CA Dijon, ch. soc., 10 juillet 2025, n° 23/00471
DIJON
Arrêt
Autre
[E] [W]
C/
S.A.R.L. [P]
C.C.C. délivrée
le : 10/07/2025
à : Me BERTHELON
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le : 10/07/2025
à : Me MERIENNE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 10 JUILLET 2025
MINUTE N°
N° RG 23/00471 - N° Portalis DBVF-V-B7H-GH45
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section CO, décision attaquée en date du 20 Juillet 2023, enregistrée sous le n° 20/00378
APPELANT :
[E] [W]
[Adresse 4]
[Localité 1]/FRANCE
représenté par Maître Marine BERTHELON, avocat au barreau de DIJON
INTIMÉE :
S.A.R.L. [P]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Jean-françois MERIENNE de la SCP MERIENNE ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 3 juin 2025 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Rodolophe UGUEN-LAITHIER, conseiller chargé d'instruire l'affaire et qui a fait rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Olivier MANSION, président de chambre,
Fabienne RAYON, présidente de chambre,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Juliette GUILLOTIN,
DÉBATS: l'affaire a été mise en délibéré au 10 juillet 2025
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, président de chambre, et par Juliette GUILLOTIN, greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE :
Le contrat de travail à durée indéterminée à temps complet de M. [E] [W], initialement embauché par la société ELIE [D], a été repris le 7 septembre 2018 par la société [P] avec reprise d'ancienneté au 21 novembre 2017.
Par requête du 27 juillet 2020, il a saisi le conseil de prud'hommes de Dijon aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail et faire condamner l'employeur aux conséquences indemnitaires afférentes, outre des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, un rappel de salaire pour heures supplémentaires et une indemnité pour travail dissimulé.
Courant août 2020, il a fait l'objet d'un premier avertissement puis d'un deuxième le 8 juin 2021.
Le 24 août 2021, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 1er septembre suivant, assorti d'une mise à pied à titre conservatoire.
Le 6 septembre 2021, il a été licencié pour faute grave.
Par jugement du 20 juillet 2023, le conseil de prud'hommes de Dijon a rejeté les demandes du salarié.
Par déclaration formée le 10 août 2023, M. [W] a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions du 8 novembre 2023, l'appelante demande de :
- réformer le jugement du '19 juillet 2022", en ce qu'il :
* l'a débouté de sa demande de remise de ses feuilles d'heures conformément à la prescription triennale en vigueur sous astreinte,
* a confirmé les deux avertissements notifiés,
* a dit n'y avoir lieu à résiliation judiciaire du contrat de travail,
* a jugé que le licenciement pour faute grave est fondé,
* a dit que le contrat de travail a été exécuté de bonne foi,
* a jugé que la demande d'heures supplémentaires n'est pas fondée,
* a constaté l'absence de travail dissimulé,
* l'a débouté de l'intégralité de ses demandes,
* l'a condamné à payer à la société [P] la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* l'a condamné aux dépens,
- condamner la société [P] à lui remettre ses feuilles d'heures conformément à la prescription triennale en vigueur, et ce sous astreinte de 100 euros par jour à compter de la notification de la présente décision,
- condamner la société à lui verser la somme de 10 000 euros bruts (à parfaire) à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre les congés payés afférents,
- condamner la société [P] à lui verser la somme de 13 440,12 euros nets au titre du travail dissimulé,
- annuler l'avertissement du mois d'août 2020,
- condamner la société [P] à lui verser la somme de 1 000 euros nets à titre de dommages-intérêts,
- annuler l'avertissement du 8 juin 2021,
- condamner la société [P] à lui verser la somme de 1 000 euros nets à titre de dommages-intérêts,
à titre principal,
- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail,
- condamner la société [P] à lui verser les sommes suivantes :
* 7 840,07 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1 500,81 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement,
* 4 480,04 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 448 euros bruts au titre des congés payés afférents,
à titre subsidiaire,
- juger que le licenciement 'notifié à Madame [Y] [S]' est sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la société [P] à verser à 'Madame [Y] [S]' les sommes suivantes :
* 7 840,07 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1 500,81 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement,
* 4 480,04 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 448 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 1 045,33 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire, outre 104,53 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- condamner la société [P] à lui verser la somme de 5 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- condamner la société [P] à lui verser la somme de 2 000 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société [P] à lui remettre les documents légaux rectifiés ainsi qu'un bulletin de paye correspondant aux condamnations prononcées,
- débouter la société [P] de l'intégralité de ses demandes,
- juger que 'le conseil de prud'hommes' se réserve le droit de liquider l'astreinte,
- juger que les sommes ayant une nature salariale ou assimilée produisent intérêts au taux légal à compter de la notification par le conseil de prud'hommes à l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et en préciser la date,
- juger qu'il y a lieu à capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil,
- condamner la société [P] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Aux termes de ses dernières conclusions du 7 février 2024, la société [P] demande de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- débouter M. [W] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- la condamner à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
I - Sur la demande de production des feuilles d'heures sous astreinte :
Au soutien de sa demande de rappel de salaire pour des heures supplémentaires qu'il affirme ne pas avoir été payées, M. [W] sollicite la condamnation de la société [P] à lui remettre ses feuilles d'heures conformément à la prescription en vigueur, et ce sous astreinte de 100 euros par jour.
Toutefois, étant rappelé qu'il n'appartient pas à la cour de se substituer aux parties dans l'administration de la preuve, la cour relève que la demande n'a pas été formée en temps utiles auprès du conseiller de la mise en état. Par ailleurs, dès lors que l'employeur ne produit pas les pièces demandées, il appartiendra à la cour d'en tirer toutes les conséquences utiles.
La demande sera en conséquence rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
II - Sur les heures supplémentaires :
Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Au titre des éléments qu'il lui incombe d'apporter, M. [W] expose avoir été contraint de venir travailler lors de ses périodes de repos, de congés, ou encore lors de sa période de chômage partiel durant le confinement, effectuant ainsi de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont pas été réglées.
Il ajoute que :
- la lecture de ses bulletins de salaire démontre que ses heures supplémentaires ne lui ont pas été réglées (pièce n°4),
- la société se contente de produire les plannings informatisés pour la période de février à novembre 2020, alors qu'elle a racheté le fonds de commerce le 7 septembre 2018. Il ne fait donc aucun doute qu'il ne disposait d'aucun planning avant le mois de février 2020, ceux-ci ayant manifestement été mis en place à la suite de la saisine du conseil de prud'hommes par une autre salariée le 6 décembre 2019,
- dans ses dernières conclusions, la société a de façon surprenante produit des plannings pour les mois d'octobre 2018 à février 2020, concédant toutefois que ceux-ci n'étaient pas signés par lui. Or il n'a jamais été en possession de ces plannings, lesquels ont manifestement été établis a posteriori pour les seuls besoins de la cause. En effet, outre l'absence de sa signature, le formalisme de ces plannings informatisés varie d'un mois à l'autre,
- la société affirme qu'il effectuait régulièrement moins de 35 heures par semaines. Si tel avait été le cas, il est évident qu'elle n'aurait pas augmenté son temps de travail de 35 heures à 39 heures par un avenant prétendument daté du 25 juin 2019 à effet au 1er août suivant,
- la lecture des échanges de SMS versés au débat démontre que ses horaires de travail ne coïncident pas avec ces plannings et que ses horaires étaient sans cesse modifiés, et ce sans respect du délai de prévenance (pièce n°42),
- la société [P] est dans l'incapacité de prouver que ces prétendus plannings lui ont été remis conformément au délai de prévenance, de sorte qu'il était dans l'incapacité de connaître à l'avance ses horaires de travail, lesquels évoluaient selon les humeurs de son employeur,
- la société a fini par admettre des modifications tardives de ses horaires en prétendant qu'ils résultaient des couvre-feu successifs, alors même que nombre de modifications ont eu lieu avant la crise sanitaire. En parfaite contradiction avec cette argumentation, elle prétend désormais qu'il travaillait en binôme avec Mme [S] avec les mêmes horaires sur les mêmes tournées, de sorte que ses horaires n'étaient jamais modifiés. Toutefois, l'insistance relative à la jeunesse des gérants de la société ne fait que confirmer que 'leur mode de gestion des salariés était borderline', ce qui ressort des échanges de SMS (pièce n°12),
- outre des changements incessants d'horaires de travail, les horaires dont fait état le gérant de la société ne correspondent en rien aux plannings versés par cette dernière,
- la société ne justifie pas des absences venant corroborer les temps de travail figurant dans les plannings. C'est donc par pure générosité que la société l'a rémunéré sur la base de 39 heures par semaine alors qu'il n'aurait réalisé que 23 et 22 heures les semaines 2 des mois de juillet et août 2020,
- les attestations produites confirment qu'il a travaillé tous les dimanches, pendant ses congés et durant son congé paternité (pièces n°13 et 14),
- les SMS produits démontrent que la société refusait catégoriquement de comptabiliser les heures supplémentaires réalisées, allant jusqu'à corriger les feuilles d'heures transmises par lui (pièce n°35),
- il est évident qu'il a réalisé un grand nombre d'heures supplémentaires, notamment lors du congé maternité de Mme [S] et les congés de Mme [V]. Pour s'en convaincre, la cour constatera que la société [P] est dans l'incapacité de verser au débat le moindre contrat de travail à durée déterminée de remplacement de la salariée en arrêt, ce qui a inévitablement créé une surcharge de travail pour lui,
- les temps de repos et les délais de prévenance n'étaient pas respectés.
Il sollicite en conséquence la somme de 10 000 euros bruts 'à parfaire' à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre les congés payés afférents.
