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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-3, 10 juillet 2025, n° 22/05035

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

X

Défendeur :

Les Nouveaux Constructeurs Investissement (SA), Defipat (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perret

Conseillers :

M. Maumont, Mme Girault

Avocats :

Me Amann, Me Ferchaux-Lallement

TJ Localité 10, 6e ch., du 10 déc. 2021,…

10 décembre 2021

FAITS ET PROCEDURE

En 2011, M. [W] [L] et Mme [V] [U] (ci-après, « les consorts [T] ») ont été démarchés par téléphone par M. [M], consultant en patrimoine, intervenant pour le compte de la société Defipat.

M. [M] leur a proposé l'organisation d'un rendez-vous gratuit à leur domicile au cours duquel il a été fait une analyse des possibilités de réduction d'impôts et un bilan de leur patrimoine.

M. [M] leur a proposé de procéder à un investissement immobilier locatif dans le cadre du régime fiscal dit « Scellier ». Avec un effort d'épargne limité et maîtrisé, il était promis aux consorts [T] de pouvoir se constituer un important capital tout en réduisant leurs impôts sur le revenu.

M. [M] leur a proposé d'acquérir un bien immobilier, moyennant un prix « acte en mains», de 210 000 euros TTC, promue par la société Les Baronnies.

Selon contrat préliminaire de vente du 28 février 2011, puis acte notarié de vente en l'état futur d'achèvement du 19 juillet 2011, la société Les Baronnies a vendu au prix total de 210 000 euros aux consorts [T] les lots n° 26 et 42 d'un ensemble immobilier situé à [Adresse 12]. Ce dernier comprend un appartement de trois pièces, d'une superficie de 65,14 m², situé au deuxième étage et numéroté B12 ainsi que d'une place de parking dans un garage souterrain.

Le 8 août 2011, les consorts [T] ont confié la gestion locative de leur bien à la société Foncia et adhéré à différentes garanties d'assurance dont notamment une garantie des loyers impayés et une garantie vacance locative. La livraison du bien a eu lieu le 1er septembre 2011. Un premier contrat de bail a pris effet au le 8 décembre 2011.

Le 7 novembre 2016, l'agence Foncia a estimé ledit bien entre 120 000 euros et 130 000 euros.

Le 30 août 2021, le bien a été vendu moyennant le prix de 137 300 euros net vendeur, soit en deçà pour les consorts [T] du capital qui les avait déterminés à réaliser l'opération financière proposée.

Par acte d'huissier du 15 novembre 2017, les consorts [T] ont alors assigné devant le tribunal de grande instance de Nanterre la société Les Nouveaux Constructeurs venant aux droits de la société Les Baronnies ainsi que la société Defipat afin d'obtenir l'indemnisation du préjudice qu'ils estiment avoir subi du fait de cette acquisition.

Par jugement du 4 mars 2022, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- déclaré irrecevable l'action des consorts [T] car prescrite,

- condamné in solidum les consorts [T] à payer à la société Les Nouveaux Constructeurs la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné in solidum les consorts [T] aux dépens,

- rappelé qu'en application des dispositions de l'article 478 du code de procédure civile, le présent jugement deviendra non avenu s'il n'est pas notifié dans les 6 mois de sa date.

Par acte du 28 juillet 2022, les consorts [T] ont interjeté appel.

Par dernières écritures du 7 février 2025, les consorts [T] prient la cour de :

juger l'appel régulier, recevable et fondé,

En conséquence,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite leur action dirigée contre la société Defipat et la société Les Nouveaux Constructeurs venant aux droits de la société Les Baronnies,

En conséquence,

- les dire recevables à agir à l'encontre de la société Defipat et la société Les Nouveaux Constructeurs venant aux droits de la société Les Baronnies,

dire qu'ils n'ont été en mesure de découvrir leur préjudice, que le 7 novembre 2016, date à laquelle ils ont été informés de la perte de valeur de leur bien soit quelques temps avant le terme de la période de défiscalisation,

- dire que leur action indemnitaire à l'encontre de la société Defipat et la société Les Nouveaux Constructeurs venant aux droits de la société Les Baronnies est recevable et non prescrite,

- dire que leurs prétentions se rattachent aux demandes formulées en première instance,

et en conséquence, juger que leurs demandes présentées devant la cour ne sont pas nouvelles en cause d'appel,

Et statuant à nouveau,

- dire que leur opération était une opération financière complexe de long terme (i) ayant pour support un bien immobilier géré par un tiers, (ii) intégralement financée par un emprunt remboursé par la perception de loyers, par les réductions d'impôt procurées par le dispositif d'incitation fiscale Scellier avec en complément un effort d'épargne mensuel, (iii) destinée à permettre, suivant la revente du bien au terme de l'engagement de location, le remboursement du prêt contracté et la réalisation d'un capital net supérieur à l'effort d'épargne fourni et donc la constitution d'un capital,

dire que la société Defipat intervenue dans le cadre d'un démarchage pour leur présenter l'opération, était tenue à leur égard à une obligation d'information, à un devoir de conseil et de mise en garde,

