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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 3, 10 juillet 2025, n° 24/17711

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/17711

10 juillet 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRÊT DU 10 JUILLET 2025

(n° 295 , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/17711 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKHG6

Décision déférée à la cour : ordonnance du 31 juillet 2024 - président du TJ de [Localité 16] - RG n° 24/00497

APPELANT

Monsieur [S] [I]

[Adresse 15]

[Localité 11]

Représenté par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Ayant pour avocat plaidant Me Aurore MIQUEL de la SELARL AM AVOCATS, avocat au barreau de MEAUX

INTIMES

Monsieur [D] [X]

Clinique Saint Faron [Adresse 2]

[Localité 9]

Représenté par Me François MEURIN de la SELARL TOURAUT AVOCATS, avocat au barreau de MEAUX

Ayant pour avocat plaidant Me Pierre-François DEREC de la SELARL DEREC, avocat au barreau d'ORlÉANS

CLINIQUE MEDICO CHIRURGICALE SAINT FARON, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 8]

Compagnie CNA HARDY, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 14]

Représentées par Me Gilles CARIOU de la SCP NORMAND & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0141

GRAND HÔPITAL DE L'EST FRANCILIEN - [Localité 16], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 10]

Représenté par Me Chrystelle BOILEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : D1173

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 juin 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Michel RISPE, président de chambre, conformément aux articles 804, 805 et 906 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Michel RISPE, président de chambre

Anne-Gaël BLANC, conseillère

Valérie GEORGET, conseillère

Greffier lors des débats : Marylène BOGAERS

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Michel RISPE, président de chambre et par Jeanne PAMBO, greffier, présent lors de la mise à disposition.

********

Admis du 18 au 27 février 2016, au sein de la clinique [17], pour la pose d'une prothèse de la hanche droite, pratiquée le 19 février 2016 par le docteur [X], médecin exerçant à titre libéral, puis admis courant mai, juin, juillet et août 2016 au centre hospitalier de [Localité 16] et en février 2017 à l'hôpital [Localité 18], M. [I] a saisi le 24 août 2017 d'une demande d'indemnisation la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des infections iatrogènes et des infections nosocomiales d'Ile-de-France (ci-après : la CCI).

Sous l'égide de cette commission, une expertise a été confiée aux professeurs [K] et [B], au contradictoire de M. [X], de la clinique Saint-Faron, du [Adresse 12] [Localité 16], de l'hôpital [Localité 18] ainsi que des docteurs [W] et [G].

Ces experts ont réalisé leur mission, après examens de la victime pratiqués les 4 avril et 25 septembre 2018. Ils ont déposé leur rapport le 10 mai 2019, concluant notamment à la survenue d'une infection liée à un staphylocoque doré, directement associée à l'acte de soin consistant en la pose de la prothèse réalisé par M. [X] à la clinique de Saint-Faron. S'agissant de l'appréciation du préjudice en étant résulté, en l'absence de consolidation de l'état de la victime, ils ont déterminé différentes périodes de déficit fonctionnel temporaire, relevé que les souffrances endurées ne pourraient être inférieures à 5 sur 7, et n'ont donc pas pu évaluer les préjudices permanents.

Le 27 juin 2019, la CCI a émis l'avis suivant :

'Article 1: la réparation des préjudices incombe à la clinique Saint-Faron à hauteur de 50 % et au docteur [X] à hauteur de 50 %.

Article 2: l'état de santé de M. [I] n'étant pas consolidé, il sera procédé à une nouvelle expertise après nouvelle saisine de la commission et après production d'un certificat de consolidation.

Article 3: les préjudices qu'il convient d'indemniser sont les suivants :

Préjudices extrapatrimoniaux

- déficit fonctionnel temporaire :

o 50 % du 3 au 29 mars 2016

o 40 % du 30 mars au 13 avril 2016

o 90 % du 14 au 22 avril 2016

o 40 % du 23 avril au 9 mai 2016

o 90 % du 10 mai au 30 juin 2016

o 100 % du ler juillet au 23 décembre 2016

o 50 % du 24 décembre 2016 au 15 janvier 2017

o 75 % du 16 janvier au 10 février 2017

o 50 % du 11 février au 19 novembre 2017

o 75 % du 20 novembre 2017 au 7 février 2018

o 50 % du 8 février au 26 septembre 2018, date de l'expertise.