Néanmoins, la cour constate que ces éléments se focalisent sur la critique de ses plannings, selon lui en partie établis pour les besoins de la cause, et surtout leur discordance par rapport à ce qu'il estime avoir été ses horaires réels de travail, l'invocation de changements incessants et de dernière minutes de ses horaires de travail ou encore le fait d'avoir travaillé durant des périodes de congés, sans autre précision sur la durée de ce travail, le tout sans le moindre décompte des heures qu'il prétend avoir effectuées, ce qui ne permet pas de déterminer à quelle date et dans quelle mesure ces heures auraient été effectuées. Cette carence n'est pas non plus compensée par le chiffrage de sa demande de rappel de salaire, laquelle est à l'évidence forfaitisée. Dans ces conditions, la cour considère que ces éléments ne sont pas suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que le salarié prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
La demande à ce titre sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
III - Sur le travail dissimulé :
Au terme de l'article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé, a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
L'article L. 8221-5 du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli. Il en est de même du fait de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
En l'espèce, M. [W] soutient, sur la base des mêmes éléments que ceux invoqués au titre de sa demande de rappel de salaire pour des heures supplémentaires, qu'il ne fait aucun doute que l'employeur était parfaitement informé des heures supplémentaires qu'il effectuait, ce compte tenu de sa charge de travail et de l'absence de remplacement de Mme [V] lors de son accident de travail. C'est donc volontairement qu'il a refusé de lui régler ses heures supplémentaires.
Il ajoute que :
- depuis la reprise de son contrat de travail, il percevait en réalité chaque mois 1 800 euros nets, somme en partie versée sous la forme d'une enveloppe en espèce, ce que Mme [V] (pièce n°14) et les échanges de SMS confirment (pièces n°7 à 10, 16),
- la société lui a fait signer un avenant à son contrat de travail antidaté portant la durée de son temps de travail à hauteur de 39 heures par semaine, ce que confirme Mme [S] (pièce n°13). Contrairement à ce qu'affirme l'employeur, il ne ressort pas des échanges de courriers électroniques entre la société et son expert comptable que l'exemplaire initial du contrat aurait été perdu et la nécessité d'en signer un nouveau. Dans ses dernières conclusions, la société affirme qu'elle aurait régularisé un avenant le 25 juin 2019 à effet au 1er août suivant et qu'une version définitive de cet avenant aurait été transmise le 10 juillet 2019, sans la produire. La société n'apporte aucune explication sur le versement mensuel de la somme de 1 800 euros et ne conteste pas formellement cette pratique, affirmant de façon péremptoire et mensongère qu'il aurait fait du chantage pour obtenir une augmentation et qu'elle aurait été victime d'une tromperie de la part de M. [D] lors de la cession du fonds de commerce. Outre le fait que ces accusations sont fermement contestées, le salarié rappelle que la société n'a déposé plainte ni contre lui ni contre M. [D] et que l'employeur était en possession de l'ensemble des données salariales, y compris ses bulletins de salaire, lors du rachat du fonds,
- la société n'apporte aucune explication concernant les fausses feuilles de frais professionnels et ne conteste pas formellement cette pratique,
- s'il réalisait effectivement moins de 35 heures hebdomadaires, aucun avenant augmentant son temps de travail à 39 heures hebdomadaires ne lui aurait été soumis, si ce n'est pour justifier une augmentation de salaire sur le papier afin que la partie dissimulée de son salaire soit déclarée.
Elle sollicite en conséquence la somme de 13 440,12 euros nets à titre d'indemnité pour travail dissimulé.
La société [P] oppose que :
- M. [W] affirme que du mois de septembre 2018 au mois de février 2020, la société ne lui a pas réglé ses heures supplémentaires et que ces dernières n'étaient pas non plus inscrites sur les bulletins de salaire. Il a été démontré qu'il n'en est rien,
- il allègue que la société lui payait ses heures supplémentaires en liquide, ce qui est totalement faux,
- pour justifier sa demande, le salarié produit des SMS échangés entre novembre 2018 et octobre 2019, lesquels visent expressément les déplacements effectués par ce dernier dans le cadre des livraisons qu'il réalisait. Or, ces remboursements de frais kilométriques figurent expressément sur ses fiches de paye,
- dans le cadre de l'acquisition du fonds de commerce, la société [P] a repris les contrats de travail de Mme [S] et de M. [W]. Le contrat de travail établi entre les parties reprend l'ancienneté du salarié ainsi que son salaire en intégrant la prime exceptionnelle qui lui était versée par le précédent employeur. Malgré ses demandes officielles réitérées, le salarié s'est toujours refusé à produire ses bulletins de paye antérieurs à la cession du fonds de commerce. Or il s'avère que Mme [S] et M. [W] ont fait pression sur les gérants pour obtenir rapidement des augmentations de salaire en indiquant qu'ils recevaient divers avantages de la part de M. [D], ce qui leur permettaient d'avoir un salaire plus élevé. Face à leur refus, les deux salariés les ont menacés d'abandonner leur poste de travail, raison pour laquelle, et afin d'apaiser la situation et maintenir l'activité commerciale, la société leur a indiqué qu'elle procéderait le plus rapidement possible à une augmentation de leur salaire net. C'est dans ces conditions qu'a été régularisé l'avenant du 25 juin 2019, aux termes duquel la durée hebdomadaire de travail de M. [W] est passée à 39 heures, ce qui a permis de lui faire bénéficier d'un salaire net de 1 600 euros qu'il réclamait. L'argumentation du salarié sur le caractère antidaté de cet avenant est sans intérêt, celui-ci prévoyant expressément que la modification du salaire serait effective à partir du 1er août 2019, ce qui a été le cas ainsi que ses bulletins de paie le démontrent. M. [W] était donc réglé de l'intégralité de ses heures, n'a jamais travaillé plus que ce que les plannings indiquent et a bénéficié d'une augmentation de salaire à partir d'août 2019,
- le société lui a demandé d'établir ses frais professionnels réalisés au titre des livraisons de marchandises qu'il assurait avec son véhicule personnel (pièce n°34). Le SMS de M. [P] qu'il produit démontre encore une fois que M. [W] avait gonflé ses frais professionnels comme il le faisait avec les heures relatives au travail des pétrins (pièce adverse n°16).
En premier lieu, il ressort des développements qui précèdent que les heures supplémentaires alléguées ne sont pas établies.
S'agissant ensuite de l'affirmation selon laquelle il aurait bénéficié depuis la reprise de son contrat de travail en 2018 d'une rémunération mensuelle de 1 800 euros nets dont une partie était versée sous la forme d'une enveloppe en espèces, la seule lecture de SMS, anciens et sortis de leur contexte, rédigés en des termes ambigus et donc sujets à interprétation, ne permet pas de confirmer les dires du salarié, au demeurant contestés par l'employeur.
Quant à l'attestation de Mme [V], ses déclarations ne sont corroborées par aucun élément objectif permettant de garantir leur sincérité et ne suffisent pas pour établir une volonté de dissimulation de l'employeur (pièce n°14).
En conséquence, peu important la date de signature effective de l'avenant du 25 juin 2019, le salarié échouant à rapporter la preuve qui lui incombe, la demande à ce titre doit être rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
IV - Sur l'annulation des avertissements d'août 2020 et 9 juillet 2021 :
Aux termes de l'article L. 1333-1 du code du travail, en cas de litige le juge apprécie la régularité de la procédure et si les faits sont de nature à justifier une sanction.
L'employeur fournit les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin une mesure d'instruction. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Il est constant que la faute du salarié, qui peut donner lieu à sanction disciplinaire de l'employeur, ne peut résulter que d'un fait avéré, acte positif ou abstention, mais alors dans ce dernier cas de nature volontaire, fait imputable au salarié et constituant de sa part une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail.
a) sur l'avertissement d'août 2020 :
M. [W] expose qu'en août 2020, l'employeur lui a notifié un avertissement dont il conteste les termes, les griefs invoqués étant de surcroît pour la plupart prescrits, cette sanction s'apparentant à une mesure de rétorsion au droit d'agir en justice exercé quelques jours auparavant.
Il ajoute être surpris que les termes de son avertissement soient strictement identiques à ceux figurant dans l'avertissement notifié à Mme [S] et que la société [P] n'apporte pas le moindre commencement de preuve.
Au titre de la charge de la preuve qui lui incombe, la société [P] expose que :
- cet avertissement porte sur des erreurs de caisse établies par les fiches de vente des pizzas établies par M. [W] (pièces n°23, 24, 28 et 29),
- il n'a jamais contesté cet avertissement avant ses dernières conclusions de première instance.
En premier lieu, s'agissant de la prescription invoquée par la salariée, en application de l'article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. Il est toutefois de jurisprudence constante que ces dispositions ne font pas obstacle à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà du délai de deux mois, lors que le comportement du salarié s'est poursuivi.
En l'espèce, nonobstant l'incertitude sur la date exacte de l'avertissement, il ressort des conclusions des parties que celles-ci ne discutent pas le fait qu'il a été notifié en août 2020.
Pour la période considérée, l'examen des fiches de caisse produites démontre que des erreurs ont été constatées entre août et octobre 2019 (pièce n°23) et l'échange de SMS produit en pièce n°28 daté du 7 août 2020 évoque une dernière erreur que l'employeur fixe au 20 juillet 2020 sans être contredit. Dans ces conditions, la prescription alléguée n'est pas fondée.
Sur le fond, la cour relève qu'il ne ressort pas des pièces produites par l'employeur la démonstration que les erreurs de caisse relevées, au demeurant contestées par le salarié, lui sont effectivement imputables. De même, le grief fondé sur le défaut de propreté du camion utilisé par le salarié, grief qui figure dans la lettre d'avertissement mais que l'employeur n'évoque aucunement dans ses conclusions, ne repose que sur des photos non datées et prises sans aucun élément permettant de confirmer qu'il s'agit du camion conduit par le salarié.
Dans ces conditions, peu important que le salarié n'ait pas immédiatement contesté cet avertissement, l'employeur échouant à rapporter la preuve qui lui incombe, l'avertissement du mois d'août 2020 sera annulé, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.
Toutefois, il ne peut y avoir de réparation sans preuve du préjudice subi, l'existence et l'évaluation de celui-ci relevant de l'appréciation souveraine des juges du fond sur la base des justificatifs produits aux débats.
En l'espèce, M. [W] n'apporte aucun élément permettant de justifier de la réalité d'un préjudice à ce titre. La demande indemnitaire de M. [W] sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
b) sur l'avertissement du 8 juin 2021 :
M. [W] indique contester les griefs invoqués et soutient que cette sanction s'apparente une nouvelle fois à une mesure de rétorsion au droit d'agir en justice exercé quelques jours auparavant. Il ajoute que la société [P] n'apporte pas le moindre commencement de preuve.
