sa dépression. Elle a d'ailleurs été suivie par M. [M] [U], psychologue, pour anxiété et dépression entre le 24 octobre 2013 et le 16 janvier 2014, et celui-ci, dans un document daté du 15 avril 2014, fait état de son opinion selon laquelle « les troubles émotionnels et physiques qu'elle a connus depuis ce traitement dentaire ont eu un effet négatif sur son humeur, sa vison d'elle-même et ses relations avec les autres ». Le tribunal, puis la Cour, ont tenu compte de ce préjudice moral subi par Mme [HV] du fait des interventions fautives du Dr [S] dans le cadre des souffrances endurées avant consolidation de son état de santé.
L'expert psychiatre sapiteur, ensuite, considère que l'état psychique de Mme [HV] n'est pas en lien avec les interventions litigieuses du Dr [S]. L'expert n'a retenu aucun déficit fonctionnel permanent qui pourrait inclure un tel poste de préjudice.
Mme [HV] affirme, mais ne prouve pas, que ses difficultés psychiques aient perduré au-delà de sa consolidation, non prises en compte dans les souffrances endurées examinées plus haut, et qu'elles puissent justifier une indemnisation complémentaire.
Les premiers juges ont en conséquence à juste titre débouté l'intéressée de sa demande indemnitaire de ce chef.
4. synthèse
La société Allianz ne conteste pas être l'assureur du Dr [S] ni sa garantie au profit de celui-ci. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné l'assureur à garantir le chirurgien-dentiste des condamnations prononcées contre lui.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [HV] de ses demandes d'indemnisation formulées au titre des pertes de gains professionnels actuels, de l'assistance d'une tierce personne et en réparation d'un préjudice moral, et en ce qu'il a condamné le Dr [S], sous la garantie de la société Allianz à payer à l'intéressée les sommes, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, de :
- 1.295,79 euros au titre des frais divers,
- 1.537,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
- 6.000 euros en réparation des souffrances endurées,
- 1.800 euros au titre du préjudice esthétique temporaire.
Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépenses de santé actuelles et au préjudice sexuel et, statuant à nouveau de ces chefs, la Cour condamnera le Dr [S] et la société Allianz à payer à Mme [HV], les sommes de :
- 25.645,14 euros au titre des dépenses de santé actuelles, avec intérêts au taux légal à compter du jugement en application de l'article 1231-7 du code civil,
- 1.500 + 1.500 = 3.000 euros en réparation du préjudice sexuel, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, en application des mêmes dispositions.
Ajoutant au jugement, le Dr [S] et la société Allianz seront condamnés à payer à Mme [HV] la somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice d'impréparation, Mme [HV] étant déboutée de sa demande d'indemnisation présentée contre le chirurgien-dentiste et son assureur du fait d'abus de confiance et de faiblesse.
Sur la demande de dommages et intérêts du Dr [S]
Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer (article 1240 du code civil).
A été posté sur le site Doctissimo, le 18 juillet 2013, un message ainsi rédigé :
Mon dentiste s'est fait 12000 euros sur mon dos (emprunt), je suis allez voir sois disant un des meilleur de [Localité 17]. Resultat médiocre.
L'implantologie est un business !!
[016] /
Ce message n'est pas signé, mais Mme [HV] admet en être l'auteur et ne conteste pas ses termes, arguant devant le tribunal puis la Cour de soins, procédés et méthodes de travail désastreux, de tromperies et manigances dont le chirurgien-dentiste « est l'auteur coutumier ». Cette publication fait état d'un avis sans contenir de propos diffamatoires. Les publications figurant sur le site auquel le lien hypertexte conduisait ont été effacées.
Le Dr [S] a à l'époque des interventions litigieuses fait l'objet d'une campagne de dénigrement dont le Dr [D] [W] se fait l'écho, évoquant, sur le site auquel le lien hypertexte du message précité renvoyait, des accusations d'escroquerie contre le chirurgien-dentiste, alors décrit comme « dentiste manipulateur comme la peste », (attestation du 9 octobre 2013). Le Dr [W] précise avoir, sur ce site, été en contact avec une personne se présentant comme étant l'époux de Mme [HV] et qui lui aurait répondu qu'il faisait ce qu'il voulait sur son site. Selon le Dr [W], les propos tenus sur ce site « étaient diffamatoires, insultants et citaient nommément le Docteur [RY] [S] avec son adresse ». Or Mme [HV] ne peut répondre de propos qui ne sont pas les siens mêmes.
Cette campagne est en outre désormais éteinte, les propos incriminés effacés, le site litigieux fermé.
Le Dr [S], par ailleurs, ne justifie pas de la réalité du préjudice qu'il a pu subir, ne démontre pas la perte de clientèle et la baisse de fréquentation de son cabinet dentaire en lien avec les publications litigieuses.
Les premiers juges ont en conséquence à juste titre débouté le chirurgien-dentiste de sa demande de dommages et intérêts présentée contre Mme [HV], et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Le sens de l'arrêt conduit à la confirmation du jugement en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance mis à la charge du Dr [S] (seul au titre des frais irrépétibles) et de la société Allianz.
Ajoutant au jugement, la Cour condamnera le Dr [S] et la société Allianz, qui succombent devant elle, aux dépens d'appel, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
Tenus aux dépens, le Dr [S] et la société Allianz seront condamnés à payer à Mme [HV] la somme équitable de 2.500 euros en indemnisation des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ces condamnations emportent le rejet des demandes du Dr [S] et de la société Allianz de ces chefs.
Par ces motifs,
La Cour,
Confirme le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité du Dr [RY] [S] à l'égard de Mme [EW] [HV] et en ses autres dispositions, sauf en ce qu'il a condamné le chirurgien-dentiste et la SA Allianz IARD à payer à Mme [EW] [HV] les sommes de 30.516,11 euros au titre des dépenses de santé actuelles et a débouté cette dernière de sa demande d'indemnisation d'un préjudice sexuel,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant au jugement,
Dit Mme [EW] [HV] recevable en ses demandes d'indemnisation au titre d'un défaut d'information et d'abus de confiance et de faiblesse,
Condamne le Dr [RY] [S], sous la garantie de la SA Allianz IARD, à payer à Mme [EW] [HV] les sommes de :
- 5.000 euros en réparation de son préjudice d'impréparation, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
- 25.645,14 euros au titre des dépenses de santé actuelles, avec intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2020,
- 3.000 euros en réparation du préjudice sexuel, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Déboute Mme [EW] [HV] de sa demande présentée au titre d'un abus de confiance et de faiblesse,
Condamne le Dr [RY] [S] et la SA Allianz IARD aux dépens d'appel,
Condamne le Dr [RY] [S] et la SA Allianz IARD à payer la somme de 2.500 euros à Mme [EW] [HV] en indemnisation de ses frais irrépétibles d'appel.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 10
ARRÊT DU 10 JUILLET 2025
(n° , 21 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06656 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFSKF
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Décembre 2020 - Tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 18/04736
APPELANTE
Madame [EW] [HV]
née le [Date naissance 8] 1980 à [Localité 17]
[Adresse 15]
[Localité 1] - ESPAGNE
Représentée et assistée à l'audience par Me Philippe Rudyard BESSIS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0391
INTIMÉS
Monsieur [RY] [S]
né le [Date naissance 4] 1958 à [Localité 14] (ALGÉRIE)
[Adresse 7]
[Localité 9]
Représenté par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
Assisté par Me Dahlia ARFI ELKAIM, avocat au barreau de PARIS, toque : C1294, substitué à l'audience par Me Benjamin TAIEB, avocat au barreau de PARIS
S.A. ALLIANZ IARD, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 2]
[Localité 11]
Représentée et assistée par Me Diane ROUSSEAU de la SELARL FABRE & ASSOCIEES, Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0124, substitué à l'audience par Me Camille ROUÉ, de la SELARL FABRE & ASSOCIEES, Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS
RÉGIME SOCIAL DES INDÉPENDANTS (RSI IDF OUEST)
[Adresse 3]
[Localité 12]
Défaillante, régulièrement avisée le 18 octobre 2022 par procès-verbal de remise à personne morale
INTERVENANTS
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (CPAM) DE [Localité 17], venant au droit de RÉGIME SOCIAL DES INDÉPENDANTS (RSI IDF OUEST)
[Adresse 5]
[Localité 10]
Défaillante, régulièrement avisée le 04 avril 2023 par procès-verbal de remise à personne morale
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (CPAM) DU VAL D'OISE, venant au droit de RÉGIME SOCIAL DES INDÉPENDANTS (RSI IDF OUEST)
[Adresse 6]
[Localité 13]
Défaillante, régulièrement avisée le 04 avril 2023 par procès-verbal de remise à personne morale
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie MORLET, conseillère, faisant fonction de Présidente, chargée du rapport et Madame Anne ZYSMAN, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme Marie-Odile DEVILLERS, Présidente
Mme Valérie MORLET, Conseillère
Mme Anne ZYSMAN, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Catherine SILVAN
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Odile DEVILLERS, Présidente et par Joëlle COULMANCE, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
Faits et procédure
Mme [EW] [HV], née le [Date naissance 8] 1980, a le 9 juillet 2012, en raison d'un abcès dentaire, consulté le Dr [RY] [S], chirurgien-dentiste, qui lui a proposé des traitements prothétiques et chirurgicaux et lui a le même jour présenté deux devis.