- dire que dans le cadre de cette opération, les perspectives de valorisation du bien au terme de l'engagement de location revêtaient une importance essentielle pour ne pas dire cruciale dès lors que la possibilité d'atteindre l'objectif assigné à l'opération (la constitution d'un capital) dépendait très étroitement et principalement de la valeur du bien au terme de l'engagement de location,

- dire qu'il appartenait en conséquence à la société Defipat de se renseigner sur les perspectives réelles de valorisation du bien au terme de l'engagement de location pour les (i) informer utilement et satisfaire à son obligation d'information, (ii) vérifier que l'opération proposée était adaptée à leur objectif de constitution d'un capital et satisfaire à son devoir de conseil,

- dire qu'en s'abstenant de réaliser la moindre étude sur les perspectives réelles de valorisation du bien au terme de leur engagement de location et en leur communiquant l'étude financière faisant état de perspectives de valorisation du bien litigieux au terme de l'engagement de location totalement irréalistes et fondées sur des données purement théoriques, la société Defipat a manqué à son obligation d'information et à son devoir de conseil,

- dire que la société Defipat, nécessairement consciente en sa qualité de professionnel des risques qu'elle leur faisait courir, aurait dû attirer leur attention sur le caractère purement théorique des informations des études financières relatives aux perspectives de réalisation d'un capital et les risques pour eux à s'engager dans une opération dont la réussite était fondée sur des données purement théoriques, qu'à aucun moment, cette mise en garde n'a été opérée, la seule mention du caractère non contractuel de l'étude financière étant parfaitement insuffisante à caractériser une telle mise en garde,

- dire que quand bien même ils n'ignoraient pas que l'investissement proposé (comme d'ailleurs tout investissement) comportait une part d'aléa, l'absence d'étude préalable par la société Defipat sur les perspectives réelles de valorisation du bien au terme de l'engagement de location et la communication sans mise en garde d'une information y relative totalement irréaliste, les ont conduit à s'exposer à un risque certain ou quasi-certain qui s'est réalisé,

- dire que les manquements de la société Defipat et de la société Les Nouveaux Constructeurs venant aux droits de la société Les Baronnies, à leur obligation d'information, à leur devoir de conseil et de mise en garde les ont privé de la perte de chance de faire un placement plus rentable (i) que la valeur du bien au terme de l'engagement de location ne permet pas de réaliser un capital net supérieur à l'effort d'épargne fourni, (ii) que la valeur du bien au terme de l'engagement de location ne permet même pas de rembourser le solde du capital restant dû auprès de l'établissement ayant financé l'opération litigieuse, (iii) d'avoir ainsi, et pendant de nombreuses années, fourni en vain un important effort d'épargne (sans constituer le moindre capital),

En conséquence,

- condamner in solidum, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt à intervenir, la société Defipat et la société Les Nouveaux Constructeurs venant aux droits de la société Les Baronnies, au paiement de la somme de 113 457,01 euros au titre de la réparation du préjudice,

dire que les manquements de la société Defipat et de la société Les Nouveaux Constructeurs venant aux droits de la société Les Baronnies, à leur obligation d'information et à leur devoir de conseil sont aussi pour eux, la cause d'un préjudice moral distinct du préjudice financier causé par le stress lié à la présente procédure initiée pour faire valoir leurs droits,

condamner, in solidum avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt à intervenir, la société Defipat et la société Les Nouveaux Constructeurs venant aux droits de la société Les Baronnies au paiement de la somme de 12 000 euros à titre de dommages et intérêts,

En tout état de cause,

- condamner in solidum la société Defipat et la société Les Nouveaux Constructeurs venant aux droits de la société Les Baronnies au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

- dire infondée l'intimée en son argumentation,

- la débouter de toutes ses demandes fins et conclusions contraires.

A cet effet, les consorts [T] font valoir que :

- d'une part, sur la nature de l'opération financière proposée, ils n'avaient, en tant qu'investisseurs profanes, aucune raison d'improviser par leurs propres moyens le travail de vérification patrimoniale que les conseillers professionnels étaient censés avoir accompli pour leur compte.

- d'autre part, leur action n'est pas prescrite puisque le point de départ de l'action en responsabilité à raison d'un manquement à l'obligation d'information, de conseil et de mise en garde ne peut être fixé au jour de l'établissement du contrat préliminaire et de l'acte authentique de vente dans le cadre d'une opération financière complexe dans la mesure où le dommage ne consiste pas en une perte de chance de ne pas contracter, mais en une perte de chance de ne pas avoir pu souscrire un engagement plus rentable. A cet égard, ils ont légitimement ignoré le dommage jusqu'à la date de l'estimation du bien litigieux du 7 novembre 2016, soit quelques temps avant le terme de la défiscalisation, de sorte que même si la cour venait à dire que le dommage est intervenu plus de cinq années avant leur assignation, leur action n'en demeure pas moins valable et non prescrite.-

Sur le rejet de leurs demandes en cause d'appel demandé par la société Les Nouveaux Constructeurs, ils exposent que les prétentions présentées en appel se rattachent aux demandes formulées en première instance et qu'en conséquence, les demandes présentées devant la cour ne sont pas nouvelles en cause d'appel.