La société [P] oppose que cet avertissement porte sur le fait que le camion réfrigéré n'a pas été branché, entraînant une perte de marchandises, et que le salarié n'a jamais contesté cette sanction avant ses dernières conclusions de première instance.
Néanmoins, la cour constate qu'au titre de la charge de la preuve qui lui incombe, la société produit en pièce n°25 une photo non datée, sur laquelle est partiellement visible l'arrière d'un camion, une étagère et des fils électriques, sans autre éléments sur le lieu et les circonstances de la prise. Ces éléments, hors de tout contexte et non corroboré du moindre élément, ne sont pas probants, de sorte que la société [P] échoue à rapporter la preuve qui lui incombe, peu important que le salarié n'ait pas immédiatement contesté cet avertissement. L'avertissement du 8 juin 2020 sera donc annulé, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.
Toutefois, il ne peut y avoir de réparation sans preuve du préjudice subi, l'existence et l'évaluation de celui-ci relevant de l'appréciation souveraine des juges du fond sur la base des justificatifs produits aux débats.
En l'espèce, M. [W] n'apporte aucun élément permettant de justifier de la réalité d'un préjudice à ce titre. La demande indemnitaire de M. [W] sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point
V - Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :
Le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en démontrant que l'employeur est à l'origine de manquements suffisamment graves dans l'exécution de ses obligations contractuelles de telle sorte que ces manquements ne permettent pas la poursuite du contrat de travail.
L'action en résiliation judiciaire du contrat implique obligatoirement la poursuite des relations contractuelles. Il est constant que la date de résiliation du contrat de travail est fixée au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date. Si le salarié a été licencié pendant la procédure, la date de résiliation est fixée à la date de l'envoi de la lettre de licenciement. En cas de résiliation aux torts de l'employeur, la rupture prend la forme d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La résiliation judiciaire du contrat de travail suppose la démonstration, par le salarié qui s'en prévaut, d'un caractère de gravité suffisante des manquements de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.
Le juge, saisi d'une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail, doit examiner l'ensemble des griefs invoqués au soutien de celle-ci, quelle que soit leur ancienneté.
M. [W] soutient qu'à la suite de la reprise de son contrat de travail par la société [P], ses conditions de travail se sont dégradées du fait que :
- il a été contraint d'effectuer de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées et de venir travailler lors de ses périodes de repos, de congés ou lors sa période de chômage partiel durant le confinement,
- il était incapable de connaître son emploi du temps à l'avance, lequel changeait d'un jour à l'autre, et le temps de repos hebdomadaire n'était jamais respecté, travaillant tous les dimanches, de sorte que le lundi était son seul jour de repos. Il lui est également arrivé de travailler 7 jours sur 7,
- il percevait tous les mois 1 800 euros nets dont une partie versée en espèces,
- l'ambiance était particulièrement délétère puisque la société lui imposait de travailler avec des produits périmés ou encore de vendre des pizzas sans les déclarer, ce que confirment témoignages, échanges de SMS et photos qu'il produit.
La société [P] oppose que M. [W] a déposé sa requête aux fins de résiliation de son contrat de travail le 24 juillet 2020 mais pour autant il a continué de travailler au sein de la société jusqu'à son licenciement en septembre 2021, soit plus d'un an après.
Elle ajoute que :
- M. [W] a été réglé de l'intégralité de ses heures,
- contrairement à ses affirmations mensongères, les plannings démontrent qu'il n'est jamais venu travailler lors de ses congés payés, repos et pendant la période de chômage partiel. La période de chômage partiel correspondent d'ailleurs aux plannings signés par M. [W] (pièce n°6) et les échanges de SMS qu'il invoque ne proviennent pas de lui mais de Mme [V] (pièce n°42),
- il a pu bénéficier des temps de repos hebdomadaires légaux, ce que confirme ses plannings,
- les allégations de M. [W] sur le fait qu'il lui aurait été imposé de travailler avec des produits périmés et de vendre des pizzas sans les déclarer sont mensongères. Les photos des locaux appartenant à M. [D] dans lequel celui-ci continue d'exercer son activité, lequel est son ancien employeur mais également son nouvel employeur depuis son licenciement, démontrent que s'ils mériteraient peut-être une rénovation, cela ne relève pas de la société [P] qui était seulement locataire de la SCI de M. [D],
- s'agissant de la photocopie de certains aliments dont la date de durabilité minimale aurait été dépassée, la fiche de poste du salarié prévoit qu'il doit respecter et faire respecter les règles d'hygiène, gérer les stocks de marchandises et veiller au respect des règles de rotations des stocks (pièce n°35). Ainsi, plutôt que de prendre en photo des produits dont la date d'utilisation était périmée, il lui appartenait de procéder à leur destruction. En outre, la date de durabilité minimale (DDM) est apposée sur les denrées alimentaires qui ne sont pas soumises à une date limite de consommation (DLC). Une DDM peut donc être dépassée sans violer les règles d'hygiène car indicative (pièce n°43),
- les échanges de SMS produits par M. [W] démontrent le souci de la direction pour le respect des règles d'hygiène (pièce adverse n°20),
- les deux attestations produites sont manifestement de complaisance (pièces adverses n°22 et 23), la société n'ayant subi aucun contrôle des organismes compétents en la matière et encore moins d'avertissement ou de sanction administrative de sorte que les accusations de M. [W] sont gratuites et mensongères,
- M. et Mme [P] ont toujours respecté leur obligation de formation au titre de la réglementation liée à l'hygiène (pièces n°18 et 19),
- en réalité, s'il y a eu un problème de non-respect de la réglementation au sein de la société, il est imputable à Mme [S] et M. [W].
En premier lieu, il ressort des développements qui précèdent que les heures supplémentaires alléguées par le salarié ne sont pas établies, pas plus qu'il n'est démontré qu'une partie de sa rémunération lui aurait été versée en espèces.
Par ailleurs, s'agissant des griefs fondés sur le fait d'avoir été contraint de travailler lors de ses périodes de repos, de congés ou lors du confinement, le fait qu'il n'était pas en mesure de connaître son emploi du temps à l'avance du fait de multiples changements de dernière minute et le fait que ses temps de repos hebdomadaire n'étaient jamais respectés, travaillant tous les dimanches et parfois 7 jours sur 7, la cour constate qu'au delà du fait que les plannings produits contredisent ces affirmations, les manquements que le salarié invoque et illustre par les SMS qu'il produit remontent à 2018 et 2019. Dans ces conditions, sa saisine du conseil de prud'hommes sur la base de ces manquements datant du 24 juillet 2020, il y a lieu de considérer que du fait de leur ancienneté ils n'ont pas été de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.
Enfin, s'agissant du fait de s'être vu imposer de travailler avec des produits périmés ou encore de vendre des pizzas sans les déclarer, et nonobstant le fait que l'employeur justifie de la distinction qu'il convient de faire entre DDM et DLC, les éléments produits par le salarié ne sont en tout état de cause pas de nature à corroborer la contrainte alléguée (pièces n°18 à 20, 36 à 38).
En conséquence des développements qui précèdent, M. [W] échouant à rapporter la preuve qui lui incombe de manquements suffisamment graves imputables à la société [P] dans l'exécution de ses obligations contractuelles ne permettant pas la poursuite du contrat de travail, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail sera donc rejetée, y compris ses demandes indemnitaires afférentes, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
VI - Sur le bien fondé du licenciement :
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave commise par le salarié.
Il est constant que lorsque les juges considèrent que les faits invoqués par l'employeur ne caractérisent pas une faute grave, ils doivent rechercher si ces faits n'en constituent pas moins une cause réelle et sérieuse de licenciement.
A titre liminaire, la cour relève que dans le dispositif de ses conclusions d'appel, M. [W] formule à titre subsidiaire une demande visant à juger que le licenciement 'notifié à Madame [Y] [S]' est sans cause réelle et sérieuse et condamner la société à verser à cette dernière diverses sommes au titre des conséquences indemnitaires afférentes, outre un rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire.
Toutefois, il ressort des développements que le salarié consacre à la justification de ses demandes dans le corps de ses conclusions qu'il s'agit manifestement d'une erreur, s'agissant en réalité de son propre licenciement et la condamnation de la société demandée l'est à son profit.
En l'espèce, il ressort de la lettre de licenciement du 24 juillet 2021qu'il est reproché à M. [W] :
- divers manquements aux règles d'hygiène,
- de dénigrer les cogérants de la société,
M. [W] conteste son licenciement aux motifs que :
- son licenciement lui a été notifié dans des termes strictement identiques à ceux mentionnés dans la lettre de licenciement de Mme [S], ce qui n'a pas étonné le conseil de prud'hommes alors que la lettre de licenciement fixe les termes du litige,
- il conteste fermement les griefs qui lui sont reprochés, lesquels ne sont ni précis, ni circonstanciés,
- il lui est reproché un non-respect des règles d'hygiène postérieurement à son alerte aux organismes compétents et aux dénonciations d'intoxications (pièces n°21 à 23),
- avant sa saisine du conseil de prud'hommes, l'employeur ne lui avait jamais reproché de telles négligences,
- il n'a pas dénigré son employeur,
- le constat d'huissier produit confirme les problèmes d'hygiène et de sécurité qu'il a dénoncé et ne prouve en aucun cas que ces manquements lui sont imputables,
- la fiche de poste datant du mois de juillet 2020, alors qu'il a été embauché en septembre 2018 et a saisi le conseil de prud'hommes en juillet 2020, ne fait que démontrer le laxisme de l'employeur, que ce soit en matière de droit du travail ou en matière d'hygiène et de sécurité,
- la production d'un chèque non daté de Mme [M] ne suffit pas à attester du respect des règles d'hygiène et de sécurité, de même que la production de photos dont on ignore où elles ont été prises,
- la lecture de la fiche de poste démontre que 'Mme [S]' n'était pas en charge de l'achat des matières premières et donc 'qu'elle' était contrainte de travailler avec la marchandise mise à sa disposition par son employeur,
- les attestations de complaisance versées aux débats concernant le dénigrement qui lui est reproché ne désignent pas 'Mme [S]' et font état de faits particulièrement anciens (pièce n°41). Il est étonnant que la société ait été en possession d'attestations établies pour la plupart à l'été 2020 et qu'elle ait attendu le 6 septembre 2021 pour le licencier pour faute grave,
- ces griefs sont manifestement prescrits car le caractère continu de ce manquement ne ressort nullement de la lettre de licenciement et ne saurait en tout état de cause justifier un licenciement pour faute grave, lequel doit nécessairement être fondé par un grief empêchant toute poursuite du contrat de travail, et force est de constater que s'ils étaient établis, ils auraient justifié un licenciement pour faute lourde depuis de nombreux mois,
- ces attestations font immédiatement suite à sa saisine du conseil de prud'hommes aux fins de résiliation judiciaire, ce qui témoigne incontestablement de la volonté de l'employeur de se constituer des preuves en vue d'un licenciement pour faute grave.