Le Dr [S] a le 16 juillet 2012 procédé à l'extraction des dents 14, 15 et 16 et à la pose d'un appareil amovible provisoire. Il a le 29 octobre 2012 réalisé un comblement de sinus et a posé les trois implants sur les trois dents.
Il a le 11 février 2013 effectué une prise d'empreintes des dents du haut pour réaliser un bridge et a le 4 mars suivant procédé au scellement des trois couronnes en céramique.
Se plaignant de douleurs, Mme [HV] a le 19 juillet 2013 consulté le Dr [L] [O], qui a effectué un examen clinique et un scanner (Cone Beam Computer Tomography - CBCT) et constaté qu'il semblait ne pas y avoir d'os autour des implants 14 et 15.
Le Dr [C] [V], chirurgien-dentiste à [Localité 18] (Etats-Unis) a le 11 août 2013 procédé à la dépose des implants 14, 15 et 16 et du bridge les recouvrant. Il a ensuite procédé à des travaux de reprise.
* Arguant de fautes médicales, Mme [HV] a par acte du 24 octobre 2013 assigné le Dr [S] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris aux fins d'expertise. Elle a ensuite par acte du 8 novembre 2013 assigné la SA Allianz IARD, assureur du chirurgien-dentiste, devant le même juge. Les affaires ont été jointes et le professeur [X] [I] désigné en qualité d'expert par ordonnance en date du 24 janvier 2014.
L'expert s'est adjoint les services d'un sapiteur psychiatre, le Dr [F] [T], et a clos et déposé son rapport le 24 mars 2016.
Mme [HV] a au vu de ce rapport et par actes des 4, 11 et 19 avril 2018 assigné le Dr [S], la société Allianz et le Régime Social des Indépendants (RSI) d'Ile de France Ouest en responsabilité et indemnisation devant le tribunal de grande instance de Paris. Le RSI, régulièrement assigné, a écrit au tribunal qu'il n'avait pas de créance à faire valoir et n'a pas constitué avocat devant le tribunal.
Le tribunal, devenu tribunal judiciaire, a par jugement du 14 décembre 2020 réputé contradictoire :
- déclaré le Dr [S] responsable des conséquences dommageables des soins dentaires fautifs pratiqués sur Mme [HV],
- condamné en conséquence le Dr [S] à payer à Mme [HV] les sommes suivantes en réparation de son préjudice :
. 30.516,11 euros au titre des dépenses de santé actuelles,
. 1.295,79 euros au titre des frais divers,
. 1.537,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
. 6.000 euros au titre des souffrances endurées,
. 1.800 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,
- rejeté les demandes de Mme [HV] au titre de la perte de gains professionnels, de l'assistance par tierce personne, du préjudice sexuel et du préjudice moral,
- condamné la société Allianz à garantir le Dr [S] des condamnations prononcées à son encontre dans les limites du contrat d'assurance n°46139633,
- déclaré le jugement commun au RSI d'Ile-de-France,
- débouté le Dr [S] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et de l'atteinte à sa réputation,
- condamné le Dr [S] à payer à Mme [HV] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné le Dr [S] et la société Allianz aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision,
- rejeté le surplus des demandes, plus amples ou contraires.
Les premiers juges ont considéré que le Dr [S] avait présenté à Mme [HV] un tableau exagéré de son état parondontal, ne respectant ainsi pas son devoir d'information, mais ont constaté que la patiente ne formulait aucune demande spécifique indépendante de la liquidation de son préjudice corporel au titre de cette cause de responsabilité autonome.
Ils ont ensuite observé que si Mme [HV] faisait valoir un abus de confiance et de faiblesse et les dangers des soins pratiqués pendant la grossesse, elle ne présentait aucune demande particulière sur la base de ce fondement, qui serait distincte de la liquidation de son préjudice fondée sur la responsabilité.
Ils ont ensuite considéré que le Dr [S] avait commis une première faute consistant en une erreur de diagnostic liée à un manque d'exploration du terrain à traiter qui a abouti à l'extraction non justifiée de trois dents et une seconde faute dans la mauvaise réalisation de la pose des implants. Aussi ont-ils estimé que le chirurgien-dentiste n'avait pas donné à sa patiente des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science et que sa responsabilité était engagée de ce chef.
Ils ont liquidé les préjudices de Mme [HV], poste par poste, rejetant certaines demandes.
Ils ont enfin rejeté la demande reconventionnelle de dommages et intérêts du Dr [S].
Mme [HV] a par acte du 30 mars 2022 interjeté appel de ce jugement, intimant le Dr [S], la société Allianz et le RSI devant la Cour.
Elle a par acte du 4 avril 2023 assigné la CPAM de [Localité 17] en intervention forcée devant la Cour (en lieu et place du RSI).
* Mme [HV], dans ses dernières conclusions signifiées le 5 mars 2025, demande à la Cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son action,
- infirmer partiellement le jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes indemnitaires au titre de la perte de gains professionnels, de l'assistance par tierce personne, du préjudice sexuel et du préjudice moral ainsi que sur les sommes octroyées,
En conséquence,
- déclarer le Dr [S] responsable de l'entier dommage qu'elle a subi,
- condamner le Dr [S], sous la garantie de son assureur la société Allianz, à réparer l'intégralité des dommages qu'elle a subis et à lui verser la somme de 673.637,15 euros, sous déduction de la provision versée de 44.149,40 euros, se décomposant ainsi :
. au titre des préjudices patrimoniaux,
. 12.567,78 euros au titre du remboursement des honoraires acquittés au Dr [S],
. 40.000 euros au titre du remboursement des honoraires acquittés au Dr [V],
. 26.500 euros au titre du remboursement des honoraires de réparation,
. 214.000 euros au titre de la perte de gains professionnels,
. 9.000 euros au titre du remboursement de l'aide temporaire d'une tierce personne,
. 4.548,62 euros au titre du remboursement des frais de transport acquittés pour les besoins de l'expertise judiciaire,
. 340 euros au titre du remboursement des frais de traduction acquittés pour les besoins de l'expertise judiciaire,
. au titre des préjudices extrapatrimoniaux temporaires,
. 1.680,75 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
. 55.000 euros au titre des souffrances endurées,
. 40.000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,
. 30.000 euros au titre du préjudice sexuel temporaire,
. au titre des préjudices extrapatrimoniaux permanents,
. 60.000 euros (soit 20.000 euros par dent) au titre de son préjudice moral,
. 100.000,00 euros au titre du défaut d'information,
. 50.000,00 euros au titre de l'abus de confiance et de faiblesse et les dangers des soins pratiqués pendant la grossesse,
- condamner le Dr [S], sous la garantie de son assureur la société Allianz, à lui payer la somme de 30.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
soit un montant global de 673.637,15 euros, sous déduction de la provision versée de 44.149,40 euros.
