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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 10 juillet 2025, n° 22/03629

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Dumaine (Sté)

Défendeur :

DME France (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Conseillers :

Mme Soudry, Mme Ranoux-Julien

Avocats :

Me Ducret, SCP Desbos Barou, Me Kadoche

T. com. Paris, 19e ch., du 8 déc. 2021, …

8 décembre 2021

EXPOSE DU LITIGE

La société de droit slovaque Dumaine SRO (la société Dumaine) commercialise des produits de métallerie du bâtiment.

Elle a chargé M. [H], puis à compter de sa création en 2017, la société DME France (la société DME), présidée par M. [H], de son développement commercial en France.

La rémunération de M. [H] puis de la société DME s'est effectuée sous forme de commissions, dont le taux a varié de 50% à 40%, sur la marge nette dégagée sur chaque projet prospecté.

Par courriel du 17 février 2020, la société DME a informé la société Dumaine qu'elle cessait son activité.

La société DME émettait par ailleurs les factures suivantes :

- 30 septembre 2019 n° 20190930-000051 pour la somme de 7 436 euros relative au chantier « [Localité 13] » ;

- 30 septembre 2019 n° 20190930-000052 pour la somme de 8 288 euros relative à divers chantiers « CNRS Caillebottis, [Localité 8], [Localité 16] Ehpad, [7], clôture noire, [Localité 11] 1, [Localité 11] 2, Paray Vielle Poste, Brossolette, Carbon, Tubes » ;

- 12 février 2020 n° 20200212-000053 pour la somme de 2 591 euros relative au chantier « [Localité 4] » ;

- 12 février 2020 n° 20200212-000054 pour la somme de 880 euros relative au chantier « Galeries Lafayettes »

- 12 février 2020 n° 20200212-000055 pour la somme de 3 454 euros relative au chantier « Edicule » ;

- 12 février 2020 n° 20200212-000056 pour la somme de 426 euros relative au chantier « Brossolette » ;

- 12 février 2020 n° 20200212-000058 pour la somme de 757 euros relative au chantier « Maison des sports » ;

- 10 mars 2020 n° 20200310-000059 pour la somme de 2 242 euros relative au chantier « [Localité 6] » ;

- 12 mars 2020 n°20200312-000057 pour la somme de 264 euros relative au chantier « CNRS 2 » ;

- 29 juin 2020 n°20200310-000060 pour la somme de 16 684 euros relative au chantier « [Localité 10] » ;

- 29 juin 2020 n°20200310-000061 pour la somme de 2 105 euros relative au chantier « [Localité 12] » ;

Soit la somme totale de 45 127 euros.

La société Dumaine n'a payé les factures qu'à concurrence de la somme de 5 000 euros, malgré courriel de mise en demeure de la société DME du 21 octobre 2020.

Par acte du 26 janvier 2021, la société DME a assigné la société Dumaine devant le tribunal de commerce de Paris en paiement des factures.

Par jugement du 6 décembre 2021, le tribunal de commerce de Paris a :

Condamné la société Dumaine à payer à la société DME la somme de 32 788 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 2020 ;

Condamné la société Dumaine à payer à la société DME la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

Condamné la société Dumaine aux dépens de l'instance.

Par déclaration du 11 février 2022, la société Dumaine a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :

Condamné la société Dumaine à payer à la société DME la somme de 32 788 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 2020 ;

Condamné la société Dumaine à payer à la société DME la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

Condamné la société Dumaine aux dépens.

Par une ordonnance en date du 29 juin 2022, le premier président de la cour d'appel a autorisé la consignation par la société Dumaine de la somme de 32 788 euros à la caisse des dépôts et consignation.

Par ses dernières conclusions notifiées le 27 juillet 2022, la société Dumaine demande, au visa de l'article L442-1 II du code de commerce et de l'article 1231-1 du code civil, de :

Infirmer la décision du tribunal de commerce de Paris du 8 décembre en ce qu'elle a :

- Condamné la société Dumaine à payer à la société DME la somme de 32 788 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 2020 ;

- Condamné la société Dumaine à payer à la société DME la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

- Condamné la société Dumaine aux dépens de l'instance ;

Statuant à nouveau :

Débouter la société DME de l'intégralité de ses demandes ;

Condamner la société DME à payer à la société Dumaine la somme de 2 095 euros ;

Condamner la société DME au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société DME France aux entiers dépens avec bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Ortolland avocat sur son affirmation de droit.