Au titre de la charge de la preuve qui lui incombe, l'employeur produit les éléments suivants :
- un procès-verbal de constat établi par un huissier de Justice le 23 août 2021 (pièce n°13),
- une fiche de poste signée par M. [W] prévoyant expressément l'obligation de respecter les règles d'hygiène, la gestion des stocks de marchandises et le respect des règles de rotation des stocks (pièce n°35),
- des plannings démontrant que Mme [S] et M. [W] travaillaient en binôme les dimanches soir et des photos de la cuisine prises le lundi matin, démontrant les manquements manifestes de ces deux salariés aux règles d'hygiène (pièces n°6, 15, 17 et 40),
- un avertissement notifié à M. [W] pour avoir laissé branché le camion réfrigéré,
- plusieurs attestations de clients évoquant, outre un comportement désagréable voire impoli, le dénigrement de l'employeur par la salariée en présence de la clientèle (pièces n°7 à 11, 21, 22, 27 et 36).
a) sur la prescription :
Comme indiqué précédemment, en application de l'article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. Il est toutefois de jurisprudence constante que ces dispositions ne font pas obstacle à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà du délai de deux mois, alors que le comportement du salarié s'est poursuivi.
En l'espèce, si la cour constate avec M. [W] que la plupart des attestations produites par la société s'agissant du comportement dénigrant du salarié à l'égard des co-gérants datent de 2020, deux d'entre elles sont postérieures au licenciement et rapportent des faits de même nature qui, bien que non datés, sont nécessairement survenus avant le licenciement en juillet 2021. En outre, les termes employés par les témoins caractérisent un comportement dénigrant récurrent de sa part. Il s'en déduit que le comportement du salarié s'étant poursuivi jusqu'au terme du contrat de travail, la prescription n'est pas établie.
La fin de non recevoir sera donc rejetée.
b) sur la lettre de licenciement :
En application des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement doit énoncer les motifs du licenciement.
Sous réserve de respecter cette condition, le fait que les lettres de licenciement notifiées à Mme [S] et à M. [W] soient rédigées dans les mêmes termes, sachant qu'ils sont licenciés pour les même motifs, est sans conséquence sur le bien fondé de celui-ci.
c) sur le bien fondé des griefs allégués :
Il ressort de la fiche de poste signée par M. [W], peu important qu'elle date du 8 juillet 2020 alors que son embauche remonte à 2018 puisqu'en tout état de cause elle est antérieure de quelques semaines au constat d'huissier qui fonde le premier grief de licenciement, que le salarié était contractuellement tenu, en sa qualité d'employé polyvalent, de respecter et faire respecter les règles d'hygiène, gérer les stocks de marchandises, respecter les règles de rotation des stocks et entretenir les locaux (pièce n°35).
Or le procès-verbal de constat d'huissier du 23 août 2021 (pièce n°13) met en évidence divers manquements en la matière, constatations effectuées un lundi. Or nonobstant le fait que les plannings produits par l'employeur en pièce n°17 s'arrêtent au mois de juillet 2021, M. [W] admet dans ses conclusions qu'il travaillait tous les dimanches, ce qui est confirmé par lesdits plannings pour la période antérieure à août 2021. A cet égard, l'argument de M. [W] selon lequel sa fiche de poste démontre qu'il n'était pas en charge de l'achat des matières premières, et donc devait travailler avec la marchandise mise à sa disposition par son employeur, est inopérant puisque ce n'est pas ce qui lui est reproché.
Le grief est donc établi.
S'agissant du dénigrement par ailleurs invoqué, il ressort des attestations produites, peu important qu'elles soient consécutives de la saisine du salarié aux fins de résiliation ou même qu'il puisse s'agir d'amis de l'employeur, ce qui au demeurant n'est pas démontré, dès lors qu'il n'est justifié d'aucun élément susceptible de remettre en cause la réalité et l'objectivité des propos des témoins, que de façon à l'évidence récurrente M. [W], qui à défaut d'être cité est précisément décrit, donc identifiable, dénigrait son employeur.
Le grief est donc établi.
Dans ces conditions, la cour considère que la société [P] rapporte la preuve d'un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
Le licenciement pour faute grave étant bien fondé, les demandes de M. [W] afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse seront rejetées, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
VII - Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :
M. [W] expose au soutien de sa demande de dommages-intérêts à ce titre qu'il était contraint d'effectuer de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées, que son temps de repos hebdomadaire n'était pas respecté et que la société [P] ne lui réglait pas ses indemnités de panier repas.
Il ajoute que :
- les conditions sanitaires sur le lieu de travail étaient déplorables,
- la société n'a pas pris toutes les mesures pour préserver sa santé et sa sécurité du fait des conditions d'hygiène des différents lieux de travail (saletés, présence de rats, '), il ne disposait pas de sanitaires aux normes (un seul WC chimique de chantier installé dans la cour (pièces n°18 à 20),
- les co-gérants n'ont pas informé leurs salariés du fait qu'ils étaient cas contact COVID 19 (pièce n°24) négligence qui a évidemment mis en danger sa santé et sa sécurité mais également celle des clients de la pizzeria (pièces n°22, 23, 36 à 38),
- malgré ses nombreuses alertes, la société forçait ses employés à travailler avec des produits périmés, ce qui a évidemment eu des conséquences sur l'état de santé des clients de la pizzeria,
- le groupe électrogène était fréquemment en panne (pièce n°39),
- il a prévenu les organismes compétents en raison notamment des intoxications causées à certains clients (pièces n°21 à 23),
- la société a contraint ses salariés à encaisser des pizzas sans les déclarer (pièces n°25 et 26),
- la société l'a informé a posteriori de son placement en chômage partiel,
- la société a fait varier le nombre d'heures de travail fournies d'une semaine à l'autre pour que celui-ci reste un maximum au chômage partiel et avec une diminution de son salaire (pièces n°27 et 28),
- il recevait fréquemment ses bulletins de salaire avec retard (pièces n°40),
- déterminée à se séparer de lui compte tenu de sa saisine du conseil de prud'hommes , la société a posté le 25 août 2020 une offre d'emploi sur le site de Pôle Emploi afin de recruter un pizzaïolo (pièce n°34), ce que la société ne conteste pas, alors qu'il était toujours en poste à cette date,
- la société n'a pas hésité à proposer à un de ses salariés de rédiger une attestation contre elle moyennant la régularisation d'une rupture conventionnelle (pièce n°29).
La société [P] conclut au rejet de cette demande au motif qu'elle a exécuté le contrat de travail de bonne foi et n'a commis aucun manquement permettant la sollicitation d'une telle somme.
En application de l'article L.3243-2 du code du travail, lors du paiement du salaire l'employeur remet aux personnes mentionnées à l'article L.3243-1 une pièce justificative dite bulletin de paie. Il ne peut exiger aucune formalité de signature ou d'émargement autre que celle établissant que la somme reçue correspond bien au montant net figurant sur ce bulletin.
En l'espèce, étant d'une part rappelé qu'il ressort des développements qui précèdent que le grief fondé sur des heures supplémentaires non payées et des repos non pris n'est pas établi, d'autre part relevé que M. [W] ne précise aucunement le fondement sur lequel il fonde son grief du non paiement d'indemnité repas, ses conclusions étant taisantes sur ce point et le salarié ne formulant aucune demande à ce titre, et enfin que certains faits invoqués comme constitutifs d'un manquement de l'employeur ne sont aucunement démontrés ou relèvent aucunement d'une quelconque déloyauté (offre d'emploi, groupe électrogène en panne, information tardive), il ressort des pièces produites, et plus particulièrement d'un courrier électronique de l'employeur du 19 mars 2021, que les bulletins de paye de décembre 2020, janvier et février 2021 ont été transmis avec retard, de sorte que cette circonstance suffit à caractériser une exécution déloyale du contrat de travail.
Toutefois, il ne peut y avoir de réparation sans preuve du préjudice subi, l'existence et l'évaluation de celui-ci relevant de l'appréciation souveraine des juges du fond sur la base des justificatifs produits aux débats.
En l'espèce, M. [W] n'apporte aucun élément permettant de justifier de la réalité d'un préjudice résultant de ce manquement ni même des autres manquements allégués à les supposer établis. La demande à ce titre sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
VIII - Sur les demandes accessoires :
- sur la remise documentaire sous astreinte :
Les demandes salariales et indemnitaires du salarié étant rejetées, sa demande à ce titre est sans objet et sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
- sur les intérêts au taux légal et la capitalisation des intérêts :
Les demandes salariales et indemnitaires du salarié étant rejetées, sa demande à ce titre est sans objet et sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
- sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement déféré sera confirmé sur ces points.
M. [W] sera condamné à payer à la société [P] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,
La demande de M. [W] au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée,
M. [W] succombant, il supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
REJETTE la demande de production de pièces,
CONFIRME le jugement rendu le 20 juillet 2023 par le conseil de prud'hommes de Dijon sauf en ce qu'il a :
- rejeté la demande d'annulation des avertissements d'août 2020 et du 8 juin 2021,
- laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
ANNULE les avertissements d'août 2020 et du 8 juin 2021,
CONDAMNE M. [E] [W] à payer à la société [P] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,
REJETTE la demande de M. [E] [W] au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,
CONDAMNE M. [E] [W] aux dépens d'appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025, signé par M. Olivier MANSION, président de chambre et Mme Juliette GUILLOTIN, greffière.