S'agissant de la responsabilité des intervenants à l'opération financière, ils soutiennent que les manquements de la société Defipat à son obligation d'information, de conseil et de mise en garde les ont conduits à la perte de chance de ne pas avoir pu souscrire un engagement plus rentable, à s'exposer au risque que la valeur du bien au terme de l'engagement de location ne permette pas de réaliser un capital net supérieur à l'effort d'épargne fourni, d'avoir ainsi, et pendant de nombreuses années, fourni en vain un important effort d'épargne.

Sur le bien-fondé de la mise en cause de la responsabilité de la société Les Baronnies,

* ils considèrent que celle-ci devait les informer, en sa qualité de vendeur professionnel, du potentiel locatif du bien et donc de la rentabilité légitimement attendue afin que, en possession de tous ces renseignements sur la qualité et l'opportunité de l'investissement, une décision d'acquisition puisse être prise en pleine connaissance de cause,

* ils considèrent que celle-ci, en sa qualité de mandant des conseillers financiers, est tenue par les manquements commis par son mandataire, la société Defipat, dans le cadre des opérations d'acquisition contestées, notamment s'agissant des éventuels manquements à son propre devoir d'information,

Ils demandent en conséquence que leur préjudice soit retenu, pour le préjudice financier à hauteur de la somme de 113 457,01 euros correspondant au montant des sommes qu'ils n'auraient pas dû exposer à l'occasion de l'opération, et pour leur préjudice moral à hauteur (de) la somme de 12 000 euros avec application des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation et capitalisation conformément à l'article 1343-2 du code civil.

Par dernières conclusions du 15 décembre 2022, la société Les Nouveaux Constructeurs, venant aux droits de la société Les Baronnies, prie la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Subsidiairement,

- rejeter comme irrecevables, les demandes nouvelles formulées en cause d'appel par les consorts [T],

Très subsidiairement,

- dire que sa demande de condamnation au paiement de la somme de 121 034,21 euros en réparation de la prétendue perte de chance des consorts [T] est infondée et injustifiée et, partant, la rejeter,

à défaut, diminuer cette somme (i) de celle de 17 000 euros du fait de la différence entre les prix nets d'acquisition en 2011 et de revente en 2021 du bien en cause, (ii) des frais et charges dont il n'est pas justifié et (iii) de l'intégralité des sommes perçues et économisées par les consorts [T], dont il leur revient de justifier complètement,

dire que sa demande de condamnation au paiement de la somme de 12 000 euros aux consorts [T] au titre de leur préjudice moral est infondée et, partant, la rejeter, ou à tout le moins diminuer significativement le montant de l'éventuelle condamnation à intervenir ; Infiniment subsidiairement,

- dire que la société Defipat devra la garantir de l'ensemble des condamnations qui seraient prononcées à son encontre,

- dire en conséquence que les consorts [T] pourront demander directement à la société Defipat le paiement de l'intégralité des sommes qui leur seraient dues aux termes du jugement à intervenir,

En toute hypothèse,

- condamner la partie défaillante, à savoir soit, solidairement ou in solidum, les consorts [T], soit la société Defipat, à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la partie défaillante, à savoir soit, solidairement ou in solidum, les consorts [T], soit la société Defipat, aux entiers dépens de première instance et d'appel.

A cet effet, la société Les Nouveaux Constructeurs fait valoir que :

- d'une part, l'action des consorts [T] est prescrite, dès lors que le délai de prescription de cinq ans a bien commencé à courir à compter du 19 juillet 2011 et non, comme cela aurait été le cas d'acquéreurs non informés, à compter du jour de réalisation du risque dont ils n'auraient pas eu connaissance avant ladite réalisation.

- d'autre part, les demandes nouvelles des consorts [T] en cause d'appel sont nouvelles et donc irrecevables au motif qu'elles ne tendent pas à « opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».

Elle soutient que la société Les Baronnies n'a commis aucune faute à l'égard des consorts [T] et a rempli ses devoirs de vendeur professionnel d'un logement neuf à des particuliers. En conséquence, elle ne saurait être tenue responsable des agissements de la société Defipat avec laquelle elle n'avait aucun lien. Elle fait valoir encore que les consorts [T] ne démontrent ni avoir été destinataires d'informations trompeuses, ni avoir procédé à des vérifications élémentaires et qu'en tout état de cause, leur préjudice n'est pas établi; en effet, ils reconnaissent dans leurs propres écritures, non seulement, qu'ils s'étaient renseignés de façon approfondie de leur côté avant de procéder à l'acquisition du bien, mais encore, qu'ils avaient choisi de faire pleinement confiance à la société Defipat pour des raisons personnelles.