- souffrances endurées évaluées à 5/7

Préjudices patrimoniaux

- dépenses de santé actuelle (sur justificatifs)

frais divers : assistance par une tierce personne non spécialisée à raison de :

o 3 heures par jour durant les périodes de DFT à 75 %

o 1 heure 30 par jour durant les périodes de DFT à 50 %

o Il conviendra également de dédommager M. [I], le cas échéant, des frais d'assistance par un avocat ou un médecin conseil exposés dans le cadre de la présente procédure (sur justificatifs).

Article 4: il appartient aux assureurs respectifs de la clinique Saint-Faron et du docteur [X] d'adresser une offre d'indemnisation à M. [I] dans le délai de quatre mois suivant la réception du présent avis.

Article 5: En vertu de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, si au terme du délai de quatre mois, les assureurs précités n'ont pas fait d'offre ou ont refusé de proposer une offre, M. [I] pourra saisir l'ONIAM qui pourra, le cas échéant, accepter de se substituer à l'assureur défaillant ou aux assureurs défaillants'.

Un protocole d'accord transactionnel est intervenu entre M. [I] et la compagnie d'assurance CNA Hardy en qualité d'assureur de la clinique Saint-Faron au titre de l'indemnisation de 50 % des postes du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, de l'assistance par tierce-personne et des frais d'avocat.

Faisant valoir que son état était désormais consolidé et qu'il avait subi une aggravation de son préjudice, par actes des 14, 22 mai et 17 juin 2024, M. [I] a fait assigner M. [X], la clinique Saint-Faron, la compagnie d'assurance CNA Hardy et l'établissement public Grand hôpital de l'Est francilien devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Meaux aux fins d'obtenir, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la désignation d'un expert judiciaire et, sur le fondement de l'article 331 du code de procédure civile, que l'assignation délivrée le 14 mai 2024 soit rendue commune et opposable à la mutualité sociale agricole d'Ile-de-France.

Par ordonnance réputée contradictoire du 31 juillet 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Meaux a rejeté la demande d'expertise formée par M. [I], l'a condamné aux dépens et a rejeté les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 16 octobre 2024, M. [I] a relevé appel de l'ensemble des chefs du dispositif de cette décision.

Par ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 9 avril 2025, M. [I] a demandé à la cour de :

infirmer l'ordonnance entreprise,

et statuant à nouveau,

désigner tel expert spécialiste qu'il plaira à la cour avec la mission suivante :

- recevoir M. [I], prendre connaissance des tous documents médicaux, entendre éventuellement tous sachants,

- examiner la prise en charge médicale de M. [I] au sein de la clinique Saint-Faron et au sein des différentes structures qui ont pu le prendre en charge,

- examiner son dossier médical,

- dire si l'état de santé de M. [I] est consolidé et si oui, à quelle date,

- rechercher les conditions dans lesquelles les examens, soins et prescriptions médicales ont été diligentées par la clinique Saint Faron et les autres établissements médicaux intervenus dans le suivi de M. [I],

- dire s'ils ont été conformes aux règles de l'art,

- dire s'il y a eu un retard dans la prise en charge,

- dire si les soins et actes médicaux puis les suivis réalisés ont été attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science médicale,

- dire s'il y a eu des erreurs ou des retards dans la prise en charge, dans la détection de ses souffrances ou dans le diagnostic,

- analyser la nature des éventuelles erreurs, imprudences, négligences, manques de précautions et autres défaillances ainsi que leur imputabilité,

- se prononcer le cas échéant sur l'existence ou l'absence d'un lien de causalité entre les éventuels manquements et les séquelles consolidées du patient ou son éventuelle perte de chance de maintien dans un état de santé exempt de souffrance en raison de ces manquements, précisant l'importance et le taux de ces pertes de chance,

- dire si l'obligation d'information a été dûment respectée,

- dire si le traitement et l'examen prescrit était adapté,

- évaluer les préjudices corporels et patrimoniaux de M. [I] postérieurs au rapport d'expertise de 2018,