Le greffier Le président
Juliette GUILLOTIN Olivier MANSION
C/
S.A.R.L. [P]
C.C.C. délivrée
le : 10/07/2025
à : Me BERTHELON
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le : 10/07/2025
à : Me MERIENNE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 10 JUILLET 2025
MINUTE N°
N° RG 23/00471 - N° Portalis DBVF-V-B7H-GH45
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section CO, décision attaquée en date du 20 Juillet 2023, enregistrée sous le n° 20/00378
APPELANT :
[E] [W]
[Adresse 4]
[Localité 1]/FRANCE
représenté par Maître Marine BERTHELON, avocat au barreau de DIJON
INTIMÉE :
S.A.R.L. [P]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Jean-françois MERIENNE de la SCP MERIENNE ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 3 juin 2025 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Rodolophe UGUEN-LAITHIER, conseiller chargé d'instruire l'affaire et qui a fait rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Olivier MANSION, président de chambre,
Fabienne RAYON, présidente de chambre,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Juliette GUILLOTIN,
DÉBATS: l'affaire a été mise en délibéré au 10 juillet 2025
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, président de chambre, et par Juliette GUILLOTIN, greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE :
Le contrat de travail à durée indéterminée à temps complet de M. [E] [W], initialement embauché par la société ELIE [D], a été repris le 7 septembre 2018 par la société [P] avec reprise d'ancienneté au 21 novembre 2017.
Par requête du 27 juillet 2020, il a saisi le conseil de prud'hommes de Dijon aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail et faire condamner l'employeur aux conséquences indemnitaires afférentes, outre des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, un rappel de salaire pour heures supplémentaires et une indemnité pour travail dissimulé.
Courant août 2020, il a fait l'objet d'un premier avertissement puis d'un deuxième le 8 juin 2021.
Le 24 août 2021, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 1er septembre suivant, assorti d'une mise à pied à titre conservatoire.
Le 6 septembre 2021, il a été licencié pour faute grave.
Par jugement du 20 juillet 2023, le conseil de prud'hommes de Dijon a rejeté les demandes du salarié.
Par déclaration formée le 10 août 2023, M. [W] a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions du 8 novembre 2023, l'appelante demande de :
- réformer le jugement du '19 juillet 2022", en ce qu'il :
* l'a débouté de sa demande de remise de ses feuilles d'heures conformément à la prescription triennale en vigueur sous astreinte,
* a confirmé les deux avertissements notifiés,
* a dit n'y avoir lieu à résiliation judiciaire du contrat de travail,
* a jugé que le licenciement pour faute grave est fondé,
* a dit que le contrat de travail a été exécuté de bonne foi,
* a jugé que la demande d'heures supplémentaires n'est pas fondée,
* a constaté l'absence de travail dissimulé,
* l'a débouté de l'intégralité de ses demandes,
* l'a condamné à payer à la société [P] la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* l'a condamné aux dépens,
- condamner la société [P] à lui remettre ses feuilles d'heures conformément à la prescription triennale en vigueur, et ce sous astreinte de 100 euros par jour à compter de la notification de la présente décision,
- condamner la société à lui verser la somme de 10 000 euros bruts (à parfaire) à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre les congés payés afférents,
- condamner la société [P] à lui verser la somme de 13 440,12 euros nets au titre du travail dissimulé,
- annuler l'avertissement du mois d'août 2020,
- condamner la société [P] à lui verser la somme de 1 000 euros nets à titre de dommages-intérêts,
- annuler l'avertissement du 8 juin 2021,
- condamner la société [P] à lui verser la somme de 1 000 euros nets à titre de dommages-intérêts,
à titre principal,
- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail,
- condamner la société [P] à lui verser les sommes suivantes :
* 7 840,07 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1 500,81 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement,
* 4 480,04 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 448 euros bruts au titre des congés payés afférents,
à titre subsidiaire,
- juger que le licenciement 'notifié à Madame [Y] [S]' est sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la société [P] à verser à 'Madame [Y] [S]' les sommes suivantes :
* 7 840,07 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1 500,81 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement,
* 4 480,04 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 448 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 1 045,33 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire, outre 104,53 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- condamner la société [P] à lui verser la somme de 5 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- condamner la société [P] à lui verser la somme de 2 000 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société [P] à lui remettre les documents légaux rectifiés ainsi qu'un bulletin de paye correspondant aux condamnations prononcées,
- débouter la société [P] de l'intégralité de ses demandes,
- juger que 'le conseil de prud'hommes' se réserve le droit de liquider l'astreinte,
- juger que les sommes ayant une nature salariale ou assimilée produisent intérêts au taux légal à compter de la notification par le conseil de prud'hommes à l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et en préciser la date,
- juger qu'il y a lieu à capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil,
- condamner la société [P] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Aux termes de ses dernières conclusions du 7 février 2024, la société [P] demande de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- débouter M. [W] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- la condamner à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
I - Sur la demande de production des feuilles d'heures sous astreinte :
Au soutien de sa demande de rappel de salaire pour des heures supplémentaires qu'il affirme ne pas avoir été payées, M. [W] sollicite la condamnation de la société [P] à lui remettre ses feuilles d'heures conformément à la prescription en vigueur, et ce sous astreinte de 100 euros par jour.
Toutefois, étant rappelé qu'il n'appartient pas à la cour de se substituer aux parties dans l'administration de la preuve, la cour relève que la demande n'a pas été formée en temps utiles auprès du conseiller de la mise en état. Par ailleurs, dès lors que l'employeur ne produit pas les pièces demandées, il appartiendra à la cour d'en tirer toutes les conséquences utiles.
La demande sera en conséquence rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
II - Sur les heures supplémentaires :
Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Au titre des éléments qu'il lui incombe d'apporter, M. [W] expose avoir été contraint de venir travailler lors de ses périodes de repos, de congés, ou encore lors de sa période de chômage partiel durant le confinement, effectuant ainsi de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont pas été réglées.
Il ajoute que :
- la lecture de ses bulletins de salaire démontre que ses heures supplémentaires ne lui ont pas été réglées (pièce n°4),
- la société se contente de produire les plannings informatisés pour la période de février à novembre 2020, alors qu'elle a racheté le fonds de commerce le 7 septembre 2018. Il ne fait donc aucun doute qu'il ne disposait d'aucun planning avant le mois de février 2020, ceux-ci ayant manifestement été mis en place à la suite de la saisine du conseil de prud'hommes par une autre salariée le 6 décembre 2019,
- dans ses dernières conclusions, la société a de façon surprenante produit des plannings pour les mois d'octobre 2018 à février 2020, concédant toutefois que ceux-ci n'étaient pas signés par lui. Or il n'a jamais été en possession de ces plannings, lesquels ont manifestement été établis a posteriori pour les seuls besoins de la cause. En effet, outre l'absence de sa signature, le formalisme de ces plannings informatisés varie d'un mois à l'autre,
- la société affirme qu'il effectuait régulièrement moins de 35 heures par semaines. Si tel avait été le cas, il est évident qu'elle n'aurait pas augmenté son temps de travail de 35 heures à 39 heures par un avenant prétendument daté du 25 juin 2019 à effet au 1er août suivant,
- la lecture des échanges de SMS versés au débat démontre que ses horaires de travail ne coïncident pas avec ces plannings et que ses horaires étaient sans cesse modifiés, et ce sans respect du délai de prévenance (pièce n°42),
- la société [P] est dans l'incapacité de prouver que ces prétendus plannings lui ont été remis conformément au délai de prévenance, de sorte qu'il était dans l'incapacité de connaître à l'avance ses horaires de travail, lesquels évoluaient selon les humeurs de son employeur,
- la société a fini par admettre des modifications tardives de ses horaires en prétendant qu'ils résultaient des couvre-feu successifs, alors même que nombre de modifications ont eu lieu avant la crise sanitaire. En parfaite contradiction avec cette argumentation, elle prétend désormais qu'il travaillait en binôme avec Mme [S] avec les mêmes horaires sur les mêmes tournées, de sorte que ses horaires n'étaient jamais modifiés. Toutefois, l'insistance relative à la jeunesse des gérants de la société ne fait que confirmer que 'leur mode de gestion des salariés était borderline', ce qui ressort des échanges de SMS (pièce n°12),
- outre des changements incessants d'horaires de travail, les horaires dont fait état le gérant de la société ne correspondent en rien aux plannings versés par cette dernière,
- la société ne justifie pas des absences venant corroborer les temps de travail figurant dans les plannings. C'est donc par pure générosité que la société l'a rémunéré sur la base de 39 heures par semaine alors qu'il n'aurait réalisé que 23 et 22 heures les semaines 2 des mois de juillet et août 2020,
- les attestations produites confirment qu'il a travaillé tous les dimanches, pendant ses congés et durant son congé paternité (pièces n°13 et 14),
- les SMS produits démontrent que la société refusait catégoriquement de comptabiliser les heures supplémentaires réalisées, allant jusqu'à corriger les feuilles d'heures transmises par lui (pièce n°35),
- il est évident qu'il a réalisé un grand nombre d'heures supplémentaires, notamment lors du congé maternité de Mme [S] et les congés de Mme [V]. Pour s'en convaincre, la cour constatera que la société [P] est dans l'incapacité de verser au débat le moindre contrat de travail à durée déterminée de remplacement de la salariée en arrêt, ce qui a inévitablement créé une surcharge de travail pour lui,
- les temps de repos et les délais de prévenance n'étaient pas respectés.
Il sollicite en conséquence la somme de 10 000 euros bruts 'à parfaire' à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre les congés payés afférents.