Enfin, l'intimée expose que les consorts [T] seraient seuls responsables des préjudices qu'ils prétendent avoir subis au motif que personne ne pouvait prévoir avec certitude l'évolution de la valeur du bien dix années après son acquisition en 2011, et que, comme tout acquéreur d'un bien immobilier, ils ont nécessairement accepté et pris le risque que cette valeur soit inférieure à celle du prix d'achat du bien en 2011.

S'agissant des demandes indemnitaires des consorts [T], elle conclut à leur rejet ou, à titre subsidiaire leur réduction à 17 000 euros correspondant à des frais et charges démontrés, et elle conteste toute perte de chance «de n'avoir pas contracté l'opération litigieuse » ou « d'éviter le risque certain ou quasi certain qui s'est réalisé » chiffré à la somme de à 121 034,21 euros.

Elle ajoute que les consorts [T] n'ont entrepris aucune démarche auprès des intimées en vue de tenter de parvenir à une solution amiable, ce qui justifie le rejet de la demande de condamnation au titre du préjudice moral ou sa réduction.

Enfin, elle soutient qu'elle devrait être garantie par la société Defipat, en présence d'un mandat liant la société Les Baronnies et la société Defipat, en vue de la vente du bien de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre, en cas d'agissements fautifs et préjudiciables aux appelants, pour réparer le dommage qu'elle lui aurait ainsi causé.

Les consorts [T] ont fait signifier la déclaration d'appel et leurs conclusions à la société Defipat par actes du 16 septembre 2022 et du 8 novembre 2022 remis à personne habilitée. Néanmoins, cette intimée n'a pas constitué avocat.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 février 2025.

EXPOSE DES MOTIFS

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les demandes des parties tendant à voir « dire » ou « déclarer », dès lors qu'elles ne constituent que le simple rappel des moyens invoqués n'ont pas à faire l'objet d'une mention au dispositif, en ce qu'elles ne constituent pas des prétentions au sens des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile.

Sur la prescription de l'action

Le tribunal judiciaire de Nanterre a estimé que la date du préjudice causé par un manquement à l'obligation d'information et de conseil faute d'avoir donné les informations permettant notamment d'apprécier la valeur du bien dont l'acquisition est projetée est constitué par une perte de chance de ne pas contracter. A cet égard il a décidé que le préjudice était né à la date d'acquisition du bien immobilier ou au plus tard à la date de sa livraison, soit en l'espèce le 19 juillet 2011 ou le 1er septembre 2011, de sorte qu'en agissant le 15 novembre 2017, soit plus de 5 ans après l'achat du bien l'action était prescrite.

Les parties s'opposent sur la question de savoir si le point de départ du délai doit être fixé à la date à laquelle le bien a été acquis (juillet 2011) par les consorts [T] ou à la date de réalisation du risque à propos duquel la victime aurait dû être informée, conseillée ou mise en garde, que les appelants fixent au 7 novembre 2016, date de l'estimation de leur bien par une agence en vue de sa revente.

Sur ce,

Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En matière de responsabilité civile extracontractuelle pour manquement à l'obligation précontractuelle d'information à raison de la délivrance d'informations incomplètes et erronées, la prescription court à compter du jour où la victime a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer (Cass. 3ème civ. 15 février 2018, n°16-28.143). (Cass. Com. 8 juillet 2020, n°18- 24.441)

Il ressort de l'interprétation donnée à cette disposition par la Cour de cassation que s'agissant d'un investissement immobilier locatif avec défiscalisation, la manifestation du dommage pour l'acquéreur ne peut résulter que de faits susceptibles de lui révéler l'impossibilité d'obtenir la rentabilité prévue lors de la conclusion du contrat (3ème Civ., 26 oct. 2022, n° 21-19.898).

En l'espèce, il n'est pas contesté que M. [L], dessinateur industriel et Mme [U], costumière de spectacle, sont profanes dans le domaine des opérations de défiscalisation immobilière, de sorte que réalisant les acquisitions litigieuses sur les conseils d'une société se présentant comme conseiller en gestion de patrimoine, il ne pouvait être attendu d'eux qu'ils s'assurent de la valeur vénale et du potentiel locatif réels des biens dont l'acquisition leur était proposée en tant que solution d'investissement et, plus généralement, de la pertinence des données utilisées par le conseiller en gestion de patrimoine pour réaliser une projection de rentabilité jusqu'en 2020.

Ainsi, s'il est un fait avéré que l'estimation des biens aurait pu être réalisée à tout moment depuis l'acquisition, afin de révéler une hypothétique surévaluation initiale des biens, il n'en résulte pas pour autant que les consort [T] auraient dû, au sens de l'article 2224 du code civil, prendre connaissance plus tôt de ces faits leur permettant d'exercer leur action.