- évaluer par référence à la nomenclature Dintilhac les conséquences sur le plan médico-légal et les éventuelles défaillances des professionnels de santé de tout dresser rapport et réserver les dépens,

réserver les dépens,

condamner solidairement la clinique Saint-Faro et M. [X] dont les responsabilités médicales ont été établies au règlement de la somme de 3.600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

débouter le grand hôpital de l'Est Francilien de sa demande de mise hors de cause,

débouter le grand hôpital de l'Est Francilien de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 27 janvier 2025, M. [X] a demandé à la cour de :

lui donner acte qu'il s'en rapporte à justice sur la demande d'expertise, tous ses droits et moyens de défense étant expressément réservés,

dans l'hypothèse où l'ordonnance serait infirmée et l'expertise ordonnée :

lui donner acte de ses plus expresses protestations et réserves ;

compléter la mission d'expertise comme explicité ci-dessus, comprenant notamment demande à l'expert :

o de déterminer si M. [I] a été pris en charge conformément aux règles de l'art par celui-ci,

o dans l'hypothèse où un manquement susceptible d'être imputé à celui-ci serait mis en évidence, de se prononcer sur son incidence exacte quant aux troubles et séquelles présentés par M. [I], en quantifiant s'il y a lieu la perte de chance subie, et de déterminer les préjudices en relation directe, certaine et exclusive avec ledit manquement, à l'exclusion de ceux résultant :

' de son état antérieur,

' de sa pathologie initiale, ainsi que de l'évolution et des conséquences prévisibles de celle-ci,

' des soins et traitements prodigués dans d'autres établissements ou par d'autres professionnels de santé, en précisant pour chacun, s'il y a lieu, la gravité, le rôle et l'incidence des manquements susceptibles de leur être imputés,

' et plus généralement de toute autre cause étrangère,

o si une infection devait être relevée, de préciser son origine, si les mesures d'asepsie ont été correctement respectées, si l'infection peut être qualifiée de nosocomiale, si elle pouvait être raisonnablement évitée, et si elle est imputable à une cause étrangère, puis de distinguer les préjudices en rapport exclusif avec cette infection, à l'exclusion de ceux imputables à l'état initial du patient ou à d'autres causes ou pathologies, en quantifiant s'il y a lieu la perte de chance subie,

o en cas de retard ou erreur de diagnostic, de préciser si le diagnostic était difficile à établir et si le retard ou l'erreur ont été à l'origine d'une perte de chance réelle et sérieuse d'éviter les préjudices allégués,

o de se faire communiquer contradictoirement le relevé détaillé des frais de santé exposés par l'organisme de sécurité sociale, avant de procéder à ses opérations et convoquer les parties,

o de déterminer les débours et frais médicaux en relation directe et exclusive avec cet éventuel manquement et/ou infection, en les distinguant expressément de ceux imputables à l'état initial, ou à d'autres causes ou pathologies, qui auraient de toute façon été exposés,

o d'établir et communiquer un pré-rapport ou une note de synthèse avant le dépôt de son rapport, en laissant aux parties un délai suffisant afin de leur permettre de formuler leurs éventuelles observations sous forme de dires, auxquels il devra répondre,

dire qu'il appartiendra à M. [I] de consigner la provision à valoir sur les frais et honoraires d'expertise,

laisser les dépens à la charge de M. [I],

et rejeter toutes demandes et conclusions plus amples ou contraires aux présentes et dirigées contre lui, en particulier la demande de M. [I] tendant à sa condamnation à lui verser la somme de 3.600 euros au titre des frais irrépétibles de justice sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 24 janvier 2025, la clinique Saint-Faron et la compagnie d'assurance CNA Hardy ont demandé à la cour de:

juger qu'elles s'en remettent à l'appréciation de la cour concernant la réformation de l'ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire de Meaux le 31 juillet 2024,

en cas d'infirmation de l'ordonnance dont appel et sous les plus expresses protestations et réserves:

donner acte à la clinique Saint-Faron et la compagnie CNA Hardy de ce qu'elles n'entendent pas s'opposer à l'expertise sollicitée,

donner à l'expert désigné la mission habituelle en la matière et notamment celle proposée dans les présentes conclusions,

dire que les frais d'expertise seront avancés par M. [I], demandeur à la demande d'expertise,

débouter M. [I] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile formulée à l'encontre de la clinique Saint-Faron et de la compagnie CNA Hardy,

réserver les dépens.

Par ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 21 janvier 2025, l'établissement public Grand hôpital de l'Est Francilien a demandé à la cour de :

déclarer M. [I] mal fondé en son appel et l'en débouter,

confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté M. [I] de sa demande d'expertise et l'a condamné aux dépens de la procédure de référé devant le tribunal judiciaire de Meaux,

mettre hors de cause celui-ci,

débouter l'appelant de l'ensemble de ses demandes à son encontre,

condamner M. [I] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel dont distraction au profit de Me Boileau.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 mai 2025.

Sur ce,

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il sera rappelé que les demandes tendant à voir donner acte, constater, juger ou encore dire et juger, ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 5 du code de procédure civile mais des moyens au soutien de celles-ci en sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer de ces chefs.