Néanmoins, la cour constate que ces éléments se focalisent sur la critique de ses plannings, selon lui en partie établis pour les besoins de la cause, et surtout leur discordance par rapport à ce qu'il estime avoir été ses horaires réels de travail, l'invocation de changements incessants et de dernière minutes de ses horaires de travail ou encore le fait d'avoir travaillé durant des périodes de congés, sans autre précision sur la durée de ce travail, le tout sans le moindre décompte des heures qu'il prétend avoir effectuées, ce qui ne permet pas de déterminer à quelle date et dans quelle mesure ces heures auraient été effectuées. Cette carence n'est pas non plus compensée par le chiffrage de sa demande de rappel de salaire, laquelle est à l'évidence forfaitisée. Dans ces conditions, la cour considère que ces éléments ne sont pas suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que le salarié prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
La demande à ce titre sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
III - Sur le travail dissimulé :
Au terme de l'article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé, a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
L'article L. 8221-5 du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli. Il en est de même du fait de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
En l'espèce, M. [W] soutient, sur la base des mêmes éléments que ceux invoqués au titre de sa demande de rappel de salaire pour des heures supplémentaires, qu'il ne fait aucun doute que l'employeur était parfaitement informé des heures supplémentaires qu'il effectuait, ce compte tenu de sa charge de travail et de l'absence de remplacement de Mme [V] lors de son accident de travail. C'est donc volontairement qu'il a refusé de lui régler ses heures supplémentaires.
Il ajoute que :
- depuis la reprise de son contrat de travail, il percevait en réalité chaque mois 1 800 euros nets, somme en partie versée sous la forme d'une enveloppe en espèce, ce que Mme [V] (pièce n°14) et les échanges de SMS confirment (pièces n°7 à 10, 16),
- la société lui a fait signer un avenant à son contrat de travail antidaté portant la durée de son temps de travail à hauteur de 39 heures par semaine, ce que confirme Mme [S] (pièce n°13). Contrairement à ce qu'affirme l'employeur, il ne ressort pas des échanges de courriers électroniques entre la société et son expert comptable que l'exemplaire initial du contrat aurait été perdu et la nécessité d'en signer un nouveau. Dans ses dernières conclusions, la société affirme qu'elle aurait régularisé un avenant le 25 juin 2019 à effet au 1er août suivant et qu'une version définitive de cet avenant aurait été transmise le 10 juillet 2019, sans la produire. La société n'apporte aucune explication sur le versement mensuel de la somme de 1 800 euros et ne conteste pas formellement cette pratique, affirmant de façon péremptoire et mensongère qu'il aurait fait du chantage pour obtenir une augmentation et qu'elle aurait été victime d'une tromperie de la part de M. [D] lors de la cession du fonds de commerce. Outre le fait que ces accusations sont fermement contestées, le salarié rappelle que la société n'a déposé plainte ni contre lui ni contre M. [D] et que l'employeur était en possession de l'ensemble des données salariales, y compris ses bulletins de salaire, lors du rachat du fonds,
- la société n'apporte aucune explication concernant les fausses feuilles de frais professionnels et ne conteste pas formellement cette pratique,
- s'il réalisait effectivement moins de 35 heures hebdomadaires, aucun avenant augmentant son temps de travail à 39 heures hebdomadaires ne lui aurait été soumis, si ce n'est pour justifier une augmentation de salaire sur le papier afin que la partie dissimulée de son salaire soit déclarée.
Elle sollicite en conséquence la somme de 13 440,12 euros nets à titre d'indemnité pour travail dissimulé.
La société [P] oppose que :
- M. [W] affirme que du mois de septembre 2018 au mois de février 2020, la société ne lui a pas réglé ses heures supplémentaires et que ces dernières n'étaient pas non plus inscrites sur les bulletins de salaire. Il a été démontré qu'il n'en est rien,
- il allègue que la société lui payait ses heures supplémentaires en liquide, ce qui est totalement faux,
- pour justifier sa demande, le salarié produit des SMS échangés entre novembre 2018 et octobre 2019, lesquels visent expressément les déplacements effectués par ce dernier dans le cadre des livraisons qu'il réalisait. Or, ces remboursements de frais kilométriques figurent expressément sur ses fiches de paye,
- dans le cadre de l'acquisition du fonds de commerce, la société [P] a repris les contrats de travail de Mme [S] et de M. [W]. Le contrat de travail établi entre les parties reprend l'ancienneté du salarié ainsi que son salaire en intégrant la prime exceptionnelle qui lui était versée par le précédent employeur. Malgré ses demandes officielles réitérées, le salarié s'est toujours refusé à produire ses bulletins de paye antérieurs à la cession du fonds de commerce. Or il s'avère que Mme [S] et M. [W] ont fait pression sur les gérants pour obtenir rapidement des augmentations de salaire en indiquant qu'ils recevaient divers avantages de la part de M. [D], ce qui leur permettaient d'avoir un salaire plus élevé. Face à leur refus, les deux salariés les ont menacés d'abandonner leur poste de travail, raison pour laquelle, et afin d'apaiser la situation et maintenir l'activité commerciale, la société leur a indiqué qu'elle procéderait le plus rapidement possible à une augmentation de leur salaire net. C'est dans ces conditions qu'a été régularisé l'avenant du 25 juin 2019, aux termes duquel la durée hebdomadaire de travail de M. [W] est passée à 39 heures, ce qui a permis de lui faire bénéficier d'un salaire net de 1 600 euros qu'il réclamait. L'argumentation du salarié sur le caractère antidaté de cet avenant est sans intérêt, celui-ci prévoyant expressément que la modification du salaire serait effective à partir du 1er août 2019, ce qui a été le cas ainsi que ses bulletins de paie le démontrent. M. [W] était donc réglé de l'intégralité de ses heures, n'a jamais travaillé plus que ce que les plannings indiquent et a bénéficié d'une augmentation de salaire à partir d'août 2019,
- le société lui a demandé d'établir ses frais professionnels réalisés au titre des livraisons de marchandises qu'il assurait avec son véhicule personnel (pièce n°34). Le SMS de M. [P] qu'il produit démontre encore une fois que M. [W] avait gonflé ses frais professionnels comme il le faisait avec les heures relatives au travail des pétrins (pièce adverse n°16).
En premier lieu, il ressort des développements qui précèdent que les heures supplémentaires alléguées ne sont pas établies.
S'agissant ensuite de l'affirmation selon laquelle il aurait bénéficié depuis la reprise de son contrat de travail en 2018 d'une rémunération mensuelle de 1 800 euros nets dont une partie était versée sous la forme d'une enveloppe en espèces, la seule lecture de SMS, anciens et sortis de leur contexte, rédigés en des termes ambigus et donc sujets à interprétation, ne permet pas de confirmer les dires du salarié, au demeurant contestés par l'employeur.
Quant à l'attestation de Mme [V], ses déclarations ne sont corroborées par aucun élément objectif permettant de garantir leur sincérité et ne suffisent pas pour établir une volonté de dissimulation de l'employeur (pièce n°14).
En conséquence, peu important la date de signature effective de l'avenant du 25 juin 2019, le salarié échouant à rapporter la preuve qui lui incombe, la demande à ce titre doit être rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
IV - Sur l'annulation des avertissements d'août 2020 et 9 juillet 2021 :
Aux termes de l'article L. 1333-1 du code du travail, en cas de litige le juge apprécie la régularité de la procédure et si les faits sont de nature à justifier une sanction.
L'employeur fournit les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin une mesure d'instruction. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Il est constant que la faute du salarié, qui peut donner lieu à sanction disciplinaire de l'employeur, ne peut résulter que d'un fait avéré, acte positif ou abstention, mais alors dans ce dernier cas de nature volontaire, fait imputable au salarié et constituant de sa part une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail.
a) sur l'avertissement d'août 2020 :
M. [W] expose qu'en août 2020, l'employeur lui a notifié un avertissement dont il conteste les termes, les griefs invoqués étant de surcroît pour la plupart prescrits, cette sanction s'apparentant à une mesure de rétorsion au droit d'agir en justice exercé quelques jours auparavant.
Il ajoute être surpris que les termes de son avertissement soient strictement identiques à ceux figurant dans l'avertissement notifié à Mme [S] et que la société [P] n'apporte pas le moindre commencement de preuve.
Au titre de la charge de la preuve qui lui incombe, la société [P] expose que :
- cet avertissement porte sur des erreurs de caisse établies par les fiches de vente des pizzas établies par M. [W] (pièces n°23, 24, 28 et 29),
- il n'a jamais contesté cet avertissement avant ses dernières conclusions de première instance.
En premier lieu, s'agissant de la prescription invoquée par la salariée, en application de l'article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. Il est toutefois de jurisprudence constante que ces dispositions ne font pas obstacle à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà du délai de deux mois, lors que le comportement du salarié s'est poursuivi.
En l'espèce, nonobstant l'incertitude sur la date exacte de l'avertissement, il ressort des conclusions des parties que celles-ci ne discutent pas le fait qu'il a été notifié en août 2020.
Pour la période considérée, l'examen des fiches de caisse produites démontre que des erreurs ont été constatées entre août et octobre 2019 (pièce n°23) et l'échange de SMS produit en pièce n°28 daté du 7 août 2020 évoque une dernière erreur que l'employeur fixe au 20 juillet 2020 sans être contredit. Dans ces conditions, la prescription alléguée n'est pas fondée.
Sur le fond, la cour relève qu'il ne ressort pas des pièces produites par l'employeur la démonstration que les erreurs de caisse relevées, au demeurant contestées par le salarié, lui sont effectivement imputables. De même, le grief fondé sur le défaut de propreté du camion utilisé par le salarié, grief qui figure dans la lettre d'avertissement mais que l'employeur n'évoque aucunement dans ses conclusions, ne repose que sur des photos non datées et prises sans aucun élément permettant de confirmer qu'il s'agit du camion conduit par le salarié.
Dans ces conditions, peu important que le salarié n'ait pas immédiatement contesté cet avertissement, l'employeur échouant à rapporter la preuve qui lui incombe, l'avertissement du mois d'août 2020 sera annulé, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.
Toutefois, il ne peut y avoir de réparation sans preuve du préjudice subi, l'existence et l'évaluation de celui-ci relevant de l'appréciation souveraine des juges du fond sur la base des justificatifs produits aux débats.
En l'espèce, M. [W] n'apporte aucun élément permettant de justifier de la réalité d'un préjudice à ce titre. La demande indemnitaire de M. [W] sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
b) sur l'avertissement du 8 juin 2021 :
M. [W] indique contester les griefs invoqués et soutient que cette sanction s'apparente une nouvelle fois à une mesure de rétorsion au droit d'agir en justice exercé quelques jours auparavant. Il ajoute que la société [P] n'apporte pas le moindre commencement de preuve.