- dire que ces sommes porteront intérêt à compter du jour de l'assignation en référé expertise,
- dire le jugement commun à la CPAM de [Localité 17],
- débouter le Dr [S] de toutes ses demandes et prétentions.
Mme [HV] rappelle que le seul fait de quantifier financièrement les postes de préjudice ne modifie en rien la recevabilité de ses prétentions.
Elle fait au fond valoir un ensemble de fautes commises par le Dr [S]. Elle estime ainsi qu'il a manqué à son devoir d'information, qu'il a abusé de sa confiance et de sa faiblesse et a violé le code de déontologie médicale, qu'il n'a pas tenu compte des dangers résultant de soins pratiqués pendant sa grossesse (qu'il ne pouvait pas ignorer au regard de son état, certes non visible lors de la première intervention, mais visible ensuite). Elle argue également de fautes médicales et thérapeutiques par une pratique de la dentisterie holistique non reconnue scientifiquement, par non-respect du protocole en matière de pose d'implants et reprend les termes du rapport de l'expert judiciaire ainsi que d'autres avis médicaux critiques.
Elle présente ensuite ses demandes indemnitaires, poste par poste.
Elle s'oppose enfin à la demande reconventionnelle « inconsidérée » du Dr [S], la publication n'étant que « le ressenti vrai et sans ambages de ce qui a été réellement vécu ».
Le Dr [S], dans ses dernières conclusions n°2 signifiées le 16 décembre 2022, demande à la Cour de :
A titre liminaire,
- déclarer irrecevables les nouvelles demandes indemnitaires formulées par Mme [HV] pour la première fois en cause d'appel sur le défaut d'information, l'abus de confiance et la peur de perdre son enfant,
- le recevoir en son appel incident et l'y dire bien fondé,
- le déclarer bien-fondé dans l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Y faisant droit,
- infirmer le jugement en ce qu'il :
. l'a déclaré responsable des conséquences dommageables des soins dentaires fautifs pratiqués sur Mme [HV],
. l'a condamné à payer à Mme [HV] les sommes suivantes en réparation de son préjudice :
. 30.516,11 euros au titre des dépenses de santé actuelles,
. 1.295,79 euros au titre des frais divers,
. 6.000 euros au titre des souffrances endurées,
. 1.800 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,
. l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et de l'atteinte à sa réputation,
. l'a condamné à payer à Mme [HV] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
. l'a condamné avec la société Allianz aux dépens,
. a rejeté le surplus des demandes, plus amples ou contraires,
Dès lors et statuant de nouveau,
- juger n'y avoir lieu à responsabilité de sa part,
- débouter Mme [HV] de l'ensemble des demandes dirigées contre lui,
Subsidiairement,
- retenir sa responsabilité dans de plus justes proportions,
- fixer l'indemnisation au titre des dépenses de santé actuelles à la somme maximale de 6.625 euros, soit la moitié de la somme retenue par l'expert,
- fixer l'indemnisation des souffrances endurées à la somme de 2.000 euros,
- fixer l'indemnisation au titre du préjudice esthétique à la somme de 1.500 euros,
- débouter Mme [HV] de sa demande de remboursement de soins à défaut par elle d'avoir pu établir la créance certaine des frais réellement engagés,
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation de Mme [HV] au titre de la perte de gains professionnels ainsi que de sa demande formulée au titre des préjudices moral et sexuel,
En tout état de cause,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Allianz à le garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre, dans les limites de la police d'assurance souscrite,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande reconventionnelle,
Et dès lors,
- condamner Mme [HV] à lui régler la somme de 25.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
- condamner Mme [HV] au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du « CPC »,
- rejeter toute demande formée à son encontre,
- condamner Mme [HV] aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du « CPC ».
Le Dr [S] fait à titre liminaire valoir l'irrecevabilité des nouvelles demandes de Mme [HV] en cause d'appel, relative au défaut d'information, à l'abus de confiance et à l'angoisse de perdre son enfant.
Il conteste en tout état de cause sa responsabilité du fait d'un manquement à l'obligation d'information et abus de confiance, affirmant notamment qu'il ne connaissait pas l'état de grossesse de Mme [HV]. Il sollicite en tout état de cause la garantie de son assureur.
Il discute ensuite les demandes indemnitaires de Mme [HV], poste par poste.
Il fait enfin valoir une publication sur le site Doctissimo, contenant un lien hypertexte vers un site créé à son insu et le concernant, émanant de Mme [HV], et portant atteinte à son honneur et sa considération, qui ont entraîné une baisse de fréquentation de son cabinet. Il sollicite une indemnisation à ce titre.
La société Allianz, assureur du Dr [S], dans ses dernières conclusions signifiées le 19 septembre 2022, demande à la Cour de :
- juger irrecevables car nouvelles en cause d'appel les demandes formulées par Mme [HV] au titre du préjudice lié au défaut d'information, à l'abus de confiance, à l'angoisse de perdre son enfant et frais d'assistance à expertise,
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
. rejeté les demandes de Mme [HV] au titre de la perte de gains professionnels, de l'assistance par tierce personne, du préjudice sexuel et du préjudice moral,
. alloué à Mme [HV] les sommes suivantes :
. frais divers : 1.295,79 euros,
. déficit fonctionnel temporaire : 1.537,50 euros,
. préjudice esthétique temporaire : 1.800 euros,
- infirmer le jugement en ce qu'il a alloué diverses sommes à Mme [HV] au titre des dépenses de santé actuelles, des souffrances endurées et des frais irrépétibles,
Statuant à nouveau,
- rejeter les demandes formulées au titre des dépenses de santé actuelles,
- rejeter les demandes formulées au titre du remboursement des frais d'assistance à expertise, préjudice né du prétendu défaut d'information, préjudice né du prétendu abus de confiance et frais d'assistance par médecin conseil dans l'hypothèse où elles seraient jugées recevables,
- fixer l'indemnisation des souffrances endurées à la somme de 2.000 euros,
- rejeter toute demande plus ample ou contraire de Mme [HV] et du RSI IdF Ouest,
- condamner Mme [HV] aux entiers dépens, avec distraction au profit de la SELARL Fabre & associés.
La société Allianz fait également valoir, à titre liminaire, l'irrecevabilité des demandes de Mme [HV] concernant les sommes sollicitées au titre du défaut d'information, de l'abus de confiance, de l'angoisse de perdre son enfant et des frais d'assistance à expertise, nouvelles en cause d'appel.
Elle ne conteste pas toute responsabilité du Dr [S] et discute les demandes indemnitaires de Mme [HV].
Le RSI, qui a eu connaissance de la déclaration d'appel qui lui a été signifiée par acte du 18 octobre 2022 remis à personne habilitée à le recevoir, n'a pas constitué avocat devant la Cour.
Les Caisses Primaires d'Assurance Maladie (CPAM) d'Ile de France et du Val d'Oise, venant aux droits du RSI d'Ile de France, auxquelles les déclarations d'appel a été signifiée par actes remis le 4 avril 2023 à personnes habilitées à les recevoir, n'ont pas non plus constitué avocat devant la Cour.
L'arrêt sera en conséquence réputé contradictoire en application de l'article 474 du code de procédure civile.
* La clôture de la mise en état du dossier a été ordonnée le 26 mars 2025, l'affaire plaidée le 6 mai 2025 et mise en délibéré au 10 juillet 2025.