Le fait par une partie de s'en rapporter à la justice sur le mérite d'une demande implique de sa part, non un acquiescement à cette demande, mais la contestation de celle-ci (1ère Civ., 21 octobre 1997, pourvoi n° 95-16.224). Il en est de même lorsque le défendeur à une mesure d'instruction émet toutes protestations et réserves d'usage.

Sur la demande d'expertise

En application de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

En application des dispositions qui précèdent, il entre dans les pouvoirs du juge des référés d'ordonner une mesure d'instruction sollicitée, sous réserve pour le demandeur de justifier d'un motif légitime, à savoir, l'existence d'un procès potentiel à venir entre les parties, plausible et non manifestement voué à l'échec, dont la solution peut dépendre de cette mesure. Il sera encore rappelé que la décision ordonnant une mesure in futurum n'implique aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure ni sur les chances de succès du procès susceptible d'être ultérieurement engagé.

Par ailleurs, selon l'article L. 1142-12 du code de la santé publique, ' La commission régionale désigne aux fins d'expertise un collège d'experts choisis sur la liste nationale des experts en accidents médicaux, en s'assurant que ces experts remplissent toutes les conditions propres à garantir leur indépendance vis-à-vis des parties en présence. Elle peut toutefois, lorsqu'elle l'estime suffisant, désigner un seul expert choisi sur la même liste.

A défaut d'expert inscrit sur la liste des experts en accidents médicaux compétent dans le domaine correspondant à la nature du préjudice, elle peut nommer en qualité de membre du collège d'experts un expert figurant sur une des listes instituées par l'article 2 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 précitée ou, à titre exceptionnel, un expert choisi en dehors de ces listes.

La commission régionale fixe la mission du collège d'experts ou de l'expert, s'assure de leur acceptation et détermine le délai dans lequel le rapport doit être déposé. Lorsque l'expertise est collégiale, le rapport est établi conjointement par les membres du collège d'experts.

Elle informe sans délai l'Office national d'indemnisation institué à l'article L. 1142-22 de cette mission.

Dans le cadre de sa mission, le collège d'experts ou l'expert peut effectuer toute investigation et demander aux parties et aux tiers la communication de tout document sans que puisse lui être opposé le secret médical ou professionnel, s'agissant de professionnels de santé ou de personnels d'établissements, de services de santé ou d'autres organismes visés à l'article L. 1142-1. Les experts qui ont à connaître ces documents sont tenus au secret professionnel, dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal.

En cas de carence des parties dans la transmission des documents demandés, la commission régionale peut autoriser le collège d'experts ou l'expert à déposer son rapport en l'état. La commission peut tirer toute conséquence du défaut de communication des documents.

Le collège d'experts ou l'expert s'assure du caractère contradictoire des opérations d'expertise, qui se déroulent en présence des parties ou celles-ci dûment appelées. Ces dernières peuvent se faire assister d'une ou des personnes de leur choix. Le collège d'experts ou l'expert prend en considération les observations des parties et joint, sur leur demande, à son rapport tous documents y afférents. Il peut prendre l'initiative de recueillir l'avis d'un autre professionnel.

L'Office national d'indemnisation prend en charge le coût des missions d'expertise, sous réserve du remboursement prévu aux articles L. 1142-14 et L. 1142-15".

Au cas présent, le premier juge a écarté la demande d'expertise formée par M. [R] en relevant qu'il n'est nullement établi ni même allégué que l'expertise menée par le docteur [B] et le professeur [K] présente des défauts de qualité, fondant un intérêt légitime à une nouvelle mesure d'expertise, ajoutant qu'il ne résulte pas du certificat médical de consolidation versé que le dommage s'est trouvé aggravé.

Mais, il convient de rechercher si, comme M. [I] le fait valoir, la nouvelle mesure d'expertise sollicitée est de nature à permettre d'améliorer sa situation probatoire et notamment de compléter utilement les premières investigations expertales menées.

Or, il est constant que les experts désignés par la CCI n'ont pas été à même d'évaluer l'entier préjudice subi par M. [I] dont l'état n'était pas consolidé lorsqu'ils l'ont examiné. Et, depuis, M. [I] justifie par la production d'un certificat médical établi en date du 7 février 2023 par le docteur [L] que ce médecin a estimé que son état pouvait être considéré comme consolidé avec séquelles à cette même date. En outre, M. [I] excipe d'une aggravation de son préjudice sans toutefois apporter de précisions à cet égard.