Par ses dernières conclusions notifiées le 30 juin 2022, la société DME France demande, au visa des articles 1103 et suivants du code civil, de l'article 1240 du code civil, de l'article 442-6-1 ancien du code de commerce, de l'article 442 II du code de commerce, de :

Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Dumaine à payer à la société DME la somme de 32 788 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 2020 ;

Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Dumaine à payer à la société DME la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Au surplus :

Infirmer le jugement en ce qu'il a déduit les sommes de 6 482 euros et 2 349 euros soit 8 831 euros des factures dues ;

Statuant à nouveau :

Condamner la société Dumaine à régler à la société DME la somme de 8 831 euros, outre les intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 21 octobre 2020 ;

Condamner la société Dumaine à régler à la société DME la somme de 3 000 euros au titre de la résistance abusive prévue par l'article 1240 du code civil ;

Condamner la société Dumaine à régler à la société DME la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société Dumaine aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 20 février 2025.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la rupture brutale de la relation commerciale établie

La société Dumaine soutient que :

- Le 17 février 2020, la société DME a rompu une relation commerciale établie depuis mars 2016, et il lui incombait d'effectuer un préavis de trois mois, qu'elle n'a pas accompli.

- La rupture des relations est exclusivement fondée sur des motifs personnels du dirigeant de la société DME et n'a pas pour cause des retards dans le versement de sa rémunération. Il avait été convenu entre les parties d'un décalage dans le temps du versement de la rémunération de la société DME, pour permettre à M. [H] de continuer à percevoir des indemnités chômage.

- Aucun suivi des dossiers n'a été réalisé après le 17 février 2020, nonobstant les quelques courriels échangés après cette date.

- Elle a subi un préjudice consistant en une perte notable de chiffre d'affaires constatée entre 2019 et 2020, et entre 2020 et 2021. Le calcul de son préjudice ne peut se faire que sur la perte de marge nette mensuelle durant trois mois de préavis non exécutés, somme qui doit être déduite des factures de la société DME.

- La période de crise sanitaire n'a pas eu d'impact car elle n'empêchait pas la recherche de prospects ni le suivi des chantiers qui ont progressivement repris.

La société DME réplique que :

- La relation commerciale a commencé en mars 2017.

- Aucun préavis n'a été convenu et ne lui a été notifié ; ce n'est qu'à compter du 20 juillet 2020, après relance de paiement des factures, que la société Dumaine lui a fait part de son souhait qu'elle effectue un préavis de trois mois.

- Elle a continué à honorer ses missions durant une période de trois mois (jusqu'au milieu du mois de mai 2020) bien qu'elle ne soit plus payée de ses factures depuis l'année précédente. Cette période s'inscrit dans un contexte inédit de crise sanitaire où l'activité des chantiers était interrompue et la recherche de prospects très réduite du fait du confinement.

- Les documents produits par la société Dumaine ne sont pas compréhensibles et ne rapportent pas la preuve d'une perte de marge.

L'article L.442-6, I, 5° du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

L'annonce écrite de la rupture de la relation commerciale doit préciser la date d'expiration du préavis, sans ambigüité. Le partenaire doit être expressément informé de la date de la cessation de la relation commerciale afin de pouvoir réorganiser son activité.

Seuls les préjudices causés par la rupture brutale et non ceux résultant de la rupture elle-même sont indemnisés. Il s'agit principalement du gain manqué correspondant à la marge que la victime de la rupture pouvait escompter tirer de ses relations commerciales avec le responsable pendant la durée du préavis qui aurait dû être respecté.

Sur l'existence de relations commerciales établies

Les parties ne contestent pas l'existence de relations commerciales établies.

Il est constant que la société DME a été créée par M. [H] en février 2017. Celui-ci avait précédemment engagé, à titre personnel, une activité de développement commercial de la société Dumaine. Sa page Linkedin confirme que la relation commerciale a été initiée en février 2016.

Les missions de la société DME

Aucune convention écrite ne lie les parties. Il résulte de l'examen des factures émises par la société DME qu'elle était chargée, outre de la recherche de prospects et de l'établissement des devis, du « suivi du chantier », ce qui impliquait des « déplacements ».

Sur la rupture des relations commerciales établies

Par courriel du 17 février 2020, la société DME a informé la société Dumaine de l'interruption des relations commerciales en ces termes :

« Bon, c'est plus facile à détailler dans un mail que par téléphone, mais je pense que je vais arrêter DME dans les semaines/mois à venir.