Motifs
Le RSI d'Ile de France, régulièrement assigné et intimé, aux droits duquel vient désormais la CPAM de [Localité 17], régulièrement assignée devant la présente Cour, sont parties à l'instance. L'arrêt leur est en conséquence opposable sans nécessité d'une mention particulière en ce sens.
Sur la recevabilité des demandes nouvelles
L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
L'article 565 du même code précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent et l'article 566 que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
Mme [HV] présente certes pour la première fois en cause d'appel des demandes indemnitaires de 100.000 euros au titre du défaut d'information et de 50.000 euros au titre de l'abus de confiance et de faiblesse et des dangers des soins pratiqués pendant la grossesse.
Ces demandes se rattachent cependant à des postes de préjudices évoqués par l'intéressée en première instance, mais alors non chiffrés. Elles tendent aux mêmes fins que les prétentions formulées en première instance, à savoir l'indemnisation intégrale des préjudices de Mme [HV].
Ces demandes seront en conséquence déclarées recevables devant la Cour.
Au fond sur la responsabilité du Dr [S]
Le Dr [S] n'est aux termes de l'article L1142-1 du code de la santé publique responsable des conséquences dommageables des actes de prévention, de diagnostic ou de soins réalisés sur Mme [HV] qu'en cas de faute.
1. sur le non-respect du devoir d'information
L'article L1111-2 du code de la santé publique, tel qu'applicable du 23 juillet 2009 au 28 janvier 2016 et au moment de l'intervention critiquées du Dr [S] en 2012, énonce que toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé, que cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus et que lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver (alinéa 1er). Il est ajouté que cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables (alinéa 2), que seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser (alinéa 3), que cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel (alinéa 4). Il est précisé qu'en cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve, par tout moyen, que l'information a été délivrée à l'intéressé (alinéa 7).
Il ressort par ailleurs des dispositions de l'article R4127-236 du code de la santé publique, dans le cadre du code de déontologie des chirurgiens-dentistes, que le consentement de la personne examinée ou soignée est recherché dans tous les cas et que lorsque le patient, en état d'exprimer sa volonté, refuse les investigations ou le traitement proposés, le chirurgien-dentiste doit respecter ce refus après l'avoir informé de ses conséquences.
Les radiographies communiquées par le Dr [S] (sa pièce n°7) ne portent aucune mention de l'identité de la personne concernée et ne permettent pas d'identifier Mme [HV]. Elles ne sont par ailleurs pas datées et ne démontrent pas que le chirurgien-dentiste a pris le soin de faire réaliser ces examens avant de proposer à l'intéressée un plan de traitement.
Le dessin particulièrement sommaire de cinq dents sur une feuille blanche non datée ni signée, ne portant aucune explication, ne peut bien entendu valoir preuve d'une information donnée par le Dr [S] à Mme [HV] concernant les traitements envisagés pour elle. Il ne peut cependant pas non plus, pour les mêmes raisons, permettre à l'expert, dont les conclusions ne lient pas la Cour selon l'article 246 du code de procédure civile, de conclure que le Dr [S] a présenté à la patiente « une explication exagérée de perte osseuse sur une molaire avec "furcation" (perte d'os entre les racines d'une molaire), ce qui ne correspond pas aux images radiologiques » (caractères italiques et soulignés du rapport). Ainsi, la teneur exacte des renseignements donnés par le chirurgien-dentiste à la patiente n'est aucunement établie.
Mme [HV] a le 9 juillet 2012, jour de sa première consultation chez le Dr [S], signé deux formulaires de consentement éclairé :
- le premier pour la pose d'implants ou un traitement chirurgical, confirmant avoir été informée d'un risque d'échec de l'intervention, de la possibilité d'une nécessité d'une modification ou d'extension de celle-ci, de la possibilité de survenance d'une gêne, sensibilité, douleur et/ou inflammation, de la possibilité de traitement par prothèses fixes ou amovibles, de la nécessité de contrôles réguliers en suite de l'intervention, de la dépose sans frais mais sans remboursement de l'implant en cas d'échec, de l'absence de prise en charge de l'intervention par la sécurité sociale,
- le second par lequel elle indique avoir été informée du plan de traitement la concernant, des risques thérapeutiques, de l'absence de prise en charge par la sécurité sociale de certains traitements, des risques encourus en cas d'abstention thérapeutique ou d'arrêt du traitement.
Mme [HV] a en outre le même jour, sans délai de réflexion, signé deux devis pour un pivot et une couronne, pour la somme de 1.050 euros et pour trois implants, trois pivots et trois couronnes pour 5.910 euros. Les deux devis portent une mention selon laquelle « le patient reconnaît avoir eu la possibilité du choix de son traitement » (caractères italiques des documents).
Ces seuls documents ne suffisent pas à démontrer que Mme [HV] a reçu une information claire, précise et utile sur l'état de sa dentition, les divers traitements possibles, le traitement envisagé, ses inconvénients et risques, le déroulement précis des interventions prévues nécessité d'extraction de dents, d'une greffe osseuse, etc., et de leurs suites. Par ailleurs, signés le jour même de la première consultation, ils laissent apparaître que l'intéressée n'a bénéficié d'aucun temps de réflexion, alors que les interventions envisagées ne présentaient aucune urgence.
Le Dr [S] a ensuite multiplié les devis présentés à Mme [HV] (devis du 18 février 2013 pour des Inlays de céramique pour 780 euros / devis du 27 août 2012 pour une couronne en céramique pour 740 euros / devis du 3 septembre 2012 pour trois Inlays de céramique pour 1.170 euros / devis du 11 septembre 2012 pour un comblement osseux du sinus droit pour 1.900 euros). Ces devis sont certes signés par Mme [HV] pour acceptation, mais le chirurgien-dentiste ne justifie d'aucune explication donnée à la patiente concernant les interventions en cause, leur déroulement, leurs suites, etc. Il n'établit ainsi pas qu'elle a consenti aux interventions dûment informée et en toute connaissance de cause.
Il ressort de ces éléments que le Dr [S], auquel incombe cette preuve, ne démontre pas avoir donné à Mme [HV] une information suffisante et adaptée sur les divers traitements possibles de ses problèmes dentaires, sur les traitements choisis, leur déroulement exact et leurs suites et sur les risques encourus, pour lui permettre de lui donner un consentement éclairé. Mme [HV], mal et insuffisamment informée, n'a pas été correctement préparée aux soins du Dr [S] et à ses conséquences.
Si Mme [HV] ne dénomme pas ce préjudice qui découle pour elle de ce défaut d'information, c'est bien celui qu'elle caractérise et dont elle demande réparation.
Ajoutant au jugement, la Cour condamnera le Dr [S] à payer la somme de 5.000 euros à Mme [HV] en réparation de ce préjudice d'impréparation, somme qui portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, conformément aux termes de l'article 1231-7 du code civil.
2. sur l'abus de confiance, l'abus de faiblesse et la violation du code de déontologie
Mme [HV] invoque ensuite des infractions pénales commises par le Dr [S] et cite d'ailleurs l'article 223-15-2 du code pénal punissant notamment l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due notamment à son état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur, pour la conduire à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.
Mme [HV] a le 9 juillet 2012, jour de sa première consultation avec le Dr [S], rempli et signé un questionnaire concernant l'historique de son état de santé général et dentaire, les traitements en cours, etc. Elle a ce jour signalé des problèmes de sinus et une fatigue, et à la question « Etes-vous enceinte ' » a répondu « non ». Ceci ne peut lui être reproché puisqu'à cette date, elle pouvait ne suspecter aucune grossesse, son gynécologue ayant placé le début de celle-ci seulement le 12 juillet.
Elle a cependant en signant ce questionnaire accepté de « [signaler], immédiatement, toute modification concernant [son] état de santé et [ses] prescriptions médicales » (caractères gras du document, mention située au-dessus de la signature) et ne justifie aucunement avoir signalé sa grossesse au Dr [S] dès que celle-ci a été connue.