Au regard des circonstances de la cause, et compte tenu de la nature de l'opération à laquelle la société Defipat a prêté son concours, soit une opération dont l'opportunité ne s'apprécie que sur le long terme, il convient, pour fixer le point de départ de l'action en responsabilité au titre d'un manquement au devoir d'information et de conseil, de rechercher la date à laquelle les consorts [T] ont connu les faits leur permettant d'exercer leur action, soit à la date à laquelle s'est manifestée concrètement la perte de chance alléguée.

Or, l'estimation immobilière réalisée dès le 7 novembre 2016 (pièce 67 des appelants), confirmée les 25 et 26 juin 2018 par deux agences immobilières différentes (pièces 84 et 85 des appelants) se présente comme le fait le mieux à même de leur révéler, si tant est qu'ils soient établis, les préjudices inhérents à ces opérations d'investissement.

Par conséquent, et compte tenu du point de départ de la prescription ainsi retenu, il apparaît qu'à la date de l'acte introductif d'instance du 15 novembre 2017, la prescription quinquennale venant régir l'action ainsi diligentée n'était pas acquise.

Les premiers juges ayant retenu, à tort, comme point de départ de la prescription, la date d'acquisition du bien immobilier, soit une date à laquelle les consorts [T] ne connaissaient pas et n'avaient pas à connaître les faits leur permettant d'exercer leur action en justice, le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré leur action irrecevable car prescrite.

Sur les demandes nouvelles

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 565 du même code précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Aux termes de l'article 566 les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'espèce, les appelants demandent à la cour de réparer leurs préjudices et de « déclarer les manquements des sociétés Defipat et de la société Les Nouveaux Constructeurs à leur obligation d'information, à leur devoir de conseil et de mise en garde en ce qu'ils les ont privés de la chance d'éviter le risque certain ou quasi certain qui s'est réalisé », ce que la société Les Nouveaux constructeurs estime être une demande nouvelle en appel.

D'une part, la cour rappelle qu'elle ne statue que sur les prétentions des parties et non sur les demandes tendant à voir « déclarer », dès lors qu'elles ne constituent que le simple rappel des moyens à l'appui de leur prétentions et d'autre part que les moyens de fait et de droit à l'appui des demandes peuvent évoluer en appel sans encourir la qualification des « demandes nouvelles » et la sanction qui s'y attache.

Il y a lieu en l'espèce de rejeter la fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau de la demande des consorts [T] dès lors que les prétentions soumises aux premiers juges, (retenir la responsabilité des sociétés Defipat et Les Nouveaux Constructeurs dans la survenue de leurs préjudices allégués et réparer leurs dommages résultant du manque d'information) n'est pas nouvelle, même si elle s'appuie sur de nouveaux moyens, notamment le défaut de mise en garde des intimées concernant leur investissement.

Sur les responsabilités

La société Defipat a été chargée de commercialiser les biens vendus par la société Les Nouveaux Constructeurs, venant aux droits de la société Les Baronnies et bien qu'elle ait servi d'intermédiaire dans la vente aucun rapport de nature contractuelle n'est démontré ni invoqué entre les consorts [T] et la société Defipat, ni entre la société Les Baronnies et la société Defipat.

Toutefois, le mandataire est personnellement responsable envers les tiers des délits ou quasi-délits qu'il peut commettre, soit spontanément, soit même sur les instructions du mandant, dans l'accomplissement de sa mission (1ère Civ., 13 oct. 1992, bull. civ. I, n° 250).

En application des articles 1382 et 1383 du code civil, dans leur rédaction en vigueur au jour des actes authentiques de vente, la responsabilité délictuelle d'une personne est engagée dès lors que celle-ci a commis une faute, par son fait ou par sa négligence ou son imprudence, causant de manière directe et certaine un dommage à autrui.

Sur la faute commise par la société Defipat

Commet une faute susceptible d'engager sa responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle, l'intermédiaire chargé de commercialiser un bien, qui se présente comme conseiller en gestion de patrimoine sans fournir à un client profane les informations et les conseils qu'en sa qualité de professionnel il a pour devoir de dispenser, compte tenu de la nature des produits qu'il propose.

L'information de l'investisseur doit être préalable et complète et elle doit porter notamment sur la valeur réelle du bien qui doit être conforme au marché ou sur l'impossibilité de la vérifier mais n'a pas à garantir un prix de revente au terme de la période de défiscalisation, lequel est soumis au marché qui peut évoluer dans un sens ou dans un autre.

En l'espèce, la société Defipat, dont il n'est pas contesté qu'elle exerce une activité de conseil en gestion de patrimoine, a proposé aux consorts [T] un produit immobilier permettant un gain fiscal dans le cadre du dispositif dit « Scellier-Carrez ».

Aux fins de convaincre les consorts [T] de l'intérêt de tels investissements, la société Defipat leur a remis, en février 2011, une « étude personnalisée d'investissement immobilier » par personne (pièce n° 44 des appelants) destinée à leur présenter les conditions d'amortissement et les avantages en termes de rentabilité des acquisitions immobilières envisagées. Ce document était complété d'un « descriptif technique sommaire » du bien vendu par la société Les Baronnies, de plans de ce dernier et d'un résumé de l'état des risques naturels et technologiques.