Plusieurs raisons, d'abord et principalement personnelles :

- Besoin de repartir sur autre chose, de me changer d'univers après une année 2019 de merde et 2020 qui ne commence pas au mieux

- Besoin de retrouver une vie plus sociale, dans une entreprise plus classique donc plutôt qu'en mode indépendant

- Besoin de plus de stabilité financière aussi

Et quelques raisons professionnelles, secondaires, mais qui influencent quand même ma décision :

- Un peu de lassitude

- Pas mal de problèmes avec les fournisseurs sur la dernière année (pas uniquement de leur faute c'est certain). Et j'avoue qu'avec les petits problèmes qu'on a eu, je me demande comment on s'en sortirait si on avait un vrai gros problème

- Une rémunération trop faible malheureusement, le 40/60 devait convenir si on avait augmenté l'activité, mais 2019 a été plutôt vache maigre. Je tape dans mon épargne et je ne peux pas faire ça dans la durée. Avec le 50/50 ça aurait été moins pire mais pas très différent non plus.

En termes de timing, j'ai cette interrogation depuis plusieurs semaines, et j'ai postulé à 4 postes le week-end dernier histoire de sentir un peu le marché. J'ai eu 3 retours intéressants la semaine dernière. Que ce soit avec eux ou avec d'autres, je pense que je devrais avoir une prise de poste en avril, ce qui laisse peu de temps pour faire la transition.

Je me demandais si je devais te prévenir avant tes vacances ou après mais je pense que le plus tôt sera le mieux.

On en reparle par téléphone, pour toi j'imagine que ce sera plus compliqué sans relais direct à [Localité 14] et en même temps, sur les projets futurs ce sera une meilleure rentabilité, ce qui peut être la meilleure solution pour toi au final ».

Les relations commerciales se sont poursuivies de février 2016 jusqu'au 17 février 2020 soit quatre années. Si M. [H] évoque dans son courriel le souhait d'exercer une activité plus rémunératrice, il ne motive pas la rupture par l'absence ou le retard de paiement de ses commissions, ni ne justifie avoir précédemment mis en demeure la société Dumaine de lui payer les sommes dues. La rupture n'apparaît donc pas imputable à la société Dumaine.

Sur la durée du préavis

Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné.

Les principaux critères à prendre en compte sont l'ancienneté des relations, le volume d'affaires et la progression du chiffre d'affaires, les investissements spécifiques effectués, les relations d'exclusivité, la spécificité des produits et la dépendance économique.

Le courriel de la société Dumaine du 17 février 2020, dans lequel elle réagit au départ de M. [H] en ces termes « ce n'est gère une bonne nouvelle, je le voyais un peu venir. Le problème c'est que c'est en mars ou avril que les projets avancent. Je vais réfléchir à un plan de bataille (') » ne caractérise pas son renoncement à l'exécution du préavis.

Au regard de l'ancienneté des relations et du flux d'affaires entre les parties, un préavis de trois mois était nécessaire à la réorganisation de la société Dumaine qui commercialise des produits de métallerie du bâtiment. Le terme du délai de préavis était donc le 17 mai 2020, sans qu'il n'incombe à la société Dumaine de notifier cette date à la société DME.

Sur l'exécution par la société DME du préavis

Il est constant qu'un confinement lié à la pandémie de Covid-19 est intervenu entre le 17 mars et le 11 mai 2020. Dans plusieurs courriels, la société DME (M. [H]) reconnait l'interruption d'une partie de son activité avant l'expiration du préavis, tout en faisant état des circonstances particulières existantes à cette période.

Dans un courriel du 4 mars 2020, M. [H] écrit : « (') Sur le départ en 15 jours, oui c'est rapide, après c'est malheureusement aussi la vie du business, pour avoir travaillé avec des commerciaux depuis 10 ans, un commercial qui a décidé de partir ne sert plus à rien (') ». Dans son courriel du 15 avril 2020, M. [H] ajoute : « Je suis d'accord je suis parti vite, mais compte tenu de la situation actuelle, si j'avais été arrêté un mois, cela aurait changé quoi ' Les projets qui étaient déjà validés ont été suspendus, c'est illusoire de penser qu'on aurait pu en signer d'autres ». Dans son courriel du 20 juillet 2020, la société DME écrit encore : « (') pour ce qui est du préavis de trois mois, c'est hors sujet (') si j'avais travaillé jusqu'à mi-mai en respectant un potentiel délai de 3 mois, compte tenu de la situation comme tu le dis, je n'aurais pas signé grand-chose. »

Il est néanmoins établi que la société DME a continué d'accomplir des missions de suivi des chantiers jusqu'au 20 mai 2020.