Il n'est pas établi que celle-ci ait été visible lors de sa première intervention chirurgicale du 29 octobre 2012 (à trois mois de grossesse) ni lors des examens, notamment radiologiques, ultérieurs. Il n'est pas démontré que le chirurgien-dentiste ait pu connaître l'état de grossesse de Mme [HV] avant la finalisation de son plan de traitement chirurgical. Mme [H] [B], assistance du Dr [S], certifie sur l'honneur que Mme [HV] « a indiqué sa grossesse au cours de l'année 2013, environ 1er trimestre 2013 » et qu'il a été noté le 11 février 2013 sur son dossier « qu'elle était enceinte (') comme elle nous l'a annoncé » (attestation non datée).
Mme [HV] affirme, mais n'établit pas, avoir été « profondément traumatisée » par ses précédentes grossesses (incluant une fausse couche), point qu'elle n'a pas abordé avec le chirurgien-dentiste. Si elle a légitimement pu choisir le cabinet du Dr [S] qui indiquait pratiquer une médecine dentaire douce et holistique, elle procède également par allégations sans preuve lorsqu'elle fait état de man'uvres et manipulations (et notamment de manipulation mentale) de la part du chirurgien-dentiste pour la convaincre de la nécessité des interventions (dont elle ne prouve par ailleurs pas le danger pour une femme enceinte), lui prête des propos qu'elle n'établit pas, évoque sans preuve la fausseté d'une attestation produite aux débats par le chirurgien-dentiste, lui reproche de ne pas lui avoir prescrit d'antibiotiques sans établir leur nécessité et la possibilité d'un tel traitement sur une femme enceinte.
Les erreurs de diagnostic et l'absence de justification des traitements entrepris par le Dr [S] peuvent engager sa responsabilité ni au titre d'un abus de faiblesse ou de confiance, ni au titre d'une violation de ses obligations déontologiques.
Mme [HV], enfin, ne justifie d'aucun préjudice des abus de confiance ou de faiblesse seulement allégués, étant rappelé que le paiement de dommages et intérêts ne peut être ordonné qu'en réparation d'un préjudice démontré mais jamais à titre de sanction.
Ajoutant au jugement, la Cour déboutera en conséquence Mme [HV] de sa demande de dommages et intérêts présentée au titre d'un abus de confiance et de faiblesse non établi et d'un préjudice non prouvé.
3. sur les fautes médicales et thérapeutiques
L'article R4127-233 du code de la santé publique prévoit, au titre du code de déontologie des chirurgiens-dentistes, que celui qui a accepté de donner des soins à un patient s'oblige à lui assurer des soins éclairés et conformes aux données acquises de la science, soit personnellement, soit lorsque sa conscience le lui commande en faisant appel à un autre chirurgien-dentiste ou à un médecin (1°) ou encore à agir toujours avec correction et aménité envers le patient et à se montrer compatissant envers lui (2°).
Mme [HV], qui expose avoir « intentionnellement choisi de consulter un chirurgien-dentiste pratiquant la médecine dentaire holistique » ne démontre aucunement que le Dr [S] a pratiqué sur elle des actes de dentisterie pénalement condamnables ni même aucun acte interdit par les données acquises de la science médicale ou encore par l'ordre des chirurgiens-dentistes. Elle affirme ensuite, sans étayer ses propos d'aucune preuve, que le Dr [S] n'a pas respecté le « protocole » en matière de pose d'implant, sans même citer les obligations du chirurgien-dentiste qui n'auraient pas été respectées dans ce cadre.
L'expert judiciaire a en revanche mis en lumière les manquements du Dr [S] au titre du diagnostic et des soins apportés à Mme [HV]. Il indique, au vu du rapport du Dr [V], qui a suivi Mme [HV] aux Etats-Unis postérieurement à l'intervention du chirurgien-dentiste français, que ses douleurs sont dues à l'articulation temporo mandibulaire et à l'impossibilité d'assurer une hygiène correcte « compte tenu de l'architecture du bridge construit sur [les] implants ». Il estime que le chirurgien-dentiste a pris la décision d'extraire trois dents prématurément, sans réaliser de radiographies complémentaires précises et selon des justifications non pertinentes, qu'il a procédé à un diagnostic erroné en l'absence de fêlures, caries ou foyer infectieux, et qu'il a procédé à des traitements non justifiés ni conformes aux données acquises de la science médicale, estimant que l'état parondontal de Mme [HV] était « traitable par des moyens simples ». Il observe enfin que les implants n'ont été que partiellement implantés dans l'os, qu'ils sont de dimension et d'implantation « trop palatine », incorrectes.
L'expert, en conséquence, considère que les traitements réalisés par le Dr [S], « n'étaient pas justifiés et [procédaient] d'un diagnostic erroné de l'origine des douleurs de la demanderesse ».
Seule la construction prothétique sur un implant existant au droit de la dent 36 n'est pas critiquée par l'expert.
Le Dr [S] ne conteste pas le rapport de l'expert sur ces points et n'apporte aucun élément permettant de contrarier ces conclusions.
Les premiers juges ont ainsi à juste titre retenu une première faute du Dr [S] au titre d'un diagnostic erroné du fait d'un manque d'exploration du terrain à traiter, qui a entraîné l'extraction non justifiée de trois dents saines, et une seconde faute dans la mauvaise réalisation de la pose des implants. Ils ont en conséquence à bon droit retenu la responsabilité du chirurgien-dentiste qui n'a pas donné à Mme [HV] des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science médicale dentaire.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité du chirurgien-dentiste à l'origine de préjudices pour Mme [HV]. Il sera confirmé de ce chef.
Le Dr [S] est donc tenu à indemnisation intégrale des préjudices de Mme [HV], en lien avec ses manquements.
Sur l'indemnisation des préjudices de Mme [HV]
L'expert a fixé la consolidation de l'état de santé de Mme [HV] au 22 décembre 2015, point qui n'est discuté d'aucune part.
1. sur les préjudices patrimoniaux
Mme [HV] ne présente pas de demande au titre de préjudices patrimoniaux permanents.
(1) sur les dépenses de santé actuelles
Les premiers juges ont alloué à Mme [HV] la somme de 10.000 + (25.645,14 - 20%) = 30.516,11 euros au titre des dépenses de santé actuelles, en remboursement de soins fautifs et des soins de réhabilitation.
Mme [HV] réclame l'allocation des sommes de 12.567,78 euros en remboursement des honoraires versés au Dr [S], de 40.000 euros au titre des honoraires versés au Dr [V] aux Etats-Unis et de 26.500 euros au titre des honoraires de réparation.
Le Dr [S], constatant que Mme [HV] ne justifiait pas des remboursements des organismes sociaux, conclut au rejet de sa demande de remboursement de soins. Il estime ensuite que les honoraires de réparation doivent être cantonnés à la somme maximale de 6.625 euros. Il s'oppose à la prise en charge des honoraires de réparation en sus des honoraires du Dr [V].
La société Allianz conclut au rejet des demandes de Mme [HV] de ces chefs, alors qu'elle ne justifie pas des remboursements des organismes sociaux et ne peut à la fois réclamer le remboursement des soins fautifs et le remboursement des frais de réparation. A titre subsidiaire, elle propose l'allocation de la seule somme de 13.250 euros au titre des frais de réfection estimés par l'expert.
Sur ce,
Les honoraires totaux facturés par le Dr [S] à la charge de Mme [HV] se sont élevés à la somme totale de 13.617,78 euros.
La responsabilité du Dr [S] n'étant pas retenue du chef de la construction prothétique sur un implant existant au droit de la dent 36 de Mme [HV], les frais correspondants doivent être laissés à la charge de celle-ci, à hauteur de 1.050 euros selon le devis du chirurgien-dentiste du 9 juillet 2012.