Or, bien qu'ils comportent la mention au demeurant inopérante pour exonérer le professionnel qui conseille le placement « document non contractuel » et portent en légende l'indication « les chiffres présentés sont la projection de données qui ne sont que des hypothèses appelées à changer dans le temps » ainsi que sur l'en-tête « Attention !!! Performance trop forte !!! Vérifier les hypothèses !!! », ces documents n'intègrent aucune mention destinée à attirer l'attention des consorts [T] sur les risques spécifiques d'une dévaluation des biens ou sur les aléas de l'opération.

Ainsi, alors qu'elle ne pouvait ignorer que les consorts [T] n'étaient pas des investisseurs avertis, la société Defipat s'est abstenue de les alerter sur les éléments défavorables d'un tel investissement, lequel, notamment, est exposé à l'évolution des prix du marché de l'immobilier.

En outre, les études personnalisées remises mentionnent « votre locataire et votre percepteur participent à 84 % de votre besoin de trésorerie », de sorte que la valorisation initiale de l'opération, est présentée comme reposant notamment sur une estimation du bien compte tenu du prix du marché, quand il apparait en réalité que celle-ci correspond plutôt au coût de l'acquisition pour l'investisseur dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement.

En conséquence, il apparaît non seulement que les consorts [T] n'ont pas été informés de la valeur vénale réelle du bien acquis, alors qu'ils avaient affaire à un conseiller en gestion de patrimoine susceptible de s'informer lui-même et de la renseigner utilement sur ce point déterminant de leur investissement, mais encore que les études personnalisées qui leur ont été remises étaient de nature à les induire en erreur en ne différenciant pas le coût d'acquisition des biens de leur valeur vénale au regard du marché actuel et de son évolution prévisible.

Enfin, il ne ressort d'aucune pièce versée aux débats que la Defipat a informé les consorts [T] que l'acquisition conseillée ne leur garantissaient pas la bonne fin de l'opération, alors que, de fait, le succès de l'opération d'investissement était économiquement subordonné à une évolution favorable du marché de l'immobilier.

Il sera précisé ici que la société Les Baronnies affirme que la société Defipat n'était pas son mandataire, et qu'elle elle a conclu elle-même le contrat préliminaire de réservation du bien et son acte notarié de vente. Cette qualité n'est pas non plus démontrée par les appelants. C'est donc bien en sa qualité de professionnel de l'immobilier et de conseiller en gestion de patrimoine, qualité non contestée par les parties qu'est retenu la faute commise.

Il est donc établi, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, que la société Defipat en sa qualité de professionnel de l'immobilier a manqué à son obligation d'information et de conseil à l'égard des consorts [T] et que, ce faisant, elle a commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité.

Sur la faute commise par la société Les Baronnies

L'article 120-1 du Code de la consommation interdit les pratiques commerciales trompeuses définies par l'article 121-1 du même code, notamment comme celles reposant « sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, (') son aptitude à l'usage, ses propriétés, et les résultats attendus de son utilisation (') » ainsi que sur « le prix ou le mode de calcul du prix ».

Ainsi, le professionnel qui propose un bien immobilier à l'achat doit informer le potentiel acquéreur, de manière claire, objective et précise sur les caractéristiques essentielles du produit proposé et, lorsqu'il prend activement part à une opération complexe de défiscalisation, les risques que comporte un tel investissement.

La société venderesse professionnelle, tenue à son obligation contractuelle d'information, doit en conséquence informer l'acquéreur de l'ensemble des caractéristiques du bien et de son environnement et compte tenu du but spécifique de défiscalisation. Il revient au conseiller en gestion de patrimoine, éventuellement mandataire du vendeur le devoir d'informer l'acheteur éventuel du potentiel locatif du bien et donc de la rentabilité légitimement attendue afin que, en possession de tous ces renseignements sur la qualité et l'opportunité de l'investissement, une décision d'acquisition puisse être prise en pleine connaissance de cause.

Pour autant, en l'espèce, si la société Les Baronnies expose n'avoir fait que vendre un immeuble, et ne pas avoir monté et vendu aux appelants une opération de défiscalisation, ce qu'a fait au contraire la société Defipat, elle précise que les actes notariés contenaient toutes les informations essentielles relatives au bien et à son acquisition, et ne contenaient « logiquement » aucune information concernant l'opération de défiscalisation conclue entre les seuls consorts [T] et la société Defipat, dans laquelle la société Les Baronnies n'a jamais été impliquée.

Ainsi, le contrat préliminaire de vente précisait les caractéristiques principales du bien, son prix et ses modalités de paiement, la condition suspensive d'obtention d'un prêt pour financer cette acquisition, le délai de livraison du bien, la prise en charge par le vendeur d'au plus quatre mois de loyers en l'absence de locataire après la livraison du bien et le rappel des dispositions du code de la construction et de l'habitation et du code de la consommation relatives à la faculté de rétractation/renonciation des acquéreurs.