La société [P] oppose que cet avertissement porte sur le fait que le camion réfrigéré n'a pas été branché, entraînant une perte de marchandises, et que le salarié n'a jamais contesté cette sanction avant ses dernières conclusions de première instance.
Néanmoins, la cour constate qu'au titre de la charge de la preuve qui lui incombe, la société produit en pièce n°25 une photo non datée, sur laquelle est partiellement visible l'arrière d'un camion, une étagère et des fils électriques, sans autre éléments sur le lieu et les circonstances de la prise. Ces éléments, hors de tout contexte et non corroboré du moindre élément, ne sont pas probants, de sorte que la société [P] échoue à rapporter la preuve qui lui incombe, peu important que le salarié n'ait pas immédiatement contesté cet avertissement. L'avertissement du 8 juin 2020 sera donc annulé, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.
Toutefois, il ne peut y avoir de réparation sans preuve du préjudice subi, l'existence et l'évaluation de celui-ci relevant de l'appréciation souveraine des juges du fond sur la base des justificatifs produits aux débats.
En l'espèce, M. [W] n'apporte aucun élément permettant de justifier de la réalité d'un préjudice à ce titre. La demande indemnitaire de M. [W] sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point
V - Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :
Le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en démontrant que l'employeur est à l'origine de manquements suffisamment graves dans l'exécution de ses obligations contractuelles de telle sorte que ces manquements ne permettent pas la poursuite du contrat de travail.
L'action en résiliation judiciaire du contrat implique obligatoirement la poursuite des relations contractuelles. Il est constant que la date de résiliation du contrat de travail est fixée au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date. Si le salarié a été licencié pendant la procédure, la date de résiliation est fixée à la date de l'envoi de la lettre de licenciement. En cas de résiliation aux torts de l'employeur, la rupture prend la forme d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La résiliation judiciaire du contrat de travail suppose la démonstration, par le salarié qui s'en prévaut, d'un caractère de gravité suffisante des manquements de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.
Le juge, saisi d'une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail, doit examiner l'ensemble des griefs invoqués au soutien de celle-ci, quelle que soit leur ancienneté.
M. [W] soutient qu'à la suite de la reprise de son contrat de travail par la société [P], ses conditions de travail se sont dégradées du fait que :
- il a été contraint d'effectuer de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées et de venir travailler lors de ses périodes de repos, de congés ou lors sa période de chômage partiel durant le confinement,
- il était incapable de connaître son emploi du temps à l'avance, lequel changeait d'un jour à l'autre, et le temps de repos hebdomadaire n'était jamais respecté, travaillant tous les dimanches, de sorte que le lundi était son seul jour de repos. Il lui est également arrivé de travailler 7 jours sur 7,
- il percevait tous les mois 1 800 euros nets dont une partie versée en espèces,
- l'ambiance était particulièrement délétère puisque la société lui imposait de travailler avec des produits périmés ou encore de vendre des pizzas sans les déclarer, ce que confirment témoignages, échanges de SMS et photos qu'il produit.
La société [P] oppose que M. [W] a déposé sa requête aux fins de résiliation de son contrat de travail le 24 juillet 2020 mais pour autant il a continué de travailler au sein de la société jusqu'à son licenciement en septembre 2021, soit plus d'un an après.
Elle ajoute que :
- M. [W] a été réglé de l'intégralité de ses heures,
- contrairement à ses affirmations mensongères, les plannings démontrent qu'il n'est jamais venu travailler lors de ses congés payés, repos et pendant la période de chômage partiel. La période de chômage partiel correspondent d'ailleurs aux plannings signés par M. [W] (pièce n°6) et les échanges de SMS qu'il invoque ne proviennent pas de lui mais de Mme [V] (pièce n°42),
- il a pu bénéficier des temps de repos hebdomadaires légaux, ce que confirme ses plannings,
- les allégations de M. [W] sur le fait qu'il lui aurait été imposé de travailler avec des produits périmés et de vendre des pizzas sans les déclarer sont mensongères. Les photos des locaux appartenant à M. [D] dans lequel celui-ci continue d'exercer son activité, lequel est son ancien employeur mais également son nouvel employeur depuis son licenciement, démontrent que s'ils mériteraient peut-être une rénovation, cela ne relève pas de la société [P] qui était seulement locataire de la SCI de M. [D],
- s'agissant de la photocopie de certains aliments dont la date de durabilité minimale aurait été dépassée, la fiche de poste du salarié prévoit qu'il doit respecter et faire respecter les règles d'hygiène, gérer les stocks de marchandises et veiller au respect des règles de rotations des stocks (pièce n°35). Ainsi, plutôt que de prendre en photo des produits dont la date d'utilisation était périmée, il lui appartenait de procéder à leur destruction. En outre, la date de durabilité minimale (DDM) est apposée sur les denrées alimentaires qui ne sont pas soumises à une date limite de consommation (DLC). Une DDM peut donc être dépassée sans violer les règles d'hygiène car indicative (pièce n°43),
- les échanges de SMS produits par M. [W] démontrent le souci de la direction pour le respect des règles d'hygiène (pièce adverse n°20),
- les deux attestations produites sont manifestement de complaisance (pièces adverses n°22 et 23), la société n'ayant subi aucun contrôle des organismes compétents en la matière et encore moins d'avertissement ou de sanction administrative de sorte que les accusations de M. [W] sont gratuites et mensongères,
- M. et Mme [P] ont toujours respecté leur obligation de formation au titre de la réglementation liée à l'hygiène (pièces n°18 et 19),
- en réalité, s'il y a eu un problème de non-respect de la réglementation au sein de la société, il est imputable à Mme [S] et M. [W].
En premier lieu, il ressort des développements qui précèdent que les heures supplémentaires alléguées par le salarié ne sont pas établies, pas plus qu'il n'est démontré qu'une partie de sa rémunération lui aurait été versée en espèces.
Par ailleurs, s'agissant des griefs fondés sur le fait d'avoir été contraint de travailler lors de ses périodes de repos, de congés ou lors du confinement, le fait qu'il n'était pas en mesure de connaître son emploi du temps à l'avance du fait de multiples changements de dernière minute et le fait que ses temps de repos hebdomadaire n'étaient jamais respectés, travaillant tous les dimanches et parfois 7 jours sur 7, la cour constate qu'au delà du fait que les plannings produits contredisent ces affirmations, les manquements que le salarié invoque et illustre par les SMS qu'il produit remontent à 2018 et 2019. Dans ces conditions, sa saisine du conseil de prud'hommes sur la base de ces manquements datant du 24 juillet 2020, il y a lieu de considérer que du fait de leur ancienneté ils n'ont pas été de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.
Enfin, s'agissant du fait de s'être vu imposer de travailler avec des produits périmés ou encore de vendre des pizzas sans les déclarer, et nonobstant le fait que l'employeur justifie de la distinction qu'il convient de faire entre DDM et DLC, les éléments produits par le salarié ne sont en tout état de cause pas de nature à corroborer la contrainte alléguée (pièces n°18 à 20, 36 à 38).
En conséquence des développements qui précèdent, M. [W] échouant à rapporter la preuve qui lui incombe de manquements suffisamment graves imputables à la société [P] dans l'exécution de ses obligations contractuelles ne permettant pas la poursuite du contrat de travail, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail sera donc rejetée, y compris ses demandes indemnitaires afférentes, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
VI - Sur le bien fondé du licenciement :
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave commise par le salarié.
Il est constant que lorsque les juges considèrent que les faits invoqués par l'employeur ne caractérisent pas une faute grave, ils doivent rechercher si ces faits n'en constituent pas moins une cause réelle et sérieuse de licenciement.
A titre liminaire, la cour relève que dans le dispositif de ses conclusions d'appel, M. [W] formule à titre subsidiaire une demande visant à juger que le licenciement 'notifié à Madame [Y] [S]' est sans cause réelle et sérieuse et condamner la société à verser à cette dernière diverses sommes au titre des conséquences indemnitaires afférentes, outre un rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire.
Toutefois, il ressort des développements que le salarié consacre à la justification de ses demandes dans le corps de ses conclusions qu'il s'agit manifestement d'une erreur, s'agissant en réalité de son propre licenciement et la condamnation de la société demandée l'est à son profit.
En l'espèce, il ressort de la lettre de licenciement du 24 juillet 2021qu'il est reproché à M. [W] :
- divers manquements aux règles d'hygiène,
- de dénigrer les cogérants de la société,
M. [W] conteste son licenciement aux motifs que :
- son licenciement lui a été notifié dans des termes strictement identiques à ceux mentionnés dans la lettre de licenciement de Mme [S], ce qui n'a pas étonné le conseil de prud'hommes alors que la lettre de licenciement fixe les termes du litige,
- il conteste fermement les griefs qui lui sont reprochés, lesquels ne sont ni précis, ni circonstanciés,
- il lui est reproché un non-respect des règles d'hygiène postérieurement à son alerte aux organismes compétents et aux dénonciations d'intoxications (pièces n°21 à 23),
- avant sa saisine du conseil de prud'hommes, l'employeur ne lui avait jamais reproché de telles négligences,
- il n'a pas dénigré son employeur,
- le constat d'huissier produit confirme les problèmes d'hygiène et de sécurité qu'il a dénoncé et ne prouve en aucun cas que ces manquements lui sont imputables,
- la fiche de poste datant du mois de juillet 2020, alors qu'il a été embauché en septembre 2018 et a saisi le conseil de prud'hommes en juillet 2020, ne fait que démontrer le laxisme de l'employeur, que ce soit en matière de droit du travail ou en matière d'hygiène et de sécurité,
- la production d'un chèque non daté de Mme [M] ne suffit pas à attester du respect des règles d'hygiène et de sécurité, de même que la production de photos dont on ignore où elles ont été prises,
- la lecture de la fiche de poste démontre que 'Mme [S]' n'était pas en charge de l'achat des matières premières et donc 'qu'elle' était contrainte de travailler avec la marchandise mise à sa disposition par son employeur,
- les attestations de complaisance versées aux débats concernant le dénigrement qui lui est reproché ne désignent pas 'Mme [S]' et font état de faits particulièrement anciens (pièce n°41). Il est étonnant que la société ait été en possession d'attestations établies pour la plupart à l'été 2020 et qu'elle ait attendu le 6 septembre 2021 pour le licencier pour faute grave,
- ces griefs sont manifestement prescrits car le caractère continu de ce manquement ne ressort nullement de la lettre de licenciement et ne saurait en tout état de cause justifier un licenciement pour faute grave, lequel doit nécessairement être fondé par un grief empêchant toute poursuite du contrat de travail, et force est de constater que s'ils étaient établis, ils auraient justifié un licenciement pour faute lourde depuis de nombreux mois,
- ces attestations font immédiatement suite à sa saisine du conseil de prud'hommes aux fins de résiliation judiciaire, ce qui témoigne incontestablement de la volonté de l'employeur de se constituer des preuves en vue d'un licenciement pour faute grave.