Alors que le diagnostic du Dr [S] s'est avéré erroné et a conduit à la mise en place de traitements injustifiés (en outre incorrectement réalisés), les premiers juges ont à juste titre considéré que le préjudice de Mme [HV] était constitué à la fois du coût des soins inadaptés et du coût des prestations de reprise.
Mme [HV], cependant et malgré les observations en ce sens du Dr [S] et de son assureur ainsi que des premiers juges, ne justifie pas avoir gardé la charge de l'intégralité du solde des honoraires du chirurgien-dentiste de 13.617,78 - 1.050 = 12.567,78 euros, n'établissant pas le montant pris en charge par sa mutuelle. En l'absence d'élément, les premiers juges ont à tort appliqué une décote de 20% sur ce solde, ne correspondant à aucun élément du dossier. Mme [HV] ne justifiant pas non plus devant la Cour de la part des frais du chirurgien-dentiste effectivement restés à sa charge après remboursement de sa mutuelle française, dont elle ne conteste pas l'existence, sera déboutée de toute demande de remboursement à ce premier titre.
Elle ne saurait, ensuite, réclamer à la fois le remboursement des honoraires réglés entre les mains du Dr [V] aux Etats-Unis et le coût des prestations de reprise tel qu'évalué par l'expert, sauf à obtenir une double indemnisation de son préjudice.
Il ne peut donc être fait droit à sa demande présentée au titre des honoraires du médecin américain, dont elle ne justifie au demeurant ni du montant exact (d'« environ 40.000 euros »), ni du lien certain avec les manquements du Dr [S] (sa pièce n°67, datée du 16 octobre 2015, n'est pas signée, ne permet pas d'identifier les soins et n'a aucune force probante).
Les honoraires de réparation des troubles causés par les manquements du Dr [S] ont été évalués par l'expert, retenant le traitement proposé par les Drs [R] [K] et [G] aux Etats-Unis pour la dépose des implants et sinus lift d'un montant de 13.000 dollars et la mise en place de nouveaux implants, prothèses sur implants et inlay-core d'un montant de 16.950 dollars, soit une somme de 29.950 dollars, ou encore 25.645,14 euros (taux de change non contesté). Les premiers juges ont à juste titre refusé d'appliquer une décote de 50% au motif de soins plus chers aux Etats-Unis qu'en France, le principe de la réparation intégrale imposant une indemnisation des sommes effectivement payées. Il n'y a pas lieu non plus d'appliquer à cette somme une décote de 20% pour tenir compte de remboursements d'une mutuelle américaine, à laquelle Mme [HV] n'a pas souscrit. La somme totale de 25.645,14 euros doit être allouée à l'intéressée en indemnisation des frais de reprise des troubles causés par les interventions du Dr [S].
(2) sur les pertes de gains professionnels actuels
Les premiers juges, considérant que Mme [HV] ne démontrait pas la réalité de pertes de revenus, l'ont déboutée de sa demande d'indemnisation de ce chef.
Mme [HV] fait état de l'impact significatif des fautes du Dr [S] sur son activité professionnelle et sollicite, en indemnisation, l'allocation de la somme de 214.000 euros.
Le Dr [S] et la société Allianz concluent à la confirmation du jugement sur ce point.
Sur ce,
L'expert judiciaire s'est adjoint les services d'un psychiatre. Celui-ci, dans un certificat du 22 octobre 2022 intégré au rapport d'expertise, affirme après une discussion médico-légale qu'il ne retrouve pas d'élément en faveur d'une dépression organisée et qu'il n'y a à ce jour « pas de répercussions sur la trajectoire professionnelle de l'intéressée qui puisse être mise en relation directe et certaine avec l'affaire en cours ». L'expert exclut tout lien entre la dépression alléguée de Mme [HV] et les soins fautifs du Dr [S].
Mme [HV] ne justifie d'aucun arrêt de travail en suite des soins du Dr [S].
Elle énumère ses diplômes et produit son curriculum vitae et indique qu'elle travaillait à l'époque des faits dans la communication et le conseil dans le milieu de la mode, dans lequel l'aspect esthétique est capital, et affirme qu'elle ne pouvait après les soins du Dr [S] ni sourire ni parler ouvertement, n'osait plus rencontrer ses partenaires ni prospecter des clients, ce qui est confirmé par son mari (attestation de M. [N] [J] du 12 octobre 2018). Ces affirmations ne suffisent pas à caractériser la réalité de pertes de revenus.
Si elle a refusé deux offres d'emploi au mois d'octobre 2014, les courriers de M. [A] [P] du 8 octobre 2014 et de Mme [Z] [ZF] du 19 octobre 2014 n'établissent pas que ces refus aient été motivés par son aspect physique, mais laissent apparaître qu'ils découlent de choix familiaux.
Mme [HV] évalue enfin ses pertes de revenus à 80.000 dollars par an, soit 240.000 dollars ou encore 214.000 euros, sans s'appuyer sur aucun élément venant corroborer cette évaluation.
Affirmer n'est pas prouver et, en l'absence de tout élément sur la réalité et le montant de pertes de gains professionnels actuels, les premiers juges ont à juste titre débouté Mme [HV] de sa demande indemnitaire de ce chef.
(3) sur l'assistance d'une tierce personne
Les premiers juges ont rejeté la demande d'indemnisation de Mme [HV] au titre de l'assistance d'une tierce personne.
Mme [HV] réclame l'octroi de la somme de 9.000 euros au titre de ses besoins d'assistance d'une tierce personne.
Le Dr [S] et la société Allianz concluent à la confirmation du jugement de ce chef.
Sur ce,
L'expert estime que Mme [HV] n'a pas été dans l'incapacité, même partielle, de poursuivre ses activités personnelles habituelles.
L'intéressée ne prouve par aucun moyen avoir été dans l'incapacité, du faits des manquements du Dr [S], d'accomplir les tâches quotidiennes de la vie courante. Elle affirme, avec son mari (attestation de M. [J] du 12 octobre 2018 déjà citée), s'être retrouvée dans un « état dramatique » et avoir dû engager une aide à domicile à plein temps pendant six mois, dont elle estime le coût total à 9.000 euros, sans apporter au soutien de sa demande aucune pièce justificative (contrat, feuilles de paie, etc.).
En l'absence de tout élément sur la réalité et le montant des besoins de Mme [HV] au titre de l'assistance d'une tierce personne, les premiers juges ont justement rejeté sa demande indemnitaire de ce chef.
(4) sur les frais divers
Les premiers juges ont alloué la somme de 1.295,79 euros à Mme [HV] au titre des frais divers (frais de traduction et de transport pour les réunions d'expertise).
Mme [HV] sollicite l'allocation de 4.548,62 euros en indemnisation de ses frais de transport et de 340 euros pour des frais de traduction.
Le Dr [S] conclut par erreur à la confirmation du rejet de la demande de Mme [HV] au titre des pertes de gains professionnels actuels au terme d'un paragraphe concernant les frais divers. Il apparaît qu'il s'oppose à toute indemnisation à ce titre.
La société Allianz conclut à la confirmation du jugement en ses dispositions relatives aux frais de transport et de traduction, mais au rejet de la demande relative aux frais d'assistance par un médecin conseil.
Sur ce,
Plusieurs réunions d'expertise ont rendu la présence de Mme [HV] nécessaire, entraînant pour elle des frais de transport, indemnisables.
Elle justifie de frais d'avion de 3.437,10 dollars pour quatre personnes entre [Localité 18] et [Localité 17], au titre d'un séjour en France entre le 21 mars et 6 avril 2014, pour assister à la réunion d'expertise du 1er avril. Si elle indique qu'elle avait à cette époque besoin du soutien de sa famille, le coût des billets d'avion de son conjoint et de ses enfants ne peut être mis à la charge du Dr [S] et de son assureur. Les premiers juges ont justement retenu, à la charge du médecin et de son assureur, les frais d'avion pour une seule personne, soit 3.437,10 ÷ 4 = 859,28 dollars, soit encore 738,82 euros (taux de conversion au jour du jugement, non contesté).