Concernant le projet « [Localité 5] 2 », M. [H] s'est rendu sur le site le 18 mai 2020 à la demande de la société Dumaine pour vérifier le bien-fondé d'une demande de remise d'un client (« vas-y si tu peux parce qu'il veut 3 750 euros »). Concernant le projet « [Localité 10] », la société DME justifie avoir échangé plusieurs courriels avec le client et la société Dumaine relatifs au règlement financier du chantier (courriels des 2, 23 et 24 avril 2020 et 3 et 20 mai 2020).

Si entre les 5 et 21 mars, M. [H] est parti en vacances et a désactivé de son compte l'applicatif « Viber » qui servait de base à ses échanges avec les transporteurs, la société Dumaine n'apparaît pas s'y être opposée, puisque son dirigeant lui souhaite dans un courriel du 5 mars 2020 de « bonnes vacances ».

M. [H] a occupé dès le mois de mars 2020 un nouvel emploi en qualité de chef des ventes auprès de la société Little Worker, mais ses bulletins de paie des mois de mars, avril et mai produits aux débats démontrent que son temps de travail effectif mensuel sur la période s'est limité à 6,30 jours, ce qui lui permettait de poursuivre concomitamment ses activités pour le compte de la société Dumaine.

La société DME fait valoir qu'elle n'a pas pu rechercher de nouveaux clients en raison de la fermeture de nombreuses entreprises. Elle produit en ce sens un courriel du 20 mars 2020 dans lequel l'un de ses clients lui fait part de la fermeture de son établissement.

Ces circonstances économiques exceptionnelles sont confirmées par la Fédération Française du Bâtiment (FFB) qui a documenté l'impact négatif de l'épidémie de Covid-19 sur l'activité du bâtiment à raison de la fermeture de nombreux négoces et de l'arrêt des chantiers, évalué à 93% d'après le numéro de la FFB du 4 avril 2020, avec notamment une diminution de 70% du nombre de prospects approchés du fait du confinement. Si ce magazine fait état d'une reprise d'activité à compter du mois d'avril 2020, celle-ci n'a été que progressive et « plus complexe pour les régions du Nord-Est, qui ont le plus souffert de la pandémie (Île-de-France 21 % (') ».

Il en résulte que l'activité de la société DME pendant la période de préavis a été entravée par le contexte sanitaire, qui ne lui permettait pas de déployer une activité normale, notamment s'agissant de la prospection. Il ne peut dès lors être reproché à la société DME une inexécution du préavis.

C'est donc à juste titre que le tribunal a rejeté la demande d'indemnité de la société Dumaine pour inexécution du préavis de trois mois. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le paiement des factures et la responsabilité contractuelle de la société DME

La société DME soutient que :

- La société Dumaine ne conteste pas la dette ni dans son existence ni dans son quantum mais elle use de prétextes pour procéder à des retenues sur ses commissions.

- Elle a continué à suivre les projets jusqu'à la fin du mois de mai 2020 et a accompli les démarches nécessaires auprès des clients.

- S'agissant du projet [O], elle a effectivement commis une erreur sur le devis transmis au client en décembre 2019, mais ce n'est pas celui qui a été accepté par le client. Le devis erroné, qui n'était valable qu'un mois, a été remplacé par un autre établi par M. [G] lui-même. La marge perdue résultant de cette erreur n'est pas démontrée. En tout état de cause, la retenue sur la marge nette du chantier ne devrait être que de 40% et le préjudice limité à une perte de chance de réaliser un gain.

La société Dumaine réplique que :

- La société DME n'a pas rempli ses obligations ce qui justifie une retenue sur rémunération :

* sur le projet [Localité 9] : une retenue de 15% (2 503 euros) de la commission s'applique car les démarches pour recouvrer les factures dues par le client n'ont pas été faites.

* sur les projets [Localité 12] et Bard2 : une retenue de 50% de la commission est justifiée (2 349 euros) car la société DME n'a pas assuré le suivi de la prestation et ses erreurs ont entraîné une perte de confiance du client.

* sur le projet [O] : une retenue à hauteur de 12 964 euros s'applique car la société DME a commis une erreur de métrage provoquant une perte financière et elle n'a pas suivi le projet.