Au titre de la charge de la preuve qui lui incombe, l'employeur produit les éléments suivants :
- un procès-verbal de constat établi par un huissier de Justice le 23 août 2021 (pièce n°13),
- une fiche de poste signée par M. [W] prévoyant expressément l'obligation de respecter les règles d'hygiène, la gestion des stocks de marchandises et le respect des règles de rotation des stocks (pièce n°35),
- des plannings démontrant que Mme [S] et M. [W] travaillaient en binôme les dimanches soir et des photos de la cuisine prises le lundi matin, démontrant les manquements manifestes de ces deux salariés aux règles d'hygiène (pièces n°6, 15, 17 et 40),
- un avertissement notifié à M. [W] pour avoir laissé branché le camion réfrigéré,
- plusieurs attestations de clients évoquant, outre un comportement désagréable voire impoli, le dénigrement de l'employeur par la salariée en présence de la clientèle (pièces n°7 à 11, 21, 22, 27 et 36).
a) sur la prescription :
Comme indiqué précédemment, en application de l'article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. Il est toutefois de jurisprudence constante que ces dispositions ne font pas obstacle à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà du délai de deux mois, alors que le comportement du salarié s'est poursuivi.
En l'espèce, si la cour constate avec M. [W] que la plupart des attestations produites par la société s'agissant du comportement dénigrant du salarié à l'égard des co-gérants datent de 2020, deux d'entre elles sont postérieures au licenciement et rapportent des faits de même nature qui, bien que non datés, sont nécessairement survenus avant le licenciement en juillet 2021. En outre, les termes employés par les témoins caractérisent un comportement dénigrant récurrent de sa part. Il s'en déduit que le comportement du salarié s'étant poursuivi jusqu'au terme du contrat de travail, la prescription n'est pas établie.
La fin de non recevoir sera donc rejetée.
b) sur la lettre de licenciement :
En application des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement doit énoncer les motifs du licenciement.
Sous réserve de respecter cette condition, le fait que les lettres de licenciement notifiées à Mme [S] et à M. [W] soient rédigées dans les mêmes termes, sachant qu'ils sont licenciés pour les même motifs, est sans conséquence sur le bien fondé de celui-ci.
c) sur le bien fondé des griefs allégués :
Il ressort de la fiche de poste signée par M. [W], peu important qu'elle date du 8 juillet 2020 alors que son embauche remonte à 2018 puisqu'en tout état de cause elle est antérieure de quelques semaines au constat d'huissier qui fonde le premier grief de licenciement, que le salarié était contractuellement tenu, en sa qualité d'employé polyvalent, de respecter et faire respecter les règles d'hygiène, gérer les stocks de marchandises, respecter les règles de rotation des stocks et entretenir les locaux (pièce n°35).
Or le procès-verbal de constat d'huissier du 23 août 2021 (pièce n°13) met en évidence divers manquements en la matière, constatations effectuées un lundi. Or nonobstant le fait que les plannings produits par l'employeur en pièce n°17 s'arrêtent au mois de juillet 2021, M. [W] admet dans ses conclusions qu'il travaillait tous les dimanches, ce qui est confirmé par lesdits plannings pour la période antérieure à août 2021. A cet égard, l'argument de M. [W] selon lequel sa fiche de poste démontre qu'il n'était pas en charge de l'achat des matières premières, et donc devait travailler avec la marchandise mise à sa disposition par son employeur, est inopérant puisque ce n'est pas ce qui lui est reproché.
Le grief est donc établi.
S'agissant du dénigrement par ailleurs invoqué, il ressort des attestations produites, peu important qu'elles soient consécutives de la saisine du salarié aux fins de résiliation ou même qu'il puisse s'agir d'amis de l'employeur, ce qui au demeurant n'est pas démontré, dès lors qu'il n'est justifié d'aucun élément susceptible de remettre en cause la réalité et l'objectivité des propos des témoins, que de façon à l'évidence récurrente M. [W], qui à défaut d'être cité est précisément décrit, donc identifiable, dénigrait son employeur.
Le grief est donc établi.
Dans ces conditions, la cour considère que la société [P] rapporte la preuve d'un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
Le licenciement pour faute grave étant bien fondé, les demandes de M. [W] afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse seront rejetées, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
VII - Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :
M. [W] expose au soutien de sa demande de dommages-intérêts à ce titre qu'il était contraint d'effectuer de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées, que son temps de repos hebdomadaire n'était pas respecté et que la société [P] ne lui réglait pas ses indemnités de panier repas.
Il ajoute que :
- les conditions sanitaires sur le lieu de travail étaient déplorables,
- la société n'a pas pris toutes les mesures pour préserver sa santé et sa sécurité du fait des conditions d'hygiène des différents lieux de travail (saletés, présence de rats, '), il ne disposait pas de sanitaires aux normes (un seul WC chimique de chantier installé dans la cour (pièces n°18 à 20),
- les co-gérants n'ont pas informé leurs salariés du fait qu'ils étaient cas contact COVID 19 (pièce n°24) négligence qui a évidemment mis en danger sa santé et sa sécurité mais également celle des clients de la pizzeria (pièces n°22, 23, 36 à 38),
- malgré ses nombreuses alertes, la société forçait ses employés à travailler avec des produits périmés, ce qui a évidemment eu des conséquences sur l'état de santé des clients de la pizzeria,
- le groupe électrogène était fréquemment en panne (pièce n°39),
- il a prévenu les organismes compétents en raison notamment des intoxications causées à certains clients (pièces n°21 à 23),
- la société a contraint ses salariés à encaisser des pizzas sans les déclarer (pièces n°25 et 26),
- la société l'a informé a posteriori de son placement en chômage partiel,
- la société a fait varier le nombre d'heures de travail fournies d'une semaine à l'autre pour que celui-ci reste un maximum au chômage partiel et avec une diminution de son salaire (pièces n°27 et 28),
- il recevait fréquemment ses bulletins de salaire avec retard (pièces n°40),
- déterminée à se séparer de lui compte tenu de sa saisine du conseil de prud'hommes , la société a posté le 25 août 2020 une offre d'emploi sur le site de Pôle Emploi afin de recruter un pizzaïolo (pièce n°34), ce que la société ne conteste pas, alors qu'il était toujours en poste à cette date,
- la société n'a pas hésité à proposer à un de ses salariés de rédiger une attestation contre elle moyennant la régularisation d'une rupture conventionnelle (pièce n°29).
La société [P] conclut au rejet de cette demande au motif qu'elle a exécuté le contrat de travail de bonne foi et n'a commis aucun manquement permettant la sollicitation d'une telle somme.
En application de l'article L.3243-2 du code du travail, lors du paiement du salaire l'employeur remet aux personnes mentionnées à l'article L.3243-1 une pièce justificative dite bulletin de paie. Il ne peut exiger aucune formalité de signature ou d'émargement autre que celle établissant que la somme reçue correspond bien au montant net figurant sur ce bulletin.
En l'espèce, étant d'une part rappelé qu'il ressort des développements qui précèdent que le grief fondé sur des heures supplémentaires non payées et des repos non pris n'est pas établi, d'autre part relevé que M. [W] ne précise aucunement le fondement sur lequel il fonde son grief du non paiement d'indemnité repas, ses conclusions étant taisantes sur ce point et le salarié ne formulant aucune demande à ce titre, et enfin que certains faits invoqués comme constitutifs d'un manquement de l'employeur ne sont aucunement démontrés ou relèvent aucunement d'une quelconque déloyauté (offre d'emploi, groupe électrogène en panne, information tardive), il ressort des pièces produites, et plus particulièrement d'un courrier électronique de l'employeur du 19 mars 2021, que les bulletins de paye de décembre 2020, janvier et février 2021 ont été transmis avec retard, de sorte que cette circonstance suffit à caractériser une exécution déloyale du contrat de travail.
Toutefois, il ne peut y avoir de réparation sans preuve du préjudice subi, l'existence et l'évaluation de celui-ci relevant de l'appréciation souveraine des juges du fond sur la base des justificatifs produits aux débats.
En l'espèce, M. [W] n'apporte aucun élément permettant de justifier de la réalité d'un préjudice résultant de ce manquement ni même des autres manquements allégués à les supposer établis. La demande à ce titre sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
VIII - Sur les demandes accessoires :
- sur la remise documentaire sous astreinte :
Les demandes salariales et indemnitaires du salarié étant rejetées, sa demande à ce titre est sans objet et sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
- sur les intérêts au taux légal et la capitalisation des intérêts :
Les demandes salariales et indemnitaires du salarié étant rejetées, sa demande à ce titre est sans objet et sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
- sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement déféré sera confirmé sur ces points.
M. [W] sera condamné à payer à la société [P] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,
La demande de M. [W] au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée,
M. [W] succombant, il supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
REJETTE la demande de production de pièces,
CONFIRME le jugement rendu le 20 juillet 2023 par le conseil de prud'hommes de Dijon sauf en ce qu'il a :
- rejeté la demande d'annulation des avertissements d'août 2020 et du 8 juin 2021,
- laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
ANNULE les avertissements d'août 2020 et du 8 juin 2021,
CONDAMNE M. [E] [W] à payer à la société [P] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,
REJETTE la demande de M. [E] [W] au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,
CONDAMNE M. [E] [W] aux dépens d'appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025, signé par M. Olivier MANSION, président de chambre et Mme Juliette GUILLOTIN, greffière.
Le greffier Le président
Juliette GUILLOTIN Olivier MANSION