Reste que qu'il convient de constater que l'appréciation portée par les premiers experts quant aux responsabilités susceptibles d'être recherchées n'est pas discutée. En effet, d'une part, tant la clinique Saint-Faron que M. [X], qui ont indiqué s'en rapporter à justice sur la demande d'expertise, admettent que leur assureur a conclu avec la victime un protocole d'accord transactionnel afin de l'indemniser au titre de ses préjudices temporaires, dans une proportion de moitié chacun, compte tenu de l'avis de la CCI qui elle-même a adopté les conclusions des experts. D'autre part, M. [I] reconnaît dans ses écritures, selon ses propres termes, que l'expertise diligentée par la CCI a déjà pu statuer sur les responsabilités des différents intervenants et évaluer ses préjudices provisoires, en sorte que sa demande d'expertise ne saurait donc être qualifiée de contre-expertise. Et, l'établissement public Grand hôpital de l'Est Francilien s'oppose à ce que la nouvelle mesure soit effectuée à son contradictoire au motif qu'elle pourrait remettre en cause les conclusions des premiers experts qui ont écarté sa responsabilité.

Par voie de conséquence, la décision entreprise sera infirmée en ce qu'elle a refusé d'ordonner la mesure d'expertise sollicitée, laquelle sera ordonnée dans les conditions du présent dispositif en impartissant à l'expert une mission circonscrite à la détermination et à l'évaluation des préjudices non encore examinés.

Par ailleurs, au regard de ce qui précède et alors qu'il n'est pas soutenu que sa responsabilité pourrait être recherchée, il apparaît que c'est à juste titre que l'établissement public Grand hôpital de l'Est Francilien a sollicité sa mise hors de cause, laquelle sera prononcée.

S'agissant d'une demande d'expertise ordonnée dans l'intérêt de M. [I], celui-ci supportera l'avance des frais d'expertise ainsi que les dépens de première instance et d'appel, avec faculté conférée au profit des avocats en ayant fait la demande du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'équité pas plus que la situation économique des parties ne commandent qu'il soit alloué d'indemnité au titre des frais exposés dans le cadre de l'instance non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance de référé entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande d'expertise formée par M. [I] et la confirme sur le surplus de ses dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce la mise hors de cause de l'établissement public Grand hôpital de l'Est Francilien;

Ordonne une expertise judiciaire complémentaire à celle effectuée sous l'égide de la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux d'Ile-de-France, sans possibilité de remettre en cause les conclusions du rapport déposé le 10 mai 2019 quant à l'appréciation des responsabilités encourues, et portant aussi sur l'aggravation alléguée par M. [I] ;

Désigne pour y procéder:

le docteur [H] [B]

[Adresse 5]

[Localité 7]

Tél : [XXXXXXXX01]

Email : [Courriel 13]

inscrit sur la liste des experts près la cour d'appel de Paris, avec pour mission de :

1. Se faire communiquer par le demandeur ou son représentant légal, ou par un tiers avec l'accord de l'intéressé ou de ses ayants-droits, tous documents utiles à sa mission, notamment le précédent rapport d'expertise concernant le demandeur ;

2. Fournir le maximum de renseignements sur l'identité de la partie demanderesse, ses conditions d'activités professionnelles et de vie, son niveau scolaire, son statut exact, sa formation ;

3. Entendre contradictoirement les parties, leurs conseils convoqués ou entendus (ceci dans le respect des règles de déontologie médicale ou relatives au secret professionnel);

4. Recueillir toutes informations orales ou écrites des parties : se faire communiquer puis examiner tous documents utiles (dont le dossier médical et plus généralement tous documents médicaux relatifs au fait dommageable dont la partie demanderesse a été victime) ;

5. À partir des déclarations de la partie demanderesse imputables au fait dommageable et des documents médicaux fournis, décrire l'évolution de son état depuis la précédente expertise et se prononcer sur l'aggravation invoquée ; préciser notamment si l'évolution constatée depuis la précédente expertise est imputable de façon directe et certaine à l'accident ou si elle résulte au contraire d'un fait pathologique indépendant, d'origine médicale ou traumatique ;

6. Compte tenu de l'état actuel de la victime, procéder à l'évaluation médico-légale des postes de préjudice ;

Évaluation médico-légale :

7. Déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire, période pendant laquelle, pour des raisons médicales en relation certaine et directe avec l'accident, la victime a dû interrompre totalement ses activités scolaires ou professionnelles, ou ses activités habituelles ;

8. Si l'incapacité fonctionnelle n'a été que partielle, en préciser le taux ;

9. Préciser la durée des arrêts de travail au regard des organismes sociaux ; si cette durée est supérieure à l'incapacité temporaire retenue, dire si ces arrêts sont liés au fait dommageable ;

10. Décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales endurées pendant la maladie traumatique (avant consolidation) du fait des blessures subies. Les évaluer selon l'échelle habituelle de sept degrés ;

11. Donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique temporaire (avant consolidation). Le décrire précisément et l'évaluer selon l'échelle habituelle de sept degrés.