Elle ne justifie pas de frais pour se rendre à la réunion du 24 juin 2014.
Elle justifie de frais d'avion de 97,70 dollars (soit 84 euros) pour une personne entre [Localité 18] et [Localité 17], au titre d'un séjour en France du 21 au 25 septembre 2014, pour assister à la réunion du 23 septembre. Ces frais, outre les frais de location de voiture du 22 au 25 septembre 2014 pour un montant de 132,97 euros (facture de la société Sixt du 12 septembre 2014) doivent donc être mis à la charge du Dr [S] et de son assureur à hauteur de 84 + 132,97 = 216,97 euros.
Elle justifie enfin de frais d'avion de 789,86 dollars entre [Localité 18] et [Localité 17], pour un séjour en France du 29 septembre au 8 octobre 2016, pour assister à la réunion d'expertise du 6 octobre. Ces frais correspondent cependant à un voyage prévu pour une autre raison. Son conseil a en effet, par courrier du 12 septembre 2016, indiqué à l'expert qu'elle se trouverait en France pendant cette période, raison pour laquelle l'expert a prévu une réunion à ce moment. Les premiers juges ont donc justement débouté l'intéressée de toute demande indemnitaire de ce chef.
Mme [HV] justifie enfin de frais de traduction de ses pièces médicales américaines en français pour leur production dans le cadre de l'expertise judiciaire, à hauteur de la somme totale de 340 euros (factures de Mme [Y] [E] des 27 octobre 2014 et 17 août 2016). Ces frais constituent un préjudice indemnisable, justement mis à la charge du Dr [S] et de son assureur.
Mme [HV] ne présente aucune demande d'indemnisation de frais d'assistance à expertise d'un médecin-conseil. Il en est pris acte.
Le préjudice indemnisable de Mme [HV] au titre des frais divers s'élève donc à la somme totale de 738,82 + 216,97 + 340 = 1.295,79 euros justement allouée par le tribunal.
2. sur les préjudices extrapatrimoniaux temporaires
(1) sur le déficit fonctionnel temporaire
Les premiers juges, sur la base d'un tarif journalier de 25 euros, ont accordé à Mme [HV] la somme de 1.537,50 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire.
Mme [HV], sur la base d'un tarif journalier de 27 euros, réclame l'octroi de la somme de 1.680,75 euros à ce titre.
Le Dr [S] et la société Allianz concluent à la confirmation du jugement sur ce point.
Sur ce,
L'expert judiciaire estime que le déficit fonctionnel temporaire de Mme [HV] a été de 5% entre le 16 juillet 2012, date des premiers soins du Dr [S], et le 22 décembre 2015, date de la consolidation de l'état de santé de l'intéressée, sur une période de trois ans et cinq mois, soit 1.230 jours.
Les premiers juges ont, au vu de ces éléments, justement retenu un tarif journalier de 25 euros et accordé à Mme [HV], au titre de ce déficit, la somme de 25 X 1.230 X 5% = 1.537,50 euros.
(2) sur les souffrances endurées
Les premiers juges ont alloué la somme de 6.000 euros à Mme [HV] en réparation des souffrances qu'elle a endurées du fait du Dr [S].
Mme [HV] réclame l'octroi de la somme de 55.000 euros à ce titre.
Le Dr [S] et la société Allianz proposent l'allocation de la somme de 2.000 euros.
Sur ce,
L'expert a évalué les souffrances endurées par Mme [HV] à 2/7 (légères) au regard des douleurs de l'articulation temporo-mandibulaire non traitées, des extractions injustifiées et des remplacements de dents problématiques, ensuite déposées.
Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, cette évaluation ne tient pas compte des douleurs subies plus tard, liées aux travaux de reprise, ni des souffrances morales, liées notamment à une perte de confiance en soi de l'intéressée qui travaillait dans la communication dans le milieu de la mode et qui était attachée à son apparence physique, atteinte en l'espèce. La demande de Mme [HV] apparaît cependant disproportionnée et injustifiée au regard de l'ensemble des éléments dont il doit être tenu compte. C'est ainsi à juste titre que les premiers juges ont accordé à Mme [HV] la somme de 6.000 euros en réparation de ces souffrances.
(3) sur le préjudice esthétique temporaire
Les premiers juges ont accordé à Mme [HV] la somme de 1.800 euros en indemnisation de son préjudice esthétique temporaire.
Mme [HV] sollicite l'allocation de la somme de 40.000 euros à ce titre.
Le Dr [S] propose l'octroi de la somme de 1.500 euros.
La société Allianz conclut à la confirmation du jugement sur ce point.
Sur ce,
Le Dr [S] a le 16 juillet 2012 extrait trois dents (dents 14, 15 et 16, prémolaires et molaires supérieures droites), mais a posé le même jour un appareil amovible provisoire, sans préjudice esthétique pour Mme [HV].
Les implants ensuite posés à ces trois emplacements ont été retirés pas le Dr [V] aux Etats-Unis le 11 août 2013.
L'expert a évalué le préjudice esthétique temporaire de Mme [HV], résultant de l'absence de ces trois dents, à 1/7 du mois d'août 2013 jusqu'à la pose des prothèses provisoires. La lecture de l'expertise et des conclusions des parties ne permet pas de dater précisément cette pose de prothèses provisoires. Le Dr [G] a mis en place des implants définitifs au mois d'octobre 2014.
Le sourire de Mme [HV] a été affecté par la perte de ces trois dents, mais le préjudice doit être relativisé, aucune dent de devant n'étant concernée. La durée exacte de ce préjudice, à partir du mois d'août 2013 et non jusqu'à la pose d'implants définitifs mais jusqu'à la pose de prothèses provisoires, n'est pas renseignée.
Mme [HV] affirme ensuite avoir accusé une forte baisse de poids suivie d'une forte prise de poids du fait de la modification de son alimentation, sans pourtant en justifier autrement que par le témoignage de son mari (attestation déjà citée). Il n'est pas établi que ces modifications aient négativement affecté son apparence physique.
La demande de Mme [HV] apparaît disproportionnée au regard de ces éléments, que les premiers juges ont correctement pris en considération pour à juste titre évaluer le préjudice esthétique de Mme [HV] à hauteur de 1.800 euros.
(4) sur le préjudice sexuel
Les premiers juges ont rejeté la demande d'indemnisation d'un préjudice sexuel présentée par Mme [HV], estimant que ce poste de préjudice avant la consolidation était intégré dans le déficit fonctionnel temporaire.
Mme [HV] fait état d'un préjudice morphologique et d'un préjudice lié à l'acte sexuel lui-même, qui a duré cinq ans, pour solliciter, en réparation, la somme de 30.000 euros.
Le Dr [S] et la société Allianz concluent à la confirmation du jugement à ce titre.
Sur ce,
Avant consolidation de l'état de santé du patient, le retentissement des actes médicaux fautifs sur les activités sexuelles de Mme [HV] est inclus dans l'évaluation de son déficit fonctionnel temporaire. Le préjudice sexuel est un poste de préjudice à caractère permanent.
Il apparaît cependant que si Mme [HV] présente sa demande d'indemnisation au titre des préjudices extrapatrimoniaux temporaires, elle fait état d'un préjudice sexuel subi au-delà de la consolidation de son état de santé.
Ce poste de préjudice n'a pas été abordé en expertise.
Les interventions litigieuses du Dr [S] et les opérations de reprise subséquentes ont affecté la dentition de Mme [HV], sa bouche, considérée comme un organe sexuel secondaire et Mme [HV] a de ce fait subi un préjudice morphologique, qui, ajoutant au jugement, sera indemnisé par l'octroi de la somme de 1.500 euros.