Toutefois, si l'intimée ne conteste pas avoir mandaté des conseillers financiers pour des opérations de défiscalisation, elle dénie sa qualité de mandant à l'égard de la société Defipat, dans la mesure où elle a conclu elle-même le contrat préliminaire de réservation du bien et son acte notarié de vente. Les appelants ne démontrent pas, pour leur part, l'existence d'un quelconque mandat susceptible de permettre la recherche de responsabilité du mandant à l'égard de son cocontractant du fait des conséquences dommageables des fautes commises par son mandataire.

En outre, les appelants ne démontrent pas non plus que la plaquette décrivant le bien acheté a été fournie par la société Les Baronnies à la société Defipat, dans l'objectif de la charger de commercialiser le programme immobilier. Il apparaît au contraire au regard des éléments produits que la société Défipat a agi de manière indépendante à la société Les Baronnies, son représentant, M. [M] ayant un beau-frère qui « était à l'époque une très bonne connaissance des demandeurs ». (pièce7 de la société Les Nouveaux Constructeurs, correspondant aux conclusions n°2 des appelant). C'est donc par leurs relations personnelles que les consorts [T] ont été approchés par la société Defipat.

La production de la plaquette de la société Les Baronnies permet de s'assurer de la qualité d'intermédiaire dans l'opération mais ne suffit pas à caractériser un mandat qui est par ailleurs contesté, en l'absence d'autre éléments de preuve.

Dès lors, la responsabilité du promoteur, à savoir la société Les Baronnies, ne peut être engagée du fait de la faute commise par Defipat. Les consorts [T] seront déboutés de leur demande de condamnation solidaire avec la société Defipat.

Sur le préjudice invoqué par les consorts [T]

Le préjudice financier

Les consorts [T] font valoir que leur préjudice correspond à une perte de chance de ne pas contracter un investissement plus favorable, car ils ont acheté leur bien en dessous de son prix d'achat initial de 210 000 euros, au prix de 149 900 euros, dont 137 300 nets vendeur.

Ils se prévalent d'un préjudice financier comprenant la perte subie quant à la valeur du bien pour 72 700 euros et les frais versés à l'occasion de l'opération, pour un montant total de 137 702,01 euros décomposés comme suit :

- 87.535 euros représentant le coût du contrat de prêt avec l'ensemble des intérêts et frais

6.020,21 euros représentant le coût du contrat d'assurance emprunteur

- 1.263,97 euros représentant le coût du contrat d'assurance locative (la totalité des échéances versées),

- 14.289,87 euros représentant le coût du des charges de copropriété,

- 19.235,47 euros représentant le coût des frais de gestion+Administratif+Garantie totale,

- 2.135,09 euros représentant le coût des frais de location,

- 1.062,26 euros représentant le coût des travaux de rénovation,

- 6.160,14 euros représentant le coût des taxes foncières

Ils déduisent les économies d'impôts dont ils ont bénéficié pour 27 306 euros et les revenus fonciers qu'ils ont tiré de la location du bien pour 69 945 euros.

Ils demandent en conséquence la différence entre les frais exposés et les recettes rapportées par ledit bien, soit la somme totale de 113 457,01 euros.

Sur ce,

Il est de jurisprudence constante que le préjudice indemnisable doit être direct, c'est-à-dire qu'il doit découler du fait dommageable, et qu'il doit être certain et non simplement éventuel ou hypothétique, même lorsqu'il s'agit d'indemniser une perte de chance.

Ainsi, la perte de chance doit correspondre à la « disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable » (1ère Civ., 21 nov. 2006, n°05-15.674) et sa réparation doit être mesurée à la chance perdue sans pouvoir être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée (1ère Civ., 16 avril 2015, n° 13-15.858).

En l'espèce, il est certain que si Les consorts [T] avaient été mieux informés des risques que présentait l'opération d'investissement, ils n'auraient peut-être pas conclu la vente litigieuse, de sorte qu'un lien de causalité existe entre la perte de chance alléguée de ne pas contracter et le manquement de la société Defipat à son obligation d'information et de conseil.

Les consorts [T] doivent toutefois démontrer la réalité du préjudice de perte de chance en établissant que l'acquisition réalisée dans le cadre du dispositif fiscal « Scellier» a représenté une éventualité plus défavorable que celle qui aurait consisté à ne pas effectuer ces investissements.

A cette fin, les consorts [T] produisent l'estimation de valeur du bien au 7 novembre 2016 effectuée par une agence immobilière locale (120 000 à 130 000 euros) et l'acte de vente au 30 août 2021 (137 300 euros). Il n'est par ailleurs pas soutenu que le bien aurait perdu de sa valeur en raison de circonstances extérieures (quartier, dégradations ou autres). Les évaluations postérieures effectuées en 2018 par deux agences locales différentes (entre 120 000 à 130 000 euros pour Foncia, entre 140 000 et 150 000 euros pour Sporting immobilier) permettent d'établir une constance avec l'évaluation de 2016 et le prix de vente de sorte qu'elles ne sont pas suffisantes à démontrer leur complaisance ou une vente « en dessous du marché », contrairement à ce qu'affirme la société Les Nouveaux Constructeurs sans expliquer davantage son allégation.