12. Décrire, en cas de difficultés éprouvées par la victime, les conditions de reprise de l'autonomie et, lorsque la nécessité d'une aide temporaire avant consolidation est alléguée, indiquer si l'assistance d'une tierce personne constante ou occasionnelle a été nécessaire, en décrivant avec précision les besoins (niveau de compétence technique, durée d'intervention quotidienne) ;

13. Fixer la date de consolidation, qui est le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent tel qu'un traitement n'est plus nécessaire, si ce n'est pour éviter une aggravation ;

Si la date de consolidation ne peut pas être fixée, l'expert établira un pré-rapport décrivant l'état provisoire de la victime et indiquera dans quel délai celle-ci devra être réexaminée ;

14. Chiffrer, par référence au « Barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun » le taux éventuel de déficit fonctionnel permanent (état antérieur inclus) imputable à l'accident, résultant de l'atteinte permanente d'une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation, le taux de déficit fonctionnel devant prendre en compte, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes qu'elle ressent, la perte de qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence qu'elle rencontre au quotidien après consolidation ; dans l'hypothèse d'un état antérieur, préciser en quoi l'accident a eu une incidence sur celui-ci et décrire les conséquences de cette situation ;

15. Fixer un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique permanent ; le décrire précisément et l'évaluer selon l'échelle habituelle de sept degrés, indépendamment de l'éventuelle atteinte fonctionnelle prise en compte au titre du déficit;

16. Lorsque la victime allègue un préjudice d'agrément, à savoir l'impossibilité de se livrer à des activités spécifiques de sport et de loisir, ou une limitation de la pratique de ces activités, donner un avis médical sur cette impossibilité ou cette limitation et son caractère définitif, sans prendre position sur l'existence ou non d'un préjudice afférent à cette allégation ;

17. Dire s'il existe un préjudice sexuel ; le décrire en précisant s'il recouvre l'un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la morphologie, l'acte sexuel (libido, impuissance ou frigidité) et la fertilité (fonction de reproduction) ;

18. Lorsque la victime allègue une répercussion dans l'exercice de ses activités scolaires ou professionnelles, recueillir les doléances, les analyser, les confronter avec les séquelles retenues, en précisant les gestes professionnels rendus plus difficiles ou impossibles ; dire si un changement de poste ou d'emploi apparaît lié aux séquelles ;

19. Perte d'autonomie après consolidation : indiquer, le cas échéant :

o Si l'assistance d'une tierce personne constante ou occasionnelle est nécessaire, en décrivant avec précision les besoins (niveau de compétence technique, durée

d'intervention quotidienne)

o Si des appareillages, des fournitures complémentaires et si des soins postérieurs à la consolidation sont à prévoir ; préciser la périodicité du renouvellement des appareils, des fournitures et des soins ;

o Donner le cas échéant un avis sur les aménagements du logement, du véhicule, et plus généralement sur l'aptitude de la victime à mener un projet de vie autonome ;

20. De manière générale, faire toutes recherches et constatations permettant d'apprécier l'évolution de l'état de la victime ;

21. Établir un récapitulatif de l'évaluation de l'ensemble des postes énumérés dans la mission ;

Fixe à la somme de trois mille (3.000) euros la provision concernant les frais d'expertise qui devra être consignée par M. [I] avant le 1er septembre 2025, entre les mains du régisseur d'avances et de recettes du tribunal judiciaire de Meaux ;

Dit que faute de consignation de la provision dans ce délai impératif, ou demande de prorogation sollicitée et accordée en temps utile, la désignation de l'expert sera caduque et de nul effet ;

Dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du code de procédure civile et qu'il déposera l'original de son rapport au greffe de ce tribunal avant le 31 décembre 2025 sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile de manière motivée auprès du juge du contrôle ;

Dit que l'exécution de la mesure d'instruction sera suivie par le juge du service du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Meaux, spécialement désigné à cette fin ;

Condamne M. [I] aux dépens d'appel avec faculté conférée au profit des avocats en ayant fait la demande du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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