Mme [HV] affirme ensuite avoir subi un préjudice sexuel lié à l'acte lui-même, alors qu'elle se sentait « laide » et « pas attirante » et que sa libido était touchée. Son époux (attestation précitée) confirme en effet l'absence de vie sexuelle du couple jusqu'en 2017. Ce préjudice peut également être retenu et sera indemnisé par l'allocation d'une somme de 1.500 euros, s'ajoutant à la première.
3. sur les préjudices extrapatrimoniaux permanents
(1) sur le préjudice moral
Les premiers juges ont rejeté la demande de Mme [HV] en réparation d'un préjudice moral.
Mme [HV] fait état d'une dépression et réclame l'allocation de 20.000 euros « par dent », soit la somme de 60.000 euros en réparation d'un préjudice moral.
Le Dr [S] et la société Allianz concluent à la confirmation du jugement de ce chef.
Sur ce,
Mme [HV] s'est vue extraire trois dents saines, désormais remplacées par des prothèses, et a ensuite subi de multiples interventions de reprise.
Elle justifie d'un préjudice moral, confirmé par son mari (attestation déjà citée), qui évoque son changement de comportement, le développement de son obsession pour sa dentition, sa dépression. Elle a d'ailleurs été suivie par M. [M] [U], psychologue, pour anxiété et dépression entre le 24 octobre 2013 et le 16 janvier 2014, et celui-ci, dans un document daté du 15 avril 2014, fait état de son opinion selon laquelle « les troubles émotionnels et physiques qu'elle a connus depuis ce traitement dentaire ont eu un effet négatif sur son humeur, sa vison d'elle-même et ses relations avec les autres ». Le tribunal, puis la Cour, ont tenu compte de ce préjudice moral subi par Mme [HV] du fait des interventions fautives du Dr [S] dans le cadre des souffrances endurées avant consolidation de son état de santé.
L'expert psychiatre sapiteur, ensuite, considère que l'état psychique de Mme [HV] n'est pas en lien avec les interventions litigieuses du Dr [S]. L'expert n'a retenu aucun déficit fonctionnel permanent qui pourrait inclure un tel poste de préjudice.
Mme [HV] affirme, mais ne prouve pas, que ses difficultés psychiques aient perduré au-delà de sa consolidation, non prises en compte dans les souffrances endurées examinées plus haut, et qu'elles puissent justifier une indemnisation complémentaire.
Les premiers juges ont en conséquence à juste titre débouté l'intéressée de sa demande indemnitaire de ce chef.
4. synthèse
La société Allianz ne conteste pas être l'assureur du Dr [S] ni sa garantie au profit de celui-ci. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné l'assureur à garantir le chirurgien-dentiste des condamnations prononcées contre lui.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [HV] de ses demandes d'indemnisation formulées au titre des pertes de gains professionnels actuels, de l'assistance d'une tierce personne et en réparation d'un préjudice moral, et en ce qu'il a condamné le Dr [S], sous la garantie de la société Allianz à payer à l'intéressée les sommes, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, de :
- 1.295,79 euros au titre des frais divers,
- 1.537,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
- 6.000 euros en réparation des souffrances endurées,
- 1.800 euros au titre du préjudice esthétique temporaire.
Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépenses de santé actuelles et au préjudice sexuel et, statuant à nouveau de ces chefs, la Cour condamnera le Dr [S] et la société Allianz à payer à Mme [HV], les sommes de :
- 25.645,14 euros au titre des dépenses de santé actuelles, avec intérêts au taux légal à compter du jugement en application de l'article 1231-7 du code civil,
- 1.500 + 1.500 = 3.000 euros en réparation du préjudice sexuel, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, en application des mêmes dispositions.
Ajoutant au jugement, le Dr [S] et la société Allianz seront condamnés à payer à Mme [HV] la somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice d'impréparation, Mme [HV] étant déboutée de sa demande d'indemnisation présentée contre le chirurgien-dentiste et son assureur du fait d'abus de confiance et de faiblesse.
Sur la demande de dommages et intérêts du Dr [S]
Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer (article 1240 du code civil).
A été posté sur le site Doctissimo, le 18 juillet 2013, un message ainsi rédigé :
Mon dentiste s'est fait 12000 euros sur mon dos (emprunt), je suis allez voir sois disant un des meilleur de [Localité 17]. Resultat médiocre.
L'implantologie est un business !!
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Ce message n'est pas signé, mais Mme [HV] admet en être l'auteur et ne conteste pas ses termes, arguant devant le tribunal puis la Cour de soins, procédés et méthodes de travail désastreux, de tromperies et manigances dont le chirurgien-dentiste « est l'auteur coutumier ». Cette publication fait état d'un avis sans contenir de propos diffamatoires. Les publications figurant sur le site auquel le lien hypertexte conduisait ont été effacées.
Le Dr [S] a à l'époque des interventions litigieuses fait l'objet d'une campagne de dénigrement dont le Dr [D] [W] se fait l'écho, évoquant, sur le site auquel le lien hypertexte du message précité renvoyait, des accusations d'escroquerie contre le chirurgien-dentiste, alors décrit comme « dentiste manipulateur comme la peste », (attestation du 9 octobre 2013). Le Dr [W] précise avoir, sur ce site, été en contact avec une personne se présentant comme étant l'époux de Mme [HV] et qui lui aurait répondu qu'il faisait ce qu'il voulait sur son site. Selon le Dr [W], les propos tenus sur ce site « étaient diffamatoires, insultants et citaient nommément le Docteur [RY] [S] avec son adresse ». Or Mme [HV] ne peut répondre de propos qui ne sont pas les siens mêmes.
Cette campagne est en outre désormais éteinte, les propos incriminés effacés, le site litigieux fermé.
Le Dr [S], par ailleurs, ne justifie pas de la réalité du préjudice qu'il a pu subir, ne démontre pas la perte de clientèle et la baisse de fréquentation de son cabinet dentaire en lien avec les publications litigieuses.
Les premiers juges ont en conséquence à juste titre débouté le chirurgien-dentiste de sa demande de dommages et intérêts présentée contre Mme [HV], et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Le sens de l'arrêt conduit à la confirmation du jugement en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance mis à la charge du Dr [S] (seul au titre des frais irrépétibles) et de la société Allianz.
Ajoutant au jugement, la Cour condamnera le Dr [S] et la société Allianz, qui succombent devant elle, aux dépens d'appel, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
Tenus aux dépens, le Dr [S] et la société Allianz seront condamnés à payer à Mme [HV] la somme équitable de 2.500 euros en indemnisation des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ces condamnations emportent le rejet des demandes du Dr [S] et de la société Allianz de ces chefs.
Par ces motifs,
La Cour,
Confirme le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité du Dr [RY] [S] à l'égard de Mme [EW] [HV] et en ses autres dispositions, sauf en ce qu'il a condamné le chirurgien-dentiste et la SA Allianz IARD à payer à Mme [EW] [HV] les sommes de 30.516,11 euros au titre des dépenses de santé actuelles et a débouté cette dernière de sa demande d'indemnisation d'un préjudice sexuel,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant au jugement,
Dit Mme [EW] [HV] recevable en ses demandes d'indemnisation au titre d'un défaut d'information et d'abus de confiance et de faiblesse,
Condamne le Dr [RY] [S], sous la garantie de la SA Allianz IARD, à payer à Mme [EW] [HV] les sommes de :
- 5.000 euros en réparation de son préjudice d'impréparation, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
- 25.645,14 euros au titre des dépenses de santé actuelles, avec intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2020,
- 3.000 euros en réparation du préjudice sexuel, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Déboute Mme [EW] [HV] de sa demande présentée au titre d'un abus de confiance et de faiblesse,
Condamne le Dr [RY] [S] et la SA Allianz IARD aux dépens d'appel,
Condamne le Dr [RY] [S] et la SA Allianz IARD à payer la somme de 2.500 euros à Mme [EW] [HV] en indemnisation de ses frais irrépétibles d'appel.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,