***

La société Dumaine conteste le paiement d'une partie des factures sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil.

L'article 1231-1 du code civil dispose :

'Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeur ».

Une indemnité est allouée en présence de la caractérisation d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité les unissant.

- Concernant le chantier [Localité 10]

La société Dumaine ne démontre par aucune pièce avoir assumer des frais. Elle indique avoir été réglée de ses factures en intégralité.

A défaut de rapporter la preuve de son préjudice, la demande de la société Dumaine ne pourra qu'être rejetée.

- Concernant le chantier [Localité 12] et Bards 2

La société Dumaine n'étaye par aucune pièce avoir perdu deux commandes à hauteur de 70 000 euros. Elle justifie de frais de voyage effectués par M. [G] les 26 et 28 août 2020 (avion 257,50 euros et hôtel 60,90 euros), mais ne démontre pas qu'ils se rapportent à une carence de la société DME quant au suivi des chantiers.

A défaut de rapporter la preuve de son préjudice, la société Dumaine verra sa demande également rejetée.

- Concernant le dossier [O]

La société DME a reconnu avoir fait erreur de chiffrage sur un devis transmis au client en décembre 2019. Ce devis mentionne un prix unitaire par clôture de 143 euros (201 x 143 = 28 743 euros) alors qu'il s'agissait du prix par mètre linéaire (ml). Selon la société Dumaine, le prix de vente a été de 78,5 euros/ml au lieu de de 110 euros/ml, entrainant une perte sèche de 31,5 euros/ml, soit une marge perdue totale de 31,5 x 201 = 6.331,5 euros.

Toutefois, si la société Dumaine produit aux débats le devis erroné, celui-ci n'est pas signé par le client. Il n'est pas établi que le devis validé par le client le 2 mars 2020 soit celui établi par la société DME. Le lien de causalité entre la perte de marge brute sur le chantier et l'erreur de M. [H] n'est donc pas démontré.

Les frais de voyage effectués par M. [G] à propos de ce chantier ont été exposés au cours d'une période non concernée par le préavis.

La demande d'indemnité de la société Dumaine pour ce chantier sera donc également rejetée.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, les retenues effectuées par la société Dumaine sur les factures de la société DME ne sont pas justifiées et le jugement sera infirmé de ce chef.

Selon la société DME, le montant de ses commissions restant dues s'élève à 41 069 euros.

Elle réclame le paiement de ses factures émises entre le 30 septembre 2019 et le 29 juin 2020, d'un montant total de 45 127 euros. Elle affirme que la société Dumaine lui a versé en janvier et février 2020 la somme de 5 000 euros. Le solde restant dû s'élève donc à la somme de 40 127 euros, et non à celle de 41 069 euros.

Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 2020, date de la mise en demeure.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Dumaine à payer à la société DME la somme de 32 788 euros outre intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 2020.

La société Dumaine sera condamnée à payer à la société DME la somme de 40 127 euros outre intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 2020.

Sur la demande de la société DME de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive

La société DME soutient que la société Dumaine fait preuve d'une résistance abusive en ne payant pas ses factures qui remontent à l'année 2019, en interjetant appel et en saisissant le premier président pour ne pas exécuter les causes du jugement.

L'article 1240 du code civil dispose que tout fait ayant causé un dommage à autrui oblige celui par lequel le dommage est arrivé à le réparer.

Toutefois, le fait pour une partie de contester la solution du litige est insuffisant pour caractériser une procédure abusive. La société DME ne verse aux débats aucune pièce justifiant du préjudice qu'elle allègue. La simple résistance à une action de justice ne constitue pas un abus de droit. En l'absence de caractérisation d'un abus de la part de la société Dumaine, il convient de débouter la société DME de sa demande et la décision du tribunal de commerce sera confirmée de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Dumaine aux dépens et à payer à la société DME la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande de la société Dumaine au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

L'équité commande que la société Dumaine soit condamnée à payer à la société DME la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

La société Dumaine, qui succombe supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Paris du 8 décembre 2021 sauf en ce qu'il a :

- Condamné la société Dumaine SRO à payer à la société DME France la somme de 32 788 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 2020 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Dumaine SRO à payer à la société DME France la somme de 40 127 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 2020 ;

Condamne la société Dumaine SRO à payer à la société DME France la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Dumaine SRO à supporter les dépens d'appel.

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