Si ces documents permettent d'établir de manière certaine un prix de revente inférieur à leur prix d'achat, sans qu'il puisse en être déduit que la vente a été faite « en-dessous du marché », la situation présentée comme défavorable par les consorts [T] du fait de la réalisation de cet investissement doit s'apprécier dans sa globalité, étant observé le caractère indivisible de l'opération de défiscalisation.

S'agissant d'abord des frais versés à l'occasion de l'opération ci-dessus recensés, ils peuvent être retenus dans la mesure où ils font partie intégrante de l'opération dans laquelle les appelants ne se seraient pas engagés s'ils avaient eu connaissance du caractère peu rentable de l'opération litigieuse, qui s'illustre de manière suffisante dans la différence entre le coût d'achat et le coût de revente. Le lien de causalité entre la faute de la société Defipat et leur préjudice de 137 702,01 euros est établi.

En revanche, s'agissant de la perte de valeur du bien en tant que telle, il convient de retenir d'une part que la vente à un prix supérieur à son prix d'achat près de dix années auparavant ne leur avait pas été initialement garantie, car il n'était pas possible de connaître un avenir aussi éloigné, ni que la valeur du bien serait égale, plus élevée ou moins élevée dix années plus tard.

D'autre part, comme il a été vu plus haut, aucun élément produit ne démontre que la valeur du bien avait été évaluée au prix du marché en 2010-2011.

Dès lors, le lien de causalité entre la faute et le préjudice financier allégué « de perte de la valeur du bien » n'est pas démontré.

Les économies d'impôts pour 27 306 euros et les loyers encaissés pour 69 639 euros représentent une somme totale de recette de 96 945 euros, les décomptes étant fournis (pièces 116 à 119 des appelants).

Aussi le préjudice certain et totale s'élève à 137 702,01 euros - 96 945 euros = 40 757,01 euros

Cependant, si les consorts [T] font état dans leurs écritures d'une perte de chance de « faire un placement plus rentable » (p26) ils ne versent à leur dossier aucun élément en mesure de rapporter la preuve qu'un autre investissement leur aurait été plus profitable, de sorte que le préjudice tiré d'une telle perte de chance n'est pas établi.

Au vu de l'ensemble de ces éléments la preuve de la réalité du préjudice invoquée, la société Defipat sera condamnée à verser aux consorts [T] la somme de 40 757,01 euros au titre de leur préjudice financier et de leur perte de chance de ne pas contracter.

Le préjudice moral

Il n'est pas contestable que les contraintes générées par la mauvaise exécution d'une obligation peuvent générer pour celui qui en est victime, de d'anxiété et des tracas importants sources d'un préjudice moral. Sans qu'il soit nécessaire en l'espèce de justifier d'une démarche amiable au regard de la défaillance de la société Defipat et au regard de la prescription soutenue par la société Les Nouveaux Constructeurs, ce préjudice sera justement évalué à la somme de 3 000 euros pour les consorts [T], à payer par la société Defipat.

Sur les autres demandes

Il résulte des article 696 et 700 du code de procédure civile, que la partie perdante est condamnée, sauf décision contraire, aux dépens et aux frais exposés en vue du litige et non compris dans les dépens. Le montant de l'indemnité fixée au titre de l'article 700 précité est apprécié selon l'équité et la situation économique des parties

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont infirmées.

La société Defipat succombant est condamnée aux dépens ainsi qu'à verser aux consorts [T] la somme de 5 000 euros et à la société Les nouveaux Constructeurs la somme de 5 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles engagés.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par décision réputé contradictoire, mise à disposition,

Infirme le jugement dans toutes ses dispositions soumises à la cour,

Et statuant à nouveau des chefs infirmés,

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en responsabilité de M. [W] [L] et Mme [V] [U] à l'encontre des sociétés Defipat et Les Nouveaux Constructeurs Investissement venant aux droits de la société Les Baronnies,

Rejette la fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau des demandes de réparation formulées en cause d'appel par M. [W] [L] et Mme [V] [U],

Condamne la société Defipat à verser à M. [W] [L] et Mme [V] [U] ensemble les sommes suivantes :

- 40 757,01 euro au titre de leur préjudice financier

- 3 000 euros au titre de leur préjudice moral,

Déboute M. [W] [L] et Mme [V] [U] de leurs demandes à l'encontre de Les Nouveaux Constructeurs Investissement venant aux droits de la société Les Baronnies,

Y ajoutant,

Condamne la société Defipat à verser à M. [W] [L] et Mme [V] [U] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Defipat à verser à la société Les Nouveaux Constructeurs la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Defipat aux dépens de première instance et d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Charlotte GIRAULT, Conseillère pour la présidente empêchée et par Madame FOULON, Greffière